La Couronne de Cuivre

Quête: L'Affaire BlancBouillon

L'affaire se corsait, Rowan escomptait éliminer le mousse lors de son attaque et de faire peur à son imposant compagnon. Le moins que l'on puisse dire c'est que l'effet obtenu était loin d'être celui désiré, en plus que l'ensemble du navire allait lui tomber dessus. Dans l'immédiat elle devait ramener la lutte à un contre un, elle se jeta donc de nouveau sur le mousse en prenant sa forme hybride dans la foulée. Elle espérait cette fois que le garçon soit assez surpris pour en perdre sa vélocité.
Dans son attaque elle hurla:

"Je suis Ratus, dieu vengeur des rats, vous allez payer la mort de tous mes sujets assassinés sur ce navire, votre âme sera à moi."

Ça, c'était pour impressionner le demi-ogre, si son cerveau assimilait l'information bien entendu...ce qui n'était pas gagné.

Quête : l’affaire Blancbouillon

L’ogre parût très surpris. Il s’immobilisa, cligna des yeux et de sa voix stupide hasarda :
« Rat encore plus gros ? »
Lui était perdu, mais pas le mousse. Non que celui-ci n’ait pas été surpris, mais il demeura réactif. Pire encore, il comprit immédiatement à quoi il était confronté, preuve qu’il avait dû voir bien des horreurs en travaillant sur la Dame Rouge.
« Rat-garou ! Rat-garou dans la calle ! « hurla-t-il.
Il avait sorti une dague mais ne fut pas assez rapide, cette fois, pour se défendre correctement. La lycanthrope le renversa. L’arme blanche lui échappa des mains. Si Rowan le désirait, elle pouvait en finir avec lui sur l’instant. Mais les pas dans la coursive était maintenant tout proche. Deux personnes, au moins, allaient débarquer ici dans les dix secondes. Plus loin, quelqu’un cria :
« Aux armes ! On a des intrus ! »

Quête: L'Affaire BlancBouillon

Les difficultés allaient croissant, Rowan allait devoir se barrer au plus vite du piège qui se refermait sur elle. Elle reprit sa forme de rat et fila en direction des hommes qui accouraient à l'hallali, elle comptait encore une fois sur l'effet de surprise pour leur filer entre les pattes.

Quête : l’affaire Blancbouillon

Rowan entendit derrière elle les pas pesants de l’ogre se lancer à sa poursuite. Mais il était lent et balourd, il ne représentait plus un problème. Devant, en revanche, c’était une autre histoire. Deux corsaires venaient à elle, sabre à la main. Ayant été alerté par le mousse de la nature de l’intrusion, ils ne furent pas vraiment surpris de voir débouler dans la coursive un rat aussi énorme. Le premier abattit son arme sur le monstre... mais le manqua. Il jura. Le second ne parvint pas non plus à le stopper. Le rongeur lui passa entre les jambes. Voilà la voie libre sur quelques mètres. L’échelle conduisant sur le pont n’était plus très loin. A côté d’elle se tenait un elfe noir. Il commença à murmurer des paroles étranges et entre ses doigts quelques lueurs se mirent à danser. Il était manifestement en train de lancer un sortilège. Difficile de savoir s’il aurait ou non le temps de terminer son incantation.

Quête: L'Affaire BlancBouillon

Rowan ne pouvait prendre ce genre de risques, elle résolut de perdre quelques instants et bifurquant au dernier moment attaqua le drow là où ça faisait le plus mal pour un mâle, mordant la bosse du pantalon de toutes ses forces.

Quête : l’affaire Blancbouillon

Pour Rowan : Pour Kededric : Pour tous :

« Trouvez-le ! » beugla quelqu’un sur le pont.
« Je veux sa peau à ce sale rat ! » ajouta un autre flibustier.
Malgré la distance, certes modeste, il était évident que les corsaires étaient sur le pied de guerre. Des voix, d’un bout à l’autre du bâtiment, se faisait entendre. Sur les quais, certains marins s’interrogeait. Mais que diable s’était-il passé ?

Quête: L'Affaire BlancBouillon

youhouhouhou, dans le *** bande de nazes se réjouissait intérieurement Rowan pendant qu'elle galopait à toute allure sur le quai du port. Elle revint enfin en sécurité à son point de départ, et s'attarda quelques secondes à inspecter ses arrières, elle avait causé un grand ramdam mais à priori personne n'avait repéré où elle avait disparu.
Elle sentit soudain qu'elle n'était pas seule et se retourna vivement pour se rendre compte avec soulagement que ce n'était que Kededric qui était enfin revenu.

"Re camarade, je commençais à croire que tu t'étais égaré dans quelque portail sans retour"

Quête : l'affaire Blancbouillon

L'assassin arriva d'un pas nonchalant sur les quais. Il n'était plus inquiet d'un quelconque retard car il venait d'apercevoir Rowan à l'endroit où ils s'étaient séparés, quelques heures plus tôt. Nul doute qu'elle avait dû se demander ce qu'il devenait, et son accueil confirma la chose. Il lui sourit en réponse, tout en ajoutant :

"Bien pire que cela, je le crains. Mais je suis en vie, tout comme vous ! Alors, que vous a révélé votre petite escapade sur ce charmant vaisseau ?" Il jeta un coup d’œil curieux en direction de la Dame Rouge, où le branle-bas de combat semblait avoir été donné. "Je n'oserais vous tenir pour responsable de ce capharnaüm à bord..." fit-il, taquin.

Quête: l'Affaire BlancBouillon

Terminant de rajuster ses vêtements, Rowan accorda négligemment un regard à la Dame Rouge où les membres d'équipage s'interpellaient à qui mieux mieux sur qui avait aperçu le rat, la direction où il était partit, si il avait quitté le navire ou non. Quelques moqueries se faisaient également entendre à propos des hallucinations du à l'excès de rhum, une bonne petite bagarre générale allait-elle survenir.
Elle haussa les épaules en répondant à son complice:

"Oh ça? J'ai effectué une petite visite immobilière de l'endroit, mais vu l'accueil déplorable je ne pense pas acquérir ce vaisseau. J'ai néanmoins pu apprendre un fait intéressant, il y a un passage permettant d'accéder discrètement au Domaine de notre cible."

Quête : l'affaire Blancbouillon

Rowan ne manquait pas d'humour, elle non plus. La suite de leur affaire semblait se dessiner sous de bonnes auspices.

"Un passage, vraiment ? Auriez-vous pu parler à notre ami commun ?" A sa connaissance, seuls Gibet et Berelda avaient connaissance de ce passage. Et Beauregard, mais l'imbécile était dans un état trop préoccupant pour être interrogé... Comment Rowan avait-elle pu se rendre dans la cellule où devait être maintenu prisonnier Gibet ? Elle avait probablement usé de magie, car elle n'avait pu prendre le navire d'assaut, et il ne doutait pas que l'homme devait être bien gardé. Kededric se promit d'y songer plus avant.

Quête: l'Affaire BlancBouillon

Rowan devait se méfier, elle sentait que son acolyte se posait des questions à son égard. Elle lui expliqua brièvement qu'elle s'était introduite furtivement sur le navire (sans mentionner sa transformation) et qu'elle avait réussi à se faufiler jusque dans la cale où elle avait pu surprendre des bribes de conversation entre Griscieux et Gibet.

Quête : l’affaire Blancbouillon

Alors qu’ils discutaient, la voix du fameux capitaine Griscieux se fit entendre sur la Dame Rouge. Et cette voix portait loin. Le bougre avait de l’énergie et une sacré autorité aussi. En fait, pour tout dire, il faisait réellement froid dans le dos.
« Silence ! Toi, viens m’expliquer à quoi est dû précisément ce désordre. »
L'effet fut immédiat sur l'équipage. Le calme revint. La suite de la discussion, plus basse, ne fut pas audible distinctement. Encore quelques secondes et les deux assassins aperçurent un imposant individu noir de peau, avec des tatouages, s’approcher du navire et monter à bord. Il venait de la ville. Tous deux l’avaient déjà vu.

Quête : l'affaire Blancbouillon

Kededric n'insista pas pour en savoir plus. Il ne souhaitait pas connaître les secrets de Rowan, car il savait qu'avoir ses propres méthodes pouvait s'avérer salutaire dans des situations délicates. Et puis... si l'un ou l'autre venait à être fait prisonnier, mieux valait qu'ils ne se trahissent pas mutuellement en révélant des détails embarrassants sur l'autre...

Ils furent interrompus lorsqu'ils entendirent Griscieux aboyer sur le pont. Le capitaine ne semblait pas manquer de poigne. Il menait probablement son équipage à la dure, ce qui semblait nécessaire au vu de la piètre morale dont il faisait preuve... Kededric n'avait pas encore abordé ce point avec sa collaboratrice, mais il ne tarda pas à voir une occasion de le faire, lorsqu'il aperçut le grand matelot à la peau halée.

"J'ai vu cet homme, celui qui vient de monter à bord, tout à l'heure, durant ma filature. Il n'était pas seul... il cherchait la femme rousse que j'ai pistée. Très probablement pour lui soutirer des renseignements. Elle en sait long sur Gibet, et même sur Blancbouillon. Nous aurions tout intérêt à faire en sorte qu'elle reste en vie, car elle pourrait peut-être nous aider." Le côté utilitaire de Berelda était crucial selon Kededric. Pour le reste, elle pouvait se faire égorger comme un goret dans une impasse sordide du port, il n'en tirerait que des conclusions quant à la vulgarité de cet acte mal réalisé.

Quête : l’affaire Blancbouillon

Rowan leva un sourcil, intéressée par les dires de Kededric. L'escapade de ce dernier n'avait pas été improductive, Tymora était bien généreuse avec eux pour le moment. Elle adressa une courte prière de remerciement, la Déesse de la Chance n'était pas spécialement la divinité à qui elle confiait ses dévotions mais cela ne coûtait rien après tout.

"En ce cas, nous devrions tenter de retrouver cette demoiselle pour la mettre hors de portée de notre capitaine aux dents longues." proposa t-elle.

Quête : l'affaire Blancbouillon

Kededric rassura Rowan.

"Nous avons convenu d'un rendez-vous, en début de soirée, non loin d'ici. Elle a insisté pour que je la laisse poursuivre ses affaires en attendant, voilà pourquoi je suis revenu... certes, avec un peu de retard par rapport à ce que j'avais escompté initialement, mais je ne doute pas que vous vous soyez très bien occupée de votre côté." Il arbora un large sourire, totalement dénué d'ironie. Sa partenaire semblait réellement capable d'accomplir des exploits intéressants ; se faufiler sur ce navire sans être vue était une chose extrêmement compliquée sans magie. Elle devait avoir de solides capacités pour se fondre dans le moindre recoin...

"Nous devrions peut-être laisser ces gentilshommes se débrouiller entre eux, non ? Ils font un vacarme terrible, et il devient difficile de se faire comprendre sans hurler. Et je n'aime pas hausser le ton ; on m'a déjà fait savoir que je prenais alors des atours menaçants..."

Sur le pont, le remue-ménage ne semblait guère s'être arrêté. Les dieux seuls savaient ce qu'ils cherchaient avec tant d'ardeur. Peut-être la clef de la ceinture de chasteté de la maîtresse de Griscieux... Kededric sourit d'un ait benêt à cette idée triviale.

Quête: L'Affaire Blancbouillon

Rowan contempla un long moment le cinéma qui se déroulait sur le dernier théâtre de ses exploits, de ce côté-là il n'y avait rien à craindre avant un bon bout de temps.

"D'accord Kededric, que faisons nous alors? Continuons-nous notre guet? Ou as-tu une autre idée à me proposer?"

Quête : l'affaire Blancbouillon

L'assassin aurait bien souhaité continuer à glaner quelques informations quant au déroulement de la journée de Rowan, mais il sentait qu'elle n'était pas d'humeur bavarde. Ce ne devait d'ailleurs jamais être le cas, à en juger par sa mine constamment grise et fermée. Kededric en resta donc là, peu désireux de mettre à mal leur association aussi étrange que fructueuse, pour l'instant.

"J'aurais tendance à penser qu'il vaudrait mieux nous éloigner. Si nous restons là trop longtemps, ces malandrins finiront par nous remarquer... or, nous aurons peut-être à revenir par la suite, qui sait ? Allons déambuler tranquillement en attendant notre rendez-vous. L'air de rien, nous pourrons ainsi nous assurer que personne d'inconvenant ne vienne tourmenter notre contact pour régler notre petite affaire..."

Ce disant, il montra le chemin devant lui à Rowan, pour l'inviter à se mettre en route. Inutile de moisir ici, en effet, sauf à prendre des risques inconsidérés.

Quête: L'Affaire Blancbouillon

Rowan considéra la main de Kededric lui montrant la direction de la ruelle, suspectant une traîtrise quelconque comme il en arrivait tout le temps dans leur milieu. Bon et après? Elle savait qu'un jour elle finirait par recevoir une dague entre les omoplates et cela pourrait très bien arriver ce soir, mais là elle haussa les épaules et avança. Le raisonnement de son complice était tout à fait cohérent et elle serait arrivée à la même conclusion de toute façon.
Elle allait même pouvoir profiter de leur promenade pour se renseigner un peu plus sur ses libertés avec la guilde.

"Pendant que je t'attendais, un jeune garçon m'a approché pour me proposer un contrat. Peut-tu me dire si la guilde accepte les petits extras sur le côté?"

Quête : l'affaire Blancbouillon

Si Kededric remarqua l'hésitation de Rowan, il n'en donna pas l'impression. La méfiance était naturelle chez les assassins, sans laquelle ils ne vivaient pas bien longtemps... voire n'arrivaient simplement pas à entamer leur carrière dans le milieu. Ils marchèrent donc côte à côte à un rythme paresseux, tandis que, derrière eux, les échos du remue-ménage sur la Dame Rouge s'estompait avec la distance.

"Un contrat ? C'est intéressant. Ma foi... nous n'avons nous-mêmes pas de réel contrat avec la guilde, n'est-ce pas ? La loyauté est de mise, évidemment. Contrevenir aux ordres de nos chers dirigeants signifie la mort, comme tu le sais. Mais tu peux probablement juger si ce contrat proposé va à l'encontre des objectifs de notre organisation. Si ce n'est pas le cas, tu as champ libre." Il s'interrompit, puis prit un ton plus rêveur. "J'ai déjà effectué ce genre de petit écart. Cela ajoute un certain piment dans l'existence..."

Il ne précisa évidemment pas qu'il était actuellement sous contrat pour un intervenant extérieur de la guilde. Rowan n'avait pas à le savoir, ni personne d'autre. Le secret était la clef du succès de son entreprise.

Quête: L'affaire BlancBouillon

La réponse de Kededric satisfit Rowan, elle confirma à la roublarde qu'elle avait donc le champ libre pour éliminer une cible que personne ne regretterait.

"Voici qui m'agrée bien. Il ne s'agit que de débarrasser la cité d'un parasite quelconque, pas de quoi nuire aux intérêts de la guilde, je suis donc tranquille. Merci de cet éclaircissement." dit-elle à son compagnon.

Désormais le quai et le navire n'était plus en vue, maintenant qu'ils étaient suffisamment éloignés, quelle direction allaient-ils prendre?

Quête : l’affaire Blancbouillon

Kededric, accompagné de Rowan, ne retrouva pas la piste de Berelda. En s’approchant de la maison close, "A la Sirène Lubrique", les deux assassins constatèrent juste qu’il y avait eu un peu de grabuge. Les gens parlaient d’une intervention du guet à cause d’une bagarre dans l’établissement. Quoi qu’il en soit, le duo n’eut d’autre choix que de se rendre au rendez-vous de la rousse, une fois le soir tombé.

Kededric n’eut pas longtemps à attendre avant que des pas pressés retentissent à l’intérieur. Un juda coulissa, laissant entrevoir deux yeux d’un bleu remarquable. Ces yeux observèrent l’assassin d’une façon assez inquisitrice avant qu’une voix fort peu aimable ne retentisse.
« C’est pour quoi ? »
La voix était plutôt androgyne, en tout cas, particulière. Le ton, également, interpelait. Les adolescents, proches du fleuve, s’étaient retournés. Ils avaient remarqués Kededric et sans doute discutaient de lui.

Kededric n'était pas né de la dernière pluie, et il sentit que les adolescents le fixaient. Il préféra adopter la posture de celui qui n'avait rien à se reprocher et ne fit rien pour donner l'air de les surveiller à son tour. L'homme répondit. Était-ce l'artiste ? À tout le moins, il avait un timbre de voix particulier, mais cela ne suffisait pas à le qualifier d'excentrique. Voyons voir... l'assassin l'avait déjà vu de loin, une seule fois. De tels yeux devraient le mettre sur la piste.

Pour l'heure, il fallait trouver une solution pour ne pas attirer davantage l'attention : entrer chez Orchandelle rapidement, comme s'il était une connaissance, ou s'en aller tout aussi prestement pour passer pour un inconnu venu l'importuner. Kededric opta pour la première solution et dit, juste assez fort pour que ce ne fût pas à voix basse :

"Je viens de la part de votre cousine, Lidia."

Lors qu'il répondait, Kededric avait fixé le regard de l'homme. Ce bleu... ne pouvait pas passer inaperçu.

L’homme de l’autre côté du ventail eut une brève hésitation, puis il referma le judas. Kededric entendit de nombreux verrous qu’on tournait. Puis, enfin, ce fut la clé dans la serrure. La porte s’ouvrit.

« Entrez », déclara d’un ton neutre le probable Blasius Orchandelle.

Dès que ce fut fait, la porte claqua et l’homme remit en place les verrous. L’assassin put constater que le maître des lieux aurait été fort élégant s’il avait un peu pris soin de son apparence. Ses cheveux étaient en bataille. Sa barbe n’était pas entretenue. Son costume était sale. Et il n’avait probablement pas pris de bain depuis au moins une semaine. Pour autant, son visage avait des traits plutôt remarquables de perfection. Le vestibule était, quant à lui, miteux à souhait.

« Alors c’est donc avec vous que je vais devoir faire équipe ? Mouais. Vous ne payez pas de mine. Le capitaine m’avait assuré qu’il me trouvait un expert, pas un gueux. »

Inconsciemment, l'assassin nota que l'artiste était pour le moins suspicieux et prudent, à en juger par le nombre improbable de verrous qui ornaient son huis. Il en compta pas moins de six, ce qui excédait la moyenne des portes pourtant bien gardées de la guilde des assassins !

La suspicion faisait partie intégrante d'Orchandelle, à en juger par sa question latente. Kededric était-il l'homme de la situation ? Certes, il avait revêtu des habits simples pour se fondre dans le décor du port. Le peintre devrait savoir que les apparences étaient parfois trompeuses...

"Ma foi, je pourrais vous retourner le compliment, messire. Le capitaine m'a parlé d'un grand artiste - vous-même - et j'ai devant moi un personnage qui semble délaisser son côté esthétique pour une raison qui m'échappe. Mais je gage que cela n'a pas d'importance. Nous sommes là pour travailler ensemble, pas pour défiler devant un parterre de nobles à l'affût des dernières tendances vestimentaires..."

Il tendit la main à Orchandelle. "Je me nomme Maxime Petitpierre. Du moins, appelez-moi ainsi, s'il vous plaît." Leur mission serait délicate, et se faire démasquer à cause d'une indiscrétion serait dommageable pour sa petite affaire...

Blasius Orchandelle ne serra pas la main qu’on lui tendait. À la place, il se rengorgea, visiblement blessé dans son orgueil. Lorsqu’il s’exprima de nouveau, ce fut avec une insupportable suffisance.

« Monsieur, sachez qu’il n’y a pas, dans tout Melandis, artiste plus doué que ma personne ! À ce titre, mon temps est précieux ! Ce serait folie que de le gaspiller à des fins esthétiques alors que je n’envisageais pas de côtoyer qui que ce soit ! Non, je consacre chaque instant à mon art, ma raison d’être ! Tachez de ne jamais l’oublier ! Vous avez de la chance d’être le pion de cet imbécile de Griscieux. Sans cela, je vous aurai expulsé dans la fange où est votre place ! »

Kededric n'était pas impulsif, ni particulièrement susceptible. Néanmoins, l'envie de rendre des points à ce prétentieux le titillait ; aurait-il survécu quelques minutes dans les rues sombres du bas quartier ? Son talent lui valait-il tant de suffisance ? Certes, l'artiste était connu, mais cela ne l'autorisait pas à se comporter comme un dandy imbu de lui-même. Et encore moins de l'insulter ouvertement.

Mais l'assassin conserva son calme. Il haussa les épaules et soupira brièvement, avant de faire un geste de la main pour indiquer qu'il laissait tomber toute cette affaire.

"Bien. Maintenant que les courtoisies sont échangées, êtes-vous prêt à partir ? Nous avons plusieurs personnes à qui... rendre visite, et je ne voudrais pas vous faire perdre du temps, ni le mien."

Un tel partenaire allait être une plaie. Il songea soudain à Rowan, avec qui il venait de partager une mission bien plus dangereuse. Pourtant, les choses s'étaient bien déroulées, et l'assassine était plutôt douée. Et son caractère, certes taciturne, restait simple à appréhender. Celui-ci semblait un peu loufoque. Mais pas dans le bon sens du terme...

« Non, je ne suis pas prêt. Puisque justement il va me falloir me mêler au commun des mortels, les questions d’ordre esthétique s’imposent. En d’autres termes, je vais me préparer. »

Orchandelle faillit quitter le vestibule sans ajouter rien de plus. Mais il dût se dire que laisser en plan un invité, aussi indésirable qu’il puisse être, ne se faisait pas. Alors il lui refit face.

« Vous pouvez attendre dans le salon et si vous n’êtes pas totalement hermétique à l’art, ma galerie est à votre disposition. Mais je vous préviens, je sais où se trouve chacune de mes possessions, jusqu’à la moindre pièce de cuivre, jusqu’au moindre grin de poussière. Alors ne vous avisez pas de me voler. Sur ce... »

Il s’en alla. L’assassin l’entendit gravir un escalier puis s’enfermer quelque part. Il ne semblait y avoir personne d’autre dans cette maison. Kededric était donc libre d’entreprendre ce qu’il voulait.