La Couronne de Cuivre

Sylvia haussa les épaules.
" Déprimée, non. Déçue, par contre. J'avais espéré qu'on puisse lui remettre la lettre en main propre. Au cas où elle souhaite transmettre un message en réponse. C'est un peu dommage... Et on n'a même pas la certitude qu'ils lui transmettront."
Elle soupira.
" Mais nous n'y pouvons pas grand-chose, de toute façon. C'est trop tard."
Ils approchaient des dernières maisons du village, plus espacées. Devant eux, la route s'élevait peu à peu en direction des Hauts Plateaux, mais la maison de la famille Hippolan devait être l'une des bâtisses qu'ils apercevaient, entourée de vaste prés où paissaient des troupeaux de chevaux ou de vaches. Par cette belle journée, ils n'auraient aucune difficulté à trouver quelqu'un pour les renseigner : la campagne alentours était peuplée et tout le monde semblait se trouver à l'extérieur, jeunes pâtres surveillant les troupeaux, paysans travaillant la terre ou enfants courant dans les prés.

Kasumi s'approcha de Sylvia et lui tendit une main pour la rasséréner par un geste plutôt que par des mots qui auraient été inutiles. Lui aussi regrettait la tournure de cette rencontre mais il voulait garder espoir en le fait que les choses finiraient par se tasser et que peut-être Ombeline puisse reprendre contact avec lui. En tous cas il ne manquerait pas de passer par la Bienveillance à chaque fois qu'il irait en ville pour vérifier.

Pour se changer les idées, le demi-elfe salua l'un des fermiers dont le champ bordait la route pour lui demander où se trouvait la ferme des Hippolan.

On leur indiqua la bâtisse - la dernière du village - et ils découvrirent une ferme tout à fait ordinaire, avec une champs cultivés, des vaches dans les prés, et quelques chevaux également.
" Bonjour à vous, voyageurs. Vous cherchez quelque chose ? je peux vous renseigner ?"
La jeune adolescente qui venait de leur adresser la parole ressemblait indéniablement à Jeannot. En plus jeune encore.

Kasumi sourit à la jeune-fille et démonta pour la saluer avant de se présenter :

- Bonjour, en fait nous tenions à venir vous saluer de la part de Jeannot avec qui nous avons voyagé récemment jusqu'à Luménis. Il nous a conseillé de venir vous voir d'autant que nous avons un cheval à vendre.

Le visage de la jeune fille s'illumina.
" Oh, vous avez voyagé avec mon frère ? Attendez, venez avec moi, entrez. Maman voudra sûrement de ses nouvelles..."
Elle les conduisit jusqu'à l'entrée.
" Essuyez-vous les pieds, l'allée est boueuse et je viens de nettoyer... heu, enfin, si vous voulez bien... et installez-vous. Mamaaaan ?"
La pièce dans laquelle ils venaient de pénétrer était la salle à manger, et la jeune fille leur désignait les chaises autour de la table. Sa mère, une femme un peu corpulente avec les cheveux grisonnants, apparut sur le seuil de ce qui devait être la cuisine.
" C'est des copains d'Jeannot !" expliqua fièrement la jeune fille.

Kasumi ne s'était pas du tout formalisé de cet accueil un peu cavalier mais surtout spontané et il avait pris grand soin à nettoyer ses bottes avant d'entrer dans la maison. Puis il avait préféré rester debout pour ne pas donner l'intention de s'installer avant d'être accueilli par la maîtresse de maison. Enfin, quand celle-ci se montra, il avança en tendant une main en guise de salut et entreprit de corriger quelque peu la présentation qui était faite d'eux. Non pas qu'il puisse répugnait à être considéré comme l'ami de Jeannot mais il ne voulait pas donner l'impression de vouloir faire croire à de fausses idées :

- Bonjour ! En fait, nous avons simplement fait le voyage avec lui depuis chez sa grand-mère jusqu'à Luménis où nous l'avons laissé aux bons soins de sa tante.

" Oh, je ne savais pas qu'il était déjà de retour ! Les nouvelles vont vite..."
Son visage s'assombrit à ces mots, mais elle reprit vite contenance.
" Il sera sans doute là dans quelques jours, je suppose, une fois les formalités terminées. Enfin, si ma belle-sœur trouve un moment pour l'accompagner... Je vais lui préparer sa chambre, ça fait des mois qu'elle sert de débarras. Et j'espère qu'il voudra bien rester un moment pour m'aider à la ferme... mais bref. "
Elle secoua la tête.
" C'est gentil à vous de vous être arrêté pour m'avertir ! Vous êtes de passage dans la région ?"

Le rôdeur était ravi de délivrer de bonnes nouvelles après le deuil qui avait frappé la famille Hippolan et répondit de son ton le plus aimable :

- En réalité, nous nous rendons près du village de Peyregorde, sur la route de Respelm. Et nous faisons un petit détour par la Trouée pour y vendre l'un de nos montures. Elle est un peu âgée mais elle est tout de même fringante et nous a rendu service depuis Lunaros. Lui trouver un bon foyer est le moins que nous pouvons faire.

"Hum... Vous devriez voir mon beau-père, dans ce cas. Le grand-père de Jeannot. Il est maquignon, mais aussi éleveur de chevaux, il pourrait peut-être vous en proposer quelque chose. Quoique, s'il vient de Lunaros, il s'agit peut-être de l'une de ces races de plaines trop peu robustes... Une fois passé un certain âge, ils ne valent plus rien.
- Non, intervint Sylvia, c'est une race de la Trouée. Celui qui nous l'a vendu est originaire de la région.
- Ah, dans ce cas, vous avez peut-être une chance. Je peux vous indiquer sa demeure, si vous voulez. C'est à une demi-lieue d'ici en allant vers Rohan. Vous y serez dans une demi-heure...

Le rôdeur s'empressa d'accepter la proposition d'autant qu'elle les poussait de toutes façons dans la bonne direction si jamais ils faisaient chou blanc :

- Ce serait vraiment très aimable à vous : cela nous ferait économiser une journée de voyage - non pas que la région soit magnifique - mais nous avons tous les deux hâte de revoir la forêt.

Kasumi avait l'intention de se mettre aussitôt en route pour avoir une chance de conclure l'affaire avant que la nuit tombe ou pour se trouver au moins un lieu de bivouac.

La paysanne entreprit de leur expliquer l'itinéraire : il fallait suivre en direction de Rohan sur un quart de lieue, puis obliquer à droite sur un chemin de terre, juste avant un bouquet de noisetiers, puis prendre à gauche en longeant un ruisseau, rester à gauche à la seconde bifurcation... non, à droite...
" Le plus simple c'est que Juliette vous accompagne", finit-elle par conclure avec une grimace, réalisant que ses explications devenaient un rien embrouillées.

L'adolescente ne rechigna pas, visiblement heureuse de profiter d'un peu de liberté. Elle courut se préparer une monture et ils se mirent en route quelques minutes plus tard.
" Alors, vous accompagnez mon frère depuis chez grand-mère ? Comment va-t-il, dites ? Ça fait des mois que je ne l'ai pas vu... Et comment va ma grand-mère à l'autre bout de la Trouée ?"

Kasumi s'empressa de la rassurer en insistant sur l'enthousiasme qu'avait manifesté le jeune-homme pendant le voyage malgré la crainte que semblait lui inspirer un séjour à Luménis. Il lui confia également avoir été positivement impressionné par son rapport privilégié avec les chevaux en se doutant que cela ferait plaisir à la jeune-fille qui semblait tenir son frère en haute estime.

" Il a un don pour les chevaux, confirma-t-elle avec enthousiasme. Comme ma grand-mère. Celle de l'autre côté de la Trouée. Il sait leur parler, j' sais pas comment il fait, il leur chuchote à l'oreille et ils se calment, ils écoutent... "
Elle rit joyeusement.
" Mon grand-père, celui chez qui nous allons, rêverait d'avoir ce don pour ses bêtes ! D'ailleurs il embauche souvent Jeannot quand il est ici. Mais Jeannot... il a beau ressembler comme deux gouttes d'eau à papy quant il était jeune, il a plus d'atome crochus avec notre famille maternelle. Et puis, elle vit vraiment dans la Trouée, avec ses paysages magnifiques, alors qu'ici on n'est qu'à la limite... Et elle est plus cool, aussi, moins exigeante. La vie là-bas semble toujours tellement plus facile et agréable. J'irais bien, moi aussi... En fait j'aimerais bien qu'on y aille tous, avec maman. Mais elle dit que papy est vieux et qu'on ne peut pas l'abandonner tout seul ici, pis y'a la ferme... mais en vrai j'crois qu'elle aim'rait bien retourner dans sa région elle aussi. Pis l'est pas tout seul, papy, il a une de ses filles qui vit ici..."
Elle les fit obliquer à droite, puis à gauche.
" Mon papy, c'est la grande bâtisse qu'on voit là-bas."
Il s'agissait d'un ensemble de bâtiments autrement plus imposant que la petite ferme, entouré de prés où s'ébattaient une vingtaine de chevaux de tous âges, et même quelques poulains avec leurs mères. Un homme d'une quarantaine d'année était en train de nettoyer les écuries.

Kasumi se fit la réflexion qu'être bavard était décidément un trait de famille mais il s'efforçait de se montrer attentif et de participer à sa manière à la conversation pour ne pas vexer la jeune-fille. C'est néanmoins avec un certain soulagement qu'il accueillit la nouvelle de leur arrivée chez le grand-père vendeur de chevaux.

Il se laissa une nouvelle fois guidé jusqu'au corps de ferme et jusqu'à l'homme qui n'avait pas pu manqué de les voir arriver et attendit que la jeune-fille les présente avant d'entamer les discussions.

L'adolescente les présenta comme des amis de Jeannot, précisant qu'ils voulaient peut-être vendre un cheval, et l'inconnu se hâta d'aller chercher le propriétaire des lieux. Kasumi compris à travers les quelques mots échangé qu'il était un oncle de Jeannot et de la jeune fille.
La grand-père, lui, ne tarda pas à faire son apparition : svelte, le teint halé, ses cheveux blancs noués en queue de cheval, il paraissait particulièrement vigoureux pour un homme de son âge. Il leur serra la main avec une poigne d'acier avant de s'enquérir de l'objet de leur visite, allant droit au but.
" Je suis Gaston Hipploan. Mon gendre dit que vous êtes des amis de Jeannot et que vous avez une monture à vendre ?"

HRP : je serai probablement absente ce soir, au moins une partie de la soirée.

Kasumi rendit à l’homme sa poigne puissante et franche et apprécia qu’il entre directement dans le vif du sujet : il semblait être un homme pragmatique et allant droit au but aussi ne chercha-t-il pas lui-même à tergiverser inutilement.

- Nous avons fait la connaissance de Jeannot chez sa grand-mère et nous avons sympathisé en route pour Luménis. Et en effet, nous avons une monture à vendre et il nous a conseillé votre ferme, de même que sa mère au Pont-des-Trois-Sires. Il s’agit d’un ancien reproducteur que nous avons acheté il y a quelques veilles à Lunaros.

Et pour se montrer plus direct encore, il désigna Eclair et mena le propriétaire des lieux jusqu’à lui.

" Race de la Trouée... C'est assez rare venant de Lunaros, mais y paraît qu'y a un ou deux bons maquignons là-bas, j'ai entendu parler de l'un d'eux qui serait originaire de la Trouée d'ailleurs."
Il avait un accent notable, celui de la Trouée sans doute, même s'ils n'en étaient qu'à l'entrée.
" Celui qui nous l'a vendu était surnommé le Pelé.
- Ça m'dit quelque chose. P'têt lui... Mais peu importe. C'est une bonne race, solide et endurante. Trop vieux pour être vraiment valable comme monture, mais effectivement, ça peut faire un bon reproducteur..."
Il prit le temps d'un examen plus approfondi, observant les chevilles, les pieds, les sabots, les mâchoires, puis le faisant marcher, puis trotter. L'étalon obéissait sans rechigner à ses ordres. Il réfléchit ensuite à voix haute.
" On est en pleine saison de reproduction, mais j'ai d'jà deux étalons, ça m'suffit. D'un autre côté, j'en ai aucun qui ressemble à celui-ci, et il vient de loin, ce qui évite toute consanguinité..."
Il secoua la tête.
" Je pourrais vous en proposer cinquante pièces d'or..."

Kasumi réfléchit à la proposition : c'était légèrement un peu moins que le prix payé à Lunaros mais l'offre était tout à fait valable et il n'était pas dit qu'ils en obtiennent une au moins aussi intéressante en se rendant chez le parent de Pelé. De plus, ils perdraient encore un jour de voyage s'il faisait le choix de tenter sa chance auprès de l'autre maquignon... Non, décidément, le rôdeur n'avait pas vraiment envie de négocier pour obtenir quelque piécette supplémentaire.

- Cela me semble honnête d'autant que votre ferme me semble bien être un lieu accueillant pour un tel cheval : c'est au moins aussi important que le prix pour moi et c'est presque celui que nous avons payé il y a plusieurs veilles. Marché conclu pour cinquante pièces d'or !

" Et bien c'est parfait !, conclut l'éleveur en lui serrant la main. Je peux vous laisser le harnachement et les fontes si vous en avez besoin... mais je vois que vous en avez d'autres. C'est vraiment comme vous préférez ! "
Il se tourna vers l'adolescente.
" Juliette, file auprès de Mathilde à l'intérieur, et ramène-nous un peu de poiré pour arroser l'affaire. C'est la tradition, précisa-t-il pour couper court à tout refus des rôdeurs. Et ça vous laisse le temps de décharger vos bagages..."

Le demi-elfe accepta sans rechigner le petit verre de spiritueux et entreprit aussitôt de décharger les bagages d'Eclair, lui laissant sa sellerie qu'il comptait céder à son nouveau propriétaire. Il prit ensuite quelque minutes pour dire au-revoir à celui qui l'avait porté fidèlement depuis Lunaros. Cela faisait peu de temps mais il s'y était un peu attaché malgré tout. Cela dit, le laisser auprès d'un propriétaire qui le traiterait bien et lui offrirait l'opportunité de faire office de reproducteur permettait de ne pas avoir le cœur trop gros.

Eclair semblait considérer son nouvel environnement avec curiosité. Il suivit l'éleveur qui se dirigeait vers la barrière donnant accès au pré, et y pénétra avec curiosité, allant flairer les juments qui s'y trouvaient. Il avait l'air plutôt satisfait de son sort : trotter librement dans les vastes prairies alentours, en compagnie de ses congénères, était une perspective plutôt agréable.

Les deux rôdeurs s'éloignèrent donc sans regret. Ils avaient soldé les petits détails du passé -message à déposer, monture à vendre- et n'avaient pus qu'à se tourner vers l'avenir. Et à accomplir la mission qui leur était dévolue.

Puisque leur avenir immédiat les ramenait dans la direction du Pont-des-Trois-Sires, Kasumi proposa tout naturellement d’y raccompagner la sœur de Jeannot le soir-même. Ils n’auraient alors plus qu’à bifurquer au sud et trouver un lieu de bivouac pour la nuit.

Et dès le lendemain ils pourraient à nouveau se concentrer sur leur objectif tout en retrouvant le plaisir de voyager à deux, en amoureux. Le demi-elfe espérait sincèrement parvenir rapidement sur le lieu de l’ancien bosquet pour y planter le gland que lui avait confié Celd mais il n’y avait aucune raison de ne pas apprécier le voyage et en profiter pour montrer à Sylvia les jolis coins de nature et les panoramas qu’abritait Helonna.

La jeune adolescente les salua gaiement, avec un brin d'envie dans le ton de la voix : partir à l'aventure ne lui aurait pas déplu. Mais sa mère l'attendait, et puis elle espérait avoir la visite de son frère sous peu, une fois les formalités terminées à Luménis. Donc finalement, non, elle préférait rester. Ce fut à peu près tout ce qu'ils retinrent de son verbiage incessant.
Ils retraversèrent le pont au ralenti : la foule des voyageurs était dense en cette fin d'après-midi -y avait-il, du reste, un horaire où elle ne l'était pas durant la journée ?- les obligeant à avancer au pas.
Il leur restait du temps avant le soir : ils camperaient certainement en pleine nature cette nuit-là. Il leur restait à décider s'ils préféraient longer la Lézarde jusqu'à rejoindre le bac et, de là, la route menant à Peyregorde, où s'ils préféraient partir au juger, droit vers le sud et la Forêt Maudite, en espérant tomber à peu près sur le hameau qu'ils cherchaient.

Kasumi se souvenait de sa promesse à Sylvia d'éviter les moyens de transports sur l'eau et il était de toute façon plus enclin à partir à l'aventure, jugeant être capable de retrouver sans trop de peine le chemin du hameau s'ils s'en écartaient un peu trop. Et avec des éclaireurs du niveau de Première Neige et de Vif-Argent, les rôdeurs étaient bien armés pour pallier d'éventuelles lacunes dans leur sens de l'orientation.

Le soir tomba alors qu'ils étaient à une heure seulement du village. La campagne était peuplée, moins densément qu'autour de Luménis, certes, mais suffisamment pour compliquer la recherche d'un lieu de bivouac tranquille. Heureusement, Vif-Argent était là pour repérer les petits bosquets à l'écart des fermes, et ils purent s'installer dans l'un d'eux, à proximité d'une rivière aux eaux un peu trop saumâtres. Ils arriveraient probablement à destination le surlendemain dans la journée : avec le faucon pour repérer le village -sans doute le seul des environs-, ils n'auraient aucune difficulté pour trouver Peyregorde. Le bosquet sacré, en revanche, c'était une autre paire de manche...

Mais il valait bien mieux considérer une étape après l'autre et profiter au maximum de ce moment de répit dans leur voyage : il faisait doux mais Kasumi alluma tout de même un petit feu pour préparer leur repas mais, avant toute chose, il s'approcha de Sylvia pour l'embrasser tendrement, sans un mot, simplement pour lui manifester son amour et son bonheur de se retrouver ici, au milieu de nulle part, en sa compagnie.

- Lapin aux carottes et un bon massage ce soir, cela te conviendra, lui demanda-t-il finalement avec un sourire charmant.

" Lapin aux carottes... hum... j'aurais tendance à y ajouter aussi des fruits, myrtilles ou groseilles par exemple, pour apporter une touche d'acidité et de sucre... mais je ne crois pas que ça corresponde vraiment à tes goûts !"
Elle poussa un soupir un peu théâtral, puis l'embrassa avec un sourire mutin.
" Nous n'avons décidément pas la même conception de la cuisine... mais la tienne est très bonne, donc je te laisse seul maître ! Et pour le massage... ça, je suis sûre qu'il sera forcément parfait !" conclut-elle avec un clin d'oeil indéniablement aguicheur.

Il répondit à son clin d'œil par un sourire de connivence et répondit avec sincérité :

- Je ferais en tous cas de mon mieux pour te faire plaisir, ma belle reine des bois !

Il profita de l'occasion pour lui voler un autre baiser avant de se mettre sérieusement à la tâche, décidant d'improviser une petite sauce aigre-douce à partir des fruits des bois juste pour faire plaisir à sa dulcinée.

Le dîner fut parfait, et la soirée tout aussi belle, tendre et amoureuse. Ils s'endormirent dans les bras l'un de l'autre avec bonheur, et rien ne vint perturber leur sommeil.

La journée du lendemain démarra sous un ciel couvert et menaçant, incitant à accélérer l'allure. Avancer efficacement vers le sud était loin d'être évident dans cette campagne agricole : ils devaient sans cesse contourner des champs cultivés, franchir des clôtures, en suivant de petits chemins qui semblaient aller dans la bonne direction mais obliquaient toujours trop tôt -ou menaient simplement dans la cour d'une ferme. Ils avaient tous deux un bon sens de l'orientation, heureusement, mais il leur servait surtout à constater les écarts qu'ils faisaient par rapport à l'itinéraire prévu.
Vif-Argent, envoyé en éclaireur par Sylvia, revint vers eux bien plus tard avec des informations utiles. Il avait repéré quatre communautés humaines relativement importantes : la plus proche, à l'est de leur position, au bord de la Lézarde et à bonne distance de la forêt, correspondait certainement au hameau qui se trouvait à l'arrivée du bac. La plus à l'ouest -et au sud-, en bordure de la forêt, pouvait être Respelm, mais ils avaient du mal à estimer les distances parcourues par l'oiseau. La troisième se trouvait en bordure de forêt, quasiment droit vers le sud, et ils l'atteindraient dans la journée du lendemain. La quatrième était plus loin des bois, peut-être trop pour être Peyregorde.

Kasumi, après en avoir débattu un moment avec Sylvia, décida de se fier à son instinct et de suivre la direction la plus au sud, droit vers la localité qui se trouvait juste en bordure de la forêt. Sa hâte à rejoindre cette dernière - partagée avec sa compagne - était aussi entré en ligne de compte dans leur décision. Il serait de toute façon toujours temps de corriger le tir quand ils auraient pu l'atteindre pour demander leur chemin.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Le Pont des trois Sires