La Couronne de Cuivre

Une lumière bleue puis verte engloba le minuscule insecte, couvrant la main de la rôdeuse d'une énergie bienfaisante qu'elle eut l'impression de ressentir en elle, comme si elle en profitait également. Et c'était un peu le cas : elle perçut le soulagement de Prince, la guérison de ses chairs, l'apaisement de son esprit. Il soupira et elle soupira, comme s'ils n'étaient qu'un seul. Puis sa paume picota, elle ouvrit les yeux pour le voir devenir écureuil. Il la regarda un moment de ses prunelles noires, puis, lentement, sans la moindre énergie, il entreprit d'escalader son bras.
Maedron s'était retourné et il observa l'animal un moment.
" Je ne poserai aucune question." dit-il en rengainant une de ses épées.
Il fit ensuite volte-face et repartit dans la grotte. Il ne restait plus qu'une ou deux poches de résistance, de nombreux corps gisaient sur le sol et, quelque part sur la droite, des cavaliers rassemblaient quelques prisonniers.
L'écureuil atteignit l'épaule d'Astrée, se glissa dans son col, comme il le faisait souvent au creux d'une averse ou de la nuit, puis il s'endormit tout simplement.
" Où est Reynald ?" demanda alors, juste à côté d'elle, Tybert, d'une voix alarmée.

Quête : Equité

- En sécurité, répondit immédiatement Astrée avec un sourire calme et apaisé, comprenant son angoisse. Protégé par un sanctuaire, précisa-t-elle.
Elle jeta un regard autour d'elle, un peu désorienté, repéra la corniche où elle se tenait tout à l'heure.
- Par là-bas, il faut monter l'escalier, il y a un couloir éclairé... Je vous rejoins dans un moment...
Elle devait le laisser partir devant. Elle était épuisé, et surtout elle sentait que les retrouvailles entre les deux compagnons ne concernaient qu'eux. Elle n'avait pas à y assister. Elle se sentirait... exclue, songea-t-elle avec un serrement au coeur. Et pourtant elle avait tant besoin de le voir, elle aussi... Elle soupira et se dirigea, elle aussi, vers la corniche, à pas lents. C'était inutile, ils allaient redescendre. Elle voulait juste aller à leur rencontre...

Elle vit néanmoins que quelque chose ne se passait pas exactement comme prévu. Il y avait déjà plusieurs cavaliers sur la corniche, qui entraient dans le couloir qui menait à la cellule de Reynald, mais l'un d'entre eux, au bas de l'escalier, barrait la route à Tybert. Le clerc d'Eldath parlementait avec véhémence mais l'homme se contentait de secouer la tête, l'empêchant de remonter.
" Qu'est-ce qui se passe ?" demanda alors Maedron, dans son ombre.
Il la doubla ensuite et rejoignit Tybert.

Quête : Equité

Astrée fronça les sourcils, subitement inquiète. Qu'est-ce qui leur prenait ? Ils refusaient de laisser passer Tybert ? Etaient-ils déjà là-haut avec Reynald ? Pourquoi ne voulaient-ils pas... Elle fit taire l'avalanche de questions inquiètes et le sombre pressentiment qui l'envahissaient, et accéléra l'allure pour rejoindre Tybert et Maedron. Elle se sentait tendue, furieuse même. Ils n'avaient pas le droit de les empêcher de rejoindre Reynald.
- Qu'est-ce qui se passe ?

Maedron n'avait pas l'air d'avoir envie d'attendre qu'on lui fournisse de réponse car, l'expression mauvaise, il avait déjà saisi le cavalier à la gorge et il le repoussa sans ménagement. L'homme leva les mains dans un signe de défense et s'écarta, les laissant finalement passer. Tybert s'engagea dans l'escalier le premier, tandis que le drow se tournait vers Astrée, le regard noir.
" Venez, nous devons tirer ça au clair..."

Quête : Equité

Astrée acquiesça et les suivit, le visage sombre, fermé. Elle se souvenait subitement des paroles de Goran. Que Reynald devait être son barde à domicile dès l'instant de sa libération... Son prisonnier peut-être ? Ils n'allaient pas oser tout de même ?
Serrant les dents, elle accéléra l'allure. Si c'était cela... Elle ne les laisserait pas faire. Tybert et Maedron non plus. Mais après tout, peut-être qu'elle se trompait, peut-être que ça n'avait rien à voir...

Ils gravirent l'escalier, remontèrent la corniche et s'engagèrent dans le couloir. Plus personne ne s'interposa. Ils entendirent des voix bien avant d’arriver dans la petite salle.
« Non, mais… Qu’est-ce que ça veut dire… Qu’est-ce que vous faites ?!
— Tenez-le bien.
— Attends… Mais… Goran, qu’est-ce que ça signifie ?
— Je vais juste te trancher la langue, Reynald. »
Bref silence.
« Tu… Tu plaisantes ?
— Non, j’ai bien réfléchi, et je pense que c’est la seule solution.
— Goran… Tu es fou ?! Lâchez-moi immédiatement !
— Passe-moi ton couteau, Nymus.
— GORAN ! Tu ne peux pas faire une chose pareille ! Tu n’as pas le droit !
— Ah non ? Je crois que si.
— Bon sang, mais lâchez-moi… Quelqu’un… Non… Non, Goran, je t’en supplie… Ma langue, c’est toute ma vie !
— Et bien il faudra te recycler. Tu es encore jeune, Reynald. Et ça pourrait être pire, je pourrais te prendre une main en plus.
— Goran… Sérieusement… Allons… Non… Non… Aaah…
— Arrête de bouger, ça ne prendra qu’une seconde. Ce que tu peux être fatiguant, Reynald. »
Tybert, Maedron et Astrée débouchèrent dans la pièce faiblement éclairée, derrière un rideau de cavaliers qui leur bouchaient le passage. Reynald était maintenu le torse sur la table par trois hommes, deux lui tordant les bras dans le dos, le troisième lui bloquant la tête. Goran lui faisait face dans une armure rouge défraîchie et tenait un petit poignard dans une main. L’autre était sur le visage du clerc, mais aucun des derniers arrivés ne pouvait le voir, car il était tourné de l’autre côté.
« Si vous osez le toucher… » s’exclama Tybert, la voix vibrante de rage.
Maedron ne bougea pas et poussa un bref soupir, les bras croisés.

Bon sang, c'était encore pire que tout ce qu'elle imaginait. Elle sentit son sang se glacer dans ses veines au fur et à mesure que les mots de Goran parvenait à son esprit. Ce type était une ordure. Elle tenta bien de se dire qu'il bluffait, qu'il voulait juste faire peur à Reynald, mais... Il en était peut-être capable. Vite, ils devaient l'arrêter...
Elle accéléra encore l'allure, sentant la colère bouillir en elle. Ils étaient sans doute nombreux là-haut, la force de Maedron ne suffirait peut-être pas. Mais elle connaissait un argument susceptible de l'emporter. Elle savait ce qui comptait plus que tout pour cet homme. Ou du moins elle pensait le savoir.
- Si vous osez le toucher, fit-elle avec colère en écho aux parole de Tybert, vous pouvez dire adieu à votre petit cheval doré pour l'équinoxe !
Elle nota juste après que Maedron n'avait pas réagi, estimant probablement que c'était une simple comédie. Et il connaissait les deux hommes bien mieux qu'elle.

Goran leva les yeux sur le clerc et la rôdeuse et leur décocha un large sourire, ainsi qu'un petit signe de la main.
" Il bluffe, lâcha Maedron avec un soupir, tout en écartant les cavaliers devant lui. Ce crétin bluffe."
L'elfe noir s'approcha de la table et posa la main sur le dos d'un des hommes qui restreignaient Reynald.
" Je crois que c'est bon, Goran, franchement."
Le Fier Coursier parut très fier de lui-même et se pencha vers le sorlyn.
" Alors, on a eu peur, hein ? Comme si j'allais te couper la langue, Reynald. Tu es vraiment un imbécile."
Les cavaliers de Goran lâchèrent le clerc qui se redressa vivement et recula d'un pas incertain. Maedron était juste derrière et l'étreignit d'un bras, pour lui rendre un semblant de stabilité.
" Espèce de... Espèce de... Je devrais te..."
Mais Reynald n'eut pas le temps d'aller beaucoup plus loin car Tybert surgit de nulle part et asséna un coup de poing formidable au Fier Coursier. Malheureusement, celui-ci l'avait vu arriver, anticipa le coup et lui bloqua le poignet.
" Excellent ! fit-il en riant. Vraiment excellent."

Astrée décocha son regard le plus noir à Goran. Sale type. Et elle était sensée passer une soirée avec lui ? Elle n'osait imaginer le cauchemar que ça serait. Et Reynald le servir deux mois ? Non... ça, il n'en était pas question !
Elle se rapprocha instinctivement de Reynald, les poings toujours serrés. Comme si elle faisait le poids pour le défendre... Elle se tourna un instant vers lui, avec un sourire un peu pâle mais déterminé. Déterminé à quoi, elle n'en savait trop rien tant l'absurdité de la situation la dépassait. Elle reporta son attention sur Goran, toujours vibrante de colère. Ce qu'elle détestait ce type...

Reynald avait eu peur et elle vit immédiatement sur son visage qu'il était extrêmement embarrassé qu'elle, et tout le monde d'ailleurs, mais peut-être surtout elle, ait été témoin de sa panique. Maedron le lâcha et alla récupérer Tybert.
" Reynald a besoin de soins." souffla le drow à l'Eldathien, ce qui arracha immédiatement le clerc à son face à face avec le Fier Coursier.
Celui-ci esquissa une petite grimace amusée puis haussa les épaules, tandis que ses hommes se remettaient en mouvement autour d'eux.
" Que vous manquez d'humour, tous, ajouta-t-il, manifestement déçu.
— Frapper un homme à terre, ce n'est pas digne, lui dit Maedron, tandis que Tybert incantait derrière eux.
— Ah non ? Et bien touche-lui-en un mot, à l'occasion."
Goran reporta son regard sur Astrée et lui sourit.
" Allons, Dame, ne vous mettez pas dans tous ces états. C'était juste une petite plaisanterie entre deux vieilles connaissances."

Quête : Equité

Astrée n'eut pas l'ombre d'un sourire.
- Je pense que nous n'avons pas le même sens de l'humour, répliqua-t-elle avec toute la froideur dont elle était capable, s'apercevant à sa propre surprise qu'elle avait une réserve insoupçonnée de calme glacial.
Elle soutint un instant son regard. Sa colère n'était pas retombée. Il y a des choses avec lesquelles on ne plaisante pas. Et tant pis -ou tant mieux- si sa réaction déplaisait à Goran.
Elle entendait Tybert incanter. Reynald était blessé, salement secoué par sa mésaventure et par ce face à face désastreux avec son beau-frère. Il avait besoin d'eux. Elle détourna le regard, cherchant avec inquiétude à croiser celui de Reynald, tendant la main pour la poser sur son bras. Juste une petite marque de tendresse.

Reynald était appuyé contre le mur, à nouveau, et Tybert terminait sa formule. Une lueur bleue engloba son corps, diffuse et généreuse, effaçant petit à petit les ecchymoses dont il était couvert, réduisant la marque sanglante sur sa poitrine à une petite cicatrice blanche. Le Sorlyn sourit à son ami, posant une main amicale sur son épaule. Il glissa la seconde dans celle d'Astrée et la serra doucement.
" Merci d'être venus." murmura-t-il.
Il paraissait rasséréné. Ou peut-être était-ce le contrecoup de toutes ces émotions et était-il plutôt en train de perdre pied. Maedron était revenu près d'eux et l'observait, circonspect. Reynald papillonna des yeux, puis son regard s'éclaira d'une alarme brutale.
" Le cheval... Où le cheval ? Astrée, tu as pu... ?"

Astrée serra sa main, doucement. Elle se sentait infiniment soulagée de l'avoir retrouvé. Et infiniment heureuse de ce simple contact physique. Elle ne le quittait pas des yeux, un peu inquiète de le voir perdre pied. Elle fut soulagée de le voir réagir, et accueillit sa question avec un large sourire, les yeux pétillants un instant de malice.
- Ne t'en fais pas, il est en sécurité. Je t'expliquerai... mais pas ici.
Elle aurait voulu sortir l'écureuil de son col, leur montrer. Mais c'était impossible avec tant d'oreilles et de regards indiscrets aux alentours.
- Ce n'est pas un cheval comme les autres, ajouta-t-elle simplement à voix basse, avec un regard vers Maedron. Lui savait.

Reynald suivit le regard d'Astrée vers le drow et celui-ci lui sourit, confiant. Le Sorlyn opina du chef, rassuré. Tybert avait retrouvé son masque d'indifférence mais la rôdeuse pouvait deviner son souci à d'infimes signes, légers plis au coin de sa bouche, lueur humide dans ses yeux.
" Je crois que j'ai besoin de me reposer, dit finalement Reynald.
— En parlant de ça, je pense que nous devrions reparler de notre arrangement." intervint alors Goran, qui s'était rapproché.
Maedron croisa les bras.
" Je pense, en effet.
— Une chambre à la Forteresse attend notre pauvre rescapé. Ainsi que son ombre, cela s'entend."
Tybert plissa les yeux.
" Qu'est-ce que c'est que cette histoire ? demanda Reynald, sur ses gardes.
— J'ai offert mon aide en échange du prêt du cheval pour l'équinoxe vermal et d'une soirée en compagnie de Dame Astrée. Et de tes services à ma cour pendant deux mois à dater de... Oh... maintenant."
Le Sorlyn changea de couleur.
" C'est encore une de tes stupides plaisanteries...
— Pas du tout. Demande-lui."
Reynald se tourna vers Tybert et ce dernier grimaça légèrement.
" Misère..."

Quête : Equité

Astrée serra les poings, et fixa Goran droit dans les yeux. Sa colère était intacte.
- Et vous n'aviez nul droit d'exiger de Tybert le moindre engagement concernant Reynald ! Cela n'a aucune valeur ! Reynald n'a rien promis et il est libre de décider si, oui ou non, il accepte de vous servir... Et je ne vois absolument pas pourquoi il accepterait !
Elle fulminait et ne cherchait nullement à cacher sa rage. Il était hors de question que Reynald accepte ça. Ce n'était même pas envisageable... Parce que... parce qu'elle réalisait que ça voudrait dire qu'il ne rentrait pas à l'auberge avec elle. Non, c'était impossible.

Goran ouvrit des yeux surpris et une petite moue contrariée, un peu théâtrale, se dessina sur ses traits. Reynald posa une main sur le bras d'Astrée, pour l'empêcher d'aller plus en avant. Ce fut Maedron qui finit par s'interposer.
" Je pense que les termes de l'accord doivent être redéfinis, dit-il. Ce sont Astrée et Tybert qui ont localisé l'endroit où étaient détenus le cheval et Reynald, ils l'ont fait sans ton aide, Goran.
— Sans mes hommes, Reynald serait mort, Maedron. Prétendre le contraire serait un mensonge.
— Soit. Tu as sauvé Reynald. Mais où est le cheval ?
— Le... le cheval était là ! Tu l'as vu aussi bien que moi ! S'il a disparu, c'est parce que Tybert l'a escamoté avec l'une de ses formules magiques.
— Je suis incapable de faire une chose pareille." se défendit l'Eldathien.
Maedron leva une main pour lui intimer le silence.
" Donc, c'est Tybert qui a sauvé le cheval. Dans ce cas, tu n'as rempli que la moitié de ta mission.
— Maedron, sans mon intervention, vous seriez tous morts.
— Vraiment ?
— Bon, pas toi, sans doute. Mais Tybert et Dame Astrée, très certainement. Et lui."
Il cibla le Sorlyn du doigt. Le drow fronça le nez, comme s'il respirait une odeur désagréable.
" Je pense qu'on peut laisser tomber au moins une des trois conditions.
— Quoi ?!
— Il n'est absolument pas question qu'Astrée dîne avec toi, espèce de maudit bourrin !"

Astrée se tourna vers Reynald, un élan de gratitude dans le coeur. Peu importait s'il avait dit ça pour lui sauver la mise ou... pour une autre raison. Elle lui en était infiniment reconnaissante. Elle lui sourit avec reconnaissance, puis revint à Goran.
- Et il est hors de question, surtout, que Reynald vous serve pendant deux mois. Parce qu'il n'a rien promis. Et parce que...
Elle hésita un instant, cherchant une autre raison valable.
- Parce que j'ai besoin de lui pour entamer mon expédition dans les montagnes, il pourrait me faire gagner un temps fou. Ce serait dommage... que je perde trop de temps et que j'arrive en retard pour l'équinoxe ?
Elle prenait un risque, elle le sentait. Il ne devait guère aimer les menaces... Mais si Reynald était obligé de le servir, elle ne le reverrait plus. Elle ne pouvait l'accepter.

La déclaration d'Astrée ne plut effectivement pas à Goran qui croisa les bras, une expression de gosse buté sur le visage.
" Vous y allez un peu fort ! s'exclama-t-il avec mauvaise humeur. Nous avions un accord ! Vous aviez un accord avec le Fier Coursier de Bortheias ! Vous vous rendez compte de ce que vous êtes en train de faire !"
Maedron leva les mains pour calmer le jeu.
" Et nous n'allons pas renier cet accord."
Il se retourna vers Astrée et Reynald et leur décocha un regard dur.
" Reynald, tu ne peux vraiment pas te permettre d'empirer encore tes relations avec lui, ou toute la Trouée va t'être interdite ! lui souffla-t-il.
— Tu entends ce qu'il demande !?
— C'est ce qu'Astrée et Tybert ont convenu avec lui ! Tu t'arranges avec eux !"
Un officier était venu parler avec Goran, détournant un instant son attention. Mais il reviendrait à la charge, à n'en pas douter.

Astrée ferma les yeux un bref instant, tentant de rassembler son courage, puis se tourna vers Reynald.
- Maedron a raison, souffla-t-elle d'une voix lasse. J'ai promis que j'accepterais de passer une soirée avec lui, je dois tenir ma parole... Tybert a dit que je ne risquais rien, ajouta-t-elle immédiatement, et il a raison, Goran tient trop à avoir Prince pour l'équinoxe pour prendre le risque de... me fâcher.
Elle affichait une confiance qu'elle était loin d'éprouver. Elle ne pouvait empêcher une peur irrationnelle de lui nouer les entrailles, et sa voix était loin d'être aussi assurée qu'elle l'aurait voulu. Elle détourna le regard un instant pour essayer de ne pas trahir son angoisse. Puis s'obligea à relever la tête et à regarder Reynald dans les yeux.
- Toi, tu n'as rien promis. Refuse... murmura-t-elle d'un ton suppliant. Elle ne voulait pas le quitter maintenant. Elle refusait de partir seule dans les montagnes en le sachant prisonnier de son beau-frère.

Reynald parut surpris, puis touché, par les paroles de la rôdeuse. Il lui sourit doucement.
" Il ne t'arrivera rien. C'est un rustre et un imbécile, et un monstre aussi parfois, mais c'était le mari de ma soeur, et il a été le plus aimant et le plus courtois des hommes. Ce qui nous oppose... ne doit pas te faire craindre sa compagnie."
Il soupira.
" Quant à moi... Je dois respecter vos engagements. Il me traitera bien. Nous restons liés, même si nous avons nos différends. Je devrais même être flatté qu'il en arrive à de telles extrémités pour s'assurer mon service..."
Il leva la main, comme s'il allait toucher sa joue, puis se ravisa, et pressa doucement son épaule, avant de faire face à son beau-frère.
" Goran, tu auras tout ce à quoi nous nous sommes engagés, dit-il finalement. Mais accorde-moi un délai d'une veille avant d'entrer à ton service. Je viendrai à la Forteresse dans dix jours et j'y resterai deux mois, comme convenu."

Quête : Equité

Astrée sentit son coeur battre un peu plus fort. Elle ne le quittait pas des yeux, lisant dans son regard... qu'il avait compris. Ou peut-être pas, après tout. Mais peu importait : il resterait encore un peu avec elle, c'était tout ce qui comptait. Qu'il l'accompagne encore un bout de route... Juste un peu... Elle ne voulait pas songer à l'après, ni même à ce qu'elle en attendait réellement. Elle avait juste besoin de ne pas le quitter tout de suite, pas comme ça.
- Jamais tu ne tiendras deux mois..., souffla-t-elle finalement avec un sourire mi-apitoyé, mi-taquin, guettant la réaction de Goran.

" Je m'efforcerai." fit-il avec un sourire.
Goran le fixait d'un regard noir.
" Tu as intérêt à tenir tes engagements au jour près, sinon j'enverrai mes hommes écumer tout Hélonna jusqu'à ce qu'ils mettent la main sur toi et je t'enchaînerai dans ma grande salle pendant deux ans !
— Je tiendrai mes engagements. Et si tu doutes de moi, je veux bien te laisser un gage de ma bonne volonté..."
Il jeta un regard circulaire autour de lui et sourit.
" Tybert, par exemple."
L'Eldathien, redevenu impassible jusque là, ouvrit des yeux stupéfaits.
" Quoi ?!"
Goran éclata de rire.
" Ça ira. Tu peux le garder. Dans dix jours, Reynald. Pas un de plus.
— Sur l'honneur.
— Bah, tu ne sais pas ce que c'est."
Le Fier Coursier s'inclina devant Maedron.
" Je ne sais pas ce que tu fiches avec ces deux-là, Maedron. Ni dans ton auberge. Tu sais qu'il y a toujours une place pour toi dans m...
— Je sais, l'interrompit Maedron. Merci de ton intervention, Goran."
Le cavalier hocha la tête avec un sourire.
" Dame Astrée, nous nous reverrons à l'équinoxe. D'ici là, que la route vous soit faste. Tybert, mon vieux, à dans dix jours !"
Puis, sur un dernier geste, il sortit de la pièce sur les traces de son officier, regagnant la grande salle où devaient l'attendre, outre ses hommes, des adeptes morts, vivants et blessés, dont il avait désormais la charge.

Quête : Equité

Astrée avait la tête qui lui tournait. Trop d'émotions. Trop de peur. Elle était épuisée.
Elle sourit à Reynald, un sourire de remerciement sincère, peut-être une promesse, elle ne savait trop. Elle avait des étoiles au fond des yeux, et se sentait... euphorique. Ils avaient gagné. Ils étaient libres. Il restait. C'était tout ce qui comptait.

Puis elle se souvint qu'il lui restait une dernière chose à faire. A expliquer.
Vérifiant que tous les hommes de Goran étaient partis, elle sortit précautionneusement Prince de sa cachette, essayant de ne pas le réveiller, et le leva cérémonieusement devant Tybert et Reynald.
- Je vous présente... Prince des Frelons. Cheval la plupart du temps, mais parfois écureuil ou abeille. Il faudra que je vous raconte un jour les étranges circonstances dans lesquelles on me l'a offert. Vous qui êtes prêtres vous comprendrez peut-être mieux que moi comment ça a été possible...
Elle soupira, et ajouta avec un sourire désolé.
- Mais cette fichue tête de mule n'a jamais accepté de se transformer devant vous... ce qui nous aurait évité bien des ennuis !

Quête : Equité

Les deux hommes restèrent muets de stupeur, tandis que Maedron observait le petit animal avec un léger sourire.
" C'est vraiment... ?"
Reynald avait levé la main au-dessus du rongeur mais il s'immobilisa avant de le toucher, puis leva les yeux vers Astrée pour y lire une confirmation. Tybert avait rapidement retrouvé son expression tranquille, mais la rôdeuse le sentait réellement impressionné.
" Je rêve. Si cette bestiole avait accepté de devenir et de rester un écureuil... Je ne préfère pas y penser."
L'elfe noir rit doucement.
" Allons, c'est le propre des prodiges d'être un peu capricieux, fit-il en tapotant l'épaule du Sorlyn. Et puis tu en tireras une belle chanson, j'en suis certain."
Prince soupira dans son sommeil et se retourna sur la paume de la jeune femme.
" Allons-y, nous avons tous besoin de nous reposer..." ajouta le drow.

Quête : Equité

Astrée acquiesça, et replaça doucement l'écureuil dans une de ses poches. Espérant qu'il ne lui reprocherait pas d'avoir trahi son secret. Après tout ce que ces hommes avaient risqué à cause de lui, ils avaient bien mérité de savoir...
Elle sourit à ses compagnons d'infortune, son regard s'attardant un peu plus sur Reynald, et emboîta le pas au drow. Leurs montures devaient les attendre... Peut-être devraient-ils en récupérer une de plus pour Reynald. Mais elle n'avait pas la force de s'en préoccuper. Encore moins de penser à la suite des événements. Elle était épuisée.

Reynald l'était encore davantage car il chancela assez rapidement dans les escaliers et Maedron le soutint pour l'aider à franchir les derniers mètres qui le séparaient de la liberté. Tybert, dans l'ombre d'Astrée, posa une main fraîche sur le dos de la rôdeuse et murmura un mot unique. Elle se sentit légèrement mieux, tout en restant consciente qu'il s'agissait d'une emplâtre sur une jambe de bois. Ils ne croisèrent personne durant leur remontée vers la surface mais il y avait des cavaliers dans les couloirs plus près de l'extérieur. Personne ne les importuna. Maedron s'arrêta pour délester un soldat de son manteau, cependant, dont il recouvrit les épaules de Reynald, toujours à moitié nu. Ils sortirent dans la nuit voilée. La lune avait perdu son combat contre les nuages et la brise était piquante.
" Astrée, c'est à vous de jouer... fit le drow. Tybert, tu monteras avec Reynald, je ne crois pas qu'il soit encore capable de tenir en selle tout seul."
L'Eldathien hocha la tête sans rien répondre.

HRP : tu peux retrouver les chevaux et mettre tout le monde en selle, et même repartir vers Bortheias !

Quête : Equité

Le sortilège de Tybert avait rendu assez d'énergie à Astrée pour qu'elle parvienne à se concentrer, cherchant dans la campagne alentour les petites étincelles de vie correspondant à leurs montures. Elle les découvrit somnolentes, non loin de l'endroit où ils les avaient laissées, et dut batailler un peu pour les convaincre de se rapprocher. Reynald n'était pas en état de marcher davantage. Mais une promesse de fourrage et de grains abondants vint à bout de leurs hésitations et peu après, les trois montures surgissaient, le gris en tête.
Les trois chevaux paraissaient frais et dispos en comparaison de l'état de leurs cavaliers, et se laissèrent monter sans rechigner, heureux sans doute de rentrer à l'écurie. Le plus vaillant portait Tybert et Reynald.

Ils prirent la route à une allure bien plus raisonnable qu'à l'aller, Maedron en tête. Astrée fit savoir aux deux autres montures qu'elles n'avaient qu'à le suivre, et ferma la marche, gardant un oeil vaguement inquiet sur Reynald. Mais avec Tybert pour veiller sur lui, il ne risquait rien. Elle en détacha petit à petit son attention, se contentant de chevaucher sans penser à rien, suivant simplement les mouvements de sa monture. Même cela lui demandait un effort énorme.

Quête : Equité

Ils gagnèrent Bortheias, où Maedron parlementa à nouveau avec les gardes pour en obtenir l'accès, puis remontèrent les rues endormies à un trot soutenu. A voir l'attitude de Reynald, Astrée devina qu'il s'était endormi contre la poitrine de son ami. Ils parvinrent rapidement à l'Auberge et Maedron démonta le premier. Il se porta aux côtés du cheval de Tybert et aida le clerc à en faire descendre Reynald. Le Sorlyn maugréa un peu dans sa semi-torpeur.
" Je vais le monter. Laissez les chevaux dans leurs stalles, on s'en occupera demain. Si vous en avez encore le courage, je ne serais pas contre un petit verre, je dois dire... Mais si vous êtes trop fatigués... Je vous souhaite la bonne nuit."
Puis, sans leur laisser le temps de répondre, il passa le bras sous les épaules du prêtre de Milil et le fit entrer à l'intérieur.

Quête : Equité

- Il n'est jamais fatigué, lui..., marmonna Astrée en suivant le drow des yeux.
Elle le revoyait, tournoyant avec ses épées, protégé par son armure sombre, se jouant de ses adversaires comme s'il s'était agi de simple pantins. Un guerrier. Et très expérimenté. Comment diable en était-il venu à tenir une auberge... ? Il faudrait qu'elle pose la question, un jour. Si elle osait.
Elle sourit à Tybert, lui fit signe de suivre ses amis, et s'occupa d'amener les montures à l'écurie, se contentant de les laisser gagner leurs stalles en les caressant une dernière fois. Elles avaient bien mérité un peu de repos.
Elle se dirigea à son tour vers l'intérieur de l'auberge. Prendre un verre ? Elle était bien trop épuisée pour avoir d'autre envie que se glisser dans son lit. Mais peut-être qu'un petit remontant, après toutes ces émotions, n'était pas une si mauvaise idée. Elle hésitait encore en franchissant le seuil, cherchant du regard Tybert et Maedron.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Bortheias