La Couronne de Cuivre

« Je vois. »

L’homme eut l’esquisse d’un sourire puis se détourna.

« Allez, en route. Nous sommes attendus ailleurs. »

Il commença à se diriger vers les profondeurs de la vieille forêt.

« Au fait, moi c’est Boniface. Et toi ? »

"Moi, c'est Louve.", dit-elle en emboîtant le pas au dénommé Boniface.

Puis elle lui demanda d'un ton dégagé.

"Qui m'attend ?"

Une façon de savoir si Zig était revenu de sa mission et quel serait son commité de réception.

« Le clan, répondit Boniface. La Lune Noire, ajouta-t-il. Nous sommes une grande famille. J’espère que tu y trouveras ta place. Ce n’est pas toujours simple. Y entrer est une chose. S’y plaire en est une autre. Des fois, il faut jouer des coudes. Mais tu as l’air de taille. La tête que tu trimbales le prouve. »

La suite du trajet se passa dans le silence. Boniface n’était pas un grand amateur de la forêt. Il l’avait dit et cela se voyait. On le devinait aisément plus à l’aise dans une sombre ruelle. Pour autant, sa marche était légère et rapide. Il jetait parfois un regard à Louve, sans dire mot. Une heure environs plus tard, d’entre les arbres émergèrent les ruines d’un temple antique. Une arche encore debout, des murs à demi effondrés, des sculptures érodées par le temps et recouvertes de plantes grimpantes, des pavées au milieu des herbes hautes esquissant une allée oubliée... Malgré le jour, les feuillages abondants emplissait cet endroit d’ombre et de mystère.

« Nous y voici, déclara le rat-garou. C’est là qu’on s’est installé. Mais on ne devrait pas tarder à bouger. »

Avant de voir, elle sentit. Des odeurs de loups et de rats. Et puis il y eut cette silhouette, derrière l’arche. Deux en fait qui s’avancèrent. Louve n’en reconnu aucune. C’était celles de deux hommes solidement charpenté et à l’expression patibulaire. Des loups-garous, assurément. Portant des habits grossiers de paysan, armés de matraque et de hache, ils toisèrent les nouveaux venus.

« Alors Boniface, qu’est-ce que tu nous ramènes ? demanda l’un d’eux.
- À ton avis ?
- C’est elle, la nouvelle ?
- Elle est plutôt bien fichue », remarqua l’autre brute.

Louve se redressa. Elle n'allait pas jouer les vierges effarouchées mais n'allait pas se laisser traiter comme un morceau de viande pour autant. S'il le fallait, elle montrerait les dents. C'est ce qu'exprimèrent son silence et son sourire qui ne disait rien de bon.

S'il fallait user de rapports de force pour être respectée autant commencer maintenant. Aussi prit-elle la parole sans qu'on le lui demande.

"Mon nom est Louve. Et vous ?"

Les deux brutes regardèrent Louve, un petit sourire mauvais aux lèvres.

« Elle a l’air d’avoir du caractère la nouvelle.
- J’aime ça.
- Moi aussi. »

Boniface eut un hochement d’épaules dédaigneux.

« Ne fais pas attention à eux, Louve. Leur mère les a bercé trop près d’un mur quand ils étaient petits. Depuis, ils pourraient même oublier où se trouve leur trou du cul.
- Non mais écoute-le ce rat pouilleux et snobinard !
- Une demi portion qui parle beaucoup mais fait pas grand-chose ! »

Boniface poursuivit son chemin.

Louve les toisa quelques secondes sans baisser la tête, simplement pour leur montrer qu'elle n'avait pas peur. En revanche, elle ne leur répondit pas. Elle suivit Boniface sans se presser plus que de raisons. Qu'ils l'observent ou qu'ils la désirent, grand bien leur en face. Elle ne leur céderai pas sans l'avoir décidé au préalable.

En s'éloignant, elle prit grand soin de se remémorer leurs visages, le cas échéant. Puis elle demanda à Boniface sur le ton de la conversation.

"Depuis combien de temps fais tu partie de la meute ?"

« Ho, ça doit faire trois ans. Longtemps donc. On peut dire que je suis devenu quelqu’un d’important. Un peu comme cette personne, là-bas. »

Boniface eut un mouvement de menton dans la direction d’un jeune homme blond, assez musclé, occupé à rafistoler un arc mal en point. L’individu en question dégageait une forte odeur de loup. Boniface poursuivit toutefois son chemin à travers les ruines antiques. Louve aperçut des vestiges d’une rue bordée de colonne et les murs écroulés de ce qui devait être jadis des bâtiments grandioses. La nature dévorait tout. L’endroit était très sombre.

« Tu auras tout le temps de faire connaissance avec qui tu voudras quand tu auras vu le Prince. Il se trouve là-bas. »

Le rat-garou désigna le coin le plus préservé du temple, probablement. Un angle de mur et un soupçon de toit encore debout.

Lorsque Louve aperçut le Prince de la Lune Noire, elle le trouva tout aussi impressionnant que la première fois. Le colosse était occupé à parler à la vieille Malagate. Celle-ci semblait par comparaison insignifiante, comme tous les autres. Il émanait du Prince tant de force, tant de volonté... une aura surnaturelle assurément. Boniface attendit une pause dans la discussion pour se faire remarquer.

« Prince, Louve est de retour. »

Le rat-garou s’inclina et s’effaça. Les yeux sombres du Prince tombèrent sur Louve, remarquant la tête du druide qu’elle tenait toujours.

« Comment tu t’y es prises ? » lui demanda-t-il sans ambages.

Louve contemplait elle aussi le Prince, sa puissance auréolée de gloire et sa question faillit la prendre au dépourvu. Un pressentiment lui hurlait qu'elle ne pouvait pas mentir car tout finissait par se savoir. Tout dépendrait alors comment elle présenterait la réalité.

"J'ai approché le vieil homme par la ruse mais celui-ci n'a pas tardé à me percer à jour à cause d'un fichu renard. Il s'est changé en ours mais je suis parvenue à lui porter plusieurs coups. J'en aurais fini avec lui mais il a pris la forme d'un hibou et a invoqué un géant végétal. La ruse ne suffisant plus, j'ai dû employer la force. Une force particulière puisée dans la forêt réveillée par ce qui court dans mes veines. Il n'est pas mort de ma main propre mais par mon sang."

Le colosse fronça les sourcils.

« Sois plus clair. J’aime pas ceux qui tournent autour du pot. Qui a tué le druide ? »

Le prince ne faisait pas dans la finesse. Les formules imagées, visiblement, étaient à éviter. À côté de lui, Malagate écoutait tout, sans mot dire, une expression indéchiffrable sur son visage ridé.

Si le rudoiement la fit frémir, elle tenta de ne pas le montrer. Elle n'avait pas tué le druide mais n'allait pas mentir. Ceux de la Lune Noire n'aimaient pas les lâches.

"Ce n'est pas moi qui ai porté les coups fatals. C'est la vieille qui est apparue quand j'ai versé mon sang sur l'autel du temple de la forêt."

Le Prince garda un instant le silence, sans lâcher du regard Louve. Puis il répondit, toujours avec rudesse :

« Venant d’un rat, ça m’aurait satisfait. Venant d’un loup, ça me déçoit. Orfeuille n’était pas un adversaire insurmontable pour un vrai chasseur. Ses animaux, il aurait été possible de les tuer. Quant à ses pouvoirs, il ne peut y recourir indéfiniment. Qu’est-ce qu’un druide sans animale sans pouvoir ? Un cadavre ! »

Louve soutint le regard mais lorsqu'elle parla, sa voix était chargée d'une pointe d'humilité.

"Je reconnais mon erreur. Je ne connaissais pas les druides et leurs pouvoirs. Je me suis montrée stupide. Par contre, si tu acceptes de me donner une autre chance, je ne faillirai pas cette fois. Je donnerai tout pour pouvoir vous servir."

Et elle disait vrai, quelque part.

hrp : bon, je reconnais surtout que j'ai très mal joué sur ce coup là. Pas mal de peur de la jouer gros-bill même si ça n'excuse pas.

HRP : je ne crois pas que tu as mal joué. Les réactions de Louve n’était pas illogiques. Faire une "erreur", ça fait partie du jeu.

Le Prince eut un geste de dédain.

« Je t’avais demandé de ramener cette tête et elle est là. Je ne t’avais pas dit comment procéder. Tu as réussi l’épreuve. Mais je m’attendais à mieux. Malar enseigne l’art de la chasse, l’art du prédateur. Tu apprendras. Ce soir, une cérémonie aura lieu. Ce soir, tu feras partie des n’autres. D’ici là, fais ce qu’il te chante. »

Il se détourna. Malagate intervint :

« J’aurais deux mots à te dire, après. Ne t’éloigne pas trop. »

hrp : merci. A un moment, j'ai eu l'impression que Louve faisait un peu Benny Hill à force de courir tout le temps poursuivie par des trucs divers et variés. Penses-tu qu'elle aurait pu être en mesure de battre le monstre végétal ? C'est vrai qu'elle aurait pu attendre que l'incantation s'en aille.

Louve se redressa sensiblement, emplie de gratitude.

"Je vous remercie, Prince de la lune noire. Vous ne le regretterez pas."

Puis, selon l'injonction de Malagate, elle ne s'éloigna pas. Peut-être allait-elle l'interroger sur l'autre vieille femme incarnatrice de cette force si noire. Peut-être avaient-elles un lien. Peut-être pas. Il lui était difficile de savoir.

HRP : Louve pouvait vaincre Orfeuille sans aide. Attendre que l’invocation disparaisse d’elle-même était une solution. Il fallait avoir le druide à l’usure ou le pousser à l’erreur.

Louve laissa donc le Prince et Malagate discuter entre eux. Boniface s’en était allé de son côté, elle ne le voyait plus. Autour d’elle s’étendaient les ruines. Assis sur une colonne brisée, elle repéra le grand blond, ce loup-garou que le rat avait désigné. Il avait visiblement terminé de réparer son arc. Dans une autre direction, elle devina les silhouettes de deux gamins se couler d’un buisson à l’autre. Une femme à l’air farouche l’épiait également, adossée à un arbre, bras croisés. En fait, tout le monde, ici, devait jeter un coup d’œil à la nouvelle.

hrp : je n'ai pas super bien joué. Il faudrait que je trouve un équilibre pour faire usage de la force de mon personnage sans être gros-bill. Merci dans tous les cas

Louve regarda autour d'elle, avisant avec surprise les enfants avant de raisonner. Elle aussi avait commencé par être une petite louve-garou et elle était sûrement loin d'être un cas isolé. Elle s'intéressa alors aux autres, se redressant sans vraiment s'en rendre compte pour paraître plus impressionnante. Elle se dirigea vers le jeune homme blond qu'elle avait entraperçu avant son entretien avec le Prince et Malagate. Il l'intriguait.

Elle s'avança à pas feutrés pour s'arrêter à quelques pas de lui.

Le blond en question était grand et musculeux, sans être un colosse. L’armure de cuir, le pantalon de toile et les bottes qu’il portait lui donnaient l’apparence d’un mercenaire. L’épée à son côté et l’arc qu’il éprouvait désormais renforçaient cette impression. Très viril, il dégageait un sentiment de sauvagerie. Le genre de personne qu’on sentait capable de tuer pour une broutille.

« Alors... c’est toi la nouvelle... fit-il en se tournant vers Louve. Il paraît que tu vas être des notre. »

Ses yeux bleus tombèrent sur la rousse, évaluateurs.

« Naturel ou infecté ? » demanda-t-il, ensuite.

Louve regarda l'homme avec une pointe d'admiration. Il était fait d'un tout autre bois que Zig, voire même que Boniface. Elle eut un sourire, ni servile ni affable, simplement signe qu'elle appréciait ce qu'elle voyait. Elle ne tergiversa pas pour répondre.

"Naturelle."

Elle en était fière.

« Ouais, c’est ce que je pensais. Ça se sent ce genre de choses. Les infectés m’irritent. Des arrivistes perturbés, voilà ce qu’ils sont, pour la plupart. M’enfin, peu importe. Moi c’est Marag. Et toi, Louve, c’est ça ? C’est simple comme nom, peut-être un peu trop en fait. Il y a déjà une Louve dans le clan, enfin, La Louve. Par contre, la rousse, je crois que c’est libre. »

Marag eut un sourire.

"Marag ..."

Louve avait écouté le discours. Elle n'avait jamais connu d'infectés, ni même d'autres garous. Elle aimait ce genre de nouveauté et cette nouvelle idée de meute même s'il allait sûrement falloir montrer les crocs.

"Cette Louve, qui c'est ?"

Elle n'était pas forcèment jalouse. Mais Louve, c'était son nom.

« La Louve, c’est la favorite du prince, une jeunette aux yeux de biche et au tempérament de... Hum, comment dire ? Disons qu’elle s’emporte facilement. »

Pour que Marag, loup-garou patibulaire de son état, dise cela, il fallait vraiment que ce soit marquant.

« Tu ne devrais pas avoir de mal à la reconnaître. Un petit conseil, évite de la mettre en rogne... si c’est possible. Peu y arrivent. »

Marag fit mine de se détourner, son arc sur l’épaule.

« Bon. J’ai une leçon d’escrime à donner à ma progéniture. On se reverra pour la cérémonie. »

Louve hocha la tête. Mieux valait ne pas faire de vague. Elle s'accomoderait de son nouveau surnom, du moins pour le moment. Pour l'instant, la priorité était de se faire une place, pas d'exacerber les susceptibilités.

"A plus tard et merci du conseil.", dit-elle à l'adresse de Marag en le regardant partir.