[Everaska] Quête: Racines

[Voyageuse]

Tilmandil acquiesça.
- J'ai commencé à préparer quelques affaires, mais j'ai besoin de tes conseils pour savoir quoi emporter exactement pour une expédition en forêt. En vivres, matériel, vêtements même...
- Pour ma part, je n'ai besoin de rien. Je ne ferai que vous téléporter là-bas et revenir, expliqua la magicienne. Et croyez-moi, c'est mieux ainsi. La vie sauvage et moi ça fait deux. Montrez-moi simplement sur cette carte l'endroit où vous voulez vous rendre, et je vais vous indiquer où nous arriverons. Ah, si, une dernière question : est-ce que vous aurez également des montures ?

[Kasumi]

Le rôdeur avait eu tout le temps du voyage de retour pour réfléchir à la question et se remémorer ses pérégrinations précédentes en Haute Forêt. Le demi-elfe choisit de prendre les problèmes dans l’ordre en commençant par ceux concernant directement dame Cinia :

- Des montures ne nous seraient guère utiles en forêt et pourraient même devenir un handicap si elles ne supportent pas les bêtes sauvages. Nous en occuper la nuit et pour leur trouver à manger nous ralentirait en outre autant que le temps qu’elles nous feraient éventuellement gagner le jour. Si nous avons besoin d’une bête de bât, nous en trouverons certainement sur place. Je pourrais même proposer à Eärundra de demander à Léo s’il est d’accord pour le faire !

Il examina ensuite calmement la carte en faisant appel à ses souvenirs avant de désigner un point situé non loin de la zone désertique de l’Anauroch :

- Le camp ne se situe pas loin de cette éminence et de ce cours d’eau. Si vous ne pouvez pas nous déposer à proximité, mieux vaut choisir une de ces zones en aval, ici et là. En cette saison, les eaux seront plutôt basses et nous aurons moins de mal à en remonter le cours qu’à voyager dans cette zone plus difficile à l’ouest. Si vous ne nous accompagnez pas, j’imagine que vous nous laisserai rentrer par nos propres moyens ? Si nous retrouvons le groupe de mon père, ça devrait aller mais sinon, il sera difficile de trouver un mage capable d’un tel exploit dans cette région. A ce sujet, je me sentirais plus rassuré si vous acceptiez de me rendre un petit service… Mais nous verrons cela plus tard : les préparatifs du départ priment sur le reste.

Il délaissa un moment la mage pour se concentrer sur les questions soulevées par son demi-frère :

- Je te conseille d’éviter de te surcharger : il fera doux dans les bois mais prend tout de même deux manteaux chauds et de quoi bien te couvrir les bras et les jambes. Les ronces peuvent être tenaces quand on n’a pas l’habitude. Les chaussures que t’a procurées Nilrem feront l’affaire avec de bonnes paires de chaussettes. Nous trouverons l’essentiel du reste dont nous aurons besoin en chemin. Privilégions le matériel qu’il sera plus difficile de se procurer comme des cordes, du matériel d’escalade, une ou deux hachettes et une tente solide. Si je voyageais seul, je m’en passerais mais je me doute que tu apprécies un confort minimum et que partager la tanière d’un ours ne correspond pas tout à fait à tes critères. Tu vas vivre un vrai stage de survie en milieu naturel alors prend aussi de quoi tuer le temps le soir.

[Voyageuse]

- De quoi tuer le temps le soir... D'habitude ça veut dire que je prends mon luth ! Mais je ne sais pas pourquoi, j'ai la sensation que ça ne fait pas partie du kit du parfait explorateur... Il va falloir que je me contente d'une flûte j'imagine...
Tilmandil grimaça.
- Pour le reste, je m'en remets à tes conseils. On doit avoir une tente, quelque part, mais il va falloir qu'on se procure du matériel d'escalade en ville.
- Je vous déposerai ici, intervint la magicienne en montrant un point situé à près d'une journée de marche de leur destination, en aval de la rivière. Vous comprenez, il faut un endroit que je connaisse bien. Et si vous craignez de ne pas retrouver votre père et sa compagne, je peux vous contacter à distance, dans un délai raisonnable, une veille par exemple, pour vous demander si vous avez besoin que je revienne vous chercher. Vous pourrez me répondre immédiatement, mais vous ne pourrez prononcer que trente mots pour me fixer un rendez-vous... Ou vous préférez peut-être un délai autre ?

[Kasumi]

Kasumi regarda la carte et tenta de visualiser le trajet d’après ses souvenirs. Satisfait, il se tourna vers l’étrange mage en lui adressant un sourire :

- Cet endroit sera parfait : nous ne perdrons quasiment pas de temps à rejoindre le campement le chemin y est agréable et aisé d’accès. Vous n’auriez pas pu choisir zone plus propice. Et pour le délai d’une veille, je pense qu’il est approprié. Surtout si nous pouvons nous contacter plusieurs fois à cet intervalle pour tenir compte de l’avancée de nos recherches.

Puis, se tournant vers son demi-frère, il prit sur lui pour tenter de lui faire plaisir au travers de sa réponse :

- Nous trouverons en ville ce qui nous manque, oui. Et ce sera pour toi l’occasion de me faire visiter. Je ne suis plus revenu ici depuis plus de quinze ans…

[Voyageuse]

- Tout est clair pour ma part, conclut la magicienne. Je vous rejoins donc ici à l'aube, demain matin. Il nous faudra de toute façon marcher quelques heures pour sortir des limites de la protection magique de la cité, mais vous aurez atteint votre destination en haute forêt avant la fin de la matinée. Je vais vous laisser terminer vos préparatifs...
Une servante était apparue, comme par magie, juste au moment où elle faisait mine de se diriger vers la porte, pour la raccompagner vers la sortie.

- Viens, je vais te montrer ce que j'ai déjà préparé, fit Tilmandil en entraînant son demi-frère vers une petite pièce attenante à la cuisine.
En vrac, à côté d'un sac de cuir de grande contenance, se trouvaient, pêle-mêle, des vêtements trop nombreux, quelques ustensiles de cuisine qui feraient peut-être double emploi avec ceux du rôdeur, des dagues de jet, une épée courte, un petit couteau, deux grandes gourde, un briquet à amadou, deux couvertures chaudes, une sorte de paillasse pour atténuer l'inconfort du sol -mais qui devait être bien lourde à transporter à pied-, quelques provisions...
- Il y a une tente dans l'atelier près de la sellerie, mais elle doit être relativement encombrante, je crois qu'on y tient aisément à quatre, expliqua le barde. Et dis-moi exactement ce qu'il nous faut aller chercher en ville, on va y aller tout de suite...

[Kasumi]

Kasumi remercia la mage avant d’examiner avec un œil critique les objets réunis par Tilmandil. Dans sa volonté de ne rien oublier probablement, l’elfe avait commis l’erreur commune de se surcharger aussi le rôdeur entreprit-il d’y faire bon ordre avec toute la diplomatie dont il était capable.

- Tu peux ne prendre que la moitié de ces vêtements : deux pour chaque type de temps suffiront amplement. Les ustensiles sont une bonne idée mais j’ai déjà une partie des miens alors inutile de nous en encombrer. S’il venait à nous en manquer, ce ne serait pas absolument dramatique. Tu vas devoir renoncer à cette paillasse mais rassures-toi : je saurai te confectionner un lit bien douillet avec les matériaux disponibles sur place. Allons voir cette tente, si elle est trop encombrante, nous en chercherons une plus pratique en ville. Il nous faudrait aussi du matériel d’escalade, une ou deux machettes et quelques simples et bandages que nous ne pourrons pas trouver sur place. De simples précautions, évidemment !

[Voyageuse]

La tente, comme l'avait annoncé Tilmandil, était un peu grande, et donc trop encombrante pour des marcheurs à pied.
- Je sais où on pourra trouver tout le matériel dont on a besoin. Il y a une boutique qui vend tout le nécessaire pour camper, très bien achalandée paraît-il.

La boutique en question se trouvait à l'autre bout de la ville, et le barde se fit une joie de montrer à son compagnon tout ce qu'il y avait à voir sur le trajet, du moindre petit bâtiment administratif aux curiosités historiques, une citation gravée dans le marbre, une fontaine à l'histoire singulière, une statue offerte par une tribu de nains. Les regards sur leur passage étaient souvent curieux, parfois méfiants ou hostiles.
Le marchand, après une moue dubitative en voyant le rôdeur, se dérida lorsque Tilmandil laissa échapper comme par mégarde le nom de leur père. Il se fit un devoir d'étaler devant eux plusieurs tentes de toute taille et de toute forme, quelques simples et un peu de matériel de premier secours ainsi qu'une trousse de cuir pour les ranger, différentes tailles de machette, des couteaux de chasse, quelques armes également, et du matériel d'escalade qui aurait fait pâlir d'envie Astrée : cordes de différentes longueurs, pitons, marteau, mousquetons, chaussures spéciales. Il n'avait que l'embarras du choix.

[Kasumi]

Kasumi profita de la visite agréable et des anecdotes délivrées fort à propos par son cicérone qui semblait connaître chaque recoin d’Everaska. Visiter une ville avec l’un de ses natifs était toujours une bonne façon de l’apprécier à sa juste valeur. N’était les regards hostiles qu’il surprenait parfois à ses dépens, le rôdeur se serait presque senti enjoué et réconcilié avec la cité de son père et de son demi-frère. En arrivant à la boutique, il complimenta brièvement Tilmandil pour la visite et lui promit non sans un certain humour de lui rendre la pareille une fois en Haute Forêt.

Parmi les articles proposés par le marchand elfe, le rôdeur choisit une tente fonctionnelle qui pouvait se rouler et se porter facilement sur le dos ainsi qu’un système d’attache ingénieux conçu pour l’attacher à un sac à dos. Le rôdeur mit également de côté un bon couteau de chasse ainsi qu’une machette et son fourreau de cuir. Il s’intéressa ensuite au matériel de soin et sélectionna deux trousses : autant répartir ce genre d’objet irremplaçables entre plusieurs personnes du groupe. Du matériel d’escalade, il ne choisit que quelques pitons et deux longueurs de cordes : ils n’auraient pas à affronter de zones de haute montagne a priori et même si cela devait être le cas, il doutait que Tilmandil puisse l’y suivre. Il pensait davantage à se faciliter la traversée d’un cours d’eau ou d’une simple dépression de terrain. Ils ne pourraient de toute manière pas se surcharger.

- J’y pense maintenant : choisis aussi une paire de bottes étanches et un chapeau solide : nous n’aurons pas à craindre les coups de soleil mais il y a beaucoup d’autres choses qui peuvent tomber des arbres.

[Voyageuse]

- Tu parles d'un casque, plutôt, alors ? Mais non, tais-toi, je ne veux pas savoir tout de suite ce qui risque de tomber des arbres... Je préfère les surprises, dirons-nous !

L'elfe paya sans sourciller la somme conséquente que demanda le marchand, et guida son demi-frère sur le chemin du retour, par un chemin plus court, avec un peu moins de curiosités à commenter, mais qui les ramena en un rien de temps.
Le reste de l'après-midi passa rapidement à empaqueter soigneusement leurs affaires, de façon à pouvoir les transporter aisément à pied, répartissant le poids de façon équitable entre eux, Tilmandil étant moins fort et moins endurant que le rôdeur.

L'heure du dîner réunit toute la maisonnée dans une grande salle à manger, autour d'une tourte aux légumes succulentes. Outre Tilmandil et Kasumi, il y avait bien sûr leur grand-mère, mais aussi une tante que Kasumi n'avait jamais connue, plus jeune que leur père, du non de Riniel. Le barde lui en avait parlé comme d'une artiste, et il la découvrit douce et rêveuse, exactement comme il la lui avait décrite. Elle ne parlait guère, observait beaucoup, croisant parfois son regard de ses yeux gris songeurs.
- Vous ne nous avez pas raconté comment s'est passé votre visite chez la druidesse, questionna la grand-mère après les présentations d'usage. A-t-elle pu vous en dire un peu plus sur ce que Elryndel est allé chercher là-bas ?

[Kasumi]

Le rôdeur avait revêtu ses plus beaux vêtements pour l’occasion qui ne lui serait certainement pas redonnée de sitôt d’assister à une « réception de famille ». Il prit sur lui de répondre poliment aux sollicitations et de se bien tenir malgré l’impression de malaise qu’il ressentait à être ainsi associé à la famille sans vraiment en faire tout à fait partie. La question de sa grand-mère le détourna de ses ruminations et il jeta un regard en coin à Tilmandil, s’attendant à y détecter quelque expression ironique ou entendue.

- Malheureusement, elle n’a pas pu m’apprendre beaucoup de faits nouveaux si ce n’est que la racine que mon père cherche existe effectivement mais ne possède que des propriétés hallucinogènes. Elle espère qu’en nous accompagnant, elle pourra nous faire bénéficier de ses relations au sein des druides de la région. Ils sont, dirais-je, difficiles d’accès pour les non-initiés et il est effectivement très probable qu’ils n’acceptent de délivrer certaines informations qu’à une des leurs.

[Voyageuse]

Un léger sourire étira les lèvres de Tilmandil. Amusé, comme il s'y attendait, peut-être même ironique. Mais il ne fit aucun commentaire, bien sûr, en présence de leur grand-mère.
- Ah, elle vous accompagne ! C'est vraiment une bonne chose que tu aies pu la convaincre.
Kasumi eut la sensation que le sourire de son demi-frère devenait clairement ironique.
- Vous pouvez vous fier à elle, c'est quelqu'un de sûr. Un peu trop impulsive sans doute, un défaut de jeunesse, mais je pense que sous ses dehors facétieux elle a hérité de la sagesse de sa mère.
Riniel, ayant sans doute surpris le regard moqueur du barde, affichait à son tour un demi-sourire. Mais elle ne dit rien, bien sûr.
- Tu ferais bien d'en prendre de la graine, d'ailleurs, poursuivit-elle en se tournant vers le barde, se méprenant sans doute sur la cause de son amusement.
- Voyons, tu sais bien que je préfère le raffinement des palais et des salles de bal... Tu ne voudrais pas que je devienne moi aussi un homme des bois ?
- Non, on en a déjà un dans la famille, même s'il vient juste de s'en souvenir...
- Je suis en tout cas ravie de faire ta connaissance, intervint la discrète Riniel. j'ai beaucoup entendu parler de toi par mon frère, et toujours regretté l'idée que, peut-être, je n'aurais jamais l'occasion de te rencontrer durant ta trop courte vie.
- Riniel a raison, tu aurais dû revenir bien plus tôt ! Pourquoi avoir fui ainsi ?

[Kasumi]

Le rôdeur avait préféré ne pas relever les échanges de sourire concernant Eärundra. Du reste, la conversation dévia bien vite sur un sujet moins léger et il dut faire appel à toutes ses ressources de diplomatie pour trouver une réponse qui ne froisserait pas sa famille mais qui leur apparaîtrait tout de même sincère en se tournant vers Riniel :

- Je suis enchanté aussi de vous connaître. Je fais confiance à Tilmandil pour ne pas avoir révélé tous les détails sur ma vie mais quelque chose me dit qu’il n’aura pas su résister à livrer quelques anecdotes embarrassantes qu’il aura apprise.

Puis, il ajouta d’un ton bien plus grave en réponse à l’intervention de sa grand-mère :

- J’avais besoin de trouver ma propre voie en accord avec ce que je suis. Ni celle de ma mère, ni celle de mon père. Et je l’ai trouvée au loin je crois. Je suis attaché à… Luménis et ses territoires. J’y ai un nom, une réputation. Mais le voyage jusqu’ici n’en est pas aisé.

Il préférait garder pour lui ce qui l’attachait plus sûrement encore à Helonna. C’était là un sujet trop personnel pour y être abordé devant de presque inconnus, qu’il partage une part de leur sang ou non.

[Voyageuse]

C'était compter sans Tilmandil et son manque total de discrétion.
- Il oublie de vous dire qu'il n'y a pas qu'à la ville qu'il est attaché ! Lorsque je l'ai rejoint il n'était pas seul... il y avait une jeune rôdeuse avec lui, expliqua-t-il avec un sourire taquin. Je crois même me souvenir de son nom...
- Voyons Tilmandil, s'il n'a pas envie de nous en parler, tu n'as pas à le forcer comme ça, intervint sa tante sur un ton de reproche.
- Trop tard, ce qui est fait est fait, répliqua la grand-mère. Effectivement, si ton coeur est là-bas, je devine que ta visite de ces jours-ci ne sera qu'un bref passage parmi nous. Tu aurais dû nous amener ton amie...
- C'était impossible, Nilrem, mon ami du Calimshan, ne pouvait pas la transporter en plus de nous...
- Oh, je comprends... Peut-on espérer, en ce cas, la rencontrer une autre fois peut-être ? Enfin, sauf si Tilmandil se fait des idées sur tes liens avec cette jeune humaine !

[Kasumi]

Kasumi ne fut pas le dernier à jeter un regard de reproche à Timandil mais les questions de ses aïeules appelaient une réponse à laquelle il ne pouvait pas se dérober. Mais savoir qu’on attendait de lui qu’il réponde ne facilitait pas pour autant la manœuvre délicate : il avait bien senti qu’Astrée était réticente à l’accompagner et son soulagement de n’avoir pas à le faire quand il s’était avéré que le mage ne pourrait pas la transporter. D’un autre côté, il jugeait leur relation sérieuse et durable et espérait la présenter à sa famille un jour prochain. S’il parvenait à la convaincre…

- L’heure était trop grave pour cette rencontre mais j’espère qu’il y en aura de plus propices. Je lui en parlerai et le lui demanderai, c’est tout ce que je suis capable de vous promettre.

[Voyageuse]

- Je comprends son hésitation, ce n'est pas évident d'arriver dans une communauté inconnue, elfique de surcroît alors qu'elle est humaine, surtout dans ces circonstances. Dis-lui bien qu'elle est la bienvenue si elle souhaite nous rencontrer un jour...
Riniel s'était exprimée du ton calme qui lui était coutumier. Et déjà son regard redevenait rêveur.
- Oui, tu peux la rassurer sur l'accueil de notre famille. Mais il n'est pas toujours évident pour un humain, et peut-être encore plus difficile pour un semi-elfe comme toi, de circuler dans Everaska. Te souviens-tu du jeune Geoffray, un de tes amis d'enfance je crois ? Il a vécu quelques temps ici, accompagnant son père en mission diplomatique. Elryndel disait que tu avais plaisir à jouer avec lui. Je ne sais plus exactement où il vit maintenant, mais il est revenu il y a un ou deux ans, espérant te rencontrer. J'ai eu l'occasion de discuter un moment avec lui. Il a été très déçu de l'accueil dans certains hauts cercles elfiques. Il n'avait pas conscience de cela lorsqu'il était enfant.
- Il me semble que la tendance s'est un peu exacerbée ces derniers temps, non ?
- Je pense aussi. L'ouverture d'Everaska sur le monde, de plus en plus importante, entraîne par réaction un phénomène de rejet, chez certains, de tout ce qui nous est étranger.
- C'est une sorte de méfiance, de peur de l'inconnu... Il y en a qui feraient bien de voyager un peu plus !
- Oui. Mais donc, pour en revenir à Geoffray, il t'a laissé un courrier avec ses coordonnées. Je l'avais complètement oublié... Je vais aller te le chercher après le dîner, si tu veux.

[Kasumi]

Kasumi avait laissé l’échange se poursuivre sans un mot après que ses aïeules aient signifié qu’Astrée bénéficiait d’une invitation et bien accueillie dans la famille, à défaut de l’être en ville. Cette dernière considération penchait en faveur de la décision que sa compagne avait prise de ne pas l’accompagner. Toutefois, le rôdeur espérait bien affronter ces difficultés pour, au moins une fois, rendre honneur à sa famille. S’il parvenait à convaincre Astrée que c’était important pour lui. Une révélation qui en appelait bien d’autres.

Perdus dans ses pensées rêveuses, il mit un instant à comprendre que l’on évoquait Geoffrey. Il se souvint instantanément du garçon qui avait partagé un été dans son enfance et même des aventures qui les avaient soudés. Mille question sur ce que l’humain avait bien pu devenir après toutes ses années se pressèrent à son esprit. Quelques regrets de ne pas s’en être enquis plus tôt également. Il se contenta cependant de répondre non sans une certaine curiosité transparaissant dans l’impatience de son ton :

- Ce sera avec un grand plaisir que je lirai la lettre de Geoffrey tout à l’heure mais rien ne presse. Comment se portait-il ?

[Voyageuse]

- Oh, il allait bien. Un jeune adulte, déjà... c'est vrai que les humains mûrissent encore plus vite que les demi-elfes. Il a suivi la voie de son père, et est devenu diplomate lui aussi, à Eauprofonde je crois.
Elle fouilla dans ses souvenirs quelques instants.
- Il a même dit qu'il est marié et a un jeune fils, si je me souviens bien. Mais il doit souvent partir au loin pour de longues missions donc il les voit assez peu. Comme tu vois, on a pu discuter un peu, il a d'ailleurs un caractère assez affable...
- Ah, oui, je me souviens l'avoir croisé, intervint Riniel. Un beau jeune homme...
- Il a dit qu'il repasserait s'il revenait en mission dans la région... Mais on ne l'a pas revu depuis...

[Kasumi]

Kasumi s’était douté que son ami d’enfance ait fini par faire sa vie mais se l’entendre confirmer lui laissait une sensation étrange : Geoffrey et lui avaient le même âge, et même si l’on considérait qu’il était un humain à la vie plus courte, savoir qu’il était déjà marié et père le ramena à sa propre condition. Il y a quelques mois encore, il n’était qu’un célibataire plus tout à fait jeune mais savoir qu’Astrée l’attendait rendait ces choses moins difficiles à appréhender.

- J’espère qu’il me sera donné de le revoir à notre retour. Cela dit, je ne manquerai pas de lui écrire. Cela fait bien longtemps que j’ai oublié de le faire, comme nombre d’autres de mes devoirs d’ailleurs. Et je tiens à m’en excuser auprès de vous.

[Voyageuse]

Une servante débarrassa la table, remplaçant les grandes assiettes par de petites coupes de salade de fruits sur un lit de crème sucrée et moussante, posant sur un coin de la table une infusion et une bouteille d'eau de vie de poire. Leur grand-mère en profita pour s'éclipser, et revint avec un pli cacheté.
La missive était courte, et comportait quelques ratures, comme si, après toutes ces années, Geoffray avait eu de mal à trouver ses mots pour son ami d'enfance.

Mon ami,
Il y a bien longtemps que je n'ai eu de tes nouvelles. Je dois avouer n'en avoir guère donné moi non plus, trop pris par la vie et son tourbillon d'actions à mener, de décisions à prendre, de choix à faire. Le temps béni et insouciant de l'enfance me semble si loin parfois... Mais je n'ai rien oublié des moments de jeux et de complicité dans la Haute Forêt, ou parfois à Everaska lorsque nous avions la chance de nous y croiser. Je me demande souvent ce que tu deviens, et j'espérais avoir la chance de te rencontrer en venant à Everaska. Mais hélas tu n'y étais pas, ton père ne semblait pas en savoir davantage que moi sur ta situation actuelle.
Connaissant ton goût pour n'aventure et la découverte de nouveaux espaces, je n'aurais pas dû être véritablement surpris de ton départ. Je m'en veux seulement d'avoir laissé les liens se distendre au point de ne pas savoir où t'adresser cette lettre. J'en suis donc réduit à la laisser ici, espérant qu'elle te parviendra un jour.
J'ai appris le décès de ta mère, et je tiens à te faire part, bien à retardement, de toutes mes condoléances pour cette dure perte.
Si cette missive te parvient un jour, je serais heureux d'avoir à mon tour de tes nouvelles. Je vis désormais à Eauprofonde, avec ma femme qui serait ravie de te rencontrer. Elle aussi est une demi-elfe, mais c'est son unique ressemblance avec toi, heureusement pour moi d'ailleurs... Et nous avons un petit garçon de trois ans qui semble déjà se passionner pour la nature - à se demander de qui il tient ça, certainement pas de moi ni de sa mère !
Je te laisse mon adresse, en espérant qu'elle ne change pas avant que tu n'aies l'occasion de m'écrire... ou, mieux, de me rendre visite.

Suivait une adresse à Eauprofonde

[Kasumi]

Kasumi lut lentement la missive pour la savourer, un sourire dessiné sur les lèvres. Ainsi donc Geoffrey regrettait qu’ils se soient perdus de vue. Lui aussi, il devait se l’avouer. Sans doute même davantage que sa culpabilité de n’avoir pas donné de ses nouvelles à sa famille, à son père. Il ne pourrait pas rattraper ces années perdues mais ce n’était pas le plus important : ce qui comptait désormais c’est de savoir son ami toujours attaché à lui, après même que la vie les eut séparé pendant des années, des décennies. Le rôdeur se promit d’envoyer un message à son intention avant son départ pour la Haute Forêt. Et si les circonstances se révélaient favorables à son retour, peut-être qu’il prendrait le temps de renouer ces liens. Mais pas immédiatement, pas alors qu’il avait laissé sa compagne à l’autre bout du monde se languir. Sa loyauté devait d’abord se tourner vers elle, ne pas retarder son retour encore davantage.

[Voyageuse]

La conversation porta sur des sujets plus neutres, des nouvelles de personnes que Kasumi ne connaissait pas, un peu de politique locale. mais rapidement, l'aïeule donna des signes de fatigue. Elle fut la première à se lever de table, leur souhaitant une bonne nuit. Riniel ne fut pas longue à suivre son exemple.
- Viens, je vais te montrer ta chambre...
Kasumi suivit son demi-frère jusqu'à l'étage supérieur, où on lui avait attribué bien davantage qu'une chambre : presque une suite avec une petite salle d'eau pour ses ablutions, un coin salon avec fauteuil, table basse, cheminée, et une alcove fermée par des rideaux en guise de coin sommeil. Le tout dans un dégradé de tons vert d'eau, doux et apaisant. Un pyjama de soie assorti était même déposé sur le lit.
Ses affaires avaient été déposées soigneusement dans un angle de la pièce, et un broc d'eau froide l'attendait dans la salle d'eau.
- Si tu as besoin d'eau chaude, ce soir ou demain matin, tu sonnes ici, expliqua Tilmandil, avant de le saluer:
- Bonne nuit petit frère...

[Kasumi]

Le rôdeur était proprement impressionné par l’espace assez dément qui lui avait été attribué. Cela faisait longtemps qu’il était habitué à davantage de simplicité mais il se devait d’accepter la chose avec philosophie après les nuits précédentes où il avait donné des exemples de sa conception d’un couchage acceptable à son demi-frère. Et dès demain, ils reviendraient à cette réalité alors autant en profiter. Quelques ablutions ne pourraient pas lui faire de mal et il se pouvait que cela l’aide à dormir. Mais avant cela, il avait l’intention de rédiger deux messages : une lettre pour Geoffrey et aussi un message plus court à destination de Luménis et d’Astrée pour lui annoncer qu’il aurait du retard et s’en excuser. Il espérait qu’elle comprendrait, qu’elle trouverait la force de ne pas s’inquiéter aussi. Pour tromper ses graves réflexions, le rôdeur ne résista pas à lancer une dernière pique à son demi-frère :

- Je compte bien profiter de la salle de bain. C’est la dernière occasion de prendre un bain chaud avant des semaines, n’oublie pas. Mais ne traine pas et à demain, à l’aube ! Nous partirons tôt.

[Voyageuse]

Le bain était à température idéale, accompagné de savon délicatement parfumé au chèvrefeuille et d'huiles pour le corps. De quoi se relaxer pleinement après ces quelques jours de voyage...
Le lit était confortable, la fenêtre donnait sur un jardin calme et silencieux. Les conditions étaient parfaites pour une bonne nuit de sommeil réparateur.

Par habitude sans doute, il se réveilla un peu avant l'aube, au chant des oiseaux les plus matinaux. Une légère odeur de pain chaud l'attendait dans la salle à manger. La table était déjà mise, conformément à sa requête, et Tilmandil arriva presque en même temps que lui. Il avait revêtu des vêtements de voyage, plus discrets et confortables que ses tenues habituelles, et tripotait une flûte, hésitant.
- Je sais qu'il faut se charger le moins possible mais... A défaut de luth, est-ce que je peux emmener cette flûte ? Je me sens tout nu si je n'ai pas un instrument de musique avec moi, avoua-t-il, penaud. Je te promets de te faire quelques représentations bardiques rien que pour toi ! Et pour Eärundra bien sûr... Mais je ne suis pas certain que ce soit à sa convenance.

[Kasumi]

Kasumi fut ravi de trouver la table disposée pour le petit-déjeuner. Et plus encore de voir que Tilmandil s’était montré aussi matinal que lui. Il avait bien dormi et voir que tout se déroulait comme il le souhaitait en rajoutait à sa bonne humeur. La requête de son demi-frère barde le fit sourire à nouveau, surtout dans sa formulation. Il répondit sur le ton de la plaisanterie, enjoué :

- Bien sûr ! Et ça fera toujours du bois de chauffage dans l’hypothèse où l’on en manquerait dans les bois. En tous cas, c’est l’excuse qu’Eärundra et moi te serviront pour ne pas te blesser si tes concertos nous tapent sur le système !

[Voyageuse]

Leur grand-mère les rejoignit peu après, et le petit déjeuner se déroula dans un silence relatif. Tilmandil semblait éprouver un léger trac. Les aventures en forêt, ce n'était clairement pas son domaine...
- Je ne suis pas restée totalement inactive hier, annonça l'aïeule à la fin du repas, sortant une fiole de sa poche. Je me suis rendue auprès des deux clercs qui soignaient Elryndel. Ils estiment que ses jours ne sont pas en danger, pas avant quelques veilles probablement, mais il va continuer à s'affaiblir. Ils m'ont donné une potion, à lui administrer dès que vous l'aurez retrouvé, pour stabiliser son état. Sauf bien sûr si là-bas vous trouvez un remède plus efficace...
- Eärundra semblait dire que cette racine n'en est pas un, fit remarquer Tilmandil.
- Oui, je sais, mais il y a des druides puissants là-bas, peut-être auront-ils une idée à proposer... Je commence à me dire qu'il n'avait peut-être pas tort de s'y rendre, qui sait s'il n'y trouvera pas une solution ?
Un tintement de carillon l'interrompit, annonçant l'arrivée de Cinia, l'excentrique mage qui devait les accompagner.

[Kasumi]

Kasumi ne manqua pas de remercier sa grand-mère pour son initiative avisée. Son père trouverait peut-être un remède définitif au bout du chemin, il l’espérait de tout son cœur. Mais il fallait savoir aider le destin à pencher du côté favorable. Et ces potions permettraient de faire gagner du temps. Du temps pour chercher plus sereinement le remède. Des chances supplémentaires d’y parvenir à temps… Le demi-elfe n’osait pas vraiment verbaliser ces possibles si étranges à appréhender. Les événements s’étaient précipité à tel point qu’il ne les observait pas encore tout à fait sous le prisme de la réalité. Une fois qu’ils seraient en chemin, plongé dans l’action, tournés chaque jour vers leur objectif, il savait que cette réalité le rattraperait. Mais dans cette maison étrangère sans l’être tout à fait, au milieu de ces gens qu’il aurait dû connaître sans que ce soit le cas, il était encore perdu, un peu groggy.

L’arrivée de dame Cinia lui fournit l’impulsion dont il avait besoin pour se sortir de sa demi-torpeur et il la salua avec affabilité et une petite courbette de bon ton :

- Bonjour dame. Je suis heureux de vous voir de si bon matin. Etes-vous déjà prête à vous mettre en route ?

[Voyageuse]

L'elfe avait revêtu une robe de mage d'un rose vif très voyant, jurant de façon très désagréable avec sa veste de velours rouge et or. Des vêtements qui en outre se révéleraient fort peu pratiques si elle devait les accompagner dans la forêt. Mais heureusement pour elle, elle ne faisait que l'aller-retour. Et le sentier jusqu'à la grotte de Eärundra était praticable, même avec les petites chaussures de ville qu'elle portait. Elle risquait simplement de récolter quelques ampoules...
Leur grand-mère l’accueillit avec effusion, en vieille amie. Cinia se tourna ensuite vers Kasumi.
- Je suis prête, messire. Il vaut mieux partir de très bonne heure, puisqu'il nous faudra marcher au moins quatre heures pour atteindre une zone d'où nous pourrons librement nous téléporter. Mais nous avons de la chance, c'est bien davantage pour les mages étrangers à la ville...
- As-tu prévu un petit casse-croûte pour midi ?, intervint l'aïeule avec sollicitude. Tu risques de rentrer tard...
- Ah... oui, c'est vrai, tu as raison, je n'y ai pas songé...
- Je l'aurais parié... Cinia, toujours la tête dans les nuages... J'ai ce qu'il te faut en cuisine, je vais te chercher ça !
- Je suis presque prête, donc, conclut-elle avec philosophie. Désolée de ce petit contre-temps. Mais cela vous laisse le temps de rassembler vos bagages, si ce n'est déjà fait...

HRP : tu peux aller chercher les bagages et nous amener au moment du départ... ou prolonger la discussion, au choix

[Kasumi]

Le rôdeur avait laissé ses bagages dans sa chambre pour le temps de descendre déjeuner. Il ne lui fallut cependant pas plus de cinq minutes pour revenir, vêtu de pied en cap avec son unique sac à dos. Il avait toutefois revêtu sa tenue guerrière, bracelets y compris.

- Heureusement que vous serez là pour me protéger. J’ai eu quelque échange plutôt glacial avec certain garde des portes hier et il pourrait chercher à nous retarder s’il est toujours de faction… En tous cas je suis fin prêt !

[Voyageuse]

Ils se mirent en route sous les rayons obliques du soleil levant, qui ne tarderait guère à disparaître derrière les nuages. Le temps n'était heureusement pas trop menaçant. Tilmandil, malgré les conseils avisés de son demi-frère, semblait porter un sac un peu trop lourd, mais il avançait vaillamment, sans se plaindre, par fierté sans doute. La magicienne n'était chargée que d'une gourde et d'une besace contenant les provisions fournies au dernier moment par leur grand-mère.

Les gardes leur accordèrent à peine un regard. Celui que Kasumi avait vu la veille n'était pas de faction, et il se trouvait remplacé, chose rare, par un jeune demi-elfe, qui adressa un large sourire au rôdeur et lui souhaita un excellent voyage, sans pour autant faire montre d'une curiosité excessive.
Ils avancèrent à un rythme plus lent qu'escompté : Cinia n'avait pas l'habitude des longues marches en montagne et n'était pas chaussée confortablement. Elle s'arrêtait très souvent pour boire ou remplir sa gourde. Mais vaille que vaille, ils finirent par atteindre, au bout de trois heures environ, la zone où s'était installés Eärundra et Léo.
- J'ai failli attendre, fit une voix moqueuse au-dessus d'eux.
La druidesse les surplombait de quelques mètres, un sac à dos relativement léger à portée de main. Elle se leva et les rejoignit en quelques bonds.
- Je savais que vous viendriez... Dame... Cinia, c'est bien cela ? Je crois vous avoir déjà rencontrée... Vous lui avez expliqué, pour Léo ?

[Kasumi]

Evidemment cela faisait un certain temps déjà, qu’en bon observateur, Kasumi avait repéré les deux silhouettes, celle élancée de la druidesse, celle plus massive mais néanmoins aussi féline du lion. Il n’avait rien dit par esprit joueur, espérant surprendre l’attitude de ses deux compagnons de route. C’était puéril sans doute mais on ne se refaisait pas. Il retrouva immédiatement, avec un naturel qui l’étonnait lui-même, une approche complice avec la druidesse elfe :

- Oui, ils savent pour Léo. Tilmandil s’est même levé aux aurores ce matin tant il avait hâte de lui dire bonjour. De lui caresser la crinière, même ! Pas vrai, grand frère ? Dame Cinia est moins enchantée je crois mais je le lui ai expliqué.