La Couronne de Cuivre

Chandara était tous sourires maintenant qu'elle avait triomphé de cette petite épreuve qu'elle avait imaginé des plus désagréables. Elle était surtout satisfaite d'avoir trouvé son bonheur et était déjà impatiente de voir le résultat que lui proposerait l'artisan et artiste à sa manière.

La jeune femme jeta un œil au ciel et estima qu'il devait bien rester plusieurs heures avant la soirée mais, même si elle escomptait poursuivre par quelques achats, elle répugnait à accaparer la prêtresse Sunite qui avait déjà été incroyablement serviable et de bon conseil.

- J'ai eu une fine conseillère à qui je ne voulais pas risquer de faire du tort, répondit-elle pour justifier de sa patience avec le tailleur.

- En tous cas je suis très contente et je t'en remercie, conclut-elle même si c'était énoncer l'évidence.

" C'était avec plaisir."
Valentine avait suivi son regard vers le ciel.
" Je dois y aller, maintenant, car mes devoirs m'appellent, mais n'hésite pas à repasser au Temple rendre grâce à Sunie. Sinon, je ferai prévenir la commanderie que tes vêtements sont prêts."

Chandara avait l'intention de passer encore une heure ou deux à fureter dans le quartier commerçant aussi était-il temps qu'elle salue sa conseillère en mode comme il se devait :

- J'ai bien peur d'avoir été captivée par les charmes du temple et y être à nouveau attirée dans les tous prochains jours alors nous aurons l'occasion de nous revoir ! Du moins je l'espère sincèrement. D'ici là, porte-toi bien Valentine !

Elle avait retenu la leçon apprise avec Moïra aussi se garda-t-elle cette fois de saluer la Sunite autrement et la laissa-t-elle s'éloigner vers son temple. De son côté, elle comptait poursuivre quelque peu ses achats de vêtements : une ou deux tuniques bien plus ordinaires que les robes qu'elle avait commandées et peut-être aussi un joli chapeau de feutre pour se garder du soleil toujours omniprésent à Luménis voire peut-être aussi un foulard en soie verte pour nouer ses cheveux... Bref, il lui restait du pain sur la planche et mieux valait hâter le pas si elle ne voulait pas être en retard auprès de son galant.

Le tailleur n'avait pas menti : la plupart des boutiques voisines étaient occupées par des personnes du même métier. De nombreux modèles étaient présentés en vitrine, ou suspendus à des crochets autour des portes. Les artisans ne racolaient pas, cependant, même si certains profitaient du beau temps en travaillant à l'extérieur. Il y avait surtout des humains, quelques halfelins, quelques elfes, hommes et femmes, et la rue était plutôt silencieuse. Des badauds se promenaient, s'arrêtant devant une échoppe ou une autre, parfois pour poser quelques questions. Chandara avait l'embarras du choix pour ses emplettes...

HRP : je me permets d'avancer un peu...

Chandara décida de flâner un peu pour laisser son imagination la guider vers de belles trouvailles. Son regard se porta rapidement vers un étal proposant des tuniques joliment cintrées dans des coloris doux. Elles étaient relativement sobres mais toutefois d'assez bonne qualité pour qu'elle les porte avec plaisir surtout par ces fortes chaleurs. Son choix se porta rapidement vers deux d'entre elles et elle négocia rapidement le prix avec le commerçant avant de continuer sa promenade.

Son regard fut ensuite attiré par de la dentelle dans une boutique et elle y entra pour observer de près l'assortiment de sous-vêtements de bonne qualité que l'on y proposait. Elle se chercha un tissu qui pourrait résister sans problème à une baignade en mer sans pour autant négliger l'élégance : il fallait qu'elle fasse bonne impression devant Arthur après tout ! Il lui fallut cette fois plus de temps pour trouver exactement ce qu'elle cherchait mais elle ressortit une nouvelle fois dans la rue avec le sourire.

Le temps passait et la bourse qu'elle avait emportée devenait dangereusement plate mais elle estimait pouvoir se permettre un dernier petit plaisir avant de regagner les beaux quartiers. Elle déambula encore plusieurs minutes avant de trouver ce qu'elle avait en tête : un chapelier ! Elle entra dans l'échoppe en recherchant cette fois le vendeur ou la vendeuse pour lui demander conseil.

HRP : tu as bien fait !

Le chapelier était une jeune femme brune qui lui sourit quand elle approcha. Vu la chaleur, nombreux étaient les Luméniens à se procurer des couvre-chefs et il ne restait pas grand chose en boutique. La commerçante était d'ailleurs en train de fabriquer de nouveaux chapeaux qui ne tarderaient pas à rejoindre l'étal et les étagères.
" J'imagine que vous voulez vous protéger du soleil, dit-elle en apercevant Chandara. Tout ce qui nous reste est devant vous. Je vous conseille la paille. Ça vous donnera une allure romantique et c'est le plus léger par ces températures."

Il n'y avait plus grand choix mais la tenancière semblait tout de même bien connaître son métier d'après ce que Chandara avait sous les yeux. Mais l'ancienne paladine s'en détourna un moment pour faire face à la vendeuse et lui retourner un sourire lumineux :

- Bonjour ! Vous avez parfaitement raison... Pour le soleil et aussi que je veuille me montrer sous un jour romantique !

Elle se retourna vers les chapeaux exposés, hésita, puis ajouta :

- Lequel me conseillerez-vous ?

" Je vous conseille de les essayer et de vous regarder dans mon miroir. Si vous êtes du genre à courir, marcher dans le grand vent ou monter à cheval, ne le choisissez pas trop petit, sinon il s'envolera à la première occasion et vous serez forcée de revenir me voir. Mes prix sont modiques, mais ce serait du gaspillage. Après, la paille naturelle c'est souvent le plus facile et le plus élégant. Il y a toujours moyen de piquer une fleur dedans, ou une plume, les mailles le permettent aisément. Donc... C'est vous qui allez le porter, pas moi. Faites-vous confiance pour le choisir."

Y piquer une plume ou même une jolie fleur était une charmante idée et elle se remémora avec délice combien elle avait pris plaisir à ce qu'Arthur en glisse une dans sa chevelure seulement quelques jours plus tôt dans le parc. Cette pensée à l'esprit, elle s'empara d'un premier chapeau dont elle se couvrit après avoir ramené ses cheveux en arrière. Elle s'observa quelques secondes dans le miroir, se découvrit souriante mais fit la moue : il était un peu trop grand.

Elle en essaya alors un autre après avoir délicatement reposé le premier et ce fut comme une révélation quand elle se regarda dans le miroir. Elle n'avait pas du tout l'air d'une paysanne comme elle l'avait d'abord craint et le chapeau lui donnait incontestablement de l'allure. Elle se tourna de côté pour s'observer selon un autre angle et se sentit tout à fait satisfaite. Puis, prise d'une impulsion, elle fit un tour rapide sur elle même pour vérifier que le chapeau tenait bien en place... Elle s'observa encore un moment et ne se détourna finalement du miroir qu'à contrecœur avant de s'approcher finalement de la vendeuse :

- Je crois que celui-ci sera parfait ! Combien vous dois-je ?

Elle avait d'ailleurs l'intention de garder sa nouvelle acquisition même si le soleil se faisait moins rude en cette heure avancée.

La chapelière lui annonça un prix effectivement très modique et la paladine put regagner la rue avec sa nouvelle acquisition. Le soleil était effectivement tempéré par de nombreux nuages blancs, petits moutons caracolant dans la brise tiède, mais son couvre-chef ne paraissait pas pour autant déplacé : nombreux étaient les promeneurs qui en portaient et elle ne dénotait en rien dans ces rues encombrées où se mêlaient mille styles différents.
Il était déjà tard dans l'après-midi, mais en même temps, c'était l'été, et la lumière envahirait encore longtemps la ville. Déjà, la jeune femme percevait les effluves s'échappant des tavernes, avec la musique...

Mais Chandara pressa tout de même légèrement le pas en empruntant le chemin le plus direct vers les beaux quartiers sans toute fois prendre le risque de quitter les artères fréquentées. Elle n'avait pas vraiment envie de rester seule dans un quartier aussi bondé et elle se languissait déjà de retrouver une charmante compagnie même si Arthur ne serait peut-être pas encore tout à fait libéré de ses obligations à son retour.

Et de toute façon, même si elle devait patienter avant de retrouver l'élu de son cœur, elle avait bien des réflexions à mener à bien, la journée ayant été riche en enseignements et en questionnements sans qu'elle puisse vraiment se poser pour y songer. A commencer par la proposition de Soren qui l'avait tant fait frémir sur le coup mais qu'elle commençait déjà à relativiser.

Petit à petit, les rues s'élargirent, les maisons reculèrent, des jardins apparurent et la foule se dispersa comme la jeune femme gagnait les beaux quartiers. Elle dut se ranger près des grilles et des murets pour laisser passer cavaliers et chariots, et bientôt les arbres et les façades élégantes devinrent la norme. Les marins, les marchands et les badauds laissèrent la place aux clercs, aux nobles et aux serviteurs empressés. Bientôt, elle ne manquerait pas de passer devant les grilles du Temple de Sunie, à nouveau...

Quête : Un autre appel

De la commanderie lathandrite, Chandara gagna donc le quartier du port. Il ne lui fallut pas longtemps pour se guider sur les odeurs et découvrir une boulangerie. Impossible de savoir ce qu'elle valait, évidemment, mais il y avait plusieurs autres clients, surtout des serviteurs venus des beaux quartiers, ce qui était potentiellement un signe. Quand ce fut le tour de la paladine, elle découvrit un étal couvert de pâtisseries de toutes sortes, fruitées, crémeuses ou sucrées... Bref, l'embarras du choix.

Pendant qu'elle patientait dans la petite file d'attente, Chandara s'était efforcé de diminuer l'ensemble de ses choix, éliminant les pâtisseries trop crémeuses pour se concentrer sur celles qui pouvaient - d'après elle - se conserver plusieurs jours sans perdre de leur saveur. Elle avait l'intention d'offrir un sachet d'assortiments de biscuits et peut-être de fruits secs à son aimé pour qu'il puisse en profiter et penser par la même occasion à elle au cours de la première veille de son voyage. Elle ne se priva donc pas de demander conseil au vendeur en arborant un sourire :

- Bonjour, pouvez-vous me faire un assortiment que je puisse offrir à quelqu'un qui va partir en voyage ?

" Il part quand, votre ami ? Parce que vaut mieux les acheter à la dernière minute. Ça se conserve pas super bien, les pâtisseries, vous savez... Sauf les biscuits de voyage, mais c'est pas le plus savoureux... Bref. Ça et ça, ça se garde trois ou quatre jours. Et ça, deux... Hum... Celles-ci, sans doute une petite veille, mais faut pas les manger seules... Trempées dans le lait, ou avec de la marmelade, c'est meilleur. Et celles-ci, faut pouvoir les réchauffer et elles supportent pas l'eau..."
Il haussa les épaules.
" C'est quoi, ses goûts ?"

Voilà qui n'allait pas être si simple tout compte fait... Mais le difficultés étaient faites pour être surmontées et le cadeau n'en aurait que plus de valeur ! La jeune-femme ne voulait pas non plus faire perdre son temps au vendeur aussi s'empressa-t-elle de répondre aux questions qu'elle pouvait :

- Il part dans quatre jours alors j'imagine repasser la veille. Je crois que j'opterai pour des fruits secs et des petits biscuits si vous pouvez m'en recommander. Quant à ses goûts, je ne saurais trop dire mais je me suis dit que le mieux serait de lui en proposer un petit assortiment et de goûter moi-même certaines de vos pâtisseries dès aujourd'hui. Est-ce que vous avez des biscuits à base de d'amandes par exemple ? Ou peut-être, il m'a parlé de chocolat qu'il apprécie mais je n'en ai jamais goûté moi-même. Vous en auriez par hasard ?

" Bien sûr que j'ai ça." dit le boulanger, presque vexé.
Il lui prépara un petit assortiment d'une dizaine de biscuits et pâtisseries, puis la regarda.
" Voilà. Mais ça ne va pas faire de bien à votre silhouette. Alors je vous conseille de goûter, puis de distribuer le reste. Ce serait dommage de ne plus rentrer dans vos vêtements habituels."

Tout en prenant le sachet, Chandara écarquilla les yeux de surprise devant la familiarité de la remarque du boulanger. Elle ne sut d'ailleurs pas vraiment quoi répondre dans l'immédiat : venait-il de lui suggérer que sa tenue actuelle la boudinait ? Non, c'était ridicule mais elle n'avait pas vraiment non plus l'intention de creuser ce sujet : elle était parfaitement capable de surveiller son poids et puis elle avait bien évidemment l'intention de partager ces douceurs avec qui de droit ! Elle adopta un ton neutre mais elle ne pouvait pas vraiment effacer une petite lueur de défi dans son regard :

- Merci du conseil, combien vous dois-je ?

Ce n'était pas à proprement parler bon marché, mais pas excessif non plus : la jeune femme était sans doute tombée sur une pâtisserie d'un certain niveau. Une fois la transaction réglée, le marchand passa au client suivant et Chandara remarqua que la file s'étirait désormais dans la rue. Elle se récolta quelques regards noirs au passage : sans doute estimait-on qu'elle avait pris beaucoup de temps pour faire ses emplettes, mais personne ne lui fit de commentaire et elle put regagner l'air libre...

Aux regards noirs, elle opposa un sourire imperturbable : d'une part, elle avait trouvé ce qu'elle était venu chercher et espérait faire plaisir à son amoureux avec cette petite attention et d'autre part c'était une façon de faire prendre conscience aux bougons empressés que mieux valait prendre son temps pour savourer les bonnes choses de la vie que de courir sans cesse d'une tâche à l'autre en s'agaçant du moindre retard.

Elle mit ses trouvailles à l'abri dans sa besace avant de faire demi-tour sans grande hâte malgré une certaine curiosité aiguillée par la promesse de pouvoir contempler les belles œuvres de Soren sans risquer de devoir répondre à des questions gênantes les concernant. C'est donc droit vers le temple de Sunie que ses pas la menèrent immanquablement.

Chandara se fondit dans une certaine routine au cours des deux jours qui suivirent : le matin, elle se promenait au parc après avoir prié sa déesse et déjeuné avec les pensionnaires des Songes de la Dryade, l'après-midi était davantage consacré à la découverte de la ville et de ses activités et le soir aux bavardages et parties de cartes en compagnie de ses nouveaux amis de la petite auberge.

Le premier jour, après avoir réservé une place sur un navire faisant voile vers Antelucas en milieu de veille, elle s'était décidée à assister à l'un des spectacles qu'elle n'avait pas pu voir en compagnie d'Arthur. Assurément, l'amphithéâtre était bien différent de celui de Manost et elle avait passé un moment très agréable où elle avait beaucoup ri de la pièce comique qui était proposée : il faudrait décidément qu'elle y retourne avec son compagnon à son retour !

L'après-midi du second jour, la jeune-femme s'était décidée à retourner auprès du tailleur qui l'avait prévenu que sa seconde robe serait prête : c'est avec une certaine impatience qu'elle s'était rendue dans son atelier pour y découvrir la robe de soirée qu'elle avait commandée en compagnie de Valentine.

Maître de l'Effeuille la fit patienter un petit moment — il avait d'autres clients, puis l'invita dans son atelier. La robe de soirée que Chandara avait commandée y figurait en bonne place : verte, comme annoncé, elle se drapait autour de la poitrine, remontait en une seule bretelle sur l'épaule gauche, puis descendait en une longue jupe aérienne jusqu'au sol. Des roses étaient brodées tout au long, autour de la taille, puis sur l'épaule, dans un fil doré tirant vers l'orange. C'était à la fois sobre et extrêmement élégant.
" Allez, essayez-là. Il faut que je la retouche."

La robe était sublime. Chandara était proprement subjuguée - il n'y avait pas d'autres mots. Elle s'était bien entendu attendue à ce que le résultat soit de très grande qualité mais à ce point là ? La robe semblait presque trop belle pour être portée.

Ou plutôt non, c'était tout l'inverse : un tel bijou se devait d'être montré à son avantage : ce serait un crime que de ne pas lui rendre cet hommage. Il faudrait cependant trouver une occasion à sa mesure.

La jeune-femme perdit quelques secondes à en admirer les détails, s'attirant un froncement de sourcil de mauvais augure, avant de débarrasser des ses vêtements pour exécuter l'injonction du maître artisan.

Les retouches ne prirent qu'une dizaine de minutes, car la finition était presque parfaite, tombant en plis harmonieux sur la silhouette de la paladine. Il releva un rien la bretelle, reprit un pli à la hanche, puis l'envoya se rhabiller pendant qu'il terminait les quelques points nécessaires. Il lui emballa ensuite la robe dans du papier de soie, très soigneusement, avant de la glisser dans un sac de toile.
" Suspendez-la dès que possible. Ce genre de vêtements ne supporte pas bien d'être plié et empaqueté."

La jeune-femme prit bonne note du conseil et remercia chaleureusement le tailleur en prenant le paquet comme s'il s'agissait d'un trésor des plus précieux. Et c'était bien sûr le cas : elle avait du mal à trouver la volonté de se départir du vêtement et mourrait déjà d'envie de porter à nouveau cette merveille en public.

Ah, comme elle aurait qu'Arthur puisse l'admirer quand elle la porterait et le lire dans son regard amoureux ! En attendant, il fallait régler la note puis prendre congé pour retourner aux Songes de la Dryade. Et déjà, le lendemain, il serait temps de se rendre à nouveau dans l'atelier de Soren pour découvrir ce qu'il avait confectionné en s'inspirant d'elle.

Quête : Les pieds dans l'eau

Revenant de son périple en mer, Maël fut tout de suite reconnu par la tenancière de l'Espadon Indomptable, une femme solide d'une cinquantaine d'années nommée Vera, qui avait perdu son premier et unique amour, un pêcheur d'espadon, en mer trente ans plus tôt. Elle lui donna la clé d'une chambre au premier étage, donnant sur l'arrière, arguant qu'avec les chaleurs estivales, les chambres mansardées étaient insupportables. Elle envoya aussi son neveu et principal employé préparer un nécessaire de toilette, avant de s'enquérir des intentions du druide pour la soirée.

Lesquelles intentions étaient assez vagues. La soirée inclurait sans doute un passage plus ou moins prolongé par une taverne proposant, autant que possible, de la bonne musique et de la bonne boisson. Mais pour le reste, le druide était habitué à se laisser guider par le hasard, à plus forte raison dans ce milieu urbain dans lequel prendre des repères lui était plus difficile. Il aviserait donc selon les lieux où le mèneraient ses pas – mais c'était assurément une bonne chose que ceux-ci aient commencé par l'amener dans une auberge qu'il savait être bien tenue, assurément.

Il y avait de la musique partout et de la boisson encore plus, dans le quartier du port. Comme il faisait magnifique, tout cela s'échappait dans les rues, les tables étaient sorties, on improvisait trois pas de danse ici et on poussait la chansonnette par là, soutenu par la bière, l'hydromel et parfois le vin, mais c'était moins le genre du quartier. Au fil de ses pérégrinations, Maël croisa surtout des marins, de Luménis et d'ailleurs, mais aussi des citoyens ordinaires, venus profiter de la liesse de la fin de journée. Il ne lui serait pas difficile de se trouver un partenaire de danse, de s'incruster dans une partie de cartes ou de bavarder, simplement, une chope à la main.

Et Maël ne s'en priva pas le moins du monde. C'était son retour à terre, le soir de transition entre les deux aspects de sa vie. Dès le lendemain, le druide en lui se réveillerait et il se préoccuperait de nouveau de venir en aide à la nature : il se souviendrait avoir entendu quelqu'un évoquer un trouble étrange dans un village reculé et partirait enquêter, remarquerait des oiseaux voler en une formation étrange et les suivrait pour comprendre ce curieux comportement, ou, si aucun signe ne venait à le guider, planifierait une expédition en direction d'un lieu qu'il ne connaissait guère – peut-être cette fameuse forêt maudite, avec laquelle il n'avait fait que très superficiellement connaissance jusque là – afin de comprendre la façon dont la nature y trouvait son équilibre. Bref, il entreprendrait, fidèle à sa vocation, de protéger la nature et d'en apréhender toutes les facettes. Mais ce soir, il était un marin qui fête la fin de son dernier séjour en mer, et à moins d'un cas de force majeure, il entendait bien se comporter comme tel.

Parmi toutes les tavernes du port, il en était une qui servait de point de ralliement aux capitaines à la recherche de travail, et qui se trouvait en bordure de l'esplanade, sur les quais. La Langouste Repue était un vaste établissement, presque toujours plein. On y faisait affaire, on y nouait et on y dénouait des contrats, des alliances, on y traçait de grands projets, on y relatait des aventures.
Ce soir-là, c'était aussi le Festival Annuel des Bières du Nord, et il s'y pressait un monde certain, dans une ambiance assez électrique, mais pourtant bon enfant. Discrète mais présente, la garde luménienne s'était posée à l'extérieur du bâtiment, faussement détendue, gardant un oeil sur les allées et venues. Pourquoi Maël s'était-il retrouvé là... Peut-être simplement pour la bière...

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Les Commerces du Port