La Couronne de Cuivre

Victor acquiesça lentement, les yeux brillants, frissonna sous sa couverture et reporta son regard sur les alentours, avant de revenir à l'elfe. Il semblait un peu ailleurs, comme s'il lui fallait du temps pour se remémorer ce qui les avait menés là.
" On est où ?" finit-il par demander. " Et c'est qui, lui ?"

Taliesin sourit. Il avait presque désespéré de jamais l'entendre à nouveau parler.
-Où on est... Je ne saurais répondre précisément. Sur Hélonna, déjà. Dans la région d'Ithilion. Cela fait deux jours que nous avons quitté le camp... Pour le reste, je n'en sais pas plus que toi.
Il jeta un regard en direction de son congénère endormi.
-Lui, c'est Mélégorn. Nous avons... décidé de fuir ensemble. C'est lui qui m'a dit qu'il t'évait vu. J'avoue que j'ai eu du mal à le croire; Et pourtant, il n'a pas menti...
Il secoua la tête.
-Sans vous deux, il n'est pas certain que j'aurais jamais été capable de quitter ce lieu. Et, sincèrement, je n'en reviens toujours pas que tu aies réussi à me retrouver, à entrer... Bravo, en tout cas. Tu as été un vrai chef, sur ce coup-là. Vraiment.

Victor acquiesça et frissonna à nouveau.
" Je suis fatigué." murmura-t-il simplement.
Ses yeux s'embuèrent brusquement, mais il pinça les lèvres et prit une petite respiration rapide, comme pour faire taire ce qui voulait s'exprimer en lui. Ensuite, il retrouva la main de Taliesin, qu'il prit dans la sienne et il se recoucha, se tournant vers le feu. Un nouveau soupir souleva sa frêle carcasse.
Le vent soufflait dans les hauteurs et un premier nuage croisa devant la lune. Il allait peut-être se remettre à neiger. Quelque part loin vers la droite, un loup solitaire hurla, un unique et long cri lugubre. Le feu crépitait avec vigueur. Difficile, cependant, de savoir combien de temps durerait encore la nuit.

Sans lâcher sa main, Taliesin se pencha et embrassa Victor sur le front.
-Dors tranquille. Je veille au grain.
La bonne blague ! Veiller, il pouvait toujours essayer : la fatigue le rattraperait immanquablement. Et quand bien même tiendrait-il... Que pourrait-il faire s'ils étaient rejoints par les gardes du pénitencier ? Par les paysans qu'ils avaient volé ? Rien. Ou si peu...
Pourtant, parler à l'enfant, voir qu'il allait mieux, ne serait-ce qu'un tout petit peu, lui avait redonné du courage. C'était une chose de se nourrir de chimères, d'espérer que les siens avaient survécu sans en avoir la preuve. C'en était une autre d'avoir le garçon avec lui. Il s'en sentait responsable. Obligé, désormais, de réussir. De survivre.
Bien sûr, dans le dortoir, alors que ses pensées vagabondaient, c'était surtout à Galathée qu'il songeait. C'était elle qu'il rêvait d'étreindre à nouveau. Mais il devait admettre que Victor n'avait jamais été bien loin. Il s'était peu à peu construit quelque chose, entre eux. Au-delà de la simple vie en commun, du quotidien partagé. Quoi ? Il n'aurait su dire. C'était bien réel, cependant. Déroutant, aussi.
Je te ramènerai ton fils sains et sauf, Gal. Et la vie reprendra son cours, paisible. Nous oublierons. Nous irons de l'avant...
Déjà, le sommeil s'abattait sur lui, embrumant son esprit, engourdissant ses membres. Il ne chercha pas à le repousser : il avait besoin de repos. Ô combien ! Et puis, il faisait confiance à Mélégorn pour les avertir en cas de danger. Sa transe, si profonde qu'elle paraisse, n'était qu'un leurre. A vivre avec les humains, à grandir parmi eux, le barde n'avait pas appris cette façon qu'avaient ses congénères de se ressourcer. Naturellement, il avait glissé vers le sommeil des hommes... Il n'en avait jamais éprouvé de regrets. Cela aurait pu être un désavantage, aujourd'hui.
Mais l'ensorceleur était là.

Mais la nuit demeura tranquille. Taliesin fut éveillé dans une aube blafarde et glacée par son compagnon ensorceleur. Tout leur campement était couvert de givre, le feu brûlait toujours, manifestement alimenté peu de temps auparavant. Mélégorn n'avait pas l'air à proprement parler en forme, mais il semblait un peu moins pâle, un peu moins fébrile, et il sourit au barde. Victor dormait en boule contre lui, la respiration tranquille malgré un teint toujours écarlate et les stigmates de la fièvre sur son front.
L'ensorceleur ne brusqua pas son compagnon, lui laissant le temps de s'éveiller.

Taliesin dissimula un impressionnant bâillement derrière sa main, étira longuement sa carcasse engourdie, puis se redressa, rendant son sourire à Mélégorn.
Une nuit supplémentaire de passée. Un pas de plus vers la survie, la pérennité de leur évasion. Le retour à la maison...
Bien sûr, il y aurait encore nombre de difficultés, d'imprévus, de revers. Pourtant, en cet aube glaciale, il se sentait plus enclin à l'optimiste qu'il ne l'avait jamais été au cours de ces dernières semaines. L'état de Victor ne s'était pas empirer. Il semblait même aller mieux. Les gardes du camp ne les avaient pas encore rejoints. Ni les paysans. Ils avaient de quoi manger, de quoi faire du feu...
S'il n'y avait eu cette maudite chaîne, ces affreux colliers, entraves autant que stigmates infamants de leur ancienne condition, laquelle ne manquerait pas de leur attirer l'inimitié de tous ceux qu'ils croiseraient, ils auraient presque pu s'estimer tirés d'affaire.
Il fallait impérativement s'en débarrasser. Ou gagner un lieu où ils ne signifieraient rien.
-Dis-moi... fit le barde en s'emparant d'un morceau de pain en guise de frugal petit déjeuner. As-tu la moindre idée de l'endroit où nous nous trouvons ? S'il nous était possible de quitter la zone d'influence d'Ithilion... Alors nous serions saufs. Je ne suis pas certain que la mine pénitentiaire soit un endroit légal, pas certain que Luménis en tolérerait l'existence si elle la connaissait. En tout cas, pour ma part, on m'y a traîné sans le moindre procès, par des moyens tout ce qu'il y a de plus criminels... Si c'est bien le cas, si le camp n'est pas légal selon les loies de Luménis, il nous suffirait de gagner une localité loyale à la capitale... Nous y trouverions probablement de l'aide.

Mélégorn écouta son congénère avec attention, son expression se faisant plus grave au fur et à mesure que Taliesin développait son idée. Il finit par acquiescer doucement, un peu embarrassé, puis se saisit du parchemin qu’il avait rangé dans une poche de son manteau et se mit à écrire. Il était moins pressé que d’ordinaire, et le barde vit qu’il prenait son temps pour réfléchir à ce qu’il voulait dire, son visage changeant de physionomie au gré des mots qu’il traçait. Il lui tendit ensuite son message.
Taliesin, j’apprécie ce que tu as fait pour que nous sortions, mais je ne vais pas retourner vers les hommes. Dès que nous nous serons débarrassés de cette chaîne, et j’espère que le feu y suffira, au moins pour nous séparer, je retournerai vers les montagnes, pour y gagner la Lorièn et la cité dont je viens. Si tu le désires, tu peux venir avec moi. Avec l’enfant, bien sûr. Mais je n’ai aucune intention de retourner parmi les humains.

-Désolé, je me suis mal exprimé, fit Taliesin lorsqu'il eut terminé de lire le message. Je ne voulais en rien présumer de ta destination future. J'essayais juste d'imaginer un endroit où nous pourrions demander ouvertement à ce qu'on nous débarrasse de cet attirail, sans qu'on veuille aussitôt nous renvoyer à la mine. Mais je n'avais pas songé au feu, oui... Peut-être cela marchera-t-il. Quant à ta proposition...
Il jeta un regard vers Victor.
-Je dois chercher ma compagne. La mère du garçon. Elle a été enlevée en même temps que nous. Et ma seule piste pour la retrouver se situe près de Luménis.
Il devait sans tarder se lancer sur la piste de la rôdeuse. Pourtant, l'offre de l'ensorceleur avait de quoi faire réfléchir. Taliesin ne se sentait aucune attache particulière avec les gens de sa race. Il ne serait pas plus à l'aise parmi eux qu'il ne l'était parmi les humains. Le problème, c'était qu'il ne pourrait peut-être plus retourner parmi les humains.
En effet, Kanter aurait bientôt vent de la disparition de Victor. De la sienne. Si ce n'était pas déjà le cas, d'ailleurs. Et que ferait-il, alors ? Il pouvait répandre la rumeur de ses crimes, salir à jamais son nom.
Dire simplement la vérité.
Oui. Mais surtout faire en sorte qu'on l'arrête sitôt franchies les portes de Luménis. En sorte qu'on lui arrache à nouveau Victor. Auquel cas, la Lorien pourrait être un havre où se réfugier, lorsqu'ils seraient tous trois réunis. Un lieu où se retrouver, panser leur plaies... Avant un nouveau départ.
Et dans l'immédiat... Ce pouvait être un endroit où laisser l'enfant. Chercher Galathée serait dangeureux. Ce qu'il risquait de trouver, plus sûrement que sa compagne, c'était la mort. Il n'avait pas le droit de faire courir ce risque à Victor. Pas le droit de l'exposer. Et si le seigneur Artwin, si les Merlus étaient informés de ce qu'il avait commis, lui, jadis, rien n'assurait qu'ils acceptent d'héberger le gamin. Alors...
Mais tu n'as pas non plus le droit de choisir pour lui. De lui imposer de demeurer en arrière, d'attendre des semaines, des mois, sans l'assurance de jamais retrouver sa mère.
Le barde secoua la tête. Pragmatique, il devait se montrer pragmatique.
Il tenta de dresser mentalement une carte d'Hélonna. L'idéal aurait été de gagner un port. d'embarquer pour le sud, de contourner l'île... Même en cette saison, ce serait plus rapide que d'aller à pied. Restait toujours le même bémol, cependant...
-Sais-tu si les villes côtières de la région sont affiliées à Ithilion ? Si ce n'est pas le cas, si elles sont loyales à Luménis, je pense que je m'y rendrai avec Victor pour trouver un bateau... Dans le cas contraire, nous t'accompagnerons jusqu'à la Lorien. L'été dernier, nous avons habité une petite maison à la lisière ouest de la forêt, près d'un village appelé Hautépine. Nous y avons des connaissances... Et la route sera sûre jusqu'à la capitale.
Aucun des deux clercs de Chauntéa ne se trouvait plus au bourg. Mais le bourgmestre, l'aubergiste se souviendraient d'eux, accepteraient peut-être de les aider. Kanter ne pourrait avoir diffusé jusque là la rumeur de ses crimes...
Et s'il avait été assez puissant pour la faire atteindre les ports voisins de la vallée du Nirvana, ils n'auraient qu'à se déguiser.
Il y avait toujours des solutions. Il suffisait d'y songer calmement. De ne pas se laisser gagner par l'angoisse.
Même si le temps pressait terriblement.

Mélégorn écouta pensivement les paroles de Taliesin avant de récupérer son morceau de parchemin et recommencer à écrire. Sa réponse vint peu après.
Je connais mal la région, je ne suis pour ainsi dire jamais allé qu'à Ithilion. Mais même si les villes côtières sont affiliées à Luménis et pas à Ithilion, il reste que tu risques d'y être perçu comme un condamné. Et condamné ici ou ailleurs... Ils te jetteront en prison, dans le doute, car on t'accuse certainement de crimes importants et ils ne prendront pas le risque. Tu es un étranger, tu n'as que ta bonne foi et tu présumes des méthodes. Qui te croirait ? Même si les lois d'Ithilion ne s'étendent pas hors de ces murailles, tu ne trouveras pas d'alliés parmi les humains.
Les nôtres seront davantage près à nous entendre. Mais en même temps, je ne sais pas qui tu es, je ne sais pas ce que tu as fait, je ne peux pas promettre que les instances de ma cité se montreront compréhensives. Nous n'avons pas l'habitude de nous montrer laxistes envers les criminels, ni de leur offrir une place entre nos arbres.

Taleisin soupira. La situation était pire encore que ne le pensait Mélégorn : il ne pouvait même pas user de sa bonne foi. S'il en faisait preuve, s'il disait la vérité... Cela ne pourrait que sceller son destin. La seule solution était de mentir. Ou de ne dire que des vérités partielles : l'enlèvement, la séparation, le sort qu'on leur avait réservé...
Et même cela ne le sauverait pas. Les apparences étaient contre-lui. Il portait ses crimes gravés, visibles de tous, autour de son cou.
Pour la première fois, il songea qu'il ne savait même pas ce qu'on y avait inscrit. Le massacre des Kanter ? Probablement, même s'il n'était pas impossible qu'on ait voulu le charger encore davantage... Ce ne devait pas être très brillant, dans tous les cas. Mais comme c'était ce que tout le monde voyait, ce sur quoi tout le monde le jugerait tant qu'il ne s'en serait pas débarrassé... Autant qu'il en ait connaissance.
Alors, ouvrant le col de son manteau, il exhiba le collier.
-Qu'ont-ils écrit là-dessus ? demanda-t-il

Mélégorn parut hésitant une seconde, puis il pinça les lèvres et se pencha en avant. Taliesin ne pouvait pas vraiment voir son visage à mesure qu'il lisait, mais il eut l'impression d'entendre sa respiration se bloquer, et lorsque l'ensorceleur recula pour écrire, il le fit sans lever les yeux. Sa mâchoire et ses épaules semblaient tendues, son teint plus pâle. Ou peut-être n'était-ce qu'une illusion. Il lui tendit le parchemin sans le regarder.
Le porteur de ce collier est coupable de torture, mutilation, viol et meurtre sur la personne du Juge Kanter de Luménis, de sa femme et de leurs enfants, adolescents, enfants et nourrissons, ainsi que de ses serviteurs. Il est condamné aux travaux forcés à perpétuité à la Mine de Gargouille, selon la Loi Sacrée d'Oghma et de Tyr, rendue à Ithilion en Nuiteuse 1381 CV.

Taliesin soupira. Kanter avait jusqu'au bout voulu préserver les apparences de sa parodie de justice. Il n'avait donc pas menti. Crus, tirés de leur contexte, passant sous silence les crimes dont le juge était responsable, les mots n'en demeuraient pas moins la stricte vérité.
Et à présent, Mélégorn paraissait ne même plus pouvoir le regarder.
Un pénitencier de criminels... Et même eux, tu les effraies...
C'en était autant pour le refuge dans la Lorien. Mieux valait trouver un autre itinéraire...
Malgré tout, c'était mieux que l'ensorceleur soit au courant. Il l'aurait de toute façon été tôt ou tard... Au moins, ainsi, il ne pourrait pas l'accuser d'avoir voulu cacher la vérité, de l'avoir trompé sur son infamie.
En réalité, Taliesin n'avait même pas songé à mentir : il s'était imaginé que tout le monde savait. Après tout, dans le camp, chacun portait ses crimes accrochés autour du cou, en toutes lettres... Il fallait croire que personne n'y faisait vraiment attention.
-Désolé, Mélégorn, dit le barde après quelques instants de silence. Je pensais que c'était de notoriété publique...... Rassure-toi, cependant : tu n'auras plus à endurer très longtemps ma présence. Enfin, si le feu se révèle efficace sur notre chaîne... Que dirais-tu d'essayer dès maintenant ?
Mieux valait qu'ils se séparent au plus vite. S'ils devaient continuer de collaborer alors que la méfiance, la peur ou le mépris s'insinuaient entre eux, ils n'iraient pas bien loin. Évidemment, Mélégorn avait des choses à se reprocher, sinon, on ne l'aurait pas envoyé à la mine. Mais ce ne pouvait être pire que ce qu'avait fait Taliesin, qui, dès lors, ne pouvait pas jouer sur ce registres pour tenter de l'amadouer.
Il y a des crimes plus intolérables que d'autres. Et ceux-là, tu les as tous commis, ou peu s'en faut... Reste à assumer. Aujourd'hui comme demain...

L'elfe acquiesça en pinçant les lèvres. Il dégagea une large pierre plate qui se trouvait à proximité de leur feu, puis invita Taliesin à se déplacer de manière à faire reposer la chaîne au sein même du petit brasier qui les réchauffait. Victor remua dans son sommeil mais ne s'éveilla pas pour autant. Les premières lueurs de l'aube traçaient des rais violacés dans le gris sombre de la voûte céleste.
Mélégorn avait déniché une seconde pierre, qu'il posa en travers de ses genoux et il ferma les yeux, se mettant à décrire quelques gestes du bout des doigts au-dessus, tentant probablement de lui conférer quelque ensorcèlement.
Ensuite, il fallut laisser le temps se dérouler, la chaîne chauffer et rougir, et le silence s'installa entre eux.

Morose, à nouveau, l'elfe se tourna vers l'est et, tandis que la chaîne reposait dans le feu crépitant, observa d'un regard distrait les lueurs grandissantes de l'aube.
L'incident qui venait de se dérouler avait de quoi faire réfléchir. Ce n'était pas vraiment la réaction de Mélégorn qui le troublait - après tout, leur collaboration avait été fortuite, basée sur un intérêt commun bien compris, et ni l'un ni l'autre n'avaient probablement imaginé qu'elle se poursuivrait au-delà leur évasion. Non, ce qui le troublait, c'était ce que cette réaction laissait prévoir de ses relations futures avec les autres habitants de l'île, qu'ils soient elfes où humains.
Jusqu'ici, il avait pu mener une vie normale parce que son secret était ignoré de tous. Au pire n'avaient pesé sur lui que de vagues soupçons sans la moindre preuve. A présent, la donne était différente. Son nom était définitivement lié au massacre des Kanter. On allait lancer des avis de recherche, diffuser la rumeur... Il ne se croyait pas assez important pour que tous les Héloniens aient vent de ses méfaits. Mais, partout où il se rendrait, il y aurait ce risque...
Il serait en danger. Pire, Galathée et Victor le seraient aussi. Il faudrait fuir l'île, probablement. Ou changer d'identité... Ou même faire les deux...
Mais ils n'y étaient pas encore. D'abord, retrouver la rôdeuse. Lorsqu'ils seraient réunis, il serait toujours temps d'y réfléchir. A tous les trois, ils pourraient affronter le futur, quoi qu'il recèle.
Et, en attendant... Il devrait agir avec la plus grande des discrétion. Mais ce n'était pas une nouveauté. Il avait toujours imaginé les choses ainsi... Il n'avait simplement pas réfléchi aux conséquences "sociales" de son emprisonnement. Le contre-coup, la prise de conscience n'en étaient que plus brutaux.

La première tentative de l'ensorceleur ne fut pas couronnée de succès. Malgré une teinte orangée de bonne augure, la chaîne résista aux coups de pierre que lui asséna Mélégorn. Ce dernier haussa les épaules avec un maigre sourire, puis replaça le lien au creux du feu. Difficile de s'improviser forgeron. Le tintamarre qu'avait fait le roc sur le métal était un peu inquiétant, et Victor s'agita à nouveau, nichant sa tête dans le giron de l'elfe avant de s'y rendormir.
Taliesin nota que son congénère l'observait au travers des flammes, comme ennuyé, mais il ne dit rien, détournant le regard lorsque celui du barde le croisait.

Soudain, au loin, retentirent des aboiements de chien. Plusieurs chiens.
Puis un rien plus proche. Ou peut-être pas.
Le jour s'était levé, désormais, gris et froid, presque sale.

Taliesin leva la tête, inquiet. Le répit dont ils avaient bénéficié était peut-être en train de toucher à son terme. Si c'était le cas, que verraient-ils déboucher face à eux ? Les gardes ? Les paysans ? Les deux ?
Une chose était sûre, en tout cas : fuir ne servait à rien.
-Je propose que nous continuions ce que nous sommes en train de faire... dit l'elfe d'un ton presque détaché. Je n'ai pas la force de convoquer de nouveaux coursiers. Pas deux, en tout cas. Et, à pied, nous ne pourrons jamais les distancer. Nous ne ferions que nous épuiser... Autant voir si l'on peut briser la chaîne. Si après cela nous nous séparons... Cela forcera nous poursuivants à en faire autant. Et s'il faut faire face avant ou après cela... Et bien, nous ferons face. Ce n'est pas comme si nous avions réellement le choix.

Mélégorn acquiesça précipitamment. Il ressortit la chaîne du feu, la reposa sur la pierre plate, leva son outil de fortune. Cette fois, les maillons plièrent, mais le fracas résonna sur les troncs, tonitruant, comme un fanion indiquant leur position.
Il sembla à Taliesin qu'il percevait des éclats de voix, ténus, entre les aboiements. Victor ouvrit un oeil et le darda sur l'elfe.
"Taliesin ?" murmura-t-il d'une voix ensommeillée.
Les aboiements se rapprochaient, c'était désormais une certitude. Plusieurs chiens. Combien, impossible de le dire.
Mélégorn frappa à nouveau la chaîne, violemment, puis une fois encore, une troisième. Le métal cédait, peu à peu.
Cette fois, le barde fut certain d'avoir entendu des voix.

-Ne t'inquiète pas, Victor... murmura l'elfe en passant une main dans les cheveux de l'enfant. On a de la visite, mais on va se débrouiller...
Évidemment, il était loin de ressentir la sérénité qu'il tentait d'afficher. Se débrouiller, ils pouvaient toujours essayer, ça oui. Mais rien ne garantissait le résultat, malheureusement...
Et se débrouiller, oui, très bien. Mais... Comment ? Que fallait-il faire ? Là était la question. Espérer que la chaîne cèderait à temps pour pouvoir fuir chacun de son côté ? Faire face ? Se cacher ?...
Chaque choix lui semblait aussi risqué que les autres. Insidieuse, la panique le gagnait, succédant à la tension qui s'était déjà emparée de tous ses membres. Il devait rester lucide, mais le temps pressait, aboiements et voix se rapprochaient...
Deux choses importaient plus que tout, cependant, émergeant des nuées brumeuses de son esprit oppressé : que Mélégorn soient d'accord sur la stratégie à adopter. Et tout faire pour que Victor s'en sorte.
-Mélégorn, lança-t-il d'un ton léger, je crois que pour la charmante partie qui va se jouer, nous avons quatre options majeures. D'abord la fuite, ensemble ou séparés. Ensuite, la dissimulation : je peux nous rendre invisibles, jeter un sort sur le feu pour qu'il émette beaucoup de fumée et dissimule nos odeurs. Ne restera plus qu'à grimper à un arbre et... attendre la suite. Troisièmement... le combat. Sans armes en dehors de brandons enflammés et de quelques sorts. Ah, et je dois pouvoir convoquer une bestiole où l'autre. Enfin...
Il sourit.
-Enfin, le bluff. Une splendeur de l'aigle, une lumière du jour illuminant de ses teintes glorieuses ce charmant sous-bois, quelques sons illusoires imitant des chœurs angéliques et, pour parachever le tout, un grand discours à faire pleurer une pierre... J'avoue aimer cette idée pour son petit côté... théâtral. Mais...
Il haussa les épaules.
-Dis-moi ce que tu préfères. Honnêtement... Je ne suis pas tout a fait assez serein pour choisir. C'est déjà inespéré que je sois capable d'émettre des idées... Enfin, dans tous les cas, il faut se hâter de choisir...

Mais dans l'urgence qui était la leur, avec les chiens qui se rapprochaient, l'ensorceleur n'avait aucun moyen de remettre suffisamment vite la main sur son parchemin et de quoi écrire : il avait dévolu toute son attention à cette maudite chaîne et ses tentatives répétées de la briser. Il leva un regard catastrophé sur Taliesin, l'enjoignant à sa manière de décider pour eux, tandis qu'il abattait à nouveau son instrument sur leur lien. Cette fois, la résonance se modifia et il sembla à Taliesin que s'ils tiraient l'un et l'autre à contre-sens, les maillons cèderaient.
Entre les troncs, un premier molosse surgit, à une trentaine de mètres. Il se mit à aboyer comme un fou furieux, révélant leur position à qui le suivait, sans pour autant avancer. C'était un animal grand comme un jeune veau, le mufle retroussé et humide, les petits yeux noirs dissimulés sous des replis de peau multiples.

Taliesin déglutit péniblement. Leur éventail d'options venait de se réduire considérablement. Leurs chances de s'en tirer libres et entiers aussi, probablement.
-Bon, c'est râpé pour la dissimulation ou la fuite, je le crains. Reste la bataille ou le bluff. Je vais nous convoquer un allié, ça peut être utile dans les deux cas de figure... Ensuite, on testera cette fichue chaîne... Et on avisera en fonction du résultat et de nos adversaires.
Il jeta un regard à Victor. Il devait lui parler... Mais ce n'était pas encore tout à fait le moment. D'abord, parer au plus presser : tenter de rétablir un tant soit peu l'équilibre des forces. Ce ne serait pas grand chose, mais cela montrerait aux arrivants qu'ils n'avaient pas affaire à de simples hommes désarmés. Restait juste à espérer que la chose convoquée serait relativement impressionnante... Et même, avant cela, qu'il parvienne à se concentrer suffisamment pour lancer le sortilège. Ce qui n'était pas assuré...

Taliesin --> convocation de monstres III

Dans un petit grésillement, un élémentaire de feu de taille modeste prit forme à quelques pas de Taliesin, réduisant la neige en eau claire autour de lui. Le chien aboya de plus belle tandis que ses congénères et ses maîtres surgissaient à ses côtés : six autres molosses hirsutes, de races mélangées, taillés pour la chasse au gros gibier et la garde des troupeaux, probablement, et quatre hommes en vêtements frustes de cuir et de peau tannées. Ils étaient jeunes et vigoureux, leur expression déterminée, à la fois furieuse et satisfaite, probablement, de les avoir débusqués. Deux d’entre eux étaient armés d’arcs, les deux autres de gourdins.
« J’t’avais dit que c’rait des forçats. » dit l’un d’entre eux.
« C’pas plus mal. » grogna le second.
Ils s’approchèrent, les chiens en avant, sans prêter de réelle attention à l’élémentaire, qui jusqu’ici ne bougeait pas, attendant les ordres de son convocateur.
« On va vous faire la peau, les pouilleux. » annonça celui qui semblait être leur leader, un homme grand et carré d’épaules, le visage mangé par une barbe brune broussailleuse.
Taliesin entendit clairement le son ténu de la corde d'un arc qui se tend.

Le barde sentit les battements de son cœur s'accélérer dangereusement.
La situation était bien mal engagée. Les gardes de la mine auraient sans doute essayé de les capturer. Auraient probablement ménagé Victor. Mais ces paysans;.. Il sentait juste leur hargne, leur envie d'en découdre, d'éliminer de la face de Toril de dangereux criminels. Sauraient-ils retenir leurs chiens pour qu'ils ne s'en prennent pas au gamin ? Rien n'était moins sûr.
Il eut la douloureuse sensation d'avoir failli. Il aurait du parler à Victor plus tôt. Lui dire que faire, s'il lui arrivait malheur. Lui révéler où commencer les recherches pour retrouver Galathée. Mais c'était trop tard, désormais. Il n'avait plus le temps de rien lui dire. Seulement celui d'agir, d'essayer de limiter les dégâts...
Mentalement, il commanda à l'élémentaire de se positionner de manière à protéger Mélégorn des traits adverses. L'ensorceleur disposait de sorts beaucoup plus utiles que les siens. Il était le seul capable de faire pencher la balance en leur faveur en cas de combat. Lui... Lui n'avait que ses mots. Peu de choses, en somme. Cela pouvait toujours leur faire gagner un peu de temps, cependant...
-Si vous pouviez refaire le coup du gosse... souffla-t-il à l'ensorceleur. Cela pourrait nous aider...
Se penchant, il serra l'épaule de Victor, tentant de mettre dans ce simple geste toute la tendresse possible. Puis, se redressant, il s'avança crânement vers les paysans, les mains dans les poches, tendant la chaîne au maximum, de manière à être en première ligne, bien visible. De manière à dissimuler le petit garçon.
Tentant d'arborer une mine sereine, un sourire amusé, il toisa les nouveaux venus.
-Nous faire la peau, vraiment ? fit-il. Quelle charmante présomption. Il est vrai que votre équipement est des plus... impressionnant. Et vos chiens de même; Pas autant que mes molosses sataniques, bien sûr. Mais impressionnants néanmoins.
Son sourire s'élargit et, nonchalant, il s'appuya sur le tronc d'un arbre voisin.
-Allons, messieurs, essayez de vous montrer raisonnables, de réfléchir un instant,poursuivit-il d'un ton badin. Croyez-vous réellement que l'on puisse s'évader des célèbres mines de Gargouille si l'on est incapable de se défaire de quelques... inconvénients ? D'inconvénients formés pour mater les pires criminels d'Hélonna ? D'inconvénients disposant d'armes autrement plus solides que des arcs et des gourdins, de protections magiques des plus efficaces ? Le croyez-vous vraiment, messieurs ? Ne soyez pas timides, ayez la bonté de satisfaire ma curiosité... Pensez-vous que de simples pouilleux puissent quitter le pénitencier ?
Toujours souriant, il dévisagea les quatre paysans. Il devait essayer de monopoliser leur attention pendant que Mélégorn se préparait. Evidemment, une flèche pouvait partir à tout instant, le terrassant pour de bon. Mais il accepterait cette fin sinistre, si tant est qu'elle permettait à Victor d'avoir une chance de s'en tirer sain et sauf... C'était tout ce qu'il pouvait faire pour lui.

Les paroles de Taliesin firent immanquablement de l’effet, mais peut-être pas exactement comme il l’avait espéré. En effet, c’est une panique franche qui se peignit sur le visage de deux des hommes, et comme on le sait, la peur est parfois mauvaise conseillère. Loin de relâcher la prise sur leurs armes, ils la raffermirent.
« Pouilleux ou pas, on va vous faire votre fête ! » grommela le chef du groupe, manifestement mal à l’aise, sans pour autant bouger.
L’un des archers fit un pas en arrière, la main tremblant sur le bois de son arme. Le second n’était pas plus fringant, mais il attendait un signe de leur meneur. Le troisième paysan était blême, son gourdin brandi devant lui.
« Jed, Jed, ils vont… » murmura-t-il.
« C’est rien qu’des pouilleux d’elfes… » répéta le meneur.
Les chiens, eux, n’avaient évidemment rien compris du discours du barde, mais ils étaient sensibles à l’hostilité et à la tension qui régnaient dans le sous-bois. Plusieurs se mirent à grogner, et il sembla à Taliesin que deux d’entre eux amorçaient une manœuvre de contournement, comme s’ils escomptaient rassembler un troupeau de brebis égarées. Mélégorn arrivait en bout d’incantation et soudain, le filet d’énergie claire fusa de ses doigts pour venir frapper le front du leader, l’entourant d’une brume argentée. Malheureusement, il n’échappa à aucun des protagonistes de l’affrontement.
« Ils lancent des sorts, ils lancent des sorts ! » beugla l’un des archers, lâchant aussitôt son trait dans la direction de l’ensorceleur. Le second en fit de même, visant au hasard et sans toucher personne. Le troisième détala sans demander son reste. Les chiens, par contre, chargèrent.

Les événements s'étaient enchaînés si vite que Taliesin avait failli perdre le fil. Un instant, il s'était senti gagné par le soulagement : les paysans étaient terrifiés, certes, mais peut-être parviendrait-il à les apaiser...
Et voilà que brutalement, tout avait dégénéré. Les chiens s'étaient élancés, prêts à semer le carnage...
-Retenez vos bêtes ! cria-t-il à l'intention du chef du quatuor en déroute. Retenez-les, bons dieux !
Puis, le cœur battant la chamade, il bondit en direction de Victor, prêt à lui faire un rempart de son corps, à se mettre entre lui et les crocs meurtriers des molosses. Ce faisant, tentant de reprendre le contrôle sur ses pensées affolées, il ordonna à l'élémentaire d'essayer de les maintenir à distance, de les repousser...

S’ensuivit une mêlée épouvantable. Taliesin se rua vers Victor en même temps qu’un énorme chien gris aux allures de loup à peine domestiqué. Alors qu’il se jetait devant l’enfant, il sentit clairement quelque chose le retenir par la cheville, et découvrit qu’un second molosse avait planté ses crocs dans sa botte et le tirait en arrière. Victor poussa un hurlement comme le premier animal arrivait à sa hauteur. L’elfe perçut cris et jappements de douleur autour de lui, devinait les mouvements amples et crachotants de l’élémentaire de feu quelque part sur sa gauche, Mélégorn était un peu plus loin, la chaîne s’était rompue, il n’y songeait même plus, et il parvint à décocher un coup de pied violent dans la mâchoire du mâtin qui déchirait le cuir de sa botte, l’obligeant à relâcher sa prise. Victor était au sol, se protégeant de ses bras tandis que le chien qui l’agressait secouait sa couverture avec frénésie. L’enfant était pratiquement assis dans le feu derrière lui.
Puis soudain, l’environnement se couvrit d’une brume épaisse, et Taliesin ne fut plus capable que de percevoir son environnement immédiat : Victor et leurs deux adversaires.

L'étrange phénomène ne pouvait qu'être un sort lancé par Mélégorn, même si, pour l'heure, Taliesin ne pouvait en comprendre l'utilité : s'il réduisait le champ de vision, il n'était pas certain qu'il étouffe les autres sens, et notamment l'odorat auquel se fiaient les molosses. Restait l'infime possibilité que la brume soit l'œuvre de quelqu'un d'autre mais dans ce cas, ce n'était certainement pas bon signe : ils ne pouvaient espérer le secours d'aucun allié dans les parages. Il ne pourrait alors s'agir que d'un ennemi...
Ce n'était pas le moment d'y songer, cependant. D'ailleurs, le barde s'y attarda à peine, cherchant déjà le moyen de se débarrasser du chien qui s'en prenait à sa botte et de venir protéger Victor. Le fauve qui l'attaquait ne se contenterait pas longtemps de la couverture... Sans compter le fait qu'à tout instant, les vêtements de l'enfant pouvaient s'enflammer à cause de la proximité du feu...
Un fiasco. C'est un fiasco...
Rassemblant ses forces, maîtrisant tant bien que mal la panique qui menaçait de le submerger, le barde tenta de frapper son adversaire à la truffe. Il croyait se souvenir que l'endroit était particulièrement sensible pour la gente canine... Il fallait espérer qu'il se souvienne bien. Tant qu'il n'aurait rien d'autre pour se défendre, tant qu'il n'aurait pas pu s'emparer, au moins, d'une branche enflammée, il ne pouvait compter que sur cela.

Taliesin se tourna vers son poursuivant, qui le heurta dans les rotules, le faisant choir à la renverse. L’animal avait le poitrail large, les babines retroussées, et pesait probablement plus d’une vingtaine de kilos, qu’il projeta à nouveau contre l’elfe assis dans la neige. Derrière lui, Victor poussa un cri perçant, mais Taliesin ne pouvait pas quitter son agresseur de vue, sous peine d’être égorgé dans la seconde. Tymora lui sourit néanmoins sous la forme d’un caillou pointu qui lui rentra dans la paume. Il put s’en saisir par réflexe et en asséner un coup violent sur la truffe du chien, lequel poussa un couinement de surprise avant de tituber et de s’écrouler sur le flanc en gémissant. L’urgence donnait au barde des ressources insoupçonnées… Il fit volte-face pour découvrir Victor aux prises avec le demi-loup. L’animal avait refermé ses crocs sur l’avant-bras du gamin mais celui-ci brandissait une branche enflammée sous les yeux de la bête, ce qui l’empêchait apparemment de se consacrer pleinement à son œuvre de massacre.

-Bien joué, bonhomme... laissa échapper le barde, encore pantois de son coup de chance et plus qu'impressionné par les ressources qu'était capable de déployer l'enfant.
Sa première impulsion fut de charger le flanc de l'animal, tête la première, mais il renonça. Il aurait pu le déséquilibrer, sans doute;.. Pour être aussitôt à la merci de ses crocs. Et de ceux de son congénère qui ne tarderait pas à se remettre du choc...
Alors, se redressant, réprimant un vertige qui lui assombrit un instant la vue, Taliesin s'empara à son tour d'une branche enflammée. Et en frappa crânement le molosse, se demandant vaguement si la fourrure pouvait brûler...

Le chien se défendit quelques minutes, à la fois furieux et apeuré. Taliesin vit le sang perler sur l’avant-bras de Victor, les larmes dans ses yeux rougis, la fièvre et la terreur qui coloraient son visage, tandis qu’il hurlait et sanglotait tout à la fois. Puis soudain, le feu devint plus vif, et l’élémentaire surgit à leurs côtés. La créature invoquée était blessée, le barde pouvait le deviner à la force des flammes qui s’en échappaient, mais il se jeta contre le molosse avec l’abandon inscrit dans son existence même, sans se soucier de sa disparition inéluctable. Le chien lâcha Victor, couina de douleur, puis fila la queue entre les pattes. L’élémentaire hésita un instant, rougeoyant, se déplaça vers la bête qu’avait assommé Taliesin et se plaça au-dessus de lui, comme une poule couvant ses œufs. L’animal poussa un hurlement de souffrance, mais ne parvint pas à se remettre sur ses pattes. L’élémentaire le grilla sur place, sans se mouvoir, laissant le brasier dont il était constitué faire son œuvre. Taliesin se porta vers Victor et devina à son regard que l’enfant ne pouvait détacher les yeux de ce spectacle.
Lorsque le chien cessa de crier, l’élémentaire disparut dans un souffle et le barde réalisa alors seulement que leur bivouac était désormais parfaitement silencieux.

Autour d'eux, la brume était en train de se dissiper. Pas encore assez, cependant, pour qu'il put voir quoi que ce soit du champ de bataille. La seule indication dont il disposait était le silence. Si des chiens avaient survécu, ils n'étaient plus dans les parages. Et si Mélégorn où l'un des paysans se trouvaient toujours dans les parages, ils faisaient tout pour ne pas être entendu.
Lui et l'enfant étaient exposés, vulnérables, sans guère de moyens de se défendre. Ils ne pouvaient cependant pas s'en aller. Pas dans l'immédiat. Victor avait peut-être besoin de soins. Et lui avait les jambes trop tremblantes pour faire le moindre pas. Alors, il rajouta un peu de bois dans le feu, veilla à garder une branche à portée de la main, et se laissa tomber à côté du petit garçon.
-Ça va ? s'enquit-il à voix basse.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Mine pénitentiaire de Gargouille

Quête : Les Squelettes du Placard, chapitre 4.

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