La Couronne de Cuivre

- Que de questions, dites voir... mais pourquoi donc devrais-je vous répondre ? Je ne sais rien de vous, ni de la raison qui vous pousse à arpenter le désert sur le dos de créature qui n'y sont absolument pas acclimatées ! Je suis d'ailleurs surpris qu'Eärundra cautionne cela... mais elle n'est pas en état de me l'expliquer.
Il exhala un profond soupir.
- Elle a été pétrifiée. Par un basilic. Je l'ai transportée en sécurité dans l'une de mes cachettes.

En entendant la dernière phrase du druide, Kasumi fut pétrifié au même titre que s’il avait fait lui-même la rencontre d’un basilic. Il mit plusieurs secondes à accuser le coup avant de se reprendre et de déclarer d’un ton bien plus conciliant :

- Alors je dois tout d’abord vous remercier d’avoir pris soin d’elle, ce que je n’ai pas su faire moi-même. Est-ce que la pétrification peut être réversible ? Mais je vais répondre à vos questions tout d’abord : nous avons emprunté les aigles car c’était le moyen le plus rapide à notre disposition et nous avions besoin de vous contacter pour une urgence. C’est une longue histoire mais un shaman asabi de passage à Everaska a maudit mon père et nous espérions que vous pourriez nous mettre sur sa piste.

- C'est bien compliqué tout ça... Pourquoi donc devrais-je vous mettre sur sa piste ? Il avait sans doute de bonnes raison d'agir ainsi... Pourquoi devrais-je prendre votre parti et non le sien ?
Il soupira.
- Mais nous en discuterons plus tard. Il vaut mieux ne pas rester trop longtemps ici. Nous sommes à distance de la mer, certes... mais trop en vue. Le plus sage est que vous montiez sur votre aigle, que je reprenne celui d'Eärundra, et que je vous amène à l'abri... Si vous acceptez de me suivre ?

Kasumi lui adressa un nouveau regard sombre mais s'abstint cette fois d'exprimer les commentaires désobligeants que lui inspirait la réponse de l'asabi. Il soupira à son tour et répondit d'un ton à la fois décidé mais sans enthousiasme :

- Vous êtes mon seul lien avec l'asabi qui veut la mort de mon père et - plus important encore - avec Eärundra. J'accepte donc de vous suivre si vous me menez à elle.

L'asabi eût un geste qui pouvait passer pour un haussement d'épaules.
- Bien entendu. Je n'ai qu'un seul abri dans les parages. Donc allons-y. Croyez-moi, il est plus sûr de ne pas rester ainsi exposé. Les mages de Pénombre ont dû détecter ce qui s'est passé sur la plage, ils doivent connaître votre présence. Ils ne vous détectent pas tant que vous restez dans le ciel, du moins pas magiquement, mais ils peuvent avoir des espions susceptibles de vous voir là-haut, d'avoir observé la direction que vous avez prise. Ils pourraient lancer des sortilèges pour explorer le désert dans cette direction, vous repérer, et vous envoyer leurs créatures.
Les deux aigles s'approchèrent : peut-être les avait-il appelés. Il saisit la lanière qui pendait au cou d'Opale et se hissa.
- Mon abri est protégé magiquement contre la plupart des formes de scrutation magique. Normalement, une fois pétrifiée, Eärundra n'était pas détectable... mais là aussi, elle était visible pour un oeil humain qui serait malencontreusement venu vérifier ce qui se passait. C'est pour ça que j'ai préféré la transporter là-bas, avec précaution...
Il s'était installé aussi confortablement que possible que la selle, qui n'était décidément pas conçue pour une anatomie reptilienne : sa queue devait probablement gêner l'aigle, mais Opale obéissait sans broncher.

hrp : tu peux nous mettre en route...

Les mystères ne faisaient que s'épaissir même maintenant qu'il avait trouvé celui qu'ils recherchaient si activement depuis plusieurs jours. Que pouvez bien vouloir les mages de Pénombre à deux voyageurs isolés, eussent-ils des montures aussi inhabituelles que les leurs ? Les créatures géantes étaient-elles sous leur contrôle ? Etaient-ce eux également qui faisaient fuir les animaux sauvages ? Tant de questions dont il n'était pas persuadé que les réponses le rapprochent de son objectif premier : sauver Elryndel. Et ce n'était décidément pas le moment de les poser : pas alors que le sort d'Eärundra occupait toutes ses pensées. Il imita son si étrange compagnon en grimpant sur le dos de Rubis puis attendit que le druide décolle, s'en remettant à lui autant par habitude mimétique que parce qu'il était le seul à connaître la destination.

L'asabi les dirigea droit vers la mer, puis obliqua un peu plus au nord. Ils se posèrent finalement à une ou deux lieues de l'endroit où ils avaient été attaqués par les monstres, dans une sorte de cuvette artificielle aux bords abrupts. C'était une sorte de grand trou dans le sable, aux bords suffisamment hauts pour dissimuler les aigles à un observateur distant -mais pas à quelqu'un qui s'approcherait au bord de la cuvette. Un boyau s'enfonçait sous le sable, sur l'un des côtés de la cuvette.
Ils mirent pied à terre et l'asabi guida Kasumi vers le boyau, lequel s'ouvrait au bout d'un ou deux mètres sur une petite grotte artificielle, aux parois de sable. La première chose qu'il vit fut le corps sans vie et immobile d'Eärundra, allongée dans un angle, le teint grisâtre. Pétrifiée.

Le rôdeur était maintenant plus ou moins habitué à se déplacer sur le dos de Rubis, surtout que les conditions n'avaient rien eu de commun avec le survol des montagnes. Cependant, ce n'est pas sans un certain soulagement qu'il se posa dans l'abri pourtant tout relatif de l'asabi. Connaître la source de son malaise, se savoir observé, devoir suivre un représentant de ceux qu'il avait depuis presque toujours considéré comme ses ennemis ataviques, rien de tout cela ne lui permettait d'être serein. Il avait malgré tout suivi Ta'sslan sans hésiter, inquiet de ce qu'il trouverait sous son trou de sable, s'attendant à moitié à tomber dans un piège. Et pourtant, ce qu'il avait espéré y trouver était précisément ce qui le mettait maintenant le plus mal à l'aise. Savoir qu'Eärundra avait été pétrifiée - en grande partie par sa faute de son point de vue - et se le voir confirmer aussi concrètement étaient deux choses bien différentes. Il résista à l'impulsion idiote de se précipiter vers elle pour vérifier son état et à celle - non moins forte - de fuir ce tombeau de sable qui le renvoyait à ses mauvaises décisions. Au lieu de cela, il s'assit lourdement à même le sol, ne pouvant plus contrôler ses jambes de coton.

- Pouvez-vous... l'aider ? Voir ainsi une représentante de la vie et de la nature et une amie par dessus tout est insupportable.

HRP : 10.000 !

L'asabi hocha la tête.
- Je me doute... Voir quelqu'un qu'on aime dans cet état est cruel. Enfin, sans rien vouloir présupposer des liens qui vous unissent...
Il s'était approché de la druidesse, mais il ne la toucha pas, se contentant d'un examen superficiel.
- Elle est extrêmement fragile ainsi. Si on lui casse quoi que ce soit sous cette forme, ce serait cassé également lors de son réveil. Donc ça n'a pas été simple de la transporter ici... mais elle est vivante et en parfaite sécurité, donc il faut vous accrocher à cela. Et elle ne restera pas indéfiniment sous cette forme. Simplement, il faut que je me procure le parchemin nécessaire pour la ramener parmi nous, et ça m'oblige à me rendre assez loin, en territoire asabi, et j'hésitais à la laisser sans surveillance. L'autre souci est que ce genre de parchemin est loin d'être gratuit...

Kasumi rougit légèrement avant de se reprendre, se rendant compte de ce que son attitude avait pu contribuer à la méprise du druide. Ses explications suivantes se tenaient et il comprenait sans doute le dilemme qui avait animé l'asabi. Il jeta un nouveau regard peiné en direction de la druidesse puis revint à Ta'sslan.

- C'est simplement une amie mais mes amis sont très importants pour moi. Pour ce que ça vaut, j'estime que vous avez agi judicieusement en l'amenant ici. Pour ce qui est du parchemin, je pourrais aussi m'en charger : je connais des mages et des prêtres à Everaska qui pourraient m'en fournir un. Enfin, si vous acceptiez de veiller sur elle pendant trois ou quatre jours.

L'asabi hésita.
" Everaska, c'est loin. Même avec un aigle, il doit falloir trois ou quatre jours. Mon congénères sont plus proches. Je pense que c'est une meilleure piste. Même si l'endroit est sûr, on ne peut pas être complètement certain qu'ils ne le repéreront pas. Ce serait jouer de malchance, bien sûr... mais nous ne sommes pas complètement à l'abri des regards. il suffit que quelqu'un tombe par hasard sur cette petite dépression..."
Il soupira.
" Mais les asabis voudront un paiement... En or, ou peut-être en nature, je ne sais pas si vous avez des denrées rares, ou des substances susceptibles d'être utilisées dans des potions. Le troc est davantage pratiqué que le paiement en monnaie, dans cette région."

Kasumi avait songé à Everaska en ayant en tête le problème du paiement : il ne disposait pas d’une quantité d’or suffisante pour un paiement de cet ampleur mais il était évident que sa grand-mère consentirait à payer ce qui serait nécessaire pour sauver Eärundra qui lui était manifestement très proche. Mais les arguments de l’asabi se valaient : le temps ajoutait des risques que la druidesse soit découverte et c’était là un facteur à prendre en compte. Ne disposant pas d’or et n’ayant pas vraiment envie de rendre service à ses ennemis qui pouvaient fort bien exiger tout et n’importe quoi, le rôdeur s’apprêtait à objecter et insister pour se rendre chez les elfes. Toutefois, alors qu’il s’apprêtait à le faire, les paroles du druide lui donnèrent une idée et il répondit d’un ton plein d’espoir :

- Peut-être que certaines racines en ma possession pourraient intéresser certains shamans asabis : il s’agit d’une espèce hallucinogènes qu’on ne trouve que dans un Bosquet de Haute-Forêt.

Le rôdeur se creusa la tête pour retrouver le nom que lui avait signifié Eärundra avant d’ajouter :

- J’ai prélevé il y a moins d’une veille plusieurs échantillons de racine d'ayahuasca. Pensez-vous que cela ferait l’affaire ?

Les yeux de l'asabi se mirent à briller... d'un éclat vaguement métallique, à bien observer. Et sa bouche s'ouvrit légèrement en une sorte de sourire, sans doute.
- Ce serait parfait ! C'est une racine très prisée parmi les shamans de mon peuple, ou tous ceux qui jonglent avec les plantes et la magie. J'en ai moi-même un petit stock. Ça devrait suffire... Enfin, si vous en avez une bonne quantité.
Il s'assit, sa longue queue enroulée autour de son corps.
- Mais je serai curieux de savoir ce qui vous a poussé à prélever cette racine. Les humains et les elfes l'utilisent moins que nous, à ma connaissance. Sans doute envisagiez-vous de l'utiliser lors de trocs dans le désert ?

Kasumi n'avait pas manqué de détecter l'intérêt soudain du druide pour la racine maudite. C'était une bonne chose : il avait manifestement trouvé un moyen de négociation utile et efficace et peut être pas seulement pour obtenir le parchemin capable de libérer Eärundra. Assouvir une partie de la curiosité du druide ne pouvait pas nuire à leurs futurs échanges ou au rapport de force aussi le rôdeur répondit volontiers à sa question :

- C'est là encore une longue histoire qui - je n'en doute pas - n'aurait que peu d'intérêt pour vous. Sachez, pour résumer, que l'asabi que nous soupçonnons d'être à l'origine de la la malédiction qui affecte mon père l'a aussi convaincu que consommer cette racine pourrait guérir son mal. J'ai dû le suivre et en consommer à mon tour pour le ramener à la conscience. J'ai également cueilli d'autres échantillons dans l'espoir qu'Eärundra ou Celd - le Sylvanien du bosquet - puissent en tirer une piste ou un remède. Je ne pensais pas alors que cela puisse être le cas aussi indirectement.

- Hum... Vous avez consommé de l'ayahuasca ? Donc vous avez été au pays du Rêve...
Le druide émit un sifflement, peut-être en signe de surprise.
- Bien évidemment, ça ne pouvait en aucun cas guérir une malédiction. En revanche, la racine a de la valeur. une valeur certaine, même. Eärundra devait le savoir... Mais donc, c'est à cause de cette malédiction que vous êtes venus vous perdre dans des terres aussi inhospitalières ? Pardonnez ma curiosité, mais j'ai besoin de connaître vos motivations...

Le rôdeur se contenta de hausser les épaules à la mention du Pays des Rêves : cela avait été une expérience troublante mais il l’avait laissée derrière, comme tant d’autres. Elle avait été une fausse piste mais lui avait permis de ramener son père et c’était tout ce qui comptait à présent. Le demi-elfe s’intéressa davantage à la question du druide et répondit d’un ton conciliant :

- C’est naturel que vous cherchiez à comprendre. Et je vous ai affirmé que je répondrai à vos questions, en espérant que cela puisse vous convaincre de nous aider. Car c’est bien là ma première motivation pour ce qui était de revenir dans ce désert : obtenir votre aide pour lever la malédiction qui affecte mon père. Je ne cherche pas la vengeance : je suis déjà passé par là et j’en suis revenu il y a bien des années. Je cherche juste à aider mon père à recouvrer sa santé.

L'asabi hocha la tête.
- Je comprends bien... que vous vouliez aider votre père, je veux dire.
Il se leva, fouilla dans un coin de l'abri où se trouvait entreposée ses affaires, y ramassa un peu de bois.
- Ce que je ne comprends pas, c'est la raison qui aurait pu pousser un shaman asabi à lancer une malédiction sur votre père.
Il se dirigea vers l'extérieur et alluma un feu juste à l'entrée. Juste par un sortilège.
- Ce genre d'acte n'est pas dans les habitudes de mon peuple. Mes congénères agissent généralement de façon plus... directe. Moins subtile.

Le rôdeur déglutit, se demandant s'il était bien sage de révéler certaine partie de son histoire à l'asabi dont il cherchait à obtenir l'aide. Mais mentir à un druide avait de grandes chances de se retourner tôt ou tard contre lui et Ta'sslan n'était pas un ennemi contre qui il avait l'intention d'en découdre :

- Outre que mon père est un diplomate important d'Everaska et donc un ennemi politique de choix, certains asabis pourraient m'en vouloir. Je me suis battu contre une de leurs tribus, il y a quelques années. Cela pourrait être une vengeance tournée contre moi.

- Je vois, répondit le druide, songeur. Je vois...
L'asabi prit une gamelle et y y jeta, en vrac dans un peu de matière grasse, des légumes, des morceaux de viande, des herbes. Il se mit à touiller en silence, pendant un moment. Puis il questionna, abruptement :
- Considérez-vous que votre lutte de l'époque... comment dire... que vos actes passés puissent appeler une vengeance ? je veux dire... Considérez-vous qu'ils aient pu être excessifs et pousser quelqu'un à vouloir faire justice lui-même ? Ou considérez-vous qu'ils étaient justes et que c'est cette envie de vengeance qui est excessive ?

Kasumi observait le druide affairé à sa préparation, se sentant quelque part jaugé et mis sur le grill comme les ingrédients qu'il touillait négligemment. Le rôdeur n'était pas certain d'avoir très envie de s'ouvrir à l'asabi : même s'il n'avait pas franchement manifesté d'intention hostile jusque-là, on ne pouvait pas non plus affirmer le contraire.

- Cette tribu avait attaqué ma communauté et certains de mes proches ont été tués, dont ma mère. Je l'ai pourchassée dans le désert, sur ses propres terres et j'ai tué en grand nombre ses guerriers. Mais jamais un qui soit désarmé. Toutefois, la vengeance n'a que faire de la logique ou même de remords de la partie adverse. Mais je soupçonne que votre raison de le demander est tout autre. Je ne peux pas vous en vouloir de conditionner votre aide à mes motivations.

- Je sens votre défiance. Mais il faut que vous compreniez ma position. Je suis druide. Mon rôle, face à un conflit entre des personnes de différentes races, y compris la mienne, est de rester neutre. Je dois chercher à comprendre les tenants et aboutissants de l'affaire, la part des torts des uns et des autres, et chercher l'issue la plus équitable possible. Si je me comporte différemment, je trahis mes engagements de druide.
Il s'exprimait d'une voix sifflante, une voix qui dans l'esprit des humains ou des elfes était instinctivement associée à la duplicité. Pourtant, il semblait calme, posé, et même... sincère.
Il cessa de touiller les ingrédients et vint s'installer en face de lui. Une odeur plutôt appétissante commençait à se répandre dans l'atmosphère.
- Si je comprends bien, vous avez vengé la mort de votre mère en tuant des guerriers asabis, peut-être en massacrant tout un clan, et vous pensez que ce shaman cherche à venger, à son tour, la mort de proches que vous auriez tué. J'aimerais savoir ce qui vous a conduit à cette hypothèse. Qu'est-ce qui vous fait croire que la malédiction dont vous semble victime votre père est imputable à ce shaman asabi ? Est-ce que juste parce que vous considérez que vos actes passés peuvent justifier un désir de vengeance ? Avez-vous des faits plus objectifs ?

Kasumi faisait un effort sur lui-même pour ne pas considérer le druide comme appartenant à la race qu'il détestait tant. Il se mettait aussi à sa place avec plus ou moins de difficultés mais tentait malgré tout de le faire, et pas seulement parce qu'il était conscient d'avoir besoin de son aide. Non, le discours posé de Ta'sslan et ses actions envers Eärundra lui donnaient assez de crédit pour que le rôdeur cherche à se montrer honnête. C'est dans cette optique qu'il répondit en regardant l'humanoïde dans les yeux :

- Je n'ai pas réuni de preuves mais un faisceau de soupçons qui m'ont amené à privilégier cette hypothèse d'autant que nous n'en avons plus d'autres. Cet asabi est apparu dans la vie de mon père peu avant que les premiers symptômes ne se déclenchent. Dès lors, il s'est affairé à gagner sa confiance tout en s'enquérant de la progression de son mal et récemment en posant des questions à mon sujet. Evidemment, ce n'est pas suffisant pour le soupçonner et mon père ne l'a d'ailleurs pas fait à ce moment. Mais l'élément le plus troublant est que le shaman a vivement conseillé à mon père de se rendre en Haute Forêt et de consommer la racine d'ayahuasca avant de quitter Everaska.

Le druide grimaça.
- C'est troublant, je vous l'accorde. Cette racine n'a aucune vertu thérapeutique, à part un pouvoir somnifère, et le shaman ne peut pas l'ignorer. On s'en sert surtout pour ses effets hallucinogènes, et pour pénétrer le monde des rêves si on la consomme fraîche. Simplement, entrer dans ce monde sans en avoir conscience peut s'avérer mortel... et il devait le savoir.
Il réfléchit.
- Bon, vous allez sans doute trouver que je cherche la petite bête... mais n'aurait-il pas pu, simplement, profiter de la situation ? Sans être à l'origine lui-même de la malédiction. Et d'ailleurs, qu'est-ce qui vous fait dire qu'il s'agit d'une malédiction et non d'une maladie ?

Le rôdeur prit le temps de réfléchir à sa réponse avant d'affirmer d'un ton catégorique :

- La moitié des prêtres d'Everska sont de cet avis et j'ai également demandé l'avis de Celd, un Sylvanien vénérable de Haute-Forêt. Tous sont unanimes pour parler de malédiction : le mal résiste à tous les sorts de soins des maladies qu'ils ont pu essayer. Et pour répondre à votre autre question : le retrouver et l'interroger me semble nécessaire pour faire apparaître ses motivations. Même s'il n'est que complice indirect, ce qu'il aura à révéler doit permettre d'aider mon père. D'autant que c'est la dernière piste dont je dispose.

- Ainsi, votre objectif est de l'interroger... C'est intéressant à savoir. Vous auriez pu vouloir tout simplement le tuer. Certaines malédictions peuvent être levées par la mort celui qui les a lancées, parfois à l'issue d'un rituel complexe avec le sang du défunt. Toutes, bien sûr, peuvent être tout simplement annulées par celui qui les a lancées.
Le druide se releva, ajouta quelques ingrédients à sa mixture.
- Comment comptez-vous vous y prendre ? Je veux dire, pour l'interroger ? La plupart des asabi vivent en clans, ou certains louent leurs services comme mercenaires... y compris pour les mages de l'ombre d'ailleurs. Il vous sera difficile de parvenir jusqu'à lui.

Le rôdeur tâcha d'identifier les ingrédients utilisés par le druide sans être tout à fait certain de savoir ce qu'ils étaient exactement. Parfois, la bienheureuse ignorance évitait bien des indigestions... Se détournant de la gamelle en train de chauffer, il répondit avec franchise et non sans une certaine trace de malice dans la voix :

- Eh bien, pour commencer, je souhaitais tenter de parvenir à convaincre un sage de me révéler sa localisation. Et peut-être même de lui demander son avis sur la meilleure manière de s'y prendre pour ne pas avoir à en découdre avec tout un clan d'asabis féroces. Connaîtriez-vous un tel personnage ?

L'asabi resta silencieux un moment.
- Ne comptez pas trop sur mon aide, finit-il par dire. Je suis l'un des rares druides de ce peuple, et je me dois de garder une certaine neutralité. Même si je sais parfaitement que les miens ont des comportements répréhensibles, que je m'efforce de combattre, même s'ils écoutent et parfois respectent mes avis, ils ne me pardonneraient pas de m'allier avec des elfes. Cela dit, je peux bien sûr vous aider à le localiser, si vous me dites son nom. Mais je ne peux intervenir là-bas...

Le rôdeur hocha gravement la tête : il aurait espéré une aide plus conséquente ou au moins des conseils sur la meilleure façon de s'y prendre mais que le druide accepte déjà de les aider à localiser le shaman félon était déjà un soulagement. Le demi-elfe répondit d'un ton incertain, conscient que les indices pour le mener à la fin de sa quête étaient bien minces :

- Il a dit s'appeler Huasasth mais c'est sans doute un faux nom. Cela vous évoque-t-il quelque-chose ?

L'asabi semblait pensif.
- Huasasth... Ça me dit quelque chose en effet...
Il sortit deux gamelles et entreprit de leur servir tous les deux.
- Il y a bien un shaman qui porte ce nom, dans une tribu qui vit à la limite de la "Plaine des Pierres Dressées". Il n'est pas originaire de ce clan. J'ai entendu dire qu'il s'était présenté à eux un beau jour, jeune shaman orphelin, et qu'ils l'ont adopté... Ça pourrait être lui...
Il lui tendit une gamelle.
- Tenez, goûtez ça.
Le goût était un peu étrange, fortement épicé. mais pas mauvais.

Un shaman orphelin qui ne voulait certainement rien davantage que de lui rendre la pareille de la façon la plus douloureuse possible. Le rôdeur goûta à la mixture de l'asabi sans a priori et fut même agréablement surpris par les saveurs exotiques. Il ne manqua pas de complimenter Ta'sslan avant de revenir à l'affaire qui les intéressait.

- C'est de loin la meilleure spécialité asabi que j'aie goûté jusqu'ici ! Mais pouvez-vous me dire quand ce shaman a rejoint le clan de la Plaine des Pierres Dressées ? Si c'était il y a quatre ou cinq ans, il n'est pas impossible que je sois responsable...

La Couronne de Cuivre

[Désert d'Anauroch] Quête : Racines