La Couronne de Cuivre

L'amiral répondit de son ton toujours plein de bonhommie :

- Le protocole impose que vous m'appeliez amiral devant les représentants de la flotte et conseiller lors des occasions plus officielles, notamment en présence de dignitaires étrangers. Mais en dehors et puisque vous n'êtes pas militaire, vous pouvez m'appeler par mon nom. Vous ne serez pas tenu de participer aux manœuvres de l'équipage mais vous devrez assister aux entraînements des soldats. Il faut maintenir la forme des soldats pendant les voyages de sorte qu'ils puissent se battre en arrivant. Pour ce qui est du hamac : ne vous inquiétez pas de ça. Le matériel de couchage vous sera fourni pour la traversée mais pensez à emporter de quoi tenir une fois à terre.

L'amiral redoubla d'hilarité : décidément ce petit elfe lui plaisait bien par son discours franc et un peu loufoque. Il fut tenté de répondre par une plaisanterie de son cru - et un peu cru il faut reconnaître :

- Vous ne connaissez donc pas la légende parmi les marins humains ? Privés de femmes à bord, il embauchent couramment des elfes mâles comme substitut lors des longues traversées ! Enfin, c'est ce qui se dit dans les gargotes sordides. N'en croyez pas un mot !

Puis il reprit, plus sérieux :

- Nos troupes comptent de nombreuses femmes. Leurs compétences martiales et tactiques ne sont plus à démontrer et depuis bien longtemps. Mais gardez-vous de les aborder sans prendre de précautions surtout si vos intentions ne sont pas claires. L'armée ne plaisante pas de ces choses. Et elles non plus, vous pouvez me croire.

En provenance de la Forge, Dorian se hâtait vers les quais. Il marchait d' un bon pas, décidé à ne pas rater son rendez-vous avec le capitaine de la Fierté Galante . Ses quelques affaires tenaient dans son sac à dos tandis qu' il portait dans ses bras (toujours enveloppée dans un sac de toile), l' armure gravée aux armes de Luménis et destinée à son client.

Une fois sur les quais, Dorian fit connaître son identité aux gardes et faction et se fit indiquer l' emplacement du navire qu' il recherchait. Une fois devant la passerelle, le bon vampire héla le matelot de garde.

" Salutations messire, je suis le forgeron Dorian Cheveux-de-Jais et j' apporte quelque chose pour votre capitaine. Vous serait-il possible de l' appeler s' il vous plaît ? "

Quête : la guerre en Dorrandin - Luménis (l'embarquement)

Pour Arthur :

Le paladin fut intercepté par un des sergents qui avait déjà fort à faire pour contrôler les ordres de missions de chaque troupe qui se présentait sur les quais pour leur désigner leur affectation sur une des trente caraques qui constitueraient la flotte en partance de Luménis.

- Bon, qu'avons-nous là ? Un paladin j'imagine ? Et de la commanderie d'après votre blason. Je n'ai aucun des vôtres sur ma liste...

Déjà, une petite file s'était accumulée derrière le jeune cavalier.

Pour Bat :

Un des matelots assignés à surveiller la passerelle de la caraque désignée par l'officier de cavalerie répondit au forgeron :

- Une commande vous dîtes ? Je vais voir avec le capitaine s'il est au courant.

Désignant un de ses collègues pour prendre sa place, le matelot disparut à la vue de Dorian en direction du château de poupe du vaisseau. Quelques minutes plus tard, ce n'est pas le capitaine du vaisseau mais bien l'officier luménien qui fit son apparition à la passerelle :

- Ah, vous avez été rapide à m'amener ma commande. Encore une fois merci ! Et j'ai touché un mot à l'amiral qui semblait ravi de l'idée de vous incorporer à la flotte. C'est une bonne nouvelle pour nous tous. Je crois qu'il vous attend sur la Vague Déferlante. C'est tout au bout du prochain ponton, vous ne pouvez pas la manquer.

Arthur essaya d'esquisser un sourire confiant.
"C'est que... il y a eu un changement de programme... On a décidé de... de... disperser les paladins... sur tous les bateaux... pour le réconfort spirituel, vous comprenez ? La traversée pourrait être longue et donc... si jamais les gens... ont besoin d'être... guidés, quelque chose comme ça. Enfin moi, vous voyez, je suis encore jeune, j'ai juste fait ce qu'on m'a demandé. Ce que Sire Armand m'a demandé. Vous voyez Sire Armand ? Il ne rigolera pas s'il apprend que j'ai été coincé sur les quais..."
Est-ce qu'un paladin peut mentir ? se demanda brusquement Arthur. Sans doute que non... Mais bon, c'était de la faute de Lathandre. Il aurait pu se mettre d'accord avec les chefs de la commanderie, aussi, plutôt que de l'obliger à recourir à des stratagèmes indignes.
Et maintenant tu blasphèmes, super, Arthur, tu iras loin.

Les explications du paladin étaient plutôt confuses et cousues de fil blanc mais le sergent n'avait pas le temps de démêler le vrai du faux avec la queue qui s'accroissait à chaque seconde d'attente. Après tout, les paladins avaient toujours eu une attitude un peu étrange de son point de vue personnel mais ils étaient appréciés en ville. Ses supérieurs étaient là pour s'occuper de ce genre de cas, après tout aussi le sergent demanda un peu abruptement :

- Bon, alors sur quel navire la commanderie vous a affecté ?

L'ennui était que le paladin ne connaissait pas le nom de toutes les caraques affectées à la guerre, loin de là. Le nom du tout nouveau navire amiral était dans toutes les rumeurs circulant en ville. La "Vague Déferlante" était un motif de fierté car elle embarquait les dernières innovations maritimes et pouvait se targuer d'une capacité d'emport presque double de celles des autres caraques. Ses travées resserrées en faisait un navire robuste qui avaient permis la construction de deux châteaux mieux défendus et plus imposants. Evidemment, le paladin pouvait aussi fouiller dans ses souvenirs à la recherche d'un navire moins sensible.

Arthur n'avait pas la moindre intention d'embarquer sur la caraque amirale, où il y aurait plein de personnes absolument infréquentables. Il n'avait franchement pas envie de passer tout son trajet à se cacher dans l'entrepont, à scruter les coursives, et à se dissimuler sous les voiles et les cordages. D'autant qu'il n'avait aucune idée du sort dévolu aux passagers clandestins... et celui-ci devait être pire sur un bateau rempli de notables. Cependant, il doutait de pouvoir nommer un navire existant... La... Vagabonde, la Fabuleuse, l'Insubmersible, la Titanique ? Aucune idée, il n'était pas féru de marine. En désespoir de cause, conscient de la mine de plus en plus contrariée de son interlocuteur, le jeune paladin leva un doigt et pointa un bateau au hasard.
"Celui-là !" déclara-t-il d'un ton convaincu.
Il leva alors les yeux pour découvrir à quel rafiot l'avait voué le sort. C'était un gros machin. Peut-être le plus gros de la flotte. Et qu'était-il écrit sur la coque ? Ça avait l'air de commencer par un V...
Oups, songea-t-il avec une grimace.

Dorian remercia l' officier qu' il avait reconnu et gagna le ponton au bout duquel se trouvait la Vague Déferlante comme on le lui avait indiqué. Il fit connaître son identité aux matelots et se fit introduire auprès du capitaine.

"Soldat et forgeron Dorian Cheveux-de-Jais à vos ordres capitaine " fit le bon vampire. " Je suis prêt à vous accompagner en Dorradin comme convenu. "

Pour Arthur :

Le sergent se retourna dans la direction pointée par le paladin et répondit d'un ton incrédule :

- Quoi ? Vous êtes affecté à la Vague Déferlante ? Vous semblez bien jeune pourtant... Vous êtes un des fils de l'amiral pour mériter un tel honneur sans doute ?

Y avait-il une pointe de jalousie dans le ton du sous-officier ? Oui, sans doute mais qu'un tel honneur soit réservé à un novice de l'ordre ne manquerait pas d'en étonner d'autres...

Pour Bat :

On fit patienter un moment le forgeron dans la file qui se pressait autour des navires avant de l'autoriser à rejoindre le bout du ponton. Mais il fut finalement autorisé à monter à bord. Une passerelle spéciale avait du être déployée pour parvenir au pont principal inhabituellement haut du navire amiral. Là, le vampire ne put qu'admirer les dimensions impressionnantes du bâtiment, du gréement haut au-dessus de sa tête et des deux châteaux à l'avant et à l'arrière du navire. Un officier prit connaissance de ses papiers pour l'orienter à partir de là.

- Ah oui, vous êtes notre nouveau maître forgeron. L'amiral souhaite vous parler mais il ne sera pas disponible avant une bonne heure. Cela vous laisse le temps de poser vos affaires dans votre cabine personnelle. C'est un peu exigu pour quelqu'un de votre corpulence mais c'est un honneur rare de bénéficier de son propre compartiment sur un navire de guerre. C'est dans le château de poupe. vous souhaiterez aussi peut être visiter l'atelier avant de rencontrer l'amiral ?

Arthur saisit la perche tendue à pleines mains.
"Sur la Vague Déferlante ?! Non, pas du tout. Pardon, je désignais la plus petite caraque, là, juste à côté. J'ai une très mauvaise mémoire des noms... C'était quelque chose comme... la... Vengeresse ? Non ? Je ne sais plus. Mais pas sur la Vague Déferlante, non, quelle idée. Beaucoup trop jeune, vous avez raison. Il y a au moins quoi... trois ou quatre paladins confirmés sur ce bateau, ce serait bête qu'on m'y ajoute. Aucun sens, même ! Et je ne suis pas le fils de l'amiral, non non, ni du général d'ailleurs, haha, quelle idée. Mais donc... Je peux y aller ?"
Filu en profita pour lâcher un bon paquet de crottins sur le quai, provoquant un concert de protestations dans la file déjà nerveuse.

Les hommes qui étaient dans la file juste derrière la monture d'Arthur durent faire un bon qui n'avait rien de protocolaire et protestèrent vivement mais eux comme le sergent semblèrent au moins ravi d'être débarrassés de l'encombrant paladin. Le sergent prononça malgré tout quelques mots de réprimande :

- Il s'agit du Vent d'Ouest. Tâchez de vous en souvenir si vous êtes censé vous occuper de ses hommes. Et présentez-vous au capitaine Thomas : l'embarquement des navires d'escorte est presque terminé. Vous voulez que je vous le note ou ça ira ? Allez, au suivant ! Et évitez de marcher là-dedans !

Ouf, c'était moins une, songea Arthur en entraînant rapidement Filu vers d'autres horizons.
Il fendit la foule en essayant de ne renverser personne et de n'écraser aucun pied, puis alla se présenter en bas de la passerelle, un peu hors d'haleine. Le Vent d'Ouest était un navire de taille beaucoup plus raisonnable et il poussa un léger soupir de soulagement avant de héler la première personne qu'il aperçut sur le pont.
"Ohé du bateau ! Je suis le paladin Ar... wedd. Le paladin Arwedd, c'est ça... Je suis assigné à votre bord ! Je peux monter ? J'ai un cheval aussi..."

Le paladin avait eu bien du mal à se frayer un chemin sur le ponton encombré de caisses et d'hommes. Il avait même déclenché une attention assez malvenue en restant sur le dos de Filu. Mais il s'était enfin dégagé un chemin sans incident majeur jusqu'à la passerelle menant au Vent d'Ouest. Son équipage était affairé à ranger les derniers éléments de chargement mais un homme prit tout de même le temps de répondre au paladin :

- Quoi ? Il en arrive encore ? Et comment je fais pour loger tout ce petit monde moi ? Une caraque peut stocker tout et n'importe quoi mais pas en quantité illimité. Ils pensent à quoi, là haut ? Bon allez, montez ! On va vous trouver une place au deuxième pont vous et votre monture. Mais tenez votre destrier par la bride. La passerelle est étroite.

Une fois sur le pont, Arthur put identifier son interlocuteur, un jeune femme mais qui possédait les insignes de lieutenant.

- Un sacré animal ! Il n'est pas nerveux en mer, au moins ? Je me présente, lieutenant Sombréclair. Oui, je sais : j'ai déjà entendu toutes sortes de blagues de mauvais goût sur mon nom alors abstenez-vous de penser que les vôtres seraient originales.

" Je n'avais aucune intention de faire de l'humour, lieutenant. Je suis très honoré d'être admis à bord de votre superbe navire. Quant à Filu... Je crois que c'est la toute première fois qu'il monte sur un bateau, alors je ne sais pas s'il est nerveux en mer, à vrai dire. J'espère que non."
Il eut un sourire embarrassé.
"Mais que Lathandre vous éclaire, surtout, et... je vais aller m'installer, alors ? Si je peux me rendre utile... Vous savez où me trouver."
Il manqua esquisser trois pas d'une danse victorieuse : il était à bord, il allait partir botter des fesses mélandiennes, alleluia ! Enfin... Il décida de garder les célébrations pour le moment où Luménis ne serait plus qu'un petit point brillant à l'horizon. C'était beaucoup plus raisonnable.

"Dites donc, c'est pas un bateau que vous avez là... c'est une grotte..." fit le paladin en flattant l'encolure de Filu.
Il ne se sentait pas tout à fait rassuré à l'idée de passer des semaines dans le ventre d'une sorte de baleine en bois. Pourtant, il avait déjà survécu à un naufrage, il n'était plus si novice en matière de traversée.
"Mais je suis habitué aux ronflements, oui. C'est un prérequis d'entrée à la commanderie."

De son côté, Zaïu se remettait péniblement d'un accès de blafarde aigu spontanée provoquée par la blague de l'Amiral. Si on considère qu'en effet, tout mythe a sa part de vérité, une boutade doit en avoir aussi. Et aussi infime que soit la probabilité, elle avait de quoi faire inquiéter un individu environ un demi-quintal. Malgré tout, il fallait faire bonne impression mais le rire qui franchit ses lèvres sonna curieusement faux. Il réprima également une envie subite de demander une protection lui aussi par un raclement de gorge. Puis quelque respiration longue et profonde l'aidèrent à regagner un semblant de calme.

Zaïu a toujours eu des intentions saines et claires envers la gente féminine.

Surtout jolie.

Zaïu doit-il démarrer la protection de vous-même sur l'heure ?

Pour Arthur :

Le lieutenant s'autorisa un sourire signe que la rigueur militaire n'empêchait pas d'apprécier une certaine forme d'humour.

- Alors vous ne serez pas dépaysé ! En plus les sons ont tendance à s'amplifier, rapport aux parois. Ah tenez, c'est ici.

Et de fait, ils étaient arrivés à un niveau où la moitié du pont était occupé par des boxes serrés. De nombreuses montures piaffaient de nervosité, rassurées tant bien que mal par les quelques soigneurs et les lumières d'origine magiques ménagées pour percer l'obscurité. Toutes les stalles ou presque étaient occupées mais le lieutenant dirigea Arthur et sa monture avec sûreté vers une des dernières qui demeuraient vides.

- N'ayez crainte ! On s'occupera bien de lui et vous pourrez retourner le voir quand vous ne serez pas de service. Bon, il faut que je vous montre vos "quartiers". C'est juste de l'autre côté.

Le lieutenant le mena à un dortoir qui pouvait accueillir une quarantaine d'hommes. Chacun disposait d'un petit coffre et d'une paillasse plutôt étroite.

Pour Zaiu :

L'amiral rassura l'elfe en l'autorisant à prendre congé :

- Non, je vais vous laisser vous installer dans vos quartiers. Vous avez une cabine individuelle dans le même couloir que moi, ainsi que les autres membres de la garde. Vous pourrez faire la connaissance avec certains d'entre eux après avoir déposé vos affaires. Demandez au lieutenant de garde et il vous indiquera où ça se trouve ! Et nous pourrons aussi nous reparler ce soir. Vous serez invité au mess des officiers évidemment.

Le conseiller prit congé de l'elfe après lui avoir indiqué le château arrière du navire où sa cabine l'attendait.

Dorian accepta la proposition de l' officier. Pourquoi ne pas prendre connaissance de l' atelier avant d' aller à la rencontre de l' amiral effectivement ? Le bon vampire posa ses affaires sommairement sur le lit et rejoignit l' officier.

"Je suis à vous messire, je suis prêt à vous suivre" fit-il. " Allons donc découvrir mon futur outil de travail..." Un atelier de forge à bord d' un navre, voilà qui ne manquait ni d' intérêt, ni de nouveauté...

"Sainte mère de Lathandre..." souffla le jeune homme.
Mais il ne se laissa pas démonter. Bien sûr, il avait été élevé le cul dans le beurre, dans une vaste demeure luménienne, avec une chambre pour lui tout seul, presque aussi grande que le dortoir en question (plus grande, en fait). Mais il avait depuis intégré la commanderie, où les conditions de vie étaient un peu plus rudes (bien que sans atteindre de telles extrémités), et il préférait de loin voyager dans un environnement atroce que de rester à quai et manquer l'opportunité d'aller guerroyer sur Dorrandin.
"C'est très... chaleureux. Je suis certain que je serai bien installé."
Il n'était pas certain d'avoir été très convainquant, mais un paladin ne se plaint jamais !

Pour Dorian :
La cellule allouée à Dorian était juste assez vaste pour contenir un hamac et y glisser ses affaires mais c'était là un luxe dont peu de soldats pourraient se targuer pendant la traversée. L'espace dévolu à l'atelier était plus vaste et ménager dans un entrepont mais le forgeron disposerait du matériel de base. La petite forge était avant tout destinée à opérer des réparations mineures après un éventuel abordage ou encore de fondre les pointes de flèches pour les bataillons d'archers et les mille et ustensiles nécessaires en pleine mer. Si elle ne permettrait pas de produire les chef d'œuvres auxquels dont le forgeron s'était fait une spécialité, la forge lui offrait tout de même la possibilité de s'occuper utilement pendant la traversée.

- J'espère que cela vous convient : c'est rudimentaire évidemment mais je suis certain que vous ferez des merveilles.

Pour Arthur :

Le lieutenant avait bien noté l'hésitation du paladin et ne s'en étonna guère. Elle répondit d'un ton rassurant :

- Ne vous en faites pas ! C'est moins petit que ça en a l'air après une dure journée de travail et puis ce n'est que pour deux décades. En plus, on ne dort jamais tous en même temps. Mais comme vous êtes un servant de la lumière, je vais vous affecter au quart du matin. Votre service débutera à six heures jusqu'à treize heures. Pour ceux qui ne sont pas marins, ce temps est surtout consacré à l'entraînement. Le reste du temps vous aurez quartier libre. En dehors des manœuvres spéciales évidemment !

Pour Zaiu :

A défaut de savoir trouver un lieutenant, celui affecté au château arrière de la caraque savait repérer une nouvelle recrue perdue qui cherchait où s'installer. Celui-ci l'aborda sans prendre de gants :

- Bon, vous êtes notre toute dernière recrue d'après le manifeste d'équipage. Nous n'avons pas le temps de faire toute la visite maintenant alors je vais vous emmener jusqu'à votre cabine. retenez bien le chemin, il n'est pas facile de se repérer sur une caraque de guerre.

Et en effet, l'elfe fut entraîné d'un bon pas au travers de coursives, d'escaliers et de rampes agencées pour occuper le moins d'espace possible. Le complexe était conçu pour donner accès aux trois ponts du navire en plus des deux étages du château de poupe. Au final - il ne sut pas trop comment -, l'elfe se retrouva dans un petit couloir peu éclairé avec une demi douzaine de portes de chaque côté plus une en face de lui.

- Votre cabine est la troisième à droite. Attention, à droite, pas à gauche. Celle en face appartient à la princesse. Enfin c'est un surnom, n'allez pas imaginer n'importe quoi. Au fond ce sont les quartiers privés de l'amiral. Le mess des officiers occupe tout l'étage inférieur. Au-dessus, il y a la passerelle de commandement du château de poupe. Vous vous souviendrez de tout ?

Arthur ne demandait pas mieux que de retourner à l'air libre.
"Ça veut dire que je suis encore de service pendant une bonne heure, si je comprends bien. Quel genre de troupes transportez-vous ? Je ne serais pas contre croiser le fer avec quelqu'un, je dois dire... Enfin, là, nous venons de partir... Peut-être que le programme du jour est un peu différent ? Je ne suis pas vraiment fatigué, j'ai l'impression que je viens de me lever... Et j'aimerais bien voir Luménis qui s'éloigne ! Peut-on remonter ?"
Deux décades, c'était plus court qu'il ne l'avait craint.
"Et les manoeuvres spéciales... En quoi cela consiste-t-il ? J'ai déjà navigué, mais je ne suis pas exactement spécialisé dans toutes ces cordes et ces haubans et ces gréements et je ne sais quoi..."

Pour Arthur :

Le lieutenant lui adressa un sourire compatissant, signe que le charme naturel du paladin agissait ou que l'officier avait l'habitude de l'angoisse des nouveaux arrivants :

- Bien sûr ! Personne ne reste à fond de cale le jour du départ en tous cas pas à moins d'y être obligé. oui, le système de quart ne prendra effet qu'après le départ demain à l'aube. Pour aujourd'hui, vous êtes autorisé à visiter le navire et rencontrer vos futurs compagnons de traversée. Pour ce qui est de nos passagers, hé bien nous avons deux compagnies de cavaliers légers de la Trouée et une compagnie de montagnards, nains pour la plupart. Plus les soixante-dix hommes de l'équipage. Les exercices à cheval sont exclus évidemment alors les cavaliers vont s'entraîner à quelques techniques de combats au sabre. Les nains sont des arbalétriers et des piquiers pour la plupart. Quant aux hommes d'équipage, nous avons surtout des archers et des bretteurs. Mais j'ai moi-même quelques compétences en combat à l'épée longue si vous voulez croiser le fer après le déjeuner.

"Ce serait avec plaisir. Je n'ai jamais tenu un sabre de ma vie, et je doute que la veille d'une guerre soit le bon moment pour diversifier la palette de ses talents." dit-il en reprenant le chemin qui menait à l'extérieur.
Au fur et à mesure que le pont se rapprochait, les odeurs de sueur, de renfermé et de pisse de cheval s'allégeaient. Arthur sentit ses poumons le remercier pour cette bienheureuse initiative. Il se demanda s'il y aurait moyen d'aller discrètement dormir sur le pont mais il en doutait : avec le nombre impressionnant de passagers à bord, il n'y avait sans doute pas le moindre recoin inutilisé et il serait sans doute délogé avant d'avoir pu fermer l'oeil. Il gagna l'air libre et sourit béatement au grand vent qui se saisit de ses cheveux et les ébouriffa encore davantage (ce qui n'était pas rien). Au-dessus de leur tête, des mouettes criaient dans le ciel bleu gris de la mi-journée. A nouveau, il fut pris de l'envie dévorante de célébrer son évasion. Mais il se contenta d'aller s'appuyer au bastingage pour regarder le port qu'il venait de quitter.

Pour Arthur :
Rendez-vous fut donc pris avec le lieutenant sur le château de proue après le déjeuner. L'officier lui indiqua que les repas des hommes de rang se prenaient au premier pont inférieur, directement sous la surface séparant les deux châteaux. Le paladin n'aurait qu'à suivre le mouvement dans une heure environ.

Le paladin avait donc tout le loisir de regarder le ballet incessant des hommes de troupes en train d'embarquer et des lourds navires prenant place sur les appontements à tour de rôle. Un peu plus loin, la Cité semblait étonnamment calme en comparaison. Sans nul doute, la nouvelle de son évasion n'avait pas encore atteint les oreilles du général sinon toute la ville ne pourrait conserver pareille quiétude. Le paladin nota que le Grand Fort avait hissé haut toutes ses bannières de même que tous les édifices officiels et de nombreux résidences privées dans un élan patriotique. La tour et le navire surmonté du soleil bienveillant de Lathandre colorait partout la cité qui encourageait ses héros, au moins en apparence.

Dorian admira la forge embarquée : pas très grand certe mais sa fonction ne consistiait pas à fabriquer des armes magiques +3 non plus. Pour effectuer de menues réparations elle ferait plus que l' affaire, surtout pour un forgeron expérimenté comme le vampire sharessien. Une fois son rapide examen terminé, Dorian rejoignit l' officier qui l' avait accueilli.

" C' est bon messire officier ", fit-il aimablement, " j' ai vu ce que je ovulais voir. emmenez-moi donc chez l' amiral Longueshunes, si vous le voulez bien...et si il peut me recevoir bien entendu..."