[Lieu] Embarcadère-Débarcadère

[Kasumi]

Vimaire avait éludé la question mais le capitaine ne pouvait lui en tenir rigueur. Au lieu de cela, il répondit d'un ton enjoué :

- Comme vous voudrez ! Mais dans ce cas, je dois vous donner rendez-vous à Luménis pour cette partie de la visite. Non pas qu'il n'y pleuve jamais, bien sûr. Et en attendant, laissez-moi vous faire partager une de nos coutumes... Maître coq ! Ah, le voici !

Un vieux marin portant la barbe et au dos légèrement vouté s'approcha du couple avec un plateau sur lequel étaient posées deux tasses de thé fumant et parfumé.

- Je manquerais à tous les devoirs si je ne proposais pas un rafraichissement à mes invités. La guerre ne justifie pas l'impolitesse, qu'on se le dise !

[Althéa]

Vimaire regarda la boisson quelque peu dubitative.

"Quoi, mais vous voulez me faire boire de l'eau chaude ... Devant mes hommes ? Mais j'ai une réputation à tenir, moi !"

Elle rit franchement.

"Cela fait longtemps que je n'ai pas bu de thé. En quoi consiste cette cérémonie ? Si je vous prends au mot et que je viens vous rendre visite à Lumenis, il faut que je sois parée. "

[Kasumi]

Le capitaine parut franchement amusé cette fois et répondit d'une voix qui feignait le scandale :

- Auriez-vous oublié le nom de mon navire, madame ? Je ne mériterais assurément pas d'en être à la tête si je vous gâchais la surprise ! Et quant à boire du thé à la menthe, cela n'a rien de déshonorant mais je me ferai un plaisir de me conformer à vos coutumes ce soir si vous voulez bien y gouter.

[Althéa]

Le visage de Vimaire se fendit d'un véritable sourire.

"Ma foi ... Je ne sais pas encore si c'est bien raisonnable. Notre corps d'armée a l'habitude de faire avaler une bière à nos aspirants ... La tête en bas en lui tenant les pieds. C'est plutôt distrayant - plus drôle que pour les tyrites qui doivent boire les yeux fermés avec une main derrière le dos - mais vous ne méritez pas cela."

Ses yeux se posèrent sur le thé.

"Alors, le thé à la menthe ... Comment se boit-il celui-là ? J'espère que je ne vous ai pas donné de mauvaises idées."

[Kasumi]

Les yeux du capitaine marquèrent son amusement alors qu'il commençait à siroter son thé après avoir pris soin de souffler dessus. Il répondit toutefois au bout d'un instant :

- Ma foi, on le boit sucré. Et par n'importe quel temps y compris pendant les tempêtes. Mais vous avez de la chance pour votre initiation : il fait un temps magnifique et nous sommes au port. Vous préférez que je vous emmène dans la passe du Cap du Vigilant, peut être ?

[Althéa]

"Où vous voudrez je vous suivrai ...", dit-elle en prenant sa tasse.

Elle partit d'un grand rire.

"Je plaisante, ne prenez pas peur. Mes hommes ne me laisseraient pas partir avec vous, de toute façon. Pour le cap du Vigilant, une autre fois peut-être. On m'a déjà proposé d'escalader la Cordillière du faucon à cloche-pied."

[Kasumi]

Le capitaine semblait un peu surpris de tomber sur une manostienne avec un tel sens de l'humour mais il devait reconnaître que ses préjugés étaient certainement infondés, pour son plus grand soulagement. Il répondit d'un ton tout sauf sérieux :

- Donc si je résume bien : vous buvez la bière la tête en bas et une main dans le dos et vous grimpez votre plu haute montagne comme les enfants jouent à la marelle. Les manostiens sont un peuple définitivement étrange, si vous permettez que je donne mon avis.

[Althéa]

La manostienne rit franchement et lui donna une bourrade amicale sur l'épaule, ce qui provoqua un raz-de-marée dans leurs deux tasses de thé.

"Faites excuse ..., dit-elle assez embêtée, je commence à prendre les manières de mes hommes."

Elle sourit et but une gorgée de thé.

"C'est vraiment délicieux. Même celui du Loyal n'est pas aussi bon."

[Kasumi]

Le capitaine ne se formalisa pas de tant de familiarité et se défendit avec une certaine modestie :

- Oh, je suis certain que vous exagérez ! Cela dit, ce thé est une trouvaille que j'ai pu négocier à Eredhun. Enfin, négocier... Je ne devrais pas vous le dire mais je l'ai gagné en fait, face à un capitaine un peu prétentieux en provenance d'Amn.

[Althéa]

Vimaire ouvrit de grands yeux.

"Quoi ? Vous avez gagné une recette de thé en jouant aux cartes ? Mais vous êtes une personne pleine de surprise, à l'image de votre bateau. Et je parie que vous ne vous appelez pas Lachance pour rien."

Elle but de nouveau une gorgée de thé.

[Kasumi]

Lachance eut un sourire en coin avant de répondre en baissant le ton comme s'il confiait un secret bien gardé :

- Ce n'était pas de la chance cette fois-là. Et je ne l'ai pas gagné aux cartes non plus. D'ailleurs je préfère les dés. Non, il s'agissait d'une petite course : l'Amnien semblait vraiment croire que son galion était plus rapide et manœuvrable que "mon navire de transport" pour reprendre ses termes.

[Althéa]

Vimaire paraissait de plus en plus amusée.

"Une course nautique, suis-je bête ! Je vous préviens tout de suite, je n'y entends presque rien en navigation. Quant à la course à pied ... Non, ce n'est pas une bonne chose. Par contre, je m'y entends très bien aux échecs. Du moins, si je dois jouer avec vous pour obtenir votre merveilleuse recette."

[Kasumi]

Le sourire de Lachance se fit plus intéressé, et plus mystérieux aussi. Il répondit en tous cas d'un ton très enthousiaste :

- Bien, je suis prêt à mettre en jeu ma recette mais que seriez-vous prête à risquer ? Un jeu où l'on ne met rien en jeu est bien fade, n'êtes-vous pas de mon avis ?

Le capitaine semblait véritablement curieux à présent. Savait-il seulement jouer aux échecs ? Il était impossible de le déterminer à son expression.

[Althéa]

Vimaire eut un petit sourire.

"Vous avez raison ... Il nous faut un enjeu. Alors si je gagne vous m'offrez votre recette. Et si je perds, je vous invite à dîner. On ne dirait pas comme ça, mais je me défends très bien en cuisine. Un autre héritage familial."

[Kasumi]

Le regard gris du capitaine se porta à nouveau vers les yeux de Vimaire et il répliqua d'un ton ingénu :

- Une invitation à dîner ! Cela ne se refuse pas, j'accepte vos conditions ! Mais il faudra que vous ayez la gentillesse de m'expliquer les règles de ce jeu. Les échecs, c'est bien ça ? Oh, le premier chargement est à bord, vos hommes sont diablement efficaces !

[Althéa]

Vimaire laissa quelques instants Lachance pour aller féliciter ses hommes.

"Bravo soldats, vous avez été rapides. Encore deux comme cela et vous l'aurez bien méritée votre bière."

Elle grimaça.

"Je m'en veux de ne pas les aider plus. Même si je sais qu'eux ne m'en tiennent pas rigueur."

[Kasumi]

Le capitaine Lachance reprit son sérieux, jugeant que l'humeur de son interlocutrice se faisait nettement moins joyeuse :

- Vous savez, ils n'attendent pas de nous que nous fassions leur travail. Que nous soyons à leurs côtés parfois pour mieux les comprendre, mieux les écouter oui. Mais les hommes attendent bien davantage d'un officier. Ils attendent de pouvoir lui faire confiance parce que ses ordres sont sensés. Et vos hommes vous font confiance, cela crève les yeux.

[Althéa]

Vimaire hocha la tête.

"Je ne les décevrai pas. Et je suis fière de voir la façon dont ils se comportent. Pas seulement leur efficacité mais la façon dont ils ont coopéré avec vos hommes. Hilare est plus circonspect et vous devrez vous méfier de lui, je le crains. Mais ... Ne m'avez vous pas demandé quelles étaient les règles des échecs ? Ou voulez vous attendre que nous soyons attablés devant une pinte de hale. Avec un peu de chance, vous serez distrait et j'aurais plus de chance de gagner."

Elle cligna de l'oeil.

"Je pourrais aussi faire exprès de perdre pour vous inviter à dîner."

[Kasumi]

Le clin d'œil de la manostienne trouva preneur de même que sa remarque qui amusa le capitaine à tel point qu'il éclata de rire avant de répondre sans se prendre le moins du monde au sérieux :

- Me laisser gagner ? Vous n'y pensez pas ! Ce serait à coup sûr m'attirer le mauvais œil de Tymora et s'il y a une chance qu'il faut savoir sur les marins est leur propension à être superstitieux. Non non, vous m'apprendrez les règles et nous verrons bien ce qu'il adviendra. Il se peut même que si l'envie vous dit de débuter la partie maintenant - et par le plus grand des hasards bien entendu - je parvienne à dégotter un plateau et ses pièces dans le coffre de ma cabine. C'est assez incroyable ce qu'un vieux marin peut amasser en sillonnant les mers et les océans.

[Althéa]

Vimaire fronça les sourcils mais ses yeux souriaient.

"Attendez. Quelque chose me dit que vous n'êtes pas vraiment un débutant et que vous essayez de m'attendrir. Mais mon petit cœur est de pierre, monsieur. Et puisque vous me piquez au vif, ce n'est pas demain la veille que Juliet Vimaire perdra aux échecs ! Mais si vous êtes vraiment débutant, je vais vous rappeler les règles le temps que vous cherchiez votre jeu ..."

Et elle s'exécuta.

[Kasumi]

Le capitaine ne s'était pas fait prier pour inviter Vimaire à le suivre jusqu'à sa cabine, un endroit relativement spacieux et meublé avec simplicité, les rigueurs du bord obligent. Toutefois, quelques objets curieux - et manifestement originaires de cultures lointaines - étaient exposés ici et là sur une étagère entre des compas et autres instruments de navigation. La cabine disposait même d'une petite bibliothèque en plus de deux gros coffres dans lesquels l'officier luménien se mit à farfouiller. Il en ressortit un coffret en bois ciré qu'il déposa sur une table basse. Il contenait un magnifique plateau ainsi que des pièces dont une moitié étaient sculptées dans de l'ivoire et l'autre dans du marbre noir. Tout en commençant à les disposer sans hésitation à leur emplacement, il se tourna vers Vimaire et l'invita à s'asseoir.

- Prendrez-vous les blanches, dame ?

[Althéa]

Vimaire regarda Lachance, les bras croisés avec un petit sourire amusé.

"D'ordinaire, je prends les noires. Peut-être en hommage à la grisaille manostienne. Mais aujourd'hui, pourquoi pas les blanches, oui. Un peu de changement me portera peut-être chance."

En attendant qu'il ait fini de disposer les pièces, elle avait regardé autour d'elle. Ses yeux s'étaient arrêtés sur la bibliothèque.

"Et vous avez des livres. De la fiction en plus. Et je vois des livres de Mysteria. Une de mes connaissances à la collection complète chez elle. Voyons, le tome 42 ... L'insoumise et le maître porcher. Si je me souviens bien, c'est l'histoire de la femme pirate originaire de Melandis qui après un naufrage est sauvée puis recueillie par un gardien de cochons manostiens qui l'emmène chez lui. Je ne me souviens plus très bien de la fin mais je pense qu'ils finissent ensembles."

[Kasumi]

Le capitaine termina tranquillement de disposer les pièces comme si de rien n’était mais finit tout de même pas répondre en se mettant assis en face des noirs.

- Je vois que j’ai affaire à une connaisseuse ! Vous êtes de plus en plus surprenante à mesure que je vous découvre… Et pour répondre à la question que vous n’avez pas posée, je considère qu’il n’y a pas de mauvaise littérature et chaque ouvrage recèle des trésors que vous êtes bien heureux de découvrir lors des longues soirées en mer, surtout quand le temps est calme. Et encore plus quand il s'agit du cadeau d'une dame ! Celui-ci vient de Luménis si j'ai bonne mémoire.

[Althéa]

Vimaire grimaça quelque peu.

"Je n'aime pas vraiment lire. C'est plutôt Louison qui m'en parle. Une amie dont je tairai la profession et le nom. Nous nous croisons parfois au palais de ... Enfin, oubliez ça. Lire pour le plaisir n'est pas spécialement bien vu. Si je lis, c'est quand je suis sure que personne ne me regarde. Mais je suis d'accord avec vous : la littérature occupe, transporte et fait voyager. Et elle donne aussi des idées. Et ce n'est pas très bon d'avoir trop d'idées à Manost."

[Kasumi]

Le capitaine adressa cette fois un regard scrutateur et attentif à Vimaire et l'invita d'un geste à prendre place devant lui, de l'autre côté de la table avant de répondre d'un ton grave :

- Vous semblez avoir... un peu peur d'exprimer ce que vous êtes. Il n'y a aucun mal à lire. Manost a une réputation d'austérité et les événements actuels ne contribueront pas à amender les choses mais de là à reprocher la recherche de connaissance et de divertissements... Vous ne pouvez pas être sérieuse. Ou alors si et je vous encourage vivement à venir jouer cette partie. Voyez cela comme un acte de rébellion d'un capitaine qui prône pourtant la discipline. Mais promettez-moi que cela ne sortira pas de cette pièce sinon je serai obligé de vous laisser gagner.

[Althéa]

"Je suis manostienne avant tout. Cette ville a ses défauts, ses qualités, mais c'est ma ville."

Elle sourit et s'assit face à lui.

"Un acte de rébellion ? Non, je n'oserais pas. Disons que simplement pour le plaisir de jouer aux échecs avec vous."

[Kasumi]

Le capitaine retrouva une expression douce hormis les moments où ils préparaient son coup suivant, concentré. De temps à autre, il demandait à Vimaire si tel ou tel déplacement était autorisé et sa tactique était pour le moins difficile à déchiffrer, comme s'il jouait au hasard ou en réaction aux prises, pour l'heure minimes, de son adversaire expérimentée. Son jeu lui avait coûté un fou, deux pions et à l'instant un cavalier contre seulement un des siens et un pion perdu dès le départ mais Vimaire ne s'aperçut que trop tard que sa reine était menacé au prochain coup, à moins qu'elle ne sacrifie ses deux tours et ne mettent en péril son roi en trois coups. Comment la manœuvre lui avait-elle échappé ? Un sourire en coin de part du capitaine lui signala qu'il ne s'agissait en rien d'un coup de chance.

[Althéa]

"Je le savais, vous n'avez rien d'un débutant."

Elle fit semblant d'être fâchée, croisa les bras avec un sourire.

"Alors, il me semble que je vous dois un dîner.", finit-elle en couchant son roi.

[Kasumi]

Les yeux du capitaine brillèrent d’une lumière malicieuse mais il répondit d’un ton apaisant. Bien loin de jubiler de sa victoire, il imita le geste de la manostienne :

- J’accepte avec joie ce dîner mais vous vous êtes très bien défendue. Cela fait longtemps que je n’ai pas trouvé de partenaire de votre niveau à dire vrai. Il me semble approprié que je vous doive une certaine recette. Je vous l’apporterai au dîner. Demain soir, peut-être ? Comme cela je pourrais vous voir au moins deux fois !

[Althéa]

"Deux fois, mais vous êtes fou !, s'exclama Vimaire avec un grand sourire, vous ne le supporterez pas. Bien sûr, si vous m'apportez cette fameuse recette, je serai bien contente. Demain soir, pourquoi pas. Sous réserve bien sûr que mes concitoyens se tiennent tranquilles."