La Couronne de Cuivre

Surya hocha la tête avec un sourire.
- Oui, bien sûr...
Observer leurs alliés. Les manostiens. Le semi-drow plus particulièrement ? Elle hésitait à poser la question, craignant de se tromper complètement et de paraître incompétente. D'un autre côté, si c'était bien à cela, aussi, qu'il faisait allusion, le deviner toute seule serait tout à son avantage...
Elle finit donc par oser questionner.
- Mais peut-être pourriez-vous me dire, enfin, si vous le savez... Je me demandais qui ils étaient, exactement, avec leur étrange cape blanche. Et si le drow qui semble avoir un poste de décisionnaire dans leur groupe est en réalité... le semi-drow auquel je pense.

Les cavaliers avaient ralenti à l’approche du village comme s’ils craignaient eux aussi une embuscade. La manœuvre de déploiement préconisée par Lothringen eut donc tout le loisir de s’opérer en bon ordre et, pendant ce temps, les yeux magiques du semi-dow lui apprirent que l’un des cavaliers au moins portait un uniforme bien reconnaissable. Le même que le celui du cavalier luménien rencontré la veille. Mais il pouvait aisément s’agir d’un leurre : quoi de plus facile que de changer de vêtements pour ceux d’un mort ?

HRP : désolé d’avoir à temporiser mais je suis dans l’attente d’un post d’Ugo pour faire arriver les cavaliers.

Le mage jeta un regard pénétrant à la jeune barde et son sourire s’élargit quelque peu avant qu’il ne lui réponde d’un ton amusé :

- J’ai le plaisir de constater que vous êtes fine observatrice. Les capes blanches désignent une unité particulière destinée à la protection des dirigeants manostiens. Un peu comme la garde rapprochée que vous avez côtoyé sur la Vague Déferlante. Nous mettons juste un peu moins de décorum. Quant à celui que vous avez identifié comme leur leader, il va de soi qu’il s’agit de celui que vous imaginez vu que vous êtes très futée. Si vous acceptez cette mission, je ne veux pas vous y envoyer seule car cela paraitrait suspect. Vous vous joindrez donc à quelques renforts qui m’ont été demandées pour gérer ce problème.

Cet uniforme rappelait celui de l'éclaireur luménien qui voyageait avec eux, et que Lothringen avait quelque peu oublié depuis la veille tant ce dernier savait se faire discret au sein de leur troupe. Pourtant, outre le pistage, c'était bien pour une situation comme celle-ci qu'ils l'avaient pris parmi eux : afin qu'il leur facilite les retrouvailles avec ses homologues partis à la poursuite des mercenaires. Le semi-drow se tourna donc vers le luménien, qui n'était pas intervenu depuis un bon moment.

"Soldat, cet homme porte un uniforme semblable au vôtre. Le reconnaissez-vous ?"

Dès qu'il lui présenta les capes blanches comme étant chargées de la protection des dirigeants manostiens, Surya sut qu'elle ne s'était pas trompée sur l'identité du semi-drow. Elle aurait dû rester, vraiment. Mais ça aurait parut suspect... Et même là, alors que son interlocuteur lui demandait de se joindre à un groupe de renforts, elle n'était pas sûre du tout que ça paraisse plausible. Mais elle n'allait tout de même pas afficher l'étendue de ses doutes devant le mage.
" Je vous en remercie... Et j'accepte, bien entendu. Ils trouveront peut-être étrange qu'on envoie une barde, pas vraiment membre de l'armée, avec les renforts. Mais je vais m'efforcer de me montrer particulièrement motivée pour rejoindre les lieux...
Elle était bonne comédienne après tout. Et puis, il paraîtrait logique qu'elle veuille rejoindre son amie Galariel. Convaincre le groupe de renforts qu'elle avait sa place parmi eux devrait être dans ses cordes...

Leur éclaireur luménien s'approcha du conseiller et regarda attentivement ce qu'il lui désignait avant de répondre avec assurance :
- Oui, et à moins que je ne me fasse abuser par quelque magie, il s'agit de Gustave, un des membres de mon escouade. C'est certainement le sergent qui nous l'envoie !

Le mage ne semblait pas s'être attendu à une autre réponse et enchaîna sans avoir à réfléchir à la suite de son plan :
- Très bien. J'apprécie votre enthousiasme. Je gage que vous n'aurez aucune difficulté à inventer une histoire crédible pour justifier votre présence parmi les renforts. Ils partiront ce soir. Vous aurez toute l'opportunité de vous reposer un peu d'ici là et de lier connaissance. Vous pouvez les rejoindre à la tente de commandement dès que vous le souhaitez.

Il était toujours possible, même si passablement suicidaire, que les mélandiens leur aient envoyé deux des leurs en les déguisant pour prendre l'aspect des luméniens assassinés. Le conseiller n'avait pas ce sort en stock, mais sans même qu'il ait eu besoin de le lui demander, sire Rowan lança une discrète détection de la magie sur le supposé Gustave, dont ils commençaient à pouvoir distinguer les traits.

Surya hocha la tête.
- Je vais les rejoindre sous peu, en ce cas. Et je vous remercie de votre confiance...
Une histoire crédible pour justifier sa présence ? Il allait falloir qu'elle se creuse un peu les méninges. Heureusement qu'elle avait un peu de temps devant elle... Et pourquoi partir le soir ? C'était absurde... A moins de vouloir utiliser un sortilège de téléportation peut-être ? Mais tout de même, c'était bizarre de ne pas attendre le lendemain matin... ou de ne pas partir tout de suite.
Pour l'heure, le plus logique était de rejoindre la jeune Lucinda, et de lui faire ses adieux. Peut-être même lui tenir compagnie encore un moment, jusqu'à ce que les manostiens viennent la chercher. Elle pouvait voir, aussi, si la jeune fille pouvait lui donner un prétexte quelconque pour devoir se rendre elle-même auprès des otages. Peu probable. Il lui faudrait certainement inventer quelque chose...
Elle salua le mage, reculant d'un pas, attendant toutefois au cas où il ait une dernière recommandation à lui faire. Elle rejoindrait Lucinda ensuite.

L'image du mage disparut sur un dernier mot, laissant la barde ressortir de la tente dans laquelle elle avait été conviée pour l'entretien. Elle retrouva la jeune réfugiée à l'endroit où elle l'avait laissée mais l'ancien messager n'était plus sous la tente du mess. Lucinda releva la tête vers Surya et un sourire apparut sur ses lèvres :

- Oh, j'avais peur de ne pas avoir l'occasion de vous remercier et de vous dire au revoir...

Ayant pris note de l'issue du sortilège de son capitaine, Lothringen, intrigué par le préambule de l'éclaireur, tenta de mieux distinguer cette femme. Il y avait eu cette barde à Chêne-des-Clercs, et à présent cette guerrière... En quoi une guerrière avait-elle des compétences dont les soldats ne disposaient pas eux-mêmes, et qui justifiaient qu'elle s'incruste et se dispense de l'uniforme ? Et en quoi était-elle concernée, même de très loin, par ce qui pouvait se passer dans les villages de l'arrière-pays manostien ? Plus grave : cela signifiait-il que cette guerrière avait le droit de leur fausser compagnie quand elle voulait, avec toutes les informations dont elle pouvait disposer ? Tandis que les deux cavaliers finissaient d'approcher, le conseiller murmura :

"Pour quelle raison laissez-vous si volontiers des civils se joindre à vos détachements militaires ? Ce n'est guère prudent, et je ne parviens pas à deviner en quoi cela vous est utile."

Un curieux mélange des genres, dont les manostiens s'abstenaient soigneusement sans nécessité, pour des raisons de sécurité assez élémentaires : soit on était mercenaire et alors on marchait avec ses semblables, soit on était soldat et on suivait les ordres. Du reste, les militaires de métier n'appréciaient guère de devoir gérer des éléments incontrôlables, qui ne manqueraient pas de générer des tensions dans leurs troupes...

Le luménien sentit le besoin de se justifier alors qu'il n'était sans doute pas le mieux placé pour répondre à une question relevant du commandement de l'armée. Mais le général Maelwedd n'était pas là pour répondre aussi s'efforça-t-il de donner son avis personnel sur la question :

- Nous nous efforçons d'intégrer les bons éléments civils pour bénéficier d'une vision différente, surtout dans ce genre de situations particulières. Quelques citoyens nous ont accompagné dans cette campagne dans ce but. Mais tous ont déjà fait largement leurs preuves. Galariel a récemment démasqué un maître-espion et l'a traqué jusqu'à son repère à ce que j'ai entendu dire. Et son expérience au combat n'a pas grand chose à envier à celle de soldats de métier.

Surya se glissa à côté de la jeune fille.
- J'ai fait aussi vite que possible... J'aurais été déçue que vous ayez disparu à mon retour. Mais vous n'avez pas vraiment à me remercier, cela dit. Ce sont les soldats qui ont fait l'essentiel. Je n'ai fait qu'accompagner, moi...
Elle sourit doucement.
- Apparemment, ils vont envoyer des renforts auprès de ceux qui sont restés sur place, pour aider à sauver les villageois qui ont été pris en otage. Est-ce que vous avez, je ne sais pas, des informations qui nous seraient utiles, ou des messages à leur faire passer ? Je peux me charger de les transmettre, je dois justement les rejoindre tout à l'heure...
Un vrai prétexte pour rejoindre le groupe serait parfait... Mais sinon, elle trouverait à broder à partir du peu que la jeune fille lui dirait. Ou elle devrait inventer... mais quoi ?

Des messages ? Oui, les réfugiés auraient assurément besoin d'être rassurés quand on les retrouverait mais Lucinda avoua ne pas savoir quelles paroles étaient susceptibles de leur apporter quelque réconfort. Elle lui faisait donc parfaitement confiance pour parler en son nom d'autant qu'elle avait réussi à l'apaiser, elle...

- Quant aux informations... Je ne sais pas trop. Sans savoir qui est encore en vie, c'est difficile de vous aider. On m'a simplement confié que mon père était toujours en vie mais commandait une escouade partie en renfort près d'Aghoralis.

HRP : la Garde Blanche ne porte pas d'uniforme reconnaissable hélas.

Le dénommé Gustave annonça assez vite à Galariel qu'il reconnaissait l'un des hommes venus à leur rencontre : il s'agissait d'un des éclaireurs de leur groupe. Un de ceux partis avec Surya et les réfugiés. Le dit éclaireur s'approcha à son tour de son collègue et put bientôt faire un rapport succinct à Lothringen et Sire Rowan :

- Les traces des mercenaires prenaient une autre direction à partir de la rivière à une demi-journée à l'est d'ici : les autres sont restés en arrière pour repérer le terrain et s'assurer qu'ils suivaient toujours la bonne piste et ont envoyé ces deux cavaliers nous prévenir de les rejoindre aussi vite que possible.

Lothringen fronça les sourcils à l'audition de ce rapport. Il serait difficile de retrouver la trace des mélandiens depuis la rivière : ils pouvaient en être sortis n'importe où, et leur odeur se perdrait dans l'onde... Heureusement, rares sont les chevaux à supporter longtemps de patauger dans la caillasse glissante ; on pouvait espérer que les éclaireurs n'auraient pas à rechercher la piste sur une trop longue distance. Pour ce qui les concernait, le soir n'allait pas tarder à tomber, et ils perdraient peut-être plus de temps qu'ils n'en gagneraient à tenter de progresser de nuit. Le semi-drow reporta son attention sur les bâtiments clos qui les entouraient, et répondit à la cantonade, tout en mettant pied à terre.

"Il ne nous reste donc plus qu'à passer la nuit ici. L'endroit semble désert..."

Au moins les habitants n'avaient-ils pas subi d'exactions, puisque les mercenaires n'étaient jamais venus jusqu'ici.

"Peut-être pourrions-nous utiliser l'entrepôt ?" suggéra le capitaine de la garde, qui mettait pied à terre à son tour, comme la moitié de son unité. Les manostiens n'avaient pas particulièrement envie de violer des propriétés privées, mais en même temps, un toit solide ne serait pas de refus. Dérangeraient-ils quelqu'un ? Tout semblait bel et bien mort ici. Sire Rowan alla, par acquis de conscience, frapper à la plus proche porte.

Cela ne l'aidait en rien. Rien dans les paroles de la jeune fille qui lui donne l'ombre d'un indice sur une histoire crédible à raconter. Il restait à espérer que personne ne lui demanderait rien... Elle enregistra bien sûr l'information concernant le lieu où se trouvait le père de la jeune fille, même si c'était pour le moment quelque chose de tout à fait inutile.
- J'espère que vous retrouverez rapidement votre père. Je ne connais pas assez la géographie de l'île, mais il me semble que c'est tout de même à une certaine distance... Le temps va vous paraître bien long en attendant.
Elle eût un sourire d'excuse.
- Je resterais bien avec vous quelques jours, mais je doute qu'on me laisse rejoindre les forces manostiennes, en fait. Et puisqu'on me demande d'aller rejoindre les renforts qui seront envoyés vers Chêne-aux-Clercs, je ne peux pas décemment refuser. Mais je peux vous tenir compagnie un petit moment encore, la temps que votre escorte arrive.
La jeune fille n'avait certainement pas envie de se retrouver déjà seule. Et qui sait, peut-être qu'au détour de la conversation elle apprendrait d'autres éléments utiles sur cette sombre affaire... Ou quelque chose qui l'aide à trouver des arguments valables, aussi.

La jeune fille apprécia l'attention et parut grandement rassurée de n'avoir pas à passer toute l'après-midi seule sous la tente des luméniens à se morfondre en attendant une escorte quasiment étrangère elle aussi. Elle confia à la petite barde n'être pas du tout une voyageuse comme elle et n'avoir même quasiment jamais quitté le village de son enfance. Quelle tristesse que ce soit un tel événement qui la jette sur les routes de l'aventure dont elle avait parfois eu envie... Comme si évoquer ce qui s'était passé lui ramenait des éléments en mémoire, Lucinda risqua timidement, au milieu d'une conversation d'aspect anodin :

- Je me souviens d'avoir entendu des paroles que je n'ai pas comprises quand les mercenaires fouillaient le bureau à côté de la réserve. Je ne sais pas si c'était important ou si ça avait un sens mais vous qui avez beaucoup voyagé, vous saurez certainement : ils disaient n'avoir pas choisi le village par hasard. Qu'il y avait un autre seigneur des crânes à proximité. Ou quelque-chose comme ça. Et il ont aussi évoqué une cent treizième strate. Vous croyez que c'est une sorte de compagnie militaire ?

La barde secoua négativement la tête.
- Une compagnie militaire, ça m'étonnerait. Ils ne parleraient pas de strates...
Des strates... c'était du vocabulaire de géologie. Un seigneur des crânes, ça avait sans doute à voir avec les morts-vivants, ce qui se tenait avec le fait qu'il y avait parmi eux un nécromant puissant et qu'ils avaient créé un bon nombre de morts-vivants. Cela dit, elle ne voyait pas trop le rapport entre des morts-vivants et des strates géologiques. Enfin, sauf si sa tombe était enfouie à la cent treizième strate en partant de la surface ? Absurde. N'importe quoi. Tu ferais mieux de te trouver une bibliothèque et de creuser un peu la question au lieu de lancer des hypothèses en l'air. Sauf que l'armée n'était pas spécialement connue pour la richesse de son fond bibliothécaire...
Punaise, elle était barde, c'était normalement à elle de connaître des informations ce genre de choses étranges et inconnues de tous. Comment justifier son utilité si elle bn'avait aucune information à leur donner ? Si elle n'en était pas capable, personne d'autre ne saurait. A part peut-être Tristan ? Il s'y connaissait en morts-vivants, après tout...
- Ça a plus quelque chose à voir avec leur nécromant, je pense. Peut-être que les autres en sauront plus, là-bas. Vous avez bien fait de m'en parler, en tout cas...

La maison sélectionnée était la plus "grande" du hameau mais, avant de trouver la place suffisante pour que chacun puisse poser sa paillasse dans la salle principale, il fallut déplacer des meubles et composer pour ménager un très court passage destiné aux veilleurs ou aux dormeurs pris d'une envie nocturne. Les questions protocolaires ou plus pragmatiques furent également abordées quand il fallut placer Lothringen et Galariel. Le premier bénéficiait d'un superbe coin douillet entre l'échelle menant aux combles et une armoire à vaisselle bien trop lourde pour être déplacée sans peine. La seconde eut quant à elle droit à une place de choix tout près de la porte d'entrée. Qu'on laisse à la seule femme du groupe le soin d'affronter les courants d'air ne semblait gêner personne...

Avant de prendre un repos bien mérité, nombre de soldats purent se débarbouiller grâce à l'initiative bien inspiré de Mornagest. Au moins cela réduirait un peu les nuisances olfactives liées à une telle promiscuité.

HRP : je vous laisse organiser des tours de garde si vous le souhaitez et aussi vous mettre tous au lit.

La mention du nécromant fit frissonner la jeune fille. Même après avoir assisté à une partie des horreurs qui avaient été commise dans son village natal, l'existence de telles abominations, qui plus est relevées à partir des restes de personnes qu'elle avait dû côtoyer toute sa vie, avait de quoi glacer d'effroi. Heureusement, la conversation prit rapidement un tour un peu plus léger alors que Lucinda tentait de se projeter un peu dans le futur. Un futur qui finit par la rattraper quand, vers la fin d'après-midi, soin escorte vint la chercher pour l'emmener loin de sa vie d'antan ou des troupes luméniennes.

Spontanément, Mornagest se proposa pour monter la garde, cette nuit : il y avait échappé lors de la précédente, il était donc normal qu'il fît partie des veilleurs, cette fois.

"Je prends le quart qui vous arrange au mieux.", précisa-t-il.