La Couronne de Cuivre

Il fit la moue, ne sachant si elle était sérieuse ou si elle cherchait à se moquer de lui. Il préféra ne pas répondre et s'empressa de rassembler les affaires qu'ils étaient venus chercher. Au bout du compte, ils avaient deux jeux de couvertures et draps, ainsi que sept ou huit oreillers. Ils revinrent dans la salle de bains et n'y trouvèrent personne.

"Ils sont où ?" fit-il, un semblant de panique dans la voix. "En fumée ? Mangés ? Ils se sont enfuis sans nous ??"

Seul avec Bellatrix dans une maison pareille, ça ressemblait fort à l'enfer.

hrp : idem ci-dessus ne nous attendez pas.

La question de Benny avait fait sourire Pierre : il n’était pas né de la dernière pluie. Bon, d’accord, peut-être de celle qui la précédait immédiatement. Mais pas de la dernière, donc.

-J’en connais un qui veut pas se changer devant Bellatrix ! lança-t-il d’un ton gentiment taquin.

Compte tenu des circonstances, il se demandait si rester vêtus comme ils l’étaient ne serait pas une bonne idée. Mais outre le côté inconfortable, cela renforcerait leur angoisse latente, concrétiserait en quelque sorte leur conviction qu’avant peu, ils seraient attaqués. A l’inverse, du moins en ce qui le concernait, enfiler la tenue qu’il portait habituellement pour dormir le rassurerait : comme le brossage de dents, c’était un geste anodin qui rendrait un peu de normalité à leur situation. Et puis, même s'ils étaient bel et bien attaqués : un pyjama n'était pas vraiment une tenue embarrassante.

-Mais rassure-toi, ça m’embêterait aussi, reprit-il. Mais si on se met en pyjama maintenant, faut se dépêcher : ce serait gênant qu’ils reviennent pile au mauvais moment… Sinon, on peut attendre qu’ils soient là et se changer sous les couverture. Ou même Dans la chambre d'à côté.

La façon dont le teint de Benoît avait viré au cramoisi à la mention de Bellatrix était une confirmation assez éloquente. Il se saisit donc avec empressement de l'opportunité de diversion dont lui faisait généreusement part son ami :

- Oui, on devrait se dépêcher de le faire maintenant. Ce sera plus facile que si on doit se relayer ou tous se disperser. Et puis songe à la tête de Christophe quand il comprendra qu'il sera le seul à devoir se changer devant une fille ! Il l'a bien cherché en plus, non ?

Pierre fronça un instant les sourcils puis éclata de rire.

-T'es vache ! C'est pas toi qui disait qu'on devait se serrer les coudes ?

Puis, redevenu subitement sérieux, il se mordilla la lèvre. Il savait que la vengeance était une mauvaise chose, mais...

-Bon, d'accord, on fait comme ça, dit-il finalement. Mais s'il a pas l'idée, on lui dira qu'il peut se changer sous les couvertures, d'accord ? Faut que ce soit juste une blague. Même si je lui en veux, j'ai pas envie d'être méchant...

Sur ces mots, il se pencha sur son sac et en tira son pyjama. Puis, l'ayant posé sur le lit voisin, il entreprit de se changer. Il jugea stratégique de commencer par le bas car, sitôt cette délicate étape franchie, il n'aurait plus à craindre le retour de Bellatrix et pourrait s'occuper du reste sans plus se presser : il se souciait comme d'une guigne qu'elle le voie torse nu.

Bellatrix prit donc son sac à roulettes. Celui-ci émit son petit crissement désagréable mais rassura néanmoins la petite fille. Ce bruit habituel l'encrait dans une réalité connue et donc plutôt apaisante. En voyant la salle de bain inoccupée, elle eut comme Christophe un accès d'inquiétude. Et les interrogations de son ami ne furent pas pour l'apaiser. Mais elle entendit le son d'une conversation étouffée derrière la porte où ils avaient prévu de s'installer.

Avec un sourire, elle se dirigea vers la porte et frappa plusieurs coups.

"Alors, vous êtes morts, là-dedans ?"

Pierre était juste en train de passer son bas de pyjama lorsqu'il entendit le son. Un grincement, un crissement ténu mais bien audible provenait du couloir. Le gamin se figea : l'attaque qu'ils avaient tant redoutée allait-elle arriver pile maintenant, alors qu'ils étaient concentrés sur tout autre chose ? Et les autres, où se trouvaient-ils ? Un monstre s'était-il emparés d'eux ? Pourtant, ils n'avaient entendu aucun cri...

Le bruit était tout proche, désormais. Juste devant la porte de leur chambre. Puis il s'interrompit... et, en même temps que des coups légers frappaient le battant, la voix de Bellatrix se fit entendre. Pierre déglutit puis poussa un profond soupir de soulagement.

-Non non, on est pas morts ! lança-t-il en achevant de remonter son pantalon. Tu peux entrer !

A peine avait-il prononcé ces mots qu'il fut pris d'une subite inquiétude. Si lui-même était encore torse nu, dans quelle tenue était Benoit ? Il n'y avait même pas pensé avant de parler...

Bellatrix poussa un soupir de soulagement en entendant la voix de Piotr. Histoire de plaisanter, elle en rajouta un peu.

"Bon, vous êtes peut-être découpés en morceau et c'est juste ta bouche qui est en train de me parler."

Et sans attendre, elle ouvrit la porte. Piotr était torse nu et elle le remarqua à peine. Par contre, elle se rendit compte qu'ils étaient en train de se mettre en pyjama. Et elle ne savait pas dans quel état d'habillement se trouvait Benny. Elle évita de regarder vers lui.

Bellatrix, se rendant soudain compte que Benny se tenait dans une tenue inadéquate avait fermé les yeux. Aussi, ne le vit-elle pas lui tomber dessus. D'un naturel plutôt frêle, elle tomba en arrière à sa suite, manquant de peu de se cogner contre le coin du lit et sa valise à roulettes. Par chance, c'est sur le postérieur qu'elle tomba. Elle demeura les yeux hermétiquement clos.

"J'ai rien vu du tout.", dit-elle, alors que ses joues prenaient des nuances écarlates.

Pierre était quasiment aussi rubicond que Benoît et Bellatrix. S'étant rendu compte de sa bourde un peu trop tard, il n'avait rien pu empêcher et avait dû se contenter de regarder le spectacle, bouche bée. Un instant, il manqua rire, car, de fait, la situation était cocasse. Mais les sanglots de Benny tuèrent l'hilarité dans l’œuf.

Se sentant horriblement coupable, il alla s'agenouiller près de son copain et lui posa une main hésitante sur l'épaule.

-Pardon, Benny... commença-t-il. Quand j'ai entendu le bruit de la valise, j'ai cru que... qu'un truc affreux allait arriver. Puis Bellatrix a parlé, du coup j'ai été soulagé et j'ai plus pensé que t'avais peut-être pas fini de te changer... Désolé.

Il soupira. Oui, il avait vraiment été idiot d'oublier ça...

-Mais y a pas de mal, tu sais... reprit-il. Je comprends que tu sois gêné et tout mais... C'est quand même pas comme si tu avais été tout nu, pas vrai ?

Heureusement qu'il n'en avait rien été. Car de cocasse, la situation serait devenue vraiment embarrassante. Et il ne se le serait pas pardonné puisque, au fond, tout était de sa faute.

Pour un peu, Bellatrix aurait éclaté de rire, mais Benny avait éclaté en sanglots. Et ça, ce n'était pas vraiment drôle. Depuis tout à l'heure, elle n'avait toujours pas réussi à trouver comment consoler les autres, du moins pas de la manière conventionnelle. Aussi, tricha-t-elle un peu.

"Tu sais, il y a pire. Parfois, il y en a qui tombe sur des lames et qui sont coupés en deux. Regarde, là, on s'est même pas fait mal."

Elle sourit. Puis, quand elle comprit grâce à Piotr que Benny n'était pas tout nu, elle se risqua à ouvrir les yeux.

"Tu sais, moi, j'ai un pyjama très très moche. Mais bon, c'est pas de ma faute."

C'est tout ce qu'elle avait trouvé à dire.

Son rire cessa lorsqu'il vit Benny commencer à pleurer. Il n'avait pas ri tant par moquerie que par nervosité ; quelques instants plus tôt, il paniquait à l'idée de savoir ses copains mangés ou tués, et il les retrouvait dans une situation plutôt comique, ce qui faisait retomber la tension qu'il avait accumulée depuis le début de cette espèce de cauchemar abominable. Il s'excusa aussitôt, et reprit un air plus sérieux, presque grave.

"Désolé, Benny. Et Bellatrix. C'est que... j'ai eu tellement peur qu'il vous soit arrivé quelque chose que ça en paraît presque drôle de vous voir à moitié tomber par terre..."

Il changea de sujet pour apaiser les émotions de tout le monde. "On a ramené plein de coussins et de couvertures, au fait ! On va pouvoir tous dormir ensemble. C'est chouette, non ?"

Les différentes intervention apaisantes de ses camarades amenèrent Benoît à se calmer, plus par volonté de ne pas montrer ses larmes et aussi pour éviter de passer pour le pleurnichard du groupe que par réelle conviction. Il se passa une manche de son maudit pyjama sur le visage pour sécher le plus gros des dégâts avant de répondre à Pierre sans toutefois oser tourner la tête vers lui :

- Je sais que tu as pas fait exprès.

Puis, le regard toujours tourné vers ses pieds, il s'excusa auprès de Bellatrix de l'avoir bousculée :

- Moi non plus, j'ai pas fait exprès de te bousculer. Tu es sûre que tu ne t'es pas fait mal ?

Puis, tant pour ne pas laisser Christophe en reste que pour faire diversion, il se leva pour aller chercher de quoi s'improviser un lit dans les trouvailles que Bellatrix et lui avaient ramenées.

Si Benoît avait arrêté de pleurer, il n'en menait pas large pour autant, et Pierre ressentit le besoin de détendre l'atmosphère. Aussi choisit-il, pour la première fois depuis leur dispute, de répondre directement à Christophe :

-Oh oui, c'est chouette ! lança-t-il avec enthousiasme. Bellatrix, tu auras qu'à prendre un lit : ce sera quand même plus confortable. Et pour l'autre...

Puisque, un peu plus tôt, les deux autres garçons n'avaient pas du tout parus gênés par la perspective de dormir par terre, il avait songé à s'adjuger un lit. Mais entretemps, il avait commis une bévue et ressentait encore le besoin de se faire pardonner.

-Pour l'autre, tu peux le prendre si tu veux, Benny, conclut-il.

Bien sûr, si l'intéressé acceptait, il serait obligé de dormir à côté de Christophe. Ça n'était pas bien grave, cependant. Celui-ci avait présenté ses excuses pour son rire malencontreux - mais compréhensible - et Pierre estimait qu'il avait bien fait. Certes, il regrettait que le garçon ne se soit pas montré aussi désolé pour le sale coup qu'il lui avait joué. Mais sa rancune n'était plus aussi vive qu'auparavant. Et puis, il s'était promis de ne plus agir comme un idiot.

Benoît releva la tête vers Pierre, deux couvertures et un oreiller toujours à la main. L'offre du garçon était généreuse et sans arrière pensée mais il ne voulait pas passer pour celui un privilégié. Surtout après avoir été quelques secondes plus tôt au centre de l'attention. Il déclina donc l'offre quoique ses arguments manquèrent de conviction :

- Non, toi ou Christophe pouvaient le prendre si vous voulez. On est dans la chambre que vous avez choisi donc ce serait normal que l'un de vous le prenne.

Evidemment, le garçon réalisa trop tard que ses propos risquaient de relancer le débat et la dispute larvée entre les deux autres garçons. Voire que ses arguments pouvaient conduire à ce que Bellatrix partage son sort. Heureusement, il restait assez de place dans la chambre pour répartir les couvertures par terre sans avoir à subir une trop grande proximité.

Bellatrix était certes une fille, mais elle n'était pas une princesse. C'était aux princesses que l'on cédait les lits. Et elle était loin d'en être une. Elle se contentait juste d'être la fille cachée de Morticia.

"Moi, ça m'embête pas de pas avoir de lit."

Elle réfléchit un peu. Dans certains films, des pas malins se faisaient manger dans leur lit pendant que d'autres tendaient des pièges aux monstres.

"Et si y avait personne dans les lits mais qu'on faisait croire qu'il y a quelqu'un avec des oreillers. Et on se cache tous sous le lit. Comme ça, si on était attaqués, on aurait le temps de s'enfuir."

Elle se tourna vers Benny et lui fit un grand sourire.

"Tu sais, tu m'as pas fait mal, je suis pas une chochotte."

"Eh, c'est pas bête du tout, ça !", s'exclama-t-il en regardant Bellatrix avec une pointe d'admiration. "On pourrait bien se défendre avec des trucs bien mis pour écraser la tête des méchants, ou mettre du verre en morceaux par terre pour qu'ils se coupent les pieds..."

À nouveau, son esprit inventif imaginait divers stratagèmes pour mettre à mal les éventuels agresseurs qui pourraient leur chercher des noises durant la nuit, qui promettait d'être... très longue. Il doutait de pouvoir dormir correctement, fatigue immense ou non.

Benoît n'était pas non plus partisan de tout saccager dans la chambre. Même si le manoir lui faisait peur et qu'il ne faisait pas confiance au maître des lieux, il ne voulait pas avoir à se justifier auprès de lui s'il venait à les surprendre. L'intervention de Pierre lui parut donc opportune, d'autant qu'il partageait son idée sur les inconvénients de la solution proposée, notamment sur le risque que les pièges ne se retournent contre eux.

- Non, je crois qu'il ne faut pas donner de raison de se faire punir tant que Vincent n'aura pas révélé son jeu. Et puis, ce serait risqué et pas forcément efficace. Non, il vaut mieux protéger la porte et peut être aussi la fenêtre comme nous l'avions prévu.

Bellatrix hocha la tête. Les garçons avaient raison. D'autant plus qu'en cas de problème, les adultes avaient l'habitude de se tourner vers elle pour protester même si elle n'avait rien à voir avec l'affaire. Et Vincent n'aimerait surtout pas que l'on casse tout chez lui. Ils étaient tous d'accord du fait qu'il fallait qu'ils se protègent. Et elle voulait rajouter sa pierre à l'édifice. Elle attrapa son carnet de croquis et dessina à main levée deux chevaliers armés d'épées et de boucliers. Elle arracha le croquis avec maintes précautions et le tendit à ses amis en disant.

"Voila, eux, ils nous garderont aussi s'il y a des problèmes."

Bon. Un dessin pour les protéger, pourquoi pas ? Après tout... Christophe chercha des yeux dans la chambre des objets lourds et pas trop encombrants qu'il pourrait attacher au-dessus de la porte et qui choieraient sur l'importun monstre qui souhaiterait faire des enfants son prochain repas. De quoi le transformer en haché...

"Vous avez une idée de ce qu'on pourrait mettre pour faire un piège ? P't'être une statue ?"

Pierre secoua la tête.

-Je crois qu'elles sont trop lourdes, les statues. Pis même si on arrive à les bouger, on risque de les laisser tomber. Ça fera plein de bruit, Monsieur Larouge risque de venir et alors, on pourra plus se protéger, parce qu'il nous surveillera pour plus qu'on abîme son château... Mais tu as pas des trucs pour bricoler, dans ta boîte à outils ? Des ficelles et tout ? Sinon, on peut mettre une table de chevet devant la porte...

Il se tut : les pièges n'étaient pas sa spécialité, et il ne pouvait guère aider pour leurs défenses, contrairement à Benny ou à Bellatrix qui venait de dessiner des chevaliers. Il trouvait d'ailleurs que c'était une bonne idée : dans les histoires, il arrivait que les dessins prennent vie... Toutefois, si lui-même était incapable de les aider à élaborer des protections, il n'était pas tout à fait dépourvu de ressources. Ne désirant pas rester en reste, il alla récupérer Glamdring sous son manteau - il avait pris soin de la dissimuler quand il était parti manger - et la montra à ses amis.

-Moi, j'ai mon épée, expliqua-t-il. Elle pourra pas empêcher les monstres d'entrer, mais... S'ils entrent, elle pourrait leur faire du mal.

Benoît avait regardé le dessin de Bellatrix avec envie. Il lui répondit d'un air sincèrement admiratif :

- Tu les as super bien dessiné ! On dirait qu'ils vont s'animer d'un moment à l'autre.

L'idée de risquer de faire chuter les lourdes et inquiétantes statues avait déplu à Benoît mais il ne voulait pas prendre le risque de vexer Christophe qui était de toutes façons le spécialiste en piège. Il fut donc ravi que ce soit Pierre qui intervienne pour empêcher une catastrophe potentielle même si l'idée d'assommer un monstre avec cinq kilos de pierre était tentante.

Benny s'activa lui aussi à la préparation des défenses même s'il était rassuré que Pierre dispose d'un moyen d'attaquer les monstres au besoin. Il dessina un petit symbole à la craie sur la porte, près de la poignée, puis il fit de même au revers des volets, juste par prudence.

Bellatrix avait regardé tour à tour l'épée de Piotr et le symbole de Benny sur la porte. Elle savait que Christophe était assez inventif et aidait parfois le maître à réparer certains appareils défféctueux. Aussi se sentit-elle un peu rassurée. L'heure de dormir approchait à grands pas. Mais avant elle approchait le moment où elle devrait mettre son abominable pyjama. Piotr et Benny étaient déjà habillés pour la nuit. Ne restait plus qu'elle et Christophe.

"Faut que je mette mon pyjama. Vais me mettre dans un coin mais par contre, il faudra pas regarder où je vais me changer en gremlins et tous vous manger."

Sûr qu'ils obéiraient, elle ouvrit son sac. Un instant, elle espéra que son vêtement s'était lui même troqué contre une tenue plus à la mode mais son espoir fut vite déçu. L'espèce de grenouillère informe avec ses odieux petits moutons sortis de ses cauchemars était toujours là. Elle la passa très vite en espérant que les autres ne se moquent pas trop.

"J'ai de quoi faire tenir n'importe quoi en équilibre au-dessus de la porte et le faire s'écrabouiller sur celui qui passe la tête, mais... j'ai rien de lourd dans mon sac. Enfin, juste quelques bandes dessinées, mais c'est pas assez lourd ni assez dur... c'est pour ça qu'il faudrait qu'on trouve autre chose."

Bellatrix parla d'aller se changer, et il lui tourna prestement le dos afin de lui laisser toute la pudeur et la latitude nécessaire pour ce faire. Lorsqu'elle en eut terminé, il jeta un coup d'œil... de trop. La fille était emballée dans une sorte de papier-peint psychédélique représentant des moutons enragés qui paraissaient tout droit sortis d'un mauvais film d'horreur dont Bellatrix était friande. Et avec un accoutrement pareil, elle ne déparerait pas beaucoup dans un de ces métrages, d'ailleurs...

Trop horrifié pour seulement songer à rire, Christophe ne put détourner les yeux de ce spectacle abominable.

Un peu plus tôt, en essayant de réconforter Benoît, Bellatrix avait laissé entendre que son pyjama était moche. Elle n'avait pas menti... Mais comme la petite fille paraissait vraiment mal à l'aise, et Christophe proprement estomaqué, il décida de briser la glace. Il n'avait pas envie que leur amie se sente gênée à cause d'un détail si insignifiant...

-Ton pyjama est rigolo, Bellatrix ! Tu sais à quoi ils me font penser, les dessins qu'il y a dessus ? Aux tatouages ou aux peintures de guerres que se faisaient les indiens, pour faire peur à leurs ennemis... C'est chouette d'avoir des peintures de guerre, je trouve ! Et je crois que les monstres, ils auront peur de toi, parce qu'ils sauront tout de suite que tu es une guerrière !

Il se tourna ensuite vers Christophe.

-Les bandes dessinées, ça serait déjà pas mal, non ? Ça assommerait peut-être pas les monstres, mais ça les surprendrait et ça leur ferait un peu mal. Pis ça ferait du bruis, aussi, et du coup on serait réveillés...

Abandonnant son air sérieux, il se fendit tout à coup d'un large sourire.

-Mais avant... Si tu nous montrais ton pyjama à toi ?

En parlant de ça, il faudrait qu'il pense à finir de s'habiller. Sa tenue de nuit n'avait rien en commun avec les armures dont étaient parés les chevaliers dessinés par Bellatrix, mais tout de même : il ferait pâle figure à côté d'eux, s'il brandissait son épée en étant torse nu ! Il fallait juste qu'il se souvienne de l'endroit où il avait posé son haut de pyjama : avec tout ce qui s'était passé, il n'était plus sûr de s'en souvenir.

Sans répondre, Christophe alla sortir son pyjama de son sac. D'un aspect tout ce qu'il y avait de plus banal, il était en tissu-éponge, bleu marine avec des liserés rouge moyen. Rien d'innommable, en somme. Il alla se changer dans un coin de la pièce, imitant Bellatrix, tout en étant à peu près certain que cette dernière ne chercherait aucunement à regarder dans sa direction pendant qu'il se changeait. Quelques instants plus tard, il était prêt et sortit sa boîte à outils qu'il farfouilla tranquillement. Il en extirpa une pelote de ficelle assez solide, des ciseaux, un marteau et une boîte de clous, quelques petites poulies qui semblaient pouvoir accueillir la ficelle susmentionnée...

"Ça devrait aller. Faudra juste un support pour poser les bandes dessinées au-dessus de la porte, comme une planche ou autre chose..."