La Couronne de Cuivre

Cela lui prit un certain temps, mais il finit par dénicher le clerc dans la cour, parmi un groupe de colons. Apparemment, il leur racontait la manière dont s'était passé l'exploration et le nettoyage du fort, le petit affrontement qui avait opposé son escouade à une poignée de goules et à un duo de blêmes, lesquels n'avaient pas résisté bien longtemps. Il semblait présenter la chose non pour s'en vanter ou en tirer quelque gloire, mais plutôt comme un signe encourageant, une étape symbolique : n'était-ce pas le début de la reconquête de Cléirétoile, après tout ?
Lorsqu'il avisa Hubert, il s'excusa auprès de ses interlocuteurs et le rejoignit.
-Vous me cherchiez ?

" Oui." dit Hubert avec un sourire.
Il fit ensuite quelques pas à l'écart.
" Je vous ai vu à cheval, vous êtes un combattant redoutable, Gabriel. Et vous avez l'art de garder le moral... et de transmettre votre optimisme, même dans les situations les plus périlleuses."
Il se tourna pour lui faire face.
" N'avez-vous jamais envisagé de vous associer un peu plus formellement avec le contingent militaire ? Je ne sais pas exactement quelles sont vos prérogatives au sein de la communauté, mais je pourrais avoir l'usage de vos compétences."

Gabriel sourit.
-Mes prérogatives ? Je n'en ai absolument aucune : je suis un simple colon, sans rôle défini ni nette fonction. Alors j'essaie de me rendre utile là où je le peux.
Il croisa les bras et sa mine se fit légèrement espiègle.
-Qu'avez-vous en tête ? Si je suis en mesure de vous aider, je le ferai volontiers. Mais j'avoue me méfier un peu, car la dernière fois que vous m'avez confié une mission annoncée comme périlleuses, c'était de la publicité mensongère. Je vous en veux toujours, d'ailleurs.

Hubert sourit.
" Malheureusement, la mission que je voulais vous proposer l'est encore moins, du moins dans l'immédiat. Je me cherche une sorte d'assistant... de messager... d'aide de camp. Je dois sans cesse rassembler des gens, aller chercher des informations, en contrôler d'autres... Je sais que toute cette course me garde en forme, et il n'est pas plus mal que j'aie des contacts avec un maximum de gens, mais j'y passe un temps trop important. Je ne vous demanderais pas de jouer les écuyers, de vous occuper de mon cheval ou de mes affaires, bien sûr, mais par contre, je vous demanderais d'assister aux réunions d'état-major et probablement, en fonction des situations, je vous confierais l'un ou l'autre problème à résoudre."
Il eut une légère grimace.
" Je me rends bien compte que ce programme doit manquer de panache pour un homme de votre tempérament, mais je ne crois pas que les jours à venir vont se résumer à jouer aux cartes en attendant la pluie."

La prime réaction que provoqua sa proposition se lut sur le visage de Gabriel : il arbora une mine de six pieds de long. Mais il ne tarda pas à se reprendre, à afficher une expression plus neutre.
-Je ne doute pas un seul instant de l'utilité de cette tâche, Hubert : au contraire, je la comprends très bien. Ce que je comprends moins, par contre, c'est que vous m'ayez choisi pour l'accomplir. Ne prenez surtout pas ce que je vais dire pour de la prétention, ce n'est pas du tout le cas. Simplement... Je suis clerc, je sais à peu près manier une arme et éventuellement montrer à autrui comment on fait, j'arrive parfois à réconforter, ou à insuffler du courage... N'est-ce pas plutôt dans ces domaines-là que je suis susceptible de me montrer le plus utile ? Est-ce qu'il n'y aurait pas quelqu'un de plus indiqué pour porter des messages ou glaner des informations ?

" Bien sûr que si... Mais dans l'immédiat, cela ne veut rien dire. Vous allez vous retrouver à errer de groupe en groupe en racontant de bonnes histoires. C'est le travail d'un barde, si on y réfléchit bien. Vous ne faites pas partie des instructeurs, et si l'alerte est donnée, que vous soyez mon aide de camp ne vous dispensera pas de manier votre masse."
Il lui sourit.
" Mais j'aurais dû me douter que vous aviez davantage d'ambition. Soit, je cherche quelqu'un pour me faire gagner du temps, et je ne vais donc pas en perdre à essayer de vous convaincre, d'autant que je devine que votre humeur contrainte et forcée doit être à la mesure de votre enthousiasme. Aidez-moi, cependant. A qui pensez-vous que je devrais confier la tâche ?"

Le Lathandrite parut très embarrassé.
-Hubert, nous nous sommes mal compris. Je n'ai pas de grandes ambitions, de grandes prétentions : le rôle d'un clerc est d'aider les autres, et si vous pensez qu'être votre aide de camp est la meilleure façon pour moi de servir la Communauté, je le ferai sans traîner des pieds. C'est juste que... De la manière dont vous avez présenté les choses, ce rôle semble se limiter à transmettre vos consignes ou vos demandes par tout le fort. Du coup, cela donne l'impression que les principales qualités requises sont la rapidité et l'endurance : or, nombre des nôtres les possèdent. Après, quelque chose m'échappe sans doute... Et même si rien ne m'échappe : je ne refuserai jamais l'aide qu'on me demande.

Hubert hésita une seconde.
" Hum, dit-il finalement. Que diriez-vous de tenter la chose à l'essai ? Donnons-nous une journée, faisons le point demain matin. Je pense que la tâche pourrait s'avérer plus stimulante et créative que vous le craignez. Mais je ne voudrais surtout pas vous donner de nouveaux faux espoirs, que je décevrais à nouveau. Je suis censé être de votre côté."

Il fronça les sourcils puis, subitement, éclata de rire.
-Allons, ces histoires de publicité mensongères et de rancune, ce n'est rien d'autre que de la plaisanterie : vous ne croyiez quand même pas que je vous en voulais réellement ? Si c'est le cas, j'en suis désolé, et je suis soulagé que nous ayons dissipé ce malentendu. Pour le reste, comme vous le disiez, je n'ai rien de particulier à faire pour le moment, alors je serai bien idiot de ne pas vous rendre service. Et s'il s'avère que l'expérience est peu concluante, ma foi, nous aviserons.
Il sourit.
-Et quoi qu'il en soit, ne craignez rien, vous n'aurez pas à faire à un ronchon passant son temps en noires ruminations. Lathandre nous enseigne l'optimisme, nous engage à toujours voir la vie du bon côté. En règle générale, je n'ai pas trop de mal à le faire.

Hubert sourit, satisfait de la tournure qu'avait pris leur échange. Il s'était douté que chercher à convaincre le Lathandrite à tout prix n'était pas la bonne méthode. Finalement, un essai était la meilleure solution et même si Gabriel l'abandonnait le lendemain, il était persuadé qu'ils auraient déjà réussi à abattre pas mal de travail.
" Je l'avais constaté. Et je vous remercie de donner une chance à notre arrangement."
Son visage se fit plus grave.
" Je voudrais que vous me rassembliez tous les jeteurs de sorts, bardes et mages. Nous nous occuperons des clercs plus tard. Je vais aller échanger trois mots avec Guillermo, puis je vous retrouve. Essayez peut-être de voir avec Ignace si les plans du fort... au moins des tours... sont déjà finalisés et s'il peut nous dégager une pièce pour les réunions militaires. On peut toujours rêver."
Il s'interrompit.
" Ça vous va ?"

-Non. Les mages sont des gens trop sérieux pour être fréquentés, les bardes ne le sont pas assez pour être fiables, et j'ai toujours été allergique aux intendants.
Son sourire, évidemment, n'avait pas disparu.
-Hubert, mon rôle est désormais d'exécuter vos consignes : ne vous inquiétez donc pas de savoir si elles me vont ou pas. De toute façon, moi, tout ou presque me va.
L'instant suivant, il s'en allait, d'un pas rapide, pour accomplir sa tâche.
Quant à Guillermo, il n'était pas loin : apparemment, il venait d'annoncer à ses hommes où ils devaient s'installer et le déménagement n'allait plus tarder.

Hubert regarda Gabriel filer en levant les yeux au ciel. Leur collaboration serait peut-être fructueuse... mais sûrement pas de tout repos. Il alla ensuite droit vers Guillermo et lui fit signe qu'il voulait lui parler. Il l'entraîna à l'écart des oreilles indiscrètes. Il n'essaya pas de dissimuler la gravité de la question qu'il entendait lui poser.
" Je voulais savoir, juste par acquis de conscience, s'il y a un assassin parmi vos hommes. Pas un meurtrier, j'entends, mais quelqu'un qui est capable de sortir des murs de ce fort sans être vu pour agir promptement, et revenir. Vous n'avez pas besoin de me donner de détails. Un oui ou un non suffira."

Le mercenaire marqua une nette hésitation, resta un moment silencieux.
-Si vous le permettez, avant toute autre chose, je souhaiterais vous poser moi-même une question. Est-ce que vous tenez vraiment à savoir ? Est-ce que si vous connaissez la réponse, et si elle s'avère affirmative, cela n'empêchera pas de recourir à cet éventuel moyen d'action, puisqu'il irait à l'encontre de vos principe et que, par conséquent, vous ne pourriez donner votre aval à pareille opération sans aller à l'encontre de ceux-ci ?

Hubert acquiesça et prit une profonde inspiration.
" Savoir que si l'un des nôtres est pris, nous aurons les moyens d'abréger ses souffrances avant que les cannibales ne le torturent sous nos yeux, me serait d'un grand réconfort, Guillermo. Je n'ai pas l'intention d'aller au-delà."
Pour l'heure.
" Je ne pense pas que cela contrevienne à mes voeux. Et je prie Lathandre pour que nous n'en arrivions jamais là."

Guillermo le dévisagea quelques secondes encore, toujours incertain. Puis il acquiesça comme pour lui même.
-La réponse est oui. dit-il d'un ton neutre.
Il jeta un regard à ses hommes qui achevaient de quitter la cour, revint à Hubert.
-Puis-je vous être utile d'une autre manière ?

" Non, merci. C'est tout ce que je voulais savoir. Je vous laisse à votre installation."
Sur un salut, il s'esquiva vers le centre de la cour. Il n'était pas surpris qu'il y ait ce genre d'hommes dans les troupes du mercenaire : les lames de l'ombre, silencieuses et retorses, étaient redoutables. Il faudrait qu'ils trouvent d'autres moyens de venir à bout de leurs adversaires, mais Hubert était réellement soulagé de savoir qu'ils n'auraient pas à contempler, impuissants, le calvaire d'un allié.
Gabriel n'avait probablement pas terminé de rassembler les mages aussi le paladin décida-t-il d'aller déposer ses fontes dans la tour où il allait désormais résider. Il était encore trop tôt, aussi, pour mettre le grappin sur Alban.

Gaspard, son écuyer, ses hommes mais également ceux d'Edgar se trouvaient au pied de la tour sud-ouest, chargés de leur équipement et prêts à pénétrer à l'intérieur. Cependant, avisant Hubert, le chevalier fit signe à la troupe de s'immobiliser.
-Avez-vous une préférence sur la manière de s'installer ? s'enquit-il lorsque le paladin les eut rejoints. Il y a quatre étages, rez-de-chaussée inclus, et les portes donnant sur le chemin de ronde sont au troisième. Pour l'heure, je ne sais si nous aurons les lieux pour nous seuls où si des civils s'y installeront également, mais la deuxième hypothèse me paraît plus probable.

Hubert regarda la compagnie, composée d'environ vingt-cinq personnes, officiers et écuyer compris. Il avait l'intention de demander à Alban de se joindre à eux. Ils seraient toujours moins de trente.
" Je suppose que nous pouvons occuper les deux derniers étages, dit le paladin. Il sera plus facile de descendre les escaliers que de les monter. Si nous sommes trop à l'étroit, nous aviserons. Pour le reste, organisez-vous comme vous le feriez d'ordinaire. C'est sans doute mieux si nous distribuons les officiers aux deux étages. Je ne serai pas là la nuit, en ce qui me concerne, donc... A votre guise."

-Les étages sont assez vastes : dans l'absolu, nous aurions pu faire un dortoir de l'un, en nous serrant un peu, et une salle de réunion de l'autre. Mais vous avez raison, sans doute vaut-il mieux nous diviser, quitte à changer de solution plus tard.
Ils pénétrèrent à l'intérieur, gravirent l'escalier. S'il y avait quelques sacs au rez-de chaussée, les autres étages étaient déserts. Gaspard se proposa d'occuper le quatrième, laissant le troisième aux hommes d'Edgar.

Hubert était un peu surpris que les hommes continuent à se diviser selon l'officier qui les avait dirigés pendant le trajet : il lui semblait qu'il s'agissait là d'une organisation désormais obsolète, et il se promit d'aborder la question lors de la réunion d'état-major qui aurait lieu le soir même. Si Edgar était surtout occupé par la supervision de l'instruction aux civils et de l'entraînement des gardes, il fallait que ses soldats répondent aux injonctions de Gaspard. De la même manière, Louis devait pouvoir commander aux hommes d'Etienne ou de Mathias quand ceux-ci étaient sur les remparts. Il ne s'agissait chaque fois que d'une poignée d'hommes, tout bien réfléchi.
Mais il se garda bien d'intervenir dans l'immédiat : les gens avaient besoin de leurs repères pour apprivoiser leur nouvelle situation. Lui-même déposa ses affaires au niveau d'Edgar. Il avait l'intention de dormir un peu en fin d'après-midi, mais ce n'était pas encore le moment opportun. Il grimpa ensuite au niveau de Gaspard pour repérer l'endroit où le chevalier s'était placé, en cas de besoin. Il alla à sa rencontre.
" Gaspard, nous avons beaucoup évoqué Robert, mais je n'ignore pas que vous avez également perdu un de vos hommes. Je voulais vous présenter mes condoléances. Il n'est jamais aisé de perdre un compagnon de longue date. Je pense que, si vous le désirez, vous pourrez dire un mot à son sujet au moment de la cérémonie que nous envisageons d'organiser pour célébrer nos braves disparus."

Le chevalier acquiesça, grave.
-Pour être franc, je ne connaissais vraiment Rodrick que depuis qu'il servait sous mes ordres. Il nous avait rejoints alors que nous nous apprêtions à quitter la Trouée et s'était engagé à nous escorter et à défendre la Communauté jusqu'à ce qu'elle soit fermement établie. Quelqu'un de fiable et de courageux... Oui, je dirai un mot à son sujet. C'est mon devoir et il mérite qu'on se souvienne de lui.

" Très bien. Bon. Je vais vous laisser vous installer. Nous nous retrouverons plus tard."
Sans doute Gabriel avait-il eu le temps de rassembler les mages, à présent. Restait à le dénicher. Saluant le chevalier, le paladin descendit jusqu'à l'étage où se trouvait son paquetage, puis décida de passer par le rempart sud avant de gagner la cour. Il n'avait, après tout, pas encore regardé Clairétoile. Il trouva le chemin de ronde encore relativement encombré, entre les sentinelles officielles et les badauds. Il s'immobilisa presque aussitôt pour regarder la ville dans le lointain.
Il eut du mal à analyser ses sentiments. Il n'avait pas rêvé de cet endroit. C'était le défi du voyage qui l'avait motivé, l'idée de faire quelque chose de positif, pour d'autres. Lui-même n'avait pas particulièrement eu envie de changer de vie, et encore moins d'aller s'établir au milieu de nulle part. Mais la mort de Robert modifiait les perspectives, bien sûr. Robert serait resté. Robert aurait assuré la sécurité durable du groupe. Et Robert était mort.
Ambivalence.
Il avait toujours l'espoir de mener les gens jusque là pour qu'ils puissent y trouver ce qu'ils cherchaient, ce nouvel élan. Mais il ne pouvait s'empêcher de songer qu'à cause de ces cailloux, de ce mirage, il était désormais piégé par une destinée qu'il n'aurait pas dessinée pour lui-même. Il fallait faire face, et il le ferait, bien sûr.
La cité paraissait à la fois proche de quelques pas, et distante de mille lieues. Si le siège s'éternisait, ce qui avait représenté une vision formidable allait devenir sujet d'amertume au sein de la communauté, il ne l'ignorait pas. Echouer si près du but, ce serait insupportable.
Etouffant un soupir, il décida de regagner la cour pour chercher Gabriel. Un peu d'optimisme lathandrite ne lui ferait pas de mal.

Le clerc se trouvait au milieu de la cour : manifestement, il l'avait cherché, repéré et, à présent, il attendait sa venue.
-Mon général, j'ai l'honneur de vous informer que l'Intendance progresse sur les plans du fort et que des copies vous seront remises au plus vite, annonça-t-il, martial, après s'être fendu d'un salut militaire. D'autre part, nos lanceurs de sorts, prêtres exceptés, vous attendent à la tour sud-est. Celle-ci sera désormais dévolue, m'a-t-on appris, aux activités diverses de la Communauté, à commencer par les réunions.

" Formidable, je savais que vous ne me décevriez pas, Gabriel." dit le paladin en le gratifiant d'une tape amicale sur l'épaule.
Il lui emboîta le pas vers la tour dévolue à leurs activités.
" Pouvez-vous me renseigner sur les noms et les spécialités de ces gens ? Je connais Giovanni et vaguement Roxane, mais ça s'arrête là... Ils sont jeunes, dans mon souvenir... mais vous êtes la preuve que la jeunesse peut aller de pair avec la compétence."

-Attendez de m'avoir vu accumuler les bévues avant de dire cela. Ignorez-vous que mon temple a supplié la Communauté de m'embarquer, afin de se débarrasser de la véritable catastrophe ambulante que je constitue ?
Il avançait d'un pas alerte, parlait d'un ton léger.
-Mais revenons-en à nos moutons. Les deux plus jeunes mages se nomment Lianna et Félix, les deux plus "âgés", Erwan et Luwyn. Ce sont tous des mages généralistes, à ma connaissance, et si les seconds ont peut-être un répertoire plus étendu, il me semble qu'ils sont tous très férus de sorts offensifs. C'est également le cas d'Ambrosius, l'ensorceleur. Quant à Roxane et Ariel, ce sont des bardes itinérants.

" Pensez-vous pouvoir travailler avec eux ? Prendre le temps d'organiser leur répertoire et le vôtre ? Je vous donnerais une sorte de mandat officiel, bien sûr, et toute la latitude de faire au mieux, pour autant que vous me présentiez le résultat de vos réflexions avant que j'entérine vos décisions. Si je ne m'abuse, cela ne concernerait pas directement les bardes et l'ensorceleur, vu la manière dont leur magie fonctionne, mais il faudra s'appuyer sur leurs possibilités pour guider les sortilèges des autres. Et il faudrait bien sûr accorder tout cela avec ce que vous, Barthélémy et Agnès savez faire. Mais ils sont plus occupés, je me disais que vous pourriez servir de relais... Je sais que tout le monde fait preuve de bon sens, mais coordonner toute cette magie, à l'heure où elle risque de nous être cruciale, me semble indispensable. J'aurais aussi besoin de savoir exactement ce que chacun sait faire. Il n'est pas impossible que nous ayons des choses plus étranges à envisager... sans parler de la simple survie. Est-ce que vous charger de ce dossier vous semble envisageable ? Je ne sais pas si ça rentre dans les prérogatives d'un aide de camp..."

-Je n'en suis pas certain, mon général. Néanmoins, il en sera fait comme vous le souhaitez. J'avoue que les bardes exceptés, je n'ai guère fréquenté les autres membres de ce groupe. Mais ce sera l'occasion de lier connaissance. Et je suis bien d'accord avec vous : mieux vaut avoir une parfaite connaissance de nos ressources magiques et essayer de les combiner au mieux.
Ils avaient pénétré dans la tour, et Hubert constata que c'était le plafond du premier étage qui s'était effondré, ce qui avait créé un hall très haut de plafond. Les gravats avaient été soit dégagés, soit entassés dans un coin, et l'endroit était pour l'heure occupé par la cuisine en pleine activité.

" Je suis sûr que si vous n'en remettez pas trop, vous parviendrez à gagner n'importe qui à votre cause. Et je ne suis pas général."
Il observa la cuisine avec intérêt, reconnaissant l'organisation impeccable de tout ce qui tombait sous la coupe d'Ignace.
" Si vous avez de quoi écrire, ne tardons plus. Où sont-ils cachés ?"

-Je les ai laissés au troisième. Enfin, au deuxième. Mais ils semblaient avoir très envie de grimper jusqu'au sommet de la tour, afin d'admirer le paysage et, accessoirement, d'essayer de déterminer si certains de leurs sortilèges, depuis ce perchoir, sont susceptibles d'atteindre le sol. Je crains donc qu'il ne nous faille monter jusque-là.
Déjà, il s'engageait dans l'escalier.
-Et toutes mes excuses sur votre titre, marechal.
Effectivement, il leur fallut gagner la plate-forme qui couronnait la tour et où les praticiens des arcanes devisaient tranquillement tout en observant le panorama - essentiellement constitué des marécages auxquels ils venaient de s'arracher. Néanmoins, tous se turent et se tournèrent vers eux lorsque le paladin et son aide de camp arrivèrent.

" Méfiez-vous du surnom que je vais vous trouver, Gabriel. Vous pourriez le regretter." grommela Hubert avant de sourire à l'étrange compagnie qui contemplait le paysage.
Il les salua chaleureusement, essayant de mettre des noms sur les visages de ceux qu'il ne connaissait pas, puis entra dans le vif du sujet. Il leur expliqua ce qu'il avait déjà discuté avec les militaires : que les Paludiers étaient là pour rester, qu'il allait falloir trouver un moyen de les vaincre, mais que la première étape était de protéger le fort. En conséquence, des tours de garde seraient organisés, mais on désirait que leur présence soit immédiate sur les remparts en cas d'alerte. Hubert disposerait bientôt d'un code sonore qui leur serait directement adressé, et qui leur indiquerait également à quel endroit du périmètre ils étaient attendus. Pour qu'ils soient rapidement opérationnels, le paladin voulait savoir s'ils consentiraient à installer leurs quartiers dans l'une des tours, plutôt que dans les sous-sols du fort, idéalement tous ensemble. Il voulait aussi leur demander s'ils étaient prêts à collaborer avec Gabriel pour faire l'inventaire de leurs pouvoirs et qu'ils puissent décider, de commun accord, ce qui était le plus porteur, vu la situation présente, avec, évidemment, des aménagements au jour le jour. Hubert aurait aimé qu'ils s'attellent à cette tâche au plus tôt et qu'ils la bouclent d'ici le lendemain soir. S'ils étaient d'accord, bien évidemment. Il n'avait pas oublié la leçon de Robert : il n'avait aucun droit d'ordonner quoi que ce soit à des civils. Mais il espérait qu'ils se montreraient raisonnables et soucieux de participer au mieux à la défense de la communauté.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Une route oubliée