[Quête] Guerre des plaines brûlantes : UCGPLM - Arthur

[Arthur de Faisanlys]

La déclaration du lieutenant surprit grandement le paladin et il demeura un moment immobile, stupéfait. Evidemment, c'était une décision pragmatique, compréhensible, mais lui-même n'avait aucun intérêt à aller prévenir l'Empereur ou un de ses sbires de quoi que ce soit. C'étaient des affaires mélandiennes, qui ne le concernaient en rien. Il hésita cependant à interpeler le lieutenant devant tous ses hommes, alors que sa propre position était précaire, qu'ils pouvaient, en une seconde, le renvoyer au statut de prisonnier.
En même temps, c'était ce qu'il était, à quoi bon se voiler la face ? Ils se servaient de lui et il obéissait, comme un esclave consentant.
" Lieutenant, je n'ai accepté le marché de votre supérieur que pour protéger les Manostiens retenus à l'étage... Si vous décidez de partir... Ce que je comprends parfaitement... vraiment... Je ne viendrai pas avec vous."
Sans réellement le vouloir, il posa la main sur le pommeau de son épée. S'il devait se défendre, il se défendrait. Ce ne serait qu'un retour à la normale.

[Taliesin]

Murmures et commentaires prononcés à mi-voix explosèrent, et le paladin eut tout lieu de constater que bon nombre étaient franchement hostiles.
-Je vous ai dit de vous préparer ! lança Grimaud à la cantonade, d'une voix forte et autoritaire.
Puis il se dirigea tout droit vers Arthur, mais sans poser la main sur son arme.
-Il aurait mieux valu que vous veniez me parler en privé... souffla-t-il, l'air à la fois mécontent et anxieux. Enfin, ce qui est fait est fait.
Soupir.
-Si monsieur le comte et ses hommes sont mort, les prisonniers le sont également. S'ils sont vivants, ils les protégeront efficacement. Dans un cas comme dans l'auatre, vous ne pouvez rien pour les otages.
Il s'interrompit, chercha manifestement ses mots.
-Je suis loyal au comte, et si je ne sais pas ce qu'il ferait à ma place, je sais ce qu'il ne ferait pas. Il a donné à votre père sa parole d'honneur que vous n'auriez à subir aucun mauvais traitement : par conséquent, il ne vous laisserait pas rester seul ici, où vous seriez tué à coup sûr, et il ne vous confierait pas non plus à d'autres officiers qui, moins honorables, pourraient s'en prendre à vous ou tout simplement vous éliminer pour le mettre en difficulté, lui.
Le lieutenant le regarda droit dans les yeux.
-Alors vous allez venir avec nous. Grâce à vous, nous aurons peut-être une chance de nous en tirer. Et une fois hors du château, je ferai en sorte que vous puissiez vous éclipser discrètement. Mon supérieur préférerait que vous soyez libre plutôt que de voir son honneur bafoué. Quant à moi, je préfère qu'un de mes compagnons d'armes se carapate plutôt qu'il tombe entre de mauvaises mains contre lesquelles je ne pourrai pas le protéger.

[Arthur de Faisanlys]

Le jeune paladin s'était attendu à ce que le Mélandien refuse. Il s'était aussi attendu à ce qu'il lui oppose des arguments pour tenter de le plier à sa cause.
" Nous ne savons rien de ce qui se passe en haut, dit-il. Vous ne savez pas si le comte est vivant, vous ne savez pas si les Manostiens sont morts. Si vous me forcez à sortir, je reviendrai à l'intérieur dès que vous aurez le dos tourné. Vous me parlez sans cesse de loyauté et d'honneur, mais vous et votre comte ne faites que manipuler les miens... Je reconnais que vous le faites habilement, et vous êtes sans nul doute sincère, mais je ne peux pas continuer à... tourner autour de ce que je suis. Je suis un paladin. Je ne peux pas quitter cet endroit alors que les innocents que j'ai juré de protéger y sont toujours. Je m'en fiche de m'enfuir et je m'en fiche de mon père. Mais si vous voulez que je rompe mes voeux, je ne peux pas vous laisser faire..."

[Taliesin]

Le lieutenant le dévisagea un instant, incrédule, puis recula d'un pas.
-Très bien. Montez donc cet escalier et jetez vous dans la brume qui a envahi l'étage supérieur. Mais avant, je vous saurais gré de répondre à cette question : comment, une fois devenu mort-vivant vous-même, protégerez-vous les otages, pour peu qu'il en reste encore ? Comment respecterez-vous l'accord passé avec monsieur le comte ? Comment respecterez-vous vos vœux de paladin ? Vous enfoncerez-vous une épée dans le ventre, pour éliminer l'abomination que vous serez devenu ? Ah non, c'est vrai, vous serez sous le contrôle de Destertres et obéirez à la moindre de ses volontés...

[Arthur de Faisanlys]

Arthur se sentit piqué au vif par les insinuations de l'officier.
" Je ne vous demande pas de comprendre, lâcha-t-il finalement. Je me doute bien que vous ne pouvez pas. Vous êtes exactement comme mon père, un pragmatique, vous pesez vos options, vous choisissez celle qui garantit vos meilleures chances de survie, de succès, et puis vous rajoutez une couche d'honneur par-dessus, parce que ça fait joli..."
Il soupira. Il se sentait immensément las, à nouveau. Puis il eut le sentiment, impérieux, qu'il allait se mettre à pleurer.
" Fichez-moi la paix."
Comme il n'avait de toute façon aucune affaire à préparer, il s'engouffra le premier dans l'escalier de la cave. Il les attendrait à l'étage inférieur et prierait Lathandre de ramener un peu de sens dans ce qui était en train de lui arriver.

[Taliesin]

Il ne resta pas longtemps seul sur le pallier obscur qu'il avait fini par atteindre. Il y eut des pas dans l'escalier, puis la lumière d'une torche : bientôt, Hector et Rodolphe firent leur apparition.
-Bons dieux, Arthur, les paladins jurent-ils d'être suicidaires au moment de prononcer leurs vœux ? Si c'est le cas, dis-le moi : j'aimerais bien prévenir mon cousin avant qu'il ne soit trop tard...
-Laisse, on peut pas comprendre. Et de toute façon, on n'est pas là pour l'emmerder avec nos questions.
Manifestement nerveux, les deux hommes se mirent à scruter les alentours, la main posée sur la garde de leur épée.
Mais nul ennemi, nul son ne provint des ténèbres du couloir ou des marches menant aux cachots. En revanche, moins d'une minute plus tard, ils entendirent Grimaud lancer un ordre, au-dessus d'eux. S'ensuivit un cri... et le bruit reconnaissable entre tous de l'acier contre l'acier.

[Arthur de Faisanlys]

La tentation était grande de filer. Les deux soldats allaient immanquablement remonter pour aider leurs collègues. La loyauté, tout ça. Mais Arthur n'était pas certain qu'il devait encore s'y plier, de son côté. Le salut des Manostiens lui avait échappé : on allait l'entraîner à l'extérieur, et lui donner la possibilité de filer. En quoi était-ce moins une trahison que de détaler maintenant ? En quoi romprait-il moins son serment envers le comte ? Comment Grimaud pouvait-il savoir ce qui était mieux ? Pourquoi Arthur lui-même s'interrogeait-il sur ce genre de choses, alors que la seule promesse d'importance était celle qu'il avait faite le jour de son adoubement ?
Que voudrait Lathandre ?
Qu'aurait fait Sire Armand ?
Impossible de le savoir.
Acier contre acier.
Etait-il possible que le lieutenant ait des ennuis avec ses propres hommes ? Ou bien quelque chose avait-il déferlé depuis l'escalier ?
Arthur décida de remonter voir, en tâchant de rester derrière les deux Mélandiens. S'il s'agissait d'horreurs vomies par les hauteurs, il prendrait la tangente. Après tout, c'était la seule chose qu'il pouvait encore faire. S'il s'agissait d'une mutinerie, maintenant... Hum. Il ne savait pas encore très bien ce qu'il ferait.

[Taliesin]

Le premier réflexe de ses compagnons avait été de se ruer dans l'escalier. Ils s'étaient cependant immobilisés, lui avaient jeté un regard puis étaient repartis après avoir constaté qu'il les suivait.
Quelques instants plus tard, le trio débouchait dans le hall, y découvrant le chaos.
Grimaud gisait dans son sang, la poignée d'une dague sortant de sa nuque. Deux soldats étaient également étendus au sol. Le reste de l'escouade était lancé dans un combat aussi acharné que déséquilibré : six d'un côté, trois de l'autre.
L'un des membres du camp dominant abattit son adversaire d'un coup adroit puis se tourna dans leur direction.
-Prenez le paladin ! hurla-t-il. Prenez le vivant !
Hector et Rodolphe tirèrent leurs épées
-Salopard de traître, gronda le premier.
-Va falloir nous passer sur le corps, renchérit le second.

[Arthur de Faisanlys]

La vue du lieutenant Grimaud mort frappa durement Arthur, beaucoup plus durement qu'il n'aurait pu l'imaginer. Tout en levant son épée pour combattre, il sut qu'il ne se pardonnerait jamais ce qui venait de se produire. Cet homme était à mort à cause de lui, parce qu'il avait voulu le protéger, certes, mais surtout parce que le paladin était descendu à l'étage inférieur, le forçant à lui envoyer des gardiens, réduisant par là le nombre de ses fidèles, l'exposant à la mutinerie. Arthur était responsable, intégralement, indubitablement responsable, et même si Grimaud était Mélandien, même si sa mort était la meilleure chose possible à l'échelle du conflit, d'un point de vue luménien, Arthur avait le poids d'un meurtre sur la conscience, et il ne se sentait pas mieux que s'il avait lui-même tenu la dague mortelle.
Et les hommes de Grimaud allaient le savoir, que c'était de sa faute, et ils auraient raison de le haïr, car il avait commis une erreur, et cette erreur, il ne pouvait la racheter qu'en essayant de préserver leurs vies à eux, désormais. Des fichus Mélandiens.
Un homme comme son père aurait fait un pas en arrière et les aurait laissés s'entretuer, bien sûr. Il se serait même réjoui qu'aveuglé par son stupide honneur, l'officier mélandien soit tombé. Mais Arthur n'était pas fait de ce bois et il sentait déjà le chagrin lui broyer les tempes, sans savoir vraiment à quoi il était dû. Mais combattre, il pouvait encore le faire.

[Taliesin]

La bataille reprit donc, plus équilibrée que précédemment. Quatre des traîtres se dirigèrent vers eux, la moitié, dont le meneur, prenant immédiatement Arthur pour cible. Il avait pu le constater, il s'agissait de bons combattants. Toutefois, ils restaient des conscrits qui n'avaient pas passé leur vie à s'entraîner et qui, de surcroit, voulaient le faire prisonnier, non l'éliminer purement et simplement. Aussi n'eut-il guère de mal à parer leurs premiers assauts, ni à riposter. Et, à moins qu'une catastrophe ne se produise, que des ennemis supplémentaires ne viennent à l'assaillir également, il devrait être en mesure d'en venir à bout.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur n'était pas complètement certain qu'il voulait les tuer, même si la prudence, le bon sens, et le sang, l'exigeaient. Ces Mélandiens voulaient le livrer au nécromancien, avaient été jusqu'à assassiner leur officier, ils étaient la lie de Dorrandin, celle qu'il s'était juré de combattre, qu'il aurait occis sur le champ de bataille sans arrière pensée. En même temps, tuer un homme, ce n'était jamais facile, et l'expérience d'Arthur en la matière était on ne peut plus limitée. Mais il n'avait aucune intention de se laisser prendre et contrôler la violence d'une épée n'était pas chose aisée, aussi se laissait-il le droit de faire ce qui serait nécessaire... A bien y réfléchir, s'il parvenait à mettre le meneur hors jeu, les autres se rendraient peut-être... même s'il doutait que la mutinerie soit punie avec clémence dans l'Empire mélandien. Et quoi qu'il advienne, il ne pourrait plus jamais leur faire confiance... Mais il était trop tôt, et il décida donc de tenter de désarmer celui qui les avait menés jusque là, quitte à devoir le faire de manière sanglante, brutale et définitive.

[Taliesin]

Si l'affrontement débuta pour ainsi dire à fleurets mouchetés, chacun ne souhaitant pas occire son adversaire, il ne tarda guère à gagner en intensité, en sauvagerie. Tenaillés par la peur, par un espoir fou de s'en tirer qui les avait poussés à commettre l'irréparable, les mutins et leur meneur en tête étaient animés par une sorte de rage qu'ils peinaient à contenir. Leurs coups se firent donc sans cesse plus brutaux, plus dangereux.
Suite à une feinte bien négociée, Arthur parvint à désermaner le chef ennemi, qui bondit aussitôt en arrière pour récupérer son arme, tandis que son acolyte, croyant voir une ouverture, se ruait contre le paladin qui, pour éviter la mort, n'eut d'autre choix que de l'abattre.
Le duel reprit. Attaques, parades, feintes...
Le meneur s'effondra, percé de part en part par l'épée luménienne.
Autour de lui, le silence, des corps inanimés...
Seuls demeuraient debout Hector, le visage blême, l'air hagard, et Rodolphe, qui tenait son bras droit d'où le sang coulait à flots.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur n'hésita pas une seconde : tout mortifié qu'il était d'avoir causé ce massacre, il se porta au secours du Mélandien. Il ne pouvait présumer de sa réaction, bien sûr, et peut-être Rodolphe le repousserait-il, furieux et accusateur. Le paladin ne pourrait que le comprendre. Mais le pouvoir de Lathandre pouvait juguler cette hémorragie, s'il l'acceptait. La culpabilité viendrait ensuite, et Arthur savait qu'il devrait l'affronter, la gérer et y survivre. Pour l'heure, la seule chose qu'il désirait était de pouvoir se faire porteur de vie après avoir semé la mort.

[Taliesin]

Le Mélandien le regarda approcher. Il ne protesta pas, ne recula pas, se contenta d'acquiescer. Arthur put donc procéder à une imposition des mains, et le flot pourpre s'amenuisa avant de se tarir tout à fait.
-Merci, dit simplement le soldat.
Un son métallique les fit se retourner. Hector avait rengainé sa lame et secouait la tête.
-On est dans la merde, lâcha-t-il.
-Ouais, on est dans la merde. Maintenant, le tout est de trouver comment on s'en sort.
De concert, ils firent face à Arthur. Ils ne paraissaient pas menaçant. Ils avaient juste l'air perdus.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur n'avait qu'une envie, s'excuser, leur exprimer combien il était désolé pour ce qui venait de se produire, quêter leur pardon, ou leur colère, expier quelque chose, battre sa coulpe, se morfondre. Pourtant, il sentait que le faire serait égoïste, purement tourné vers ses propres besoins, sa propre détresse, au mépris de la leur, et de la nécessité, maintenant, de sauver leur vie. Il eut la certitude qu'il ne pourrait plus s'enfuir, désormais, qu'il leur devait, en rétribution de son comportement, de demeurer auprès d'eux, jusqu'à la fin, quoi qu'il advienne.
Il jeta un regard circulaire autour d'eux, à la recherche d'éventuels survivants.
" Nous devrions faire ce que le lieutenant avait décidé : aller prévenir vos autorités et chercher du renfort."

[Taliesin]

Ses deux compagnons s'entreregardèrent.
-A quinze, c'était déjà pas gagné, mais alors à trois...
-On y serait pas arrivés, à quinze, parce que ces connards nous auraient attaqués en cours de route, au pire moment. Peut-être même au beau milieu d'un combat, en espérant que les morts-vivants leur ficheraient la paix ensuite.
Hector acquiesça puis observa d'un œil morne les corps étendus : l'un ou l'autre étaient encore agités de vagues soubresauts, mais ce n'était qu'une question de minutes avant qu'ils ne soient réduits à l'état de cadavre. Rien à faire pour eux, malheureusement.
-Ce qui est sûr, c'est qu'on peut pas rester ici... murmura le soldat. Faut qu'on voie si on peut récupérer des vivres et des potions. Ensuite, on descend. Et enfin...
Soupir.
-Dommage que je sois pas très doué, sinon, j'aimerais bien aimé aller dire à Destertres ma façon de penser.
-Itou. Mais on n'est pas de taille, effectivement...

[Arthur de Faisanlys]

S'équiper davantage n'était pas une mauvaise idée, bien qu'Arthur répugne à délester les morts. Il espérait que Rodolphe et Hector songeraient d'eux-mêmes à le faire car il se voyait mal leur suggérer de dépouiller leurs amis, dont certains bougeaient encore. Il demeura en arrière tandis qu'ils agissaient : il ne savait pas bien où trouver ce qu'ils cherchaient.
" A trois, nous pourrions tenter de sortir discrètement plutôt que de risquer la confrontation..." murmura-t-il.
Un instant, il songea à emprunter un uniforme mélandien à l'un des morts, mais il ne savait pas bien à quoi cela pourrait lui servir, d'autant que son aura le trahirait.

[Taliesin]

Les Mélandiens acquiescèrent puis se mirent non à détrousser les cadavres, mais à récupérer ce dont ils avaient besoin là où feu le sieur Grimaud l'avait entreposé : quelques rations, une outre d'eau, quatre potions... Enfin, ils revinrent vers Arthur. En chemin, cependant, ils s'immobilisèrent près du corps de l'officier.
-Il méritait pas de finir comme ça... lâcha Hector. Comment ont-ils pu l'abattre, juste pour se jeter dans les griffes d'une saleté de nécromant ?
-La peur, ça rend fou. Et quand t'es mort de peur, t'es prêt à croire n'importe quelle promesse de t'en sortir, même si celui qui te la fait est une ordure notoire.
-Ouais...
Ils se turent un instant.
-Tu... Tu crois pas qu'on devrait prendre quelque chose pour le ramener à sa dame ? Comme une mèche de cheveux, par exemple ?
-Il lui en a peut-être déjà laissée une, non ? Font souvnt des trucs du genre, les jeunes tourtereaux...

[Arthur de Faisanlys]

La culpabilité frappa Arthur comme une dague acérée. Il sentit l'air lui manquer et une boule lui tordre les entrailles.
" Ne pensez-vous pas..."
Il toussa pour rendre à sa voix une contenance nécessaire.
" ... que votre clerc serait capable de le ramener à la vie ? Il m'a eu l'air puissant et la blessure est circonscrite... Si nous protégeons le corps... C'était un homme loyal et valeureux... J'imagine que le comte doit lui accorder quelque... importance."
Bien sûr, il y avait sans doute déjà eu de nombreux morts dans les étages, mais si le sire de Roquebrune en avait la carrure, le lieutenant pouvait reposer plusieurs jours avant d'être ramené. Il se doutait cependant que les Mélandiens ne faisaient pas dans le sentiment...

[Taliesin]

Rodolphe se gratta la tempe, pensif.
-Ça pourrait marcher... Le sieur de Roquebrune est puissant, pour sûr, et le comte... Il faisait confiance au lieutenant. Sinon, il t'aurait pas placé sous ses ordres...
-Moi je dis qu'on peut tenter le coup. Mais comme on peut pas l'emmener avec nous, faut trouver un coin où le cacher.
-Dans le hall, ça va être difficile, sans compter qu'il risquerait d'être transformé en mort vivant. Par cotnre, dans les caves... M'a semblé qu'il y avait un paquet de pièces, là en-dessous...

[Arthur de Faisanlys]

" Je vais le porter, dit Arthur en s'approchant du cadavre. Nous ferions mieux de nous mettre en route ou les créatures de Destertres vont nous débusquer avant que nous n'ayons pu tenter quoi que ce soit."
Il s'accroupit près de Grimaud et, posant une main sur ses omoplates, il arracha la dague qui l'avait tué. Pour un Tempusien, cela devait être chose terrible que de mourir de la sorte, et il espéra ardemment qu'il serait encore possible de rattraper les choses.
Une petite voix insidieuse, bien connue, lui soufflait pourtant qu'il se fourvoyait à s'émouvoir du destin d'un Mélandien. Un homme voué à la guerre. Qui avait tué et qui tuerait encore s'il retrouvait la vie. Mais son sentiment de culpabilité était trop fort pour qu'il puisse lutter, surtout dans l'urgence. Il n'avait pas le temps de penser, il devait se fier à son instinct, à la certitude qu'au fond de lui-même, une fois les règles et les lois et les préceptes écartés, il restait un être humain digne et bon, et qu'il prendrait les décisions qu'il fallait, les décisions justes, immanquablement.
Arthur bascula ensuite le lieutenant sur le dos et lui ferma les yeux, avant de le saisir sous les épaules et sous les genoux. Il aurait sans doute été beaucoup plus léger sans son armure, mais ils n'avaient pas le temps de s'en soucier pour l'heure.
" Filons."

[Taliesin]

Ils acquiescèrent, prirent la direction de l'escalier. Mais Rodolphe se ravisa au dernier moment.
-Attendez...
Il rebroussa chemin, alla quérir quelques torches neuves qu'il glissa à sa ceinture, mais également deux boucliers jusqu'ici appuyés contre le mur. Il en tendit un à Hector et garda l'autre pour lui.
-Au cas où ce foutu archer soit toujours là-bas, expliqua-t-il.
Ouvrant la marche, les Mélandiens descendirent les degrés de pierre. Bientôt, ils parvinrent sur le pallier, toujours aussi silencieux.
-A votre avis, vaut mieux installer le lieutenant dans une pièce de ce niveau, ou dans une de l'étage inférieur ? La première option nous évite de faire un détour, mais... il serait peut-être plus tranquille, en bas. Moins de chance qu'un mort-vivant lui tombe dessus, non ?

[Arthur de Faisanlys]

" Est-ce que nos chances de trouver une issue sont forcément à ce niveau ? demanda Arthur. Je n'ai aucune idée du plan de ce château, je n'en ai pas vu grand chose..."
Mais il fallait qu'il leur fasse confiance et il avait de bonnes raisons de le faire, compte tenu des derniers événements.
" Faisons le détour. Nous n'en sommes plus à quelques minutes... si Destertres découvre le massacre en haut, il lui faudra un certain temps pour réaliser que je manque à l'appel... et vous, il ignorera que vous avez survécu. C'est un avantage dont nous devons profiter."

[Taliesin]

-Il savait que c'était le lieutenant qui commandait l'escouade et que tu te trouvais avec nous, intervint Hector. Ça veut dire qu'il a pu nous espionner. Si ça se trouve, il nous a comptés et il se rendra tout de suite compte de combien de personnes manquent à l'appel, et de qui c'est.
-Franchement, tu crois vraiment que les types dans son genre se préoccupent de la piétaille ? Moi je crois pas. Et même si c'est le cas, ça change rien au fait qu'on doive se grouiller.
Ils s'engagèrent donc sans tarder dans l'escalier, atteignirent le pallier suivant. D'autres marches descendaient plus bas, tandis qu'un couloir obscur s'ouvrait face à eux. Le silence était absolu, lourd, menaçant.
-Tu penses que tu pourrais à nouveau, ben... Vérifier qu'il y a pas de sales trucs planqués dans le coin ? s'enquit Rodolphe. Normalement, c'est censé être désert, mais vu comme ces endroits sont toujours truffés de passages secrets...

[Arthur de Faisanlys]

" Bien sûr." dit Arthur.
C'était cependant impossible d'y procéder en gardant le lieutenant dans ses bras, aussi le déposa-t-il précautionneusement par terre — ce qui était parfaitement inutile, il le savait bien, mais il ne pouvait s'empêcher d'éprouver une forme de respect pour le corps — avant d'incanter pour balayer les ténèbres.
S'il y avait réellement des passages secrets, peut-être ne serait-il pas nécessaire qu'ils empruntent le couloir où était embusqué l'archer. En même temps, le propre des passages secrets était de l'être, secrets. Ils n'avaient donc que très peu de chance d'en trouver un par hasard. Sans doute faudrait-il qu'il demande aux Mélandiens de lui exposer un peu plus en détail ce qu'ils savaient des sous-sols du château qu'ils avaient envahi, histoire de décider d'un itinéraire.

[Taliesin]

Comme les pouvoirs d'Arthur ne décelèrent rien d'inquiétant, ils s'avancèrent prudemment dans le couloir, testant les portes qui apparurent sur leur droite et sur leur gauche sans en trouver aucune d'ouverte. Progressivement, le silence se fit moins profond : ils perçurent des grattements dans les murs, des couinements ténus.
-Des rats...
-Vont grignoter le lieutenant... J'espère que ça empêchera pas de le ressusciter...
-J'espère aussi.
Enfin, ils tombèrent sur une pièce non verrouillée. Un peu plus vaste que la première cellule où avait séjourné Arthur, elle était en grande partie occupée par des fûts manifestement pleins de vin.

[Arthur de Faisanlys]

Arthur n'avait aucune envie d'abandonner le cadavre. Il savait que c'était ridicule, qu'il le fallait, qu'il était trop encombrant, mais dans le même temps, il avait la certitude que s'il le faisait, il ne le retrouverait jamais et que Grimaud serait perdu. Mais son regard s'arrêta un instant sur Rodolphe et Hector, et même si les deux hommes n'étaient pas de nobles officiers, il devait se montrer raisonnable, pour leur salut. Le paladin entra donc dans la pièce.
" Voyons si nous pouvons trouver un endroit où l'installer..."
Un tonneau vide aurait été idéal mais ils ne pouvaient pas vraiment prendre le risque d'attirer l'attention en répandant tout le contenu de l'un d'entre eux sur le sol.

[Taliesin]

-Si on l'enroulait dans nos capes, peut-être que les rats lui ficheraient la paix un moment ? fit Hector.
-Selon le règlement, se départir de son uniforme sans en avoir reçu l'ordre est assimilable à de la désertion, répondit Rodolphe d'un ton docte.
-Tu sais ce que je lui dis au règlement, moi, en ce moment ?
-La même chose que moi, je parie ?
-Ouais, je crois bien.
Ils sourirent mais, avant d'appliquer cette solution, ils se mirent à examiner les tonneaux. l'opération s'avéra payante : l'un d'entre eux, tout au fond de la pièce, paraissait presque vide, sinon complètement.
-Ça me donne envie de boire un coup, tant de pinard...
-Itou, mais ça serait pas raisonnable.
-Je sais bien. Dommage, parce que si ça se trouve, ce sont de grands crus...

[Arthur de Faisanlys]

Arthur se garda bien de faire son rabat-joie en la matière et n'intervint pas dans leur dialogue. Par contre, il chercha à voir s'il y avait moyen d'ouvrir le tonneau. S'ils pouvaient protéger et cacher le corps, leurs chances de pouvoir le récupérer augmenteraient nettement. Il songea que Grimaud reprendrait vie dans un état peu frais, si les vapeurs d'alcool imbibaient son cadavre. Mais il aurait des circonstances atténuantes.
Il parvint finalement à en ôter le couvercle et vida le peu de vin qu'il restait dans un coin, espérant que l'odeur ne serait pas trop suspecte. Il essaya de chasser l'embarras qu'il avait à abandonner le cadavre dans cet endroit peu digne, mais il fallait qu'ils repartent au plus vite. Il glissa donc Grimaud dans le tonneau, puis referma le couvercle. Au milieu des autres, il n'attirerait pas l'attention.
" Pas la peine de s'attarder." fit-il ensuite.
A présent, il leur fallait quitter le château et rejoindre les troupes mélandiennes. Sa résolution, il le sentait, était vacillante, mais il s'y raccrocha.

[Taliesin]

Ses compagnons n'étaient guère décidés, eux non plus. Il le vit à leur expression, à la réticence avec laquelle ils s'éloignèrent de leur défunt supérieur, au temps qu'ils mirent à refermer la porte, temps bien plus long que ce qu'il aurait été nécessaire pour simplement se montrer précautionneux. Mais lorsqu'il s'agit de regagner l'escalier, ils pressèrent le pas. Une conséquence, sans doute, de l'atmosphère sinistre qui régnait autour d'eux.
-Bon, si je me souviens bien de ce qu'on nous a dit, il y a des tunnels permettant de rallier chacune des tours d'angle de la muraille ainsi que de circuler de l'une à l'autre, fit Rodolphe lorsque les marches apparurent devant eux. Faut juste espérer qu'on tombe sur une où il n'y a aucun mort-vivant.
-Et aucun de nos compatriotes.
-Et aucun de nos compatriotes, oui.