La Couronne de Cuivre

Décidément, les choses allaient de mal en pis : le prisonnier allait se rallier à l'adversaire qu'il n'arrivait déjà pas à gérer seul et ce dernier se précipitait en plus vers sa protégée désormais complètement vulnérable. Dans son état de fureur, il ne fallait pas compter sur un geste de clémence envers son ancienne amie aussi le demi-elfe se précipita-t-il à sa suite pour l'attaquer et tenter de reporter l'attention vers lui. Que les gardes se débrouillent du prisonnier, il n'était pas en position de les aider.

Le loup-garou bondissait sur la pente rocheuse, filant droit sur Mylène. Kasumi entendit qu'elle lui parlait, d'un ton aussi calme que possible, sans paraître avoir conscience du danger et de sa vulnérabilité. Et lui-même avait beau foncer aussi vite qu'il le pouvait, la créature était plus rapide que lui... Et puis, juste au moment d'atteindre sa cible, le loup-garou bifurqua légèrement sur la droite, frôlant simplement l'apprentie-rôdeuse, assez rudement cependant pour qu'elle perde l'équilibre et se retrouve à terre. Il poursuivit ensuite sa course, en direction des taillis tout proches. Une flèche en jaillit, l'atteignant à l'épaule, le contraignant à changer de direction pour s'éloigner du danger. Il claudiquait très légèrement -la flèche devait être renforcée par des moyens magiques. Une autre flèche, presque aussitôt, le toucha sans paraître le blesser. Puis la bête disparut à couvert.
" Il faut le poursuivre, vite !"
" Non !", s'écria Mylène.

Pour le coup – et bien qu’il ne soit pas uniquement question de ménager son apprentie – Kasumi fut d’accord avec Mylène. Poursuivre Yvan dans ces conditions était une folie encore plus grande que de s’être lancé à ses trousses avec ce niveau coupable d’impréparation. Il s’adressa d’une voix péremptoire à celui qui venait de s’exprimer :

- Arrêtez ! Vous n’allez réussir qu’à vous faire tuer si vous le pourchassez. Vous n’êtes pas équipés pour l’affronter et nous avons des blessés à sauver.

Et peut-être encore un prisonnier… Kasumi tenta d’évaluer la situation : avait-il réussi à s’échapper ? Combien y avait-il de blessés ? Lui-même ne se lancerai pas à la poursuite d’Yvan dans ces conditions : tenter de dissuader les gardes de courir au suicide puis aller au chevet des blessés pour tenter de les stabiliser était le mieux qu’il pouvait faire.[/color]

La situation n'était pas brillante, mais rien n'était hors de portée. Les deux gardes présents dans la grotte avaient été plutôt secoués. L'un d'eux était assez sérieusement blessé, et l'autre essayait de son mieux de poursuivre le prisonnier, mais, encore sonné par le combat, il se laissait distancer.
Heureusement, les choses s'étaient enchaînées très vite et le prisonnier n'avait que deux ou trois secondes d'avance sur eux. Et par chance, il ne s'était pas enfui dans la même direction que le loup-garou.
Tom et Joris hésitèrent un bref instant sur ce qu'il convenait de faire, mais ils aperçurent à ce moment le prisonnier sur le point de rejoindre le couvert des arbres, quelque part sur la droite de Kasumi. Cette vision emporta leur décision : le combat était plus équilibré de ce côté-ci. Joris poussa un juron et se rua dans sa direction, tandis que Tom bandait son arc, concentré.

Le prisonnier n’était pas vraiment l’affaire préoccupant le plus Kasumi : il n’était qu’un second couteau qui n’avait certainement que peu d’informations à leur livrer. Livré à lui-même, il avait toutes les chances de ne pas passer la nuit dans cette forêt mais ce n’était pas une raison de le laisser fuir. C’était un Malarite, et par là-même, un danger pour toutes les créatures paisibles. Il comprenait donc le geste de Tom même s’il n’aurait pas lui-même employé une telle méthode peu honorable.

Non, ses principales préoccupations étaient de veiller à rétablir le soldat blessé et à ce que tous les autres – surtout Mylène - puissent passer la nuit dans un abri relatif. Il cria donc à Joris et aux autres de ne pas trop s’éloigner : le loup-garou ou d’autres choses pouvaient être à l’affût et personne ne devait rester seul à l’approche de la nuit. Il escomptait que son apprentie l’aurait bien compris et ne ferait pas la bêtise de tenter de suivre Yvan.

Tom n'avait eu le temps de tirer qu'une flèche avant que l'homme disparaisse dans les fourrés, et celle-ci s'était perdue dans les feuillages. Il se joignit donc à Joris pour poursuivre leur prisonnier. Aucun des deux n'avait répondu au conseil de Kasumi, et ils semblaient bien décidé à rejoindre leur adversaire. Ils dépassèrent le plus valide des deux gardes, Lionel, qui, malgré sa fatigue et ses légères blessures, n'abandonnait pas la poursuite.
Mylène, quant à elle, était un peu sonnée. Elle s'était relevée et contemplait, les bras ballants, la direction où avait disparu le loup-garou. Elle ne semblait pas vouloir chercher à le suivre. Ou elle était trop déstabilisée pour y songer.
Le blessé, grièvement mordu à la cuisse, était conscient, mais pâle. Adossé à la roche, il serrait les dents pour réprimer des plaintes de douleur, en observant ses trois compagnons s'éloigner.

Avant tout pour occuper la jeune femme et pouvoir la tenir à l’œil, Kasumi interpella Mylène :

- Mylène, je vais avoir besoin de votre aide pour les bandages. Pouvez-vous me rapporter le sac qui est dans la grotte ?

Il espérait que son ton pressant suffirait à la faire sortir de son état de léthargie mais ne se paya pas le luxe de l’attendre pour se pencher au-dessus du blessé. Avant même de pouvoir parfaitement évaluer l’état de sa blessure, il lui dispensa aussitôt un premier sort de soin. Ensuite, si cela suffisait à tarir l’hémorragie, il lui retirerait ses chausses pour pouvoir nettoyer et bander la blessure.

Le sort de soin fut suffisamment efficace pour stopper l'hémorragie.
Mylène avait obéi machinalement, un peu trop lentement, l'esprit ailleurs. Elle revint vers lui alors qu'il avait terminé d'ôter les chausses du blessé. Celui-ci avait repris des couleurs et, frustré d'être à l'écart de l'action, cherchait à voir ce qui se passait dans la direction où avaient disparu les trois autres gardes. Il n'y avait rien à voir, bien sûr, c'était trop tôt.
" C'est grave ?" questionna Mylène, un peu pâle.
La blessure, pourtant, déjà un peu refermée par le sort de soin, n'était pas particulièrement impressionnante.
" Je veux dire... Cette morsure... Enfin..."
Elle se mordit les lèvres, hésitant à préciser ce qu'elle avait en tête.

Kasumi avait une petite idée quant à l’interprétation de cette hésitation et de la question latente qui en découlait. Il était de notoriété publique que les loups-garou pouvaient transmettre leur affliction par une morsure et la question lui avait traversé l’esprit concernant le soldat.

L’épisode concernant l’enfant qui avait été enlevé récemment lui avait au moins permis d’obtenir plus de précisions sur ce risque et notamment que le soldat avait des chances de s’en sortir sans séquelles. Après tout, il leur restait un peu de temps avant la prochaine pleine lune. Mais il préférait pour le moment ne pas en discuter devant son patient qui n’avait pas besoin d’une source de stress supplémentaire. Il répondit donc de manière rassurante à la jeune fille en espérant qu’elle comprendrait qu’il souhaitait remettre cette discussion à un moment où ils seraient seuls :

- Ce n’est pas si méchant que ça en a l’air. Vous vous remettrez si vous suivez les recommandations que je vais vous prescrire. Mais pour le moment il n’y a rien d’autre à faire que de nettoyer cette plaie et de la bander. Vous ne prendrez pas de tour de garde ce soir, non plus.

A condition que les autres soldats et que Joris reviennent rapidement… Dans tous les cas, il ne se voyait pas courir sur leurs traces pour les sauver de leur propre bêtise alors qu’il avait la responsabilité d’un blessé, d’un cheval et d’une apprentie préoccupée par des loyautés incompatibles.

Le blessé acquiesça.Il paraissait épuisé, malgré les soins. Le contre-coup du combat, certainement.
Mylène, quant à elle ouvrit la bouche pour insister dans son questionnement, n'ayant pas vraiment obtenu de réponse satisfaisante. Puis elle parut réaliser que ce n'était pas une bonne chose d'en parler maintenant, se mordit les lèvres, et se tut.
Puis l'attente commença. Les trois hommes auraient dû rattraper le prisonnier assez vite et revenir, mais ils n'apparaissaient toujours pas. La direction qu'ils avaient suivi était celle des collines, accidentées et difficile d'accès, et cela pouvait expliquer des difficultés à cheminer, un peu de retard. Mais le soleil disparaissait maintenant à l'horizon et il n'y avait pas signe de leur présence.

Ces hommes avaient choisi leur sort en agissant aussi stupidement : on ne se précipitait pas ainsi en terres inconnues, en se séparant de ses blessés à la poursuite d'un ennemi alors que la nuit était sur le point de tomber. Kasumi ne pouvait pas partir à leur recherche et laisser son patient et son apprentie en arrière au risque qu'ils soient à nouveau la cible du loup-garou. Non, ces hommes étaient assez grands pour n'avoir tenu compte d'aucune de ses consignes de prudence et ils devraient maintenant se débrouiller pour revenir au campement.

Le demi-elfe consentit tout de même à ranimer la flamme qui se trouvait devant la caverne pour leur montrer le chemin de retour et à demander à Première Neige de tenter de repérer leurs traces pour savoir s'ils étaient encore dans les environs.

Première Neige ne se fit pas prier. C'était son heure de maraude habituelle, à laquelle elle adorait se promener et traquer éventuellement un petit gibier. Suivre la trace des humains lui fournirait un bon prétexte pour aller à la chasse.
Elle s'éloigna et Kasumi, peu à peu, sentit qu'elle s'éloignait, à la limite de sa perception. Elle ne percevrait peut-être pas son appel en cas de nécessité. Il fallait espérer qu'il n'y ait pas de nécessité.
Le blessé s'était allongé sur les couvertures et dormait à demi. Il avait brièvement évoquer son inquiétude pour ses compagnons, mais il était trop fatigué pour bavarder. Il n'y avait de toute façon rien à faire d'autre qu'à attendre. Manger un peu, dormir. Et prier peut-être.
Mylène avait aidé à ranimer le feu, et restait silencieuse, perdue dans ses pensées. Il devinait des questions dans les yeux, qu'elle n'osait ou ne savait formuler. Elle observait la lisière des bois, du côté où avait disparu le loup-garou bien plus que du côté des humains.

Le moment était certainement venu d'avoir cette conversation que le demi-elfe remettait depuis le combat. Après tout, le blessé semblait endormi et il n'y avait plus rien d'autre à faire avant que Première Neige ne revienne lui porter des nouvelles des soldats. S'il restait deux sous de jugeote à ces derniers, ils avaient pris le temps de réinstaller un abri dans un endroit défendable pour la nuit.

- Les morsures dégénèrent rarement quand elles sont traitées à temps. Dans le pire des cas, Aïdan m'a précisé que cela ne survenait qu'à la pleine lune et les sortilèges des prêtres plus puissants que moi peuvent l'empêcher. Ce soldat aura largement le temps d'être pris en charge avant de courir le moindre risque. Mais j'ai l'impression que c'est plutôt votre ami qui vous préoccupe.

Elle acquiesça.
" Je ne sais pas si on peut encore l'appeler mon ami, soupira-t-elle. Mais.... vous avez vu, il m'a évitée. Il ne m'a pas fait de mal. Ni à vous d'ailleurs. C'est peut-être juste parce qu'il voulait fuir sans perdre de temps, mais j'avais eu l'impression qu'il m'avait reconnue. Enfin.... j'aimerais bien croire que c'est le cas.... En réalité je ne sais pas."

Kasumi comprenait la confusion que ressentait Mylène et s'était lui-même interrogé sur l'attitude du loup-garou au cours de la bataille. Il était venu pour libérer son compagnon alors que les Malarites n'étaient pas réputés sauver les leurs. A moins qu'il ne soit question de fierté ou de nécessité... De plus, il aurait très bien pu blesser Mylène sans même ralentir sa course. Le demi-elfe en était réduit aux hypothèses mais il ne voulait pas ranimer la flamme d'un espoir voué à l'échec dans l'esprit de sa jeune apprentie :

- Je ne sais pas... Il aurait aisément pu tous nous tuer, c'est vrai. Peut-être devons-nous notre salut à notre faiblesse supposée : les Malarites ne s'en prennent habituellement qu'aux cibles capables de se défendre. C'est pour ça que je ne m'explique pas les enlèvements de villageois.

" On ne sait pas grand-chose sur ces enlèvements, remarqua Mylène. C'était peut-être des personnes jugées aptes à se défendre. Enfin, une. Je crois qu'il y a eu une disparition.... Je ne sais plus. "
Elle bailla.
" Peut-être qu'il les mettait en danger, qu'il avait trouvé leur repaire... Mais bon, ça n'explique pas pourquoi il ne nous a pas tués tout à l'heure... Peut-être qu'on était trop nombreux, simplement. Je ne devrais pas imaginer d'autres explications..."

Le demi-elfe répondit d’une voix grave, toujours à voix basse pour ne pas gêner le soldat blessé :

- Il vaudrait mieux pour vous que vous ne le fassiez pas, oui. Mais je ne peux pas vous en vouloir d’y songer. Essayez de vous reposer, nous partirons demain je pense. Ce loup-garou est bien trop puissant pour que je l’affronte dans ces conditions et je ne peux pas vous demander de m’y aider ou veiller à ce qu’il ne vous arrive rien.

Lui-même avait l’intention de monter la garde et de peut-être veiller sur le retour des autres soldats.

" J'aimerais bien pouvoir aider... mais je ne sais pas à quoi.... ni comment."
Elle s'allongea.
" Mais vous avez raison, j'ai besoin de dormir. On y verra plus clair demain."
Elle se tourna, se retourna.
" Mais.... il faut que je monte la garde un peu plus tard, au fait ? Vous me réveillerez ?"

Kasumi secoua négativement la tête et répondit à la jeune femme qu'il était préférable qu'elle se repose toute la nuit. Il se ferait seconder par Première Neige à son retour et savait que Mylène ne trouverait pas facilement un sommeil réparateur : autant qu'elle se remette un peu de ses émotions plutôt que de tourner en rond avec ses seules pensées pour compagne de nuit. Lui-même n'était rien moins que sûr que la nuit lui porte conseil et l'aide à décider clairement de son prochain mouvement : les soldats pouvaient ne pas revenir ou garder leur idée de pourchasser le loup-garou. Son exploration pour rechercher une future tanière à la meute n'avait pas du tout progressé et il avait maintenant la charge d'un soldat blessé et d'une apprentie à la loyauté vacillante.

Mylène se tourna et se retourna plusieurs fois, en proie sans doute à des pensées guère réjouissantes, mais le sommeil finit par l'emporter. Le soldat blessé dormait lui aussi, selon toute apparence. Sa blessure avait été soignée mais il avait besoin de récupérer.
Au-dehors, il faisait maintenant nuit noire. Un très fin croissant de lune n'apportait que peu de lumière, et les étoiles étaient semblables à des milliers de diamants. La nuit était belle, calme, silencieuse. Même la fine brume de la forêt ne venait pas tout à fait jusqu'à lui, s'arrêtant au niveau du rideau d'arbres, juste au-dessous de la grotte.
Il finit par deviner le retour de Première Neige, comme un écho dans sa conscience. Elle trottinait paisiblement, sans inquiétude particulière. Elle vint se coucher près de lui et lui apprit que les humains avaient trouvé refuge dans une autre caverne, à une certaine distance qu'elle avait du mal à communiquer. Une distance raisonnable pour aller chasser, c'est tout ce qu'il put en tirer.

Kasumi était au moins rassuré sur le sort des autres soldats et en remercia Première Neige. Il ne pouvait plus rien pour eux avant le matin sinon espérer qu'ils ne subissent aucune nouvelle attaque. Le lendemain, il pourrait demander à sa louve de l'accompagner jusqu'à leur abri pour reprendre le contact et négocier la suite des opérations. Il avait l'intention de les convaincre de rejoindre l'orée de la forêt avec leur blessé - et le prisonnier s'ils l'avaient capturé - pour reprendre des forces et mieux se préparer avant une éventuelle nouvelle traque.

De son côté, il aviserait avec Mylène de la poursuite de leur propre mission en fonction des prochains événements. Pour l'heure, et quel que soit la suite, il devait se reposer pour renouveler ses sorts et être en état de poursuivre. Il demanda donc à Première Neige de monter la garde pendant qu'il prenait quelques heures de repos.

Chose rare dans ces bois maudits, nulle alerte n'interrompit son sommeil. Celui-ci fut cependant agité de rêves agités et contradictoires : un où il était loup et fuyait devant des hommes, un autre où il était chasseur et cherchait avec obstination un moyen de venir à bout du loup-garou, songe qui devint cauchemar lorsque tous ses compagnons se transformèrent à leur tour en monstres répugnants. Ce qui le réveilla en sursaut, une bonne heure avant l'aube.
La nuit était d'une obscurité totale, calme et silencieuse, mais son instinct lui disait que les oiseaux ne tarderaient guère à chanter, alors que le ciel pâlirait vers l'est.
Il entendait deux respirations régulières dans la grotte, et sentit que Première Neige était à demi-réveillée à l'entrée.

Se sentant reposé malgré sa nuit plutôt agitée, il alla saluer Première Neige par une marque d'affection et l'incita à se reposer à son tour : il savait que la louve aimait dormir en tout début de matinée et c'était son tour de veiller sur son sommeil. Pendant ce temps, il s'attela à ranimer leur petit feu et à commencer les préparatifs du petit-déjeuner. Puis, quand le soldat se serrait éveillé, il irait s'enquérir de l'état de sa blessure. Quant à Mylène, il la laisserait émerger à son rythme : après tout, il était plus que probable que les autres soldats reviennent ici chercher leur compagnon une fois qu'ils se seraient eux-mêmes mis en mouvement.

Le soldat ne se réveilla qu'à l'aube, avec une mine encourageante. L'état de sa blessure était plutôt bon, et le repos avait fait son œuvre :même s'il ne pouvait pas encore courir comme un lapin, il pouvait boitiller à un rythme raisonnable, pour peu qu'on lui laisse des temps de repos : la blessure était encore douloureuse. Il était affamé, ce qui était toujours bon signe, même s'ils n'avaient plus grand-chose à se mettre sous la dent: les événements les avaient empêché d'aller au bout de leur activité de chasse.
Mylène émergea un peu plus tard, le teint pâle, la mine anxieuse.
" Est-ce.... qu'on a eu des nouvelles du loup-garou?"

Kasumi avait dû composer avec le peu qu’il leur restait : notamment du thé et des infusions mais il était clair qu’il leur faudrait consacrer un peu de temps à un ravitaillement en bonne et due forme car ils ne pourraient pas se contenter de boisson et de restes de pain en partie rassis. En attendant, le demi-elfe avait choisi de se rationner car il avait moins besoin de nourriture que le soldat et plus l’habitude de s’en passer que Mylène. Il se détourna de ces considérations pour répondre à la question de cette dernière :

- Non, il ne s’est pas remontré de la nuit. Mais j’ai reçu des nouvelles des autres soldats : d’après Première Neige, ils ont trouvé refuge dans une caverne non loin d’ici. Prenez le temps d’avaler ce que nous avons puis nous irons à leur rencontre s’ils ne l’ont pas déjà fait. En chemin, nous cueillerons quelques fruits.

Mylène hocha la tête et grignota quelques miettes. Pas grand-chose, à la vérité : il était clair qu'elle manquait d'appétit, et elle prétexta que le soldat en avait plus besoin qu'elle.
Ils se remirent en route peu après, emmenant avec eux leur unique monture, sur laquelle le blessé s'autorisa à monter pour s'économiser. Première Neige, qui avait pu dormir un peu -trop peu- les guidait. La grotte où s'étaient réfugié les autres était à une heure de marche environ, mais elle s'arrêta avant de l'atteindre, signalant une odeur suspecte. Kasumi repéra à son tour des empreintes ressemblant à celles d'un loup, en plus grandes. Sa louve lui confirma qu'il s'agissait de leur adversaire.

Kasumi aurait préféré être seul en cas de nouvel affrontement qui semblait maintenant très probable mais il savait que le soldat et Mylène seraient trop vulnérables s'il se séparait d'eux. Du reste, il y avait fort à craindre que le loup-garou ait remonté la piste des autres soldats - surtout si ces derniers étaient parvenus à retrouver leur prisonnier - et que le combat ait lieu avant qu'il puisse intervenir. Le demi-elfe signala sa découverte à ses deux compagnons et il ne fut pas vraiment nécessaire de leur demander de presser le pas pour qu'ils le fassent. Pour le meilleur ou pour le pire, ils n'en avaient pas fini avec Yvan ou ce qu'il était devenu.

La piste du loup se dirigeait bel et bien vers le même endroit qu'eux, comme Kasumi le craignait. La créature avait certainement remonté la piste des soldats. Et à trois contre un, sans armes magiques, ils n'étaient pas vraiment de taille.
Le blessé, sur sa monture, avait pressé le pas et menaçait de les distancer, inquiet du devenir de leurs compagnons. Heureusement, le sentier n'était guère carrossable et le cheval de bât ne pouvait pas aller très vite. La piste montait vers les sommets des collines, et ils sortirent peu à peu du couvert des arbres pour arriver à une zone de rocaille. Les grottes ici ne manquaient pas, mais Première Neige, grâce à son flair, savait exactement où aller. Suivant leur guide à quatre pattes, ils parvinrent finalement à proximité d'une paroi rocheuse pareille à toutes les autres, où rien ne laissait suspecter la présence d'une grotte.
" Et bé vous en avez mis du temps !"
La voix, goguenarde, venait de la roche.... et Kasumi finit par distinguer une faille à hauteur d'homme, si étroite qu'on pouvait ne pas la voir. Le visage de Joris s'y encadrait. Leurs compagnons avaient dû avoir toutes les peines du monde à s'y faufiler. Mais ce petit inconvénient en faisait un endroit relativement aisé à défendre. Et, à en juger par les traces de griffes sur la paroi au-dessous, ça avait été nécessaire.

Kasumi était soulagé de trouver le villageois et guide en vie et suffisamment en forme pour plaisanter. Toutefois, il ne chercha pas à montrer son soulagement et sa bonne humeur. C'est donc d'un ton quelque peu sarcastique qu'il répondit à Joris :

- Ceux qui tiennent à rester en vie en ces bois ne quittent pas leur abri à l'approche de la nuit. J'avais pensé que vous l'auriez compris. Vous avez eu de la chance de trouver cette fissure. Est-ce que le loup-garou a blessé les autres ? Avez-vous capturé le prisonnier ?

" Oui, rétorqua Joris d'un ton un peu sec, vexé probablement par le ton du demi-elfe. Et heureusement sans quoi nous avions deux ennemis au lieu d'un à affronter."
Il se glissa hors de la grotte pour s'avancer à la rencontre de Kasumi.
" Et nous avons eu un blessé, effectivement, mais ça n'a rien à voir avec l'attaque du loup-garou. Tom a glissé dans une crevasse tout près d'ici, hier soir, pendant que nous revenions vers le campement. Sa cheville était en trop mauvais état pour qu'on continue, avec la nuit qui approchait il valait mieux trouver un abri. Ça ne manque pas par ici..."
Son ton était calme, posé, mais d'un calme froid, un brin agacé.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Peyregorde