La Couronne de Cuivre

[Quête: L'invasion des ombres]

La rôdeuse acquiesça et se tourna vers l’homme qui l’avait interpellée. Elle jeta un coup d’oeil circulaire au campement de fortune.
« Nous allons attendre le retour de Sire Kasumi. » murmura-t-elle. « S’il ne nous a pas rejoints d’ici une bonne heure, nous nous séparerons. Vous pourrez sans doute retrouver les autres troupes manostiennes. Je resterai dans le parc avec ceux qui ne savent pas se déplacer. »
Disant cela, elle baissa les yeux vers le sergent prisonnier qui, bâillonné, ouvrait un oeil inquiet sur leur compagnie. Elle n’avait aucune idée des raisons qui avaient poussé Kasumi à l’épargner. Elle ne savait pas davantage ce qu’il comptait faire de son otage.
« Il faut un homme pour surveiller le prisonnier. A moins que Dame Lies se sente d’humeur à lui tenir compagnie. Quant à vous... reposez-vous tant que nous en avons l’opportunité. Si le plan de Sire Kasumi a fonctionné, il n’y aucune raison de penser que les Luméniens viendront nous chercher ici... Néanmoins... »
Elle secoua la tête, embrassa les arbres du regard.
« On n’est jamais trop prudent. »
Sur ces paroles, Galathée se rendit au chevet du jeune garde alité, que sa pâleur trahissait. Il était cependant conscient, et elle lui sourit avant de se pencher sur le pansement qui comprimait l’hémorragie. La rôdeuse avait peu d’expérience en matières humaines, mais elle avait soigné plus d’un cheval boiteux, plus d’un boeuf exsangue, et elle ne doutait pas que le soldat soit bâti sur les mêmes plans. S’interrogeant sur le caractère potentiellement blasphématoire de telles analogies, elle retira l’étoffe gonflée de sang et révéla la plaie au grand jour.
« Il me faut de l’eau de la fontaine... » dit-elle à un homme qui se tenait debout juste derrière elle, sans doute un camarade inquiet du blessé. « Et de la camomille... Il en pousse près du belvédère, au pied des statues... C’est une fleur blanche au coeur jaune... Vous reconnaîtrez. »
Le Manostien sembla pris au dépourvu par la demande, mais il s’inclina et fit mine de partir.
« Restez discret ! » s’exclama-t-elle en le voyant déguerpir dans les ténèbres du sous-bois.
Elle ne pourrait bien évidemment pas compenser sa perte de sang en lui offrant une infusion, mais en l’absence de clerc, elle pouvait se débrouiller pour qu’il survive et que sa jambe ne s’infecte pas. Du repos suffirait pour le remettre sur pied, mais elle doutait qu'ils aient ce luxe dans les jours à venir...

[Quête : l’invasion des ombres]

L’eau et les fleurs ne manquaient assurément pas dans un lieu tel que celui-ci. Si la pénombre ralentit les recherches de la plante préconisée par la rôdeuse, le soldat qu’elle avait interpellé revint tout de même quinze minutes plus tard avec l’ingrédient.

Galathée se mit aussitôt à l’œuvre afin de préparer le breuvage apaisant. Il se passa une longue heure pendant laquelle elle s’occupa des différents traumatismes qui atteignaient la petite troupe. Les soldats se laissaient soigner sans broncher et la remercièrent.

La tâche distrayait la rôdeuse de pensées plus immédiates et le temps s’écoula rapidement. Un soldat finit par revenir vers elle.

- Dame, cela fait maintenant presque deux heures que nous sommes arrivés. Les guetteurs signalent qu’ils n’ont toujours pas vu Sire Kasumi… Devons-nous partir à sa recherche ?

Quête: L'invasion des ombres

Galathée dévisagea le garde et esquissa une grimace. Qu’avait dit exactement Kasumi ? Dans l‘urgence de la retraite, elle n’avait écouté ses mots qu’à demi.
« Non. » fit-elle. « Je vais aller voir moi-même. Je serai de retour avant l’aube, et je me chargerai du prisonnier, si Sire Kasumi n’est pas revenu. Jusque là, renvoyez déjà ceux qui le peuvent... Gardez trois hommes avec vous pour déplacer le blessé et le prisonnier au besoin. »
Elle s’interrompit, jeta un oeil au corbeau qui croassa doucement.
« Je vous laisse mon volatile. Il vous emmènera plus profondément dans le parc si cela s’avérait nécessaire. Vous pouvez aussi l'utiliser pour me prévenir de quelque chose au besoin... »
L’oiseau inclina la tête, comme surpris par la proposition, mais s’envola lestement et se posa sur l’épaule du garde. Galathée sourit. Elle se tourna ensuite vers Lies.
« Je ne sais pas ce que vous comptez faire. Si vous avez un endroit où vous replier, je vous conseillerais de le faire. Si non, vous pouvez, je pense, rester avec les Manostiens, qui prendront soin de vous. »
Elle regarda à nouveau le garde.
« Qu’en pensez-vous ? » demanda-t-elle alors, avec franchise.
Galathée n'était pas férue de hiérarchies rigides... Elle n’avait jamais dirigé d’hommes et n’avait pas l’intention de subitement jouer les capitaines, surtout si ses interlocuteurs avaient de bonnes idées à lui soumettre !

[Quête : l’invasion des ombres]

Le garde dansa d’un pied sur l’autre un moment comme s’il cherchait ses mots :

- Ma Dame, avec tout le respect que je vous dois, il n’est peut être pas très prudent de vous en allez seule. Les patrouilles semblent avoir été renforcées sans parler des incidents de la nuit. Laissez-moi aller avec vous ! Si Sire Kasumi a eu des problèmes, nous ne serons peut être pas trop de deux pour lui venir en aide.

Quête: L'invasion des ombres.

La rôdeuse hésita un instant. Après tout, elle était versée dans la furtivité, et n’avait aucune idée des compétences du soldat qui lui faisait face. Il pourrait se révéler un poids plutôt qu’un soutien, même s’ils retrouvaient Kasumi en fâcheuse posture. Mais elle lui sourit. Pourquoi refuser les bonnes volontés? Elle n'était pas une combattante de bon niveau, et il semblait bien entraîné.
« D’accord. Allons-y ensemble. Mais vous devez d’abord me dire votre nom. » déclara-t-elle, en lui tendant une main amicale.

[Quête : l’invasion des ombres]

Le garde se détendit visiblement et accepta de serrer la main de la rôdeuse :

- Mon nom est Matteo, Ma Dame. Par où commençons-nous les recherches ?

Quelque part en ville, le rôdeur demi-elfe s’efforçait d’éviter les nombreuses patrouilles voire de rester debout. La lassitude s’emparait progressivement de lui, l’appelant à se reposer, à s’allonger cinq petites minutes. Mais derrière le brouillard de semi inconscience qui menaçait d’emporter son sens commun, il savait que s’il cédait à la fatigue, il ne se relèverait probablement pas. Il n’avait plus de sensation dans la jambe gauche hormis quelques fourmillements dans le pied lorsque celui-ci touchait les pavés. Chaque pas lui coûtait davantage et un effort de volonté lui était nécessaire pour continuer à lever les pieds.

Il passa un portail sans même s’en rendre compte. La dernière sensation qui parvient à son cerveau fut celle du marbre froid sous sa joue lorsqu’elle entra en contact avec le sol d’une allée.

Quête: L'invasion des ombres.

Galathée se mordit la lèvre une seconde.
" Pour bien faire, nous devrions retourner à la ruelle... De là, je pourrai sans doute suivre sa piste sans trop de difficultés... Blessé comme il l'était, il a dû marquer son passage... Evidemment, ce n'est pas la zone la plus indiquée pour le moment... Si seulement je savais où il est allé livrer son message..."
Elle s'interrompit une seconde.
" Nous pourrions sans doute essayer..."
Elle fronça les sourcils. Quelque chose avait attiré son attention... Elle ferma les yeux. Le hululement hanté d'une chouette effraie en chasse retentit à nouveau, et elle sourit.
" Attendez..."
La rôdeuse tendit son esprit vers l'oiseau qui les survolait, tâchant de le toucher sans lui faire peur, de l'attirer sans le brusquer. Quelques instants plus tard, dans un froufroutement soyeux, la chouette se posa sur son avant-bras, sa face lunaire aux yeux ronds la devisageant sans crainte particulière.
" Nous allons nous faire aider..." proposa Galathée.
Puis, avec un sourire, elle renvoya le rapace vers le ciel, chargé de sa mission. D'un signe, elle intima à Matteo de la suivre, et ensemble, ils se dirigèrent à pas de loups vers la sortie du parc.

[Quête : l’invasion des ombres]

Le couple progressait furtivement dans les allées du Parc. Le soldat s’efforçait de calquer sa démarche sur les pas souples et fluides de Galathée. Il demeurait deux pas en arrière, la main prête à dégainer sa lame en cas de danger. Soudain, il attira précipitamment sa compagne dans les fourrés. Anticipant sa protestation, il lui plaqua une main sur la bouche et coupa sa respiration.

Deux gardes venaient de surgir d’une allée latérale. Ils hâtèrent le pas et s’éloignèrent rapidement comme s’ils avaient quelque mission d’urgence à accomplir au milieu de la nuit. Laissant passer un moment, le garde chuchota à l’oreille de Galathée :

- Un peu plus et nous étions surpris. Nous ferions peut être mieux de progresser hors des sentiers et des allées.

La chouette choisit ce moment pour rompre le lien mental avec la rôdeuse. La dernière sensation que perçut Galathée fut l'instinct de chasse du prédateur nocturne et l’image d’une petite forme blanche étincelant sur l’herbe sombre.

Quête: L'invasion des ombres.

Galathée sentit l'adrénaline refluer et son coeur reprendre un rythme normal. Elle se détendit peu à peu. Ce Matteo avait des ressources inespérée et bienvenues. En même temps, elle était furieuse de ne pas avoir entendu venir leurs adversaires. Furieuse mais reconnaissante.
A faire trop de choses en même temps...
" Il faut que je retrouve la chouette..." murmura Galathée. " Et vite..."
Avant que le contact ne se rompe, l'animal survolait une esplanade que la rôdeuse avait pu identifier. Or cette petite forme blanche courant dans les ténèbres, victime potentielle de la tueuse nocturne, lui était familière...
Sans attendre, et respectant le désir de son acolyte de rester dans l'ombre, elle se mit en marche.

[Quête : l’invasion des ombres]

Par chance, la rôdeuse avait reconnu le décor de la scène de chasse onirique. Il s’agissait de l’une des entrées du Parc qu’ils avaient emprunté plus tôt dans la soirée. Il ne fallut pas plus de cinq minutes aux deux résistants pour atteindre l’esplanade dominée par un kiosque en bois en son centre. L’espace pavé autour de la petite construction était lui-même entouré de pelouses soigneusement entretenues. Alors qu’ils s’apprêtaient à quitter l’abri des arbres, Galathée perçut des voix à quelques mètres à peine :

- Hey, viens-voir un peu ça !

- Qui a-t-il ? Oh, encore un vagabond ! Un esclave de plus pour les docks ! Nous n’avons pas perdu notre nuit finalement.

Matteo s’était approché pour pouvoir guetter la scène. Deux soldats se tenaient à côté d’une forme sombre allongée. Un hululement accueillit l’arrivée de la rôdeuse. Rien d’inquiétant dans le Parc pour deux soldats occupés à détrousser un pauvre hère.

- Ma parole, il est armé !

Le premier garde recula précipitamment alors que le deuxième envoyait un coup de pied dans la silhouette.

- Il est peut être armé mais certainement pas en état de te rosser : regardes tout ce sang !

Quête: L'invasion des ombres.

Galathée jeta un coup d’oeil à Matteo et pressa un doigt sur ses lèvres. Il acquiesça sans rien dire.
Deux contre deux, ça va être chaud, songea la rôdeuse.
Heureusement, la torche que portait l’un des soldats en faisait une cible facile.
Nous sommes plus que deux.
L’hermine se trouvait à quelques mètres, ramassée sur elle-même, et Galathée ne doutait pas qu’elle se joindrait à eux au moment opportun. La chouette constituait un atout supplémentaire. Matteo avait la main sur la garde de son épée. Ils pouvaient être sur les soldats en une seconde.
Galathée tira doucement une flèche de son carquois et l’oiseau de nuit ulula pour couvrir le grincement de la corde qui se tend. Elle fit quelques pas hors des taillis, furtive, concentrée, et visa le visage de son adversaire.
Un jeune gars, sans doute pas beaucoup plus de vingt ans, peut-être moins.
Tant pis.
Elle lâcha la corde, l’entendit vibrer comme son trait filait dans l’obscurité, droit sur la source de lumière, mais ferma les yeux pour ne pas contempler l’impact sordide qui suivrait.

[Quête : l’invasion des ombres]

Matteo n’attendit même pas l’impact du projectile mortel et se précipita pour surprendre le second garde, ayant toute confiance en l’adresse de la jeune Dame. Son épée courte brandie bien haut, il plongea sur l’homme qui se retournait à peine. Les pas précipités et le bruit de l’impact l’avaient alerté mais il ne possédait pas la discipline qui lui aurait permis de réagir à la charge subite d’un homme armé. Il se contenta de lever un bras devant son visage en un geste de défense bien futile alors que la lame s’abattait sans ménagement au niveau de sa jugulaire non protégée.

Les deux hommes tombèrent face contre terre presque simultanément. Matteo ressuya sa lame sur le cadavre frais avant de regarder alentours. Ne détectant aucun ennemi en vue, il s’adressa à la rôdeuse qui avait finalement rouvert les yeux :

- C’est Sire Kasumi ! Occupez-vous de lui pendant que je nous débarrasse de ces gardes. Si on les trouve avant ce soir, je ne donne pas cher de notre discrétion.

Matteo porta le premier garde près du belvédère, l’espace entre le sol de la place et le plancher permettait de l’y glisser. Alors que Galathée se penchait sur le corps du demi-elfe, Matteo enlevait un panneau de bois qui permettrait de dissimuler les deux corps suffisamment longtemps, espérait-il.

Le corps était bien celui du rôdeur. Sa respiration s’était interrompue et une tache de sang séché souillait tout le côté de sa chemise. La petite hermine s’approcha de Galathée et lui adressa un petit cri interrogatif.

Quête: L'invasion des ombres.

Galathée s’était doutée de l’identité du blessé bien avant d’avoir encoché sa flèche, mais elle se garda bien d’en faire la remarque à Matteo, lequel semblait avoir pris la direction des choses avec un aplomb bien militaire. Sans doute n’était-ce que justice, qu’un soldat entraîné, originaire de Manost de surcroît, reprenne ses habitudes à la première ouverture. Sans plus tergiverser, la rôdeuse se pencha sur Kasumi, prit son pouls de deux doigts, guettant sa respiration en approchant son visage de sa bouche.
« Kasumi, est-ce que vous m’entendez ? » murmura-t-elle.

[Quête : l’invasion des ombres]

Le pouls sous les doigts de la rôdeuse était faible et irrégulier. La poitrine du demi-elfe ne se soulevait quasiment plus. Sa peau était brûlante et moite, signe d’une fièvre galopante, son teint laiteux… Le rôdeur ne réagit pas à l’appel de Galathée. Soulevant sa tunique pour mesurer l’ampleur du désastre, ses yeux se portèrent sur une blessure ouverte sur une longueur d’une quinzaine de centimètres sur son flanc. Un hématome courait jusqu’à hauteur de poitrine. Un coup avait du fêlé ou même brisé une cote.

Sa sinistre tâche achevée, Matteo revint à l’aide de Galathée. Il avait dissimulé au mieux les cadavres et vidé une gourde d’eau à l’endroit où le sang du garde avait éclaboussé le sol.

Quête: L'invasion des ombres.

Galathée se tourna vers Matteo avec une grimace, mais les ténèbres réduisaient leurs possibilités de communication.
« Il va nous falloir un clerc, il est vraiment mal en point... » murmura-t-elle. « Je peux sans doute le garder en vie... encore un peu... mais si nous ne trouvons pas quelqu’un pour lui insuffler de l’énergie de manière radicale, il ne va pas s’en tirer... »
Elle frôla la peau brûlante d’une main fraîche.
« Il faut que nous le ramenions au campement. Nous sommes trop exposés ici, et le trimballer dans la rue... n’en parlons même pas. »
Doucement, Galathée tendit la main vers l’hermine, qui bondissait à ses côtés, au comble de l’angoisse. L’animal se laissa caresser, puis grimpa sur son bras.
« Avez-vous quelqu’un, parmi le contingent manostien, qui pourrait faire quelque chose ? Vous pourriez envoyer un de vos hommes le chercher... A moins que Dame Lies n'ait une autre solution à nous proposer. »

[Quête : l’invasion des ombres]

Alors que Matteo s’apprêtait à formuler une réponse, Kasumi donna un léger signe de vie. Il avait senti la main froide qui l’avait effleuré et son corps tressaillit. Un marmonnement incompréhensible quitta ses lèvres mais ses paupières demeurèrent closes. Matteo s’approcha du moribond et passa un bras sous ses épaules.

- Il faut le déplacer, il est trop dangereux de rester ici, autant pour lui que pour nous. S’il survit jusqu’au campement, il nous faudra trouver une potion de soin à défaut d’un clerc. J’ai bien peur que les rares médecins que comptait notre contingent sont injoignables ce soir. Aller sur les docks serait du suicide.

Alors qu’il soulevait péniblement le corps, il ajouta :

- Mais peut être Dame Lies a-t-elle des contacts dans la résistance qui pourraient nous fournir de l’aide.

Quête: L'invasion des ombres.

Galathée n'ajouta rien à la tirade du soldat et l'aida à soulever Kasumi. Ils cheminèrent en silence dans les taillis obscurs du parc, désireux de regagner au plus vite la relative sécurité de leur campement de fortune. La chouette les survolait à nouveau, rythmant leur progression de ululements tranquilles, signal d'une voie libre. Les sentinelles les aperçurent et les laissèrent passer, jetant un coup d'oeil inquiet mais silencieux lorsqu'ils s'engagèrent entre les arbres, puis dans le cercle faiblement éclairé de leur refuge.
Kasumi respirait toujours et Galathée poussa un soupir de soulagement en s'asseyant dans la poussière.
" Maintenant, si quelqu'un a une suggestion ?"

[Quête : l’invasion des ombres]

Matteo fut le premier à parler :

- Dame Galathée, vous êtes la seule ici capable de nous faire gagner du temps en maintenant nos blessés en vie. Il vous faut rester à leur côté sauf si tout espoir s’évanouit. J’irai donc seul en quête de potions curatives. Inutile de risquer plus de vies que nécessaire dans cette entreprise. Je vais essayer de trouver un temple ouvert.

A moins que… Dame Lies, vos contacts dans la résistance seraient-ils susceptibles de posséder des nécessaires de soin ?

Kasumi s’agita une nouvelle fois et se mit à tousser. Puis il ouvrit un regard vitreux.

Que… ?

[Quête : l’invasion des ombres]

"Je ne vois que Closfleuri qui pourrait peut-être nous aider... Mais en dehors, je ne connais personne qui aurait un tel necessaire... J'ai quelques contacts avec des résistants mais je ne pense pas qu'ils aient de quoi soigner de telles blessures."

Lies se sentait totalement inutile, elle ne savait jamais comment agir et elle n'avait pas assez de contacts pour aider qui que ce soit. De plus, toute l'histoire avec Mekren lui occupait l'esprit, elle avait beau se concentrer sur sa mission, elle ne pouvait s'empêcher de penser à lui et ce qu'elle ressentait pour lui.

D'un coup, Kasumi se mit à donner signe de vie :

"Oh vous allez mieux... Je suis désolée... C'est de ma faute."

Lies éclata en sanglots plus par bonheur qu'il ne soit pas mort que par tristesse ou désespoir.

Quête: L'invasion des ombres.

La réaction de Lies prit Galathée au dépourvu. La jeune elfe n’était en rien responsable de l’échec relatif de leur intervention : seule la malchance d’être tombés sur un sergent scrupuleux expliquait la mêlée qui s’était engagée et avait tant coûté à leur compagnon.
« Occupez-vous d’elle… » demanda-t-elle au soldat pétrifié à ses côtés. « S’il reste de l’infusion à la camomille, c’est utile aussi. Trouvez-moi de l’eau. Et que quelqu’un accompagne Matteo ! »
Puis elle se pencha sur Kasumi, lui prit doucement la main.
« Ne vous en faites pas. Nous n’allons pas vous laisser partir. » fit-elle avec conviction, ignorant s’il pouvait réellement la comprendre.
Il fallait nettoyer la plaie, l’infusion de camomille pourrait calmer la douleur, mais il était déjà complètement dans les vapes, c’était probablement inutile pour l’instant. Il avait cependant l’air d’aller un peu mieux. Etrange.
« Quelqu’un a de l’alcool ? » lança-t-elle finalement à la cantonade.
Ils étaient Manostiens, après tout.
Du bout des doigts, elle effleura la poitrine du demi-elfe, frôlant l’hématome qui bourgeonnait sur sa peau. Le corbeau s’était posé près d’elle et observait ses gestes avec intérêt. Elle finit par lui lancer un pauvre sourire.
Si tu veux te rendre utile…
Il inclina la tête, la vrillant de ses petits yeux noirs.
Il me faut de la consoude.
La rôdeuse évoqua la plante aux larges feuilles velues pour l’oiseau, ses petites fleurs en forme de clochette, les buissons fournis qu’elle formait sur le bord des chemins.
En un éclair obscur, l’oiseau était parti.
La respiration de Kasumi semblait s’être stabilisée, même si elle restait timide. Galathée soupira en croisant le regard trouble du rôdeur allongé. La nuit n'était pas finie.

[Quête : l’invasion des ombres]

Une fois de plus, tout le monde s’affairait à obéir aux injonctions de Galathée. Elle n’avait peut être rien d’un général commandant ses troupes mais sa voix et son bon sens parlait pour forger son charisme et nul n’avait même l’idée de contester son autorité. Un soldat accompagna Matteo et les deux hommes s’éloignèrent discrètement en quête d’un Temple ou d’une chapelle où ils pourraient se procurer quelques onguents ou potions curatifs. Un autre soldat lui amena de l’eau tandis qu’un autre encore sortit une petite flasque de sa poche et la tendit à la rôdeuse avec une pointe de regret dans la voix :

- Attention, Madame, c’est assez fort !

Le rôdeur ouvrit les yeux à demi, rendant à Galathée son regard même si ce dernier restait un peu vague. La fièvre le faisait sans doute délirer mais il lui répondit en serrant doucement la main dans la sienne :

- Je n’ai pas l'intention de partir.

Quête: L'invasion des ombres.

Galathée lui sourit.
« Vous m’en voyiez ravie. » murmura-t-elle. « Je vais devoir nettoyer votre blessure. Dans un premier temps, je ne vais pas la cautériser, si nous trouvons rapidement une solution plus… délicate, cela vous évitera une mauvaise cicatrice… »
Elle jeta un œil vers le ciel, guettant le retour du corbeau.
« Vous voulez quelque chose pour la douleur ? On m’a proposé un tord-boyaux manostien que je devine corsé… »
Derrière elle, un des gardes avait mis l’eau à bouillir sur un feu enterré quasiment invisible. Le second blessé dormait non loin, sa poitrine se soulevant lentement, mais régulièrement, alors qu'il reposait à l'abri de sa propre souffrance.

[Quête : l’invasion des ombres]

Kasumi essaya de lui rendre son sourire, ce qui se traduisit par un pauvre froncement de ses lèvres. La douleur s’était réveillée, signe que son sang circulait à nouveau normalement dans ses veines mais elle restait toutefois supportable. Inexplicablement, il se sentait plutôt bien. L’odeur qui se dégageait de la décoction à bouillir amenait une fragance apaisante jusqu’à ses narines. Plus proche encore, la présence de sa confrère lui apportait elle aussi du réconfort bien qu’il ne sache pas vraiment à quoi il fallait attribuer cette sensation agréable. Un souvenir de ses années d’enfance et d’adolescence passée au milieu d’amis de la nature ? Autre chose qui se dégageait de cette inconnue qui prenait les problèmes à bras le corps ? Comme pour se détourner lui-même de ses pensées, il répondit badinement :

- De l’alcool Manostien ? Grand Dieux non ! Ce n’est pas le moment adéquat pour se reposer devant un bon verre en charmante compagnie. Je ne puis que décliner votre proposition. Mais prenez cela comme une invitation une fois que nous aurons tous réussi cette petite campagne à Luménis.

Quête: L'invasion des ombres.

La rôdeuse accueillit cette tirade avec incrédulité.
« Le rendez-vous est pris. » dit-elle néanmoins.
Elle préleva une partie de l’eau bouillante pour concocter une infusion avec les fleurs de camomille qui lui restaient, après une hésitation y ajouta une lampée d’eau de vie, et laissa le liquide reposer quelques minutes, laissant le silence de la nuit regagner du terrain peu à peu. Bien sûr, c’était un leurre. Les conversations feutrées des gardes, le craquement des branches au-dessus de leur tête, le cri des animaux en chasse, habillaient les ténèbres de mille et une traces de vie. Mais c’était un instant de répit, furtif, que le soupir douloureux de son patient brisa finalement. Elle goûta le breuvage, dissimula une grimace puis souleva précautionneusement la tête de Kasumi et inclina le bol vers ses lèvres.
« Ce n’est pas bon, mais je suis désolée, ça vous fera du bien… Je n’aurais pas dû vous croire que vous aviez le choix du traitement… »

[Quête : l’invasion des ombres]

Le patient ne fit pas mine de refuser le breuvage et le but lentement sans broncher. Le goût était effectivement assez infect mais la chaleur du liquide lui fit oublier un instant la douleur. Il sentit presqu’immédiatement ses paupières s’alourdir. Alors que Galathée se détournait pour vérifier l’état de son second patient, il l’interpella d’un murmure :

- Merci d’être revenue me chercher… Galathée.

Au bout d'un moment, la petite hermine se lova auprès de son maître endormi.

Quête: L'invasion des ombres.

Les premières lueurs de l’aube surprirent Galathée alors qu’elle terminait de se laver les mains, après avoir changé le pansement du soldat endormi. Il avait tout juste gémi, bougé dans son sommeil, puis s’était replongé dans ses rêves lourds, se moquant bien des rayons du soleil qui peu à peu se frayaient un passage au travers des nuages bas, balayant les étoiles et les ombres.
La rôdeuse s’étira, percluse, bâilla longuement. Un petit creux au pied d’un arbre semblait l’appeler, insidieusement, lui vantant la délicatesse de son tapis de feuilles mortes, la chaleur de ses racines, un espace comme construit pour l’accueillir, quelques minutes, quelques heures. Ce n’était pas le moment. Plus le moment.
Tant pis pour la nuit, songea Galathée, avec une étrange satisfaction.
Elle était autrement plus fière de son travail des dernières heures que des flèches misérables qu’elle avait tirées plus tôt dans la soirée. Kasumi dormait toujours tranquillement, pâle mais serein, son hermine calfeutrée tout contre lui. Il survivrait. Si seulement Matteo pouvait réapparaître, maintenant... Son regard tomba sur le sergent, qui s’était endormi lui aussi, après avoir lutté contre le sommeil pendant de longues heures, dévorant leur campement de ses yeux terrifiés et furieux. Qu’allaient-ils donc faire de lui ?
Faisant signe au garde en faction, elle s’éloigna alors entre les arbres et gagna les limites du bois, la grande pelouse qui s’étendait vers la sortie du parc, encore plongée dans la pénombre. Une brume légère y stagnait, langoureuse, et Galathée frissonna, les bottes dans la rosée. Un bruant donna de la voix dans un arbuste non loin, et la silhouette furtive d’un renard trottina vers les buissons d’aubépine qui bordaient le chemin.
Soupir.
Elle ferma les yeux, se laissa imprégner par la plénitude de ce petit matin tranquille, avant les fracas. Ce n’était qu’un mirage, mais elle en profita sans arrière pensée, se délectant du chant des oiseaux de l’aurore, du souffle du vent. Puis son esprit, plongé dans sa nuit personnelle, dériva sur Taliesin, dont elle n’avait aucune nouvelle, qu’Agrippa n’avait même pas mentionné, qui était quelque part, mais où, qui était peut-être vivant, mais peut-être mort aussi, et elle se sentit parcourue d’un frisson qui n’avait plus rien à voir avec le froid. Elle passa une main lasse sur son visage, rouvrit les yeux pour contempler le mur ouaté du brouillard, l’horizon bouché...
La brume finit toujours par se lever. Toujours.
Presque tranquille, Galathée retourna vers le campement, prête affronter ce que ce jour crucial lui apporterait.

[Quête : l’invasion des ombres]

Les sentinelles s’étaient relayées toute la nuit. L’un des hommes chargés de surveiller les alentours prévint Galathée lorsque deux silhouettes se découpèrent sur le petit sentier menant à leur campement. Quelques instants plus tard, Matteo, suivit d’un deuxième Manostien fit son apparition. Il se dirigea vers la rôdeuse et lui tendit un sac, l’air penaud :

- Madame, les Temples sont gardés. Nous avons même été jusqu’à la chapelle d’Ilmater dans le quartier est mais des contingents de gardes y patrouillent partout. Il n’a pas été possible de tromper leur vigilance de nuit. Cependant, nous avons trouvé quelques articles qui pourraient vous être utiles chez un apothicaire qui ne posait pas trop de questions. Il y a ici des bandages et même quelques plantes médicinales. Je crains que nous n’ayons guère mieux à vous apporter. Je suis désolé. Comment vont Gareth et Sire Kasumi ?

Ce dernier choisit ce moment pour s’éveiller. Il se redressa sur un coude et plissa les yeux, comme à la recherche de ses souvenirs. Alors qu’il tentait de se lever, la tête lui tourna un peu et une vive douleur le lança au flanc. Le bandage frais qui lui enserrait la taille n’était pas souillé de sang, preuve que l’hémorragie avait cessé. Cependant, l’os fêlé mettrait un certain temps à se ressouder, un temps dont il ne disposait pas. Il fit un nouvel effort de volonté pour se redresser sur son séant.

- Je vais bien grâce aux bons soins de Dame Galathée. Je me sens parfaitement d’attaque pour ainsi dire. Bon travail soldat !

Ce mensonge éhonté perdit de son crédit alors que le rôdeur ne parvenait toujours pas à se relever après une nouvelle tentative…

- Ma parole ! Je suis sûr que cette potion ne contenait pas que des fleurs. M'aiderez-vous à me relever Galathée ? Je ne me suis que trop reposé et vous bien trop peu j'en suis certain.

Quête: L'invasion des ombres.

La rôdeuse hésita une seconde, puis lui tendit la main.
« Honnêtement, vous feriez mieux de rester alité… Vous étiez presque mort hier soir. » fit-elle, avec une légère incrédulité, tandis que Kasumi se redressait avec une grimace.
Elle se tourna ensuite vers Matteo.
« Vous avez fait du bon travail, compte tenu des circonstances. Essayez de vous reposer un peu pendant que nous avisons sur la suite des opérations. »
Le soldat acquiesça et s'éloigna, ses confrères sur les talons. Lorsqu'ils furent seuls, le regard inquisiteur de la rôdeuse perça son homologue vacillant.
« C’est la première fois qu’une infusion de camomille a un tel effet sur la santé de quelqu’un… et je doute d’avoir soudain reçu un don du ciel qui me permettrait de faire lever les morts… » murmura-t-elle avec suspicion. « Reste que vous n’êtes pas bien vaillant et que nous avons une soirée chargée en perspective… »

[Quête : l’invasion des ombres]

Kasumi soutint un instant le regard inquisiteur de la rôdeuse. Puis il s’essaya à faire quelques pas, invitant Galathée à le suivre et à s’éloigner un peu plus des Manostiens.

- Ne sous-estimez pas la portée de votre intervention d’hier soir ! Il est vrai que ce ne sont pas vos remèdes auxquels je dois mon salut. Mais à travers vos soins et votre bonté, j’ai senti la marque de la Dame. A défaut de sauver mon corps, vous avez peut être contribué à sauver mon âme.

Le rôdeur fit une pause, soudain incertain. Pourquoi s’apprêtait-il à révéler ses plus grands secrets à une personne rencontrée la veille à peine et en une ville étrangère ? Ils étaient maintenant hors de portée de voix, mais il baissa encore le ton et regarda son interlocutrice droit dans les yeux.

- J’ai confiance en vous. Pas seulement parce que vous m’avez sauvé la vie hier soir. C’est une sensation bien étrange dont je n’ai pas l’habitude. Il est un secret que je pourrais vous révéler à mon sujet, mais pas ici, pas maintenant. Notre devoir le plus pressant est de sauver cette ville et ses habitants. Il nous faut récupérer les instructions de notre réseau avant de lancer d’autres opérations. Quelque chose se prépare, je le sens. Il nous faudra en tenir compte, ce que j’ai omis de faire hier soir.

Quête: L'invasion des ombres.

Une fois de plus, Kasumi surprit Galathée par son franc parler et sa déclaration la laissa un instant muette. Elle n’avait pas l’habitude d’être complimentée, encore moins d’être investie d’une confiance qu’elle n’avait pas l’impression d’avoir réellement mérité. Mais le rôdeur avait raison : d’autres matières réclamaient leur attention. Elle se contenta donc de s'éclaircir la gorge, espérant qu'elle n'avait pas rougi comme une adolescente.
« Vous qui êtes venu avec le contingent manostien, j’imagine que vous savez où les trouver. N’est-ce pas à cette source que nous devrions nous rendre ? Ou du moins dépêcher quelqu’un ? Je pense que le parc peut constituer un abri suffisant pour notre petit groupe, cela dit, et je connais des zones plus reculées où personne ne viendra nous chercher si vous pensez que cette clairière est trop exposée. Mais je ne sais pas ce que nous allons faire de lui… »
Elle désigna le sergent prisonnier derrière son épaule, sans lui jeter un regard. En vérité, le voir, là, attaché, lui donnait une nausée terrible, mais elle n’en dit rien.

La Couronne de Cuivre

[Lieu-dit] Le parc verdoyant de Lumenis

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