La Couronne de Cuivre

Le garçon tressaillit et dut visiblement rassembler tout son courage pour ne pas baisser les yeux et pour articuler, d'un ton dont le caractère revêche virait au pathétique :
-C'est "les Épreuves" qu'on dit. Et les vôtres doivent être tellement faciles qu'un Écorcheur y arriverait les doigts dans le nez, alors c'est même pas la peine que j'essaie.
Sa tirade fut suivie de regards et de murmures craintifs, et les gosses les plus proches de lui s'écartèrent discrètement.

" Nous verrons si elles sont si simples. Elles risquent d'être un peu différentes de ce que tu imagines. Se montrer fort, ça ne se marque pas que dans la souffrance ou la brutalité."
Il secoua la tête. Il se sentait mal d'infliger pareil traitement à un gosse, aussi mal avisé soit-il. Il avait envie de croire qu'un peu d'affection pourrait changer leur regard sur les choses, plutôt que de nouvelles brimades, une discipline de fer, de la sévérité, une lutte de volontés. Ce n'était pas cette méthode qu'il voulait appliquer, il ne pouvait pas croire que Varamyr voit juste. Où était la compassion, là-dedans ? Où était la compréhension ? L'amour ?
Il se passa une main lasse sur le front.
" Dans un peu de temps, nous allons vous laisser sortir dans la cour. Pour vous défouler un moment. Sans pugilats. Ensuite, nous vous décrasserons. Vous allez me prétendre que vous êtes propres, mais vous êtes couverts de vermine. Nous exigeons davantage d'hygiène de votre part."
Il se détendit.
" Est-ce que vous avez faim ?"

Une partie des enfants acquiesça, une autre hésité, une autre enfin fit non de la tête. Mais Albérich n'avait nul besoin de ces réponses, car il avait obtenu la réponse la plus probante qui soit : lorsqu'il avait prononcé le mot "faim", tous les estomacs s'étaient mis à gargouiller avec véhémence, presque à l'unisson.
-Qu'est-ce... Qu'est-ce qu'on devra faire pour avoir le droit de manger ? fit un gosse.

Rebelote, songea Albérich.
Pots de chambre, rangement, nourriture. Finalement, c'était vraiment comme avec des novices, à la seule différence que ces derniers étaient souriants, curieux, et désireux de rendre service. Une grosse différence, tout bien considéré. Mais il ne se laissa pas abattre : il avait gardé le pire pour la fin, aussi fallait-il ne pas perdre de temps avec ceux-ci. Et dès que les petits auraient réintégré leur chambre, il faudrait faire sortir le second groupe... et ainsi de suite. Il était quand même curieux de repasser voir Ingmar et ses compagnons après leur bain. Il espérait que les gamins s'étaient un peu amusés... si ça avait le moindre sens pour eux.

La première étape de son programme se déroula rapidement et sans heurts : le duo qu'il désigna l'accompagna bon gré mal gré et eut grosso-modo les mêmes réactions que le précédent.
La deuxième étape, elle, fut encore plus aisée. Il rencontra les plus vieux des captifs des Écorcheurs, des enfants ayant entre onze et douze ans : encore plus marqués que leurs cadets, plus meurtris aussi que leurs premiers geôliers les aient traités comme du bétail alors qu'ils s'étaient vaillamment battus, ils parurent presque trouver de l'espoir dans cette possibilité d'intégrer une puissante tribu venue du monde extérieur, aussi étrange soit-elle. Bref, là encore, le vidage des pots de chambre et la quête de nourriture fut rondement menée.
Son sortilège prit fin alors qu'il s'apprêtait à aller trouver le dernier groupe, le plus difficile. Et c'est à ce moment-là que Gabriel fit sa réapparition. Seul. Souriant.
-Alors, comment ça se passe ?

" Je ne sais pas bien dire, fit Albérich avec une légère grimace. J'ai l'impression que je parle beaucoup, qu'ils écoutent, qu'ils ne comprennent rien, et que nous sommes partis pour des mois et des mois et des mois encore... J'aurai besoin que nous en discutions, peut-être en début d'après-midi... Echanger des idées sur la manière de nous en sortir ne peut que nous amener à générer des solutions plus adéquates. Varamyr m'a dit d'entrer dans leur jeu, plus ou moins, de détourner leurs manières de faire... Je me fais l'effet d'être une sorte de brute, je dois dire. Je n'aime pas ça. Et je vais aller voir le dernier lot, le pire. Mais je dois d'abord relancer mon sortilège. Raconte-moi plutôt le bain des plus jeunes. Ont-ils apprécié la découverte ? Giovanni avait l'air d'avoir trouvé ça plutôt comique."

-Les bardes sont attirés par l'animation, et de l'animation, il y en avait, pour sûr !
Son sourire s'élargit encore.
-Ils ont beaucoup apprécié. Et c'est également valable pour nos propres enfants : Alban, Ruth et leur petite bande habituelle. Bon, les instituteurs avaient relancé l'école, mais comme les gosses étaient tous très dissipés, ils ont accepté que nous embauchions ceux-là. Ils sont vraiment adorables, ces mômes, ils se sont montrés vraiment bienveillants avec les petits, ont joué avec eux, puis les ont aidés à faire leur lessive... A l'heure actuelle, en attendant que leurs frusques sèchent, les écuyers, leurs amis et nos nouveaux membres font le tour du propriétaire, emmitouflés dans les couvertures prêtées par les membres de la Communauté...

Albérich sourit. C'était une excellente nouvelle.
" Ils ont des clés que nous n'avons pas, c'est certain, dit-il. J'espère que ces gosses — les petits barbares — ne devront pas rester trop longtemps séquestrés dans leur cellule... Mais les choses sont en bonne voie en ce qui les concerne. Je ne peux que m'en réjouir."
Il soupira.
" Bon. C'est bien, tu m'as remonté le moral. Je vais aller affronter les plus grands, et puis il sera midi déjà. Diable, ils doivent crever de faim, là-dedans."
Il ne lui restait plus qu'à relancer son sortilège de polyglotte et à aller au devant du danger. Accompagné, de préférence.

Albérich ne lui ayant pas donné de consigne contraire, Gabriel lui emboîta le pas, tandis que deux surveillants restaient à proximité immédiate.
Sitôt la porte franchie, le ton fut donné : une volée d'invectives - certaines dans cette forme abâtardie de commun que le clerc avait déjà entendue - et une avalanche de regards noirs, certains meurtriers - ceux du trio dont Hubert avait repéré l'aura maléfique. Ces trois-là s'étaient arrogés un coin entier de la pièce, tandis que les autres, qu'ils les craignent ou les respectent, à moins que ce ne soit les deux à la fois, se massaient plus loin.

" Il va falloir dégager ces trois-là d'ici, dit Albérich à Gabriel. Et idéalement, leur donner à chacun une... chambre particulière. Si nous les laissons avec le groupe, ils vont les empoisonner. Regarde comme ils sont terrifiés, déjà..."
Il fit un pas en avant et croisa les bras. Il toisa ensuite les gamins, tâchant d'aller chercher l'aubemestre en lui, le chef de culte qui faisait irruption dans le dortoir des novices pour débusquer les paresseux un peu avant l'aube. Il avait toujours été bienveillant, rarement sévère. Il n'avait jamais été en charge des enfants : il ne parvenait pas à trouver cet équilibre entre autorité et douceur, que des hommes comme Blaise, au Temple de Luménis, maîtrisaient si bien.
" Votre tribu, aussi vaillante soit-elle, a été détruite par la nôtre. Vos redoutables guerriers sont poussière et cendres, désormais. Vous n'avez plus rien et si vous voulez regagner quelque chose, il va falloir que vous vous révéliez aptes à intégrer notre communauté."
Pourquoi opposer plus de violence à leur hostilité ? Pourquoi essayer de les mâter ? Il ne parvenait pas à croire qu'il faisait ce qu'il fallait.

-Salis pas... mon langue... en le disant, articula, en commun et d'un ton aussi sec qu'un coup de fouet, l'un des trois pires éléments.
Leur meneur, sans doute. En tout cas, ses deux comparses acquiescèrent vigoureusement à ses paroles, tandis que le reste du groupe demeurait muet.
-On a... honneur, reprit-il. Pas vous. Tribu à nous... pas absorbée par votre tribu. Jamais. Détruire vous ou disparaître.

Albérich ne se laissa pas impressionner par le venin de la petite frappe. Il en avait connu d'autres, dans les taudis luméniens, maintenant qu'il y pensait. Des gosses pleins de rage, marqués par l'injustice. Ceux-ci étaient différents, bien sûr, on leur avait inculqué cette morgue et cette haine, les glorifiant, les imposant comme l'idéal à atteindre.
Il n'était pas certain qu'ils soient récupérables. Que pouvaient-ils faire ?
Les envoyer à Mélandis.
Pour qu'ils reviennent forts et vengeurs dans dix ans, armés de lames ou de sortilèges, soutenus par Shar ou Baine, porter la mort au sein de la communauté qui les avait épargnés.
Le Luménien perçut un fond de dureté en lui. Il avait retrouvé Lathandre mais il avait changé. Il avait appris. Le Bien devait se montrer vigilant et implacable, quand il s'agissait de protéger les siens.
" Je parle la langue que je veux, répliqua-t-il finalement, sans douceur. Tu as le choix entre t'intégrer ou, effectivement, disparaître. Nous détruire n'est pas une option. Vous avez échoué. Vous échouerez encore. Tu n'es qu'un gosse. Qu'espères-tu, au juste ?"
Il songea alors aux mercenaires. Peut-être qu'ils pourraient accueillir les plus difficiles dans leurs rangs. Chauntéa savait qu'il y avait des âmes maléfiques parmi eux, mais la discipline de leur compagnie les gardait sous contrôle.

-Je n'espère pas, je sais, répondit-il dans sa propre langue, par commodité. Je sais que vous êtes des barbares de l'extérieur, que vous nous avez épargné parce que vous êtes faibles... Je sais qu'il suffit d'attendre le bon moment pour frapper. Alors, nous tuerons vos braves et les honorerons en les dévorant, pour nous approprier leur force. Alors, nous traiterons vos faibles et vos lâches comme du bétail, nous nous ferons des manteaux de leur peau et servirons leur viande durant nos repas.

" Mais en voilà un sympathique programme." dit Albérich avec une grimace.
Il se redressa.
" Gabriel, il faut les sortir d'ici rapidement. Est-ce que tu peux te renseigner pour voir si nous avons quelque chose qui ressemble à des cellules ? Je suis certain que même si les Anciens étaient des gens raffinés, ils devaient avoir des éléments réfractaires."

-Oh, je sais déjà qu'il y a ce qu'il faut dans les caves. Giovanni t'avait même proposé, faussement sérieux, d'y envoyer tous nos invités... Tu veux que je fasse venir les surveillants pour procéder immédiatement au transfert ?
Le jeune clerc avait répondu d'un ton détaché, mais son expression était ferme et on le sentait vigilant, prêt à réagir en cas de grabuge. Quant aux trois trublions, ils croisaient les bras, défiants.

" Oui. Ça me fend le coeur, mais je ne vois pas d'autre solution. Il va falloir un miracle pour récupérer ces trois-là, mais séparément, nous avons plus de chances. Et surtout, nous éviterons qu'ils ne contaminent les autres de leurs discours belliqueux. Je pense... que je vais en parler avec Guillermo. Il est peut-être celui qui aura le moins d'arrière-pensées dans la manière de les gérer. Et vu leur âge... Nous n'en ferons plus des agneaux."
Il se retourna à nouveau vers les enfants.
" Nous allons vous donner l'opportunité d'aller réfléchir à vos grands plans de massacre dans un environnement plus approprié. Mais je crains qu'avant de festoyer de nos carcasses, vous deviez vous contenter de pain et de légumes pendant un certain temps."

Il entendit des couinements de ventres affamés, mais le chef de la petite bande fustigea les coupables d'un regard si assassin qu'ils parurent vouloir s'enfoncer dans les murs pour y échapper.
-C'est bien de nourrir vos prisonniers. Comme ça, ils seront assez forts pour vous exterminer quand l'heure aura sonné, cracha-t-il.
Gabriel avait reculé d'un pas et, passant la tête par l'embrasure de la porte, il manda des renforts. L'instant suivant, on entendait le bruit des bottes des surveillants.

" On va les bouger un à un, en commençant par le plus coriace, annonça Albérich aux surveillants, quand ils furent arrivés. J'espère que les portes d'en bas ferment bien, car nous ne pouvons pas nous permettre d'affecter des gens à la surveillance constante de ce trio."
Il soupira.
" Allez, on le dégage. Je viens avec vous pour le premier, au cas où il faut le calmer. Gabriel, je te laisse les autres, et deux hommes. Si vous vous sentez trop menacés, quittez la pièce. On essaie de limiter la contrainte et la violence."

Il fallut néanmoins y recourir dans une certaine mesure, car leur première cible, loin de se laisser faire, se défendit de son mieux et appela les autres à l'aider. Ses deux acolytes répondirent aussitôt à l'appel, ainsi qu'un autre gamin, quoiqu'il fasse montre d'une moins grande conviction. Le clerc dut donc user de son sortilège d'apaisement pour éviter que la situation ne dégénère trop.
Ils gagnèrent ensuite les caves que le Luménien avait déjà arpentées la veille et enfermèrent le meneur dans une petite pièce nue dotée d'une solide porte de bois renforcée de métal. Heureusement, elle fermait à clef et le trousseau n'était guère loin, suspendu à un crochet. L'opération fut réitérée de la même manière pour le duo de fortes têtes restantes et, bientôt, les prêtres n'eurent plus affaire qu'au reste du groupe, dont les membres, même s'ils s'efforçaient de paraître hostiles et y parvenaient mieux que leurs cadets, semblaient ne pas en mener beaucoup plus large que ces derniers.

Albérich reproduisit le même schéma que dans les groupes précédents : il en embarqua deux pour vider les pots de chambre et aller chercher de la nourriture, tandis que les autres devaient ranger leur espace. Cette fois, cependant, il se fit accompagner d'un des gardes, histoire de n'avoir pas de mauvaise surprise. Une fois la dernière chambre ravitaillée, il ferait porter de la nourriture aux trois récalcitrants des profondeurs, après quoi, il serait sans doute l'heure d'aller faire une pause dans la grande salle, histoire de faire le point sur la matinée, et d'imaginer le futur, tout en se remplissant l'estomac.

Gabriel et lui pénétrèrent dans la pièce a peu près au même moment qu'Hubert et Giovanni.
Leur matinée s'était avérée beaucoup plus calme, beaucoup moins éprouvante, puisqu'il avait s'agit d'exploration et de cartographie. En une occasion, le barde avait dû aller chercher du parchemin vierge, et c'est là qu'il avait vu ce qui se passait aux thermes puis croisé Albérich. Le reste du temps, ils étaient allés de concert de salle en salle, d'aile en aile, de cour en cour... L'expédition fut agréable, pleine de belles choses à observer, et surtout fructueuse : désormais, ils disposaient des plans complets du château, même s'il restait possible que quelques passages secrets leur ait échappé. En tout cas, il y avait assez d'espace pour que chaque membre de la Communauté retrouve un peu d'intimité, des quartiers bien à lui, et si l'on s'organisait de manière adéquate, une bonne partie de l'édifice serait peuplée, fréquentée... Retrouverait vie, en somme.
La cantine improvisée bruissait d'activité, de conversations ; l'humeur était joyeuse, les colons détendus. Avant même de se retrouver, les deux amis apprirent que les petits barbares et leurs nouveaux amis mangeaient ensemble, réunis dans une petite pièce attenante. Manifestement, tous les adultes jugeaient ce groupe-là d'invités avec bienveillance : si les choses continuaient ainsi, leur intégration serait rapidement menée.

Albérich s'installa avec un soupir de soulagement, sourit à Hubert et à Giovanni, puis s'étira.
" Misère, quelle matinée.
— Misère ?
— Misère, oui."
Il passa deux mains sur son visage.
" Je me dis qu'il devait y avoir une autre solution. Je cherche cette autre solution. Je ne la trouve pas, je me résigne. Heureusement que les petits s'intègrent, sinon je crois que j'en pleurerais."
Il releva les yeux.
" Donnez-moi des bonnes nouvelles. Vous avez trouvé des choses intéressantes dans les étages ? Un peu de matériel utilisable ? Des coffres à ouvrir pleins de chemises, de couvertures et de bottes ?"

Le barde rit de bon cœur.
-Ni chausses, ni couvertures, ni bottes. Mais je suis sûr qu'il y a un système de chauffage, ici : il suffit de trouver quelques gemmes magiques pour le réactiver, et nous pourrons tous vivre nus, en accord avec le décor !
Il retrouva un semblant de sérieux.
-Au rez-de-chaussée et dans les étages, il ne reste que du mobilier en pierre, comme des tables, des banquettes ou des bancs, et des éléments en métal ou en céramique : candélabres, vasques, vases, amphores... Les coffres sont tous au sous-sol, et l'équipe de Gabriel a procédé à un bref inventaire avant notre arrivée. Si j'ai bien compris, ils contiennent des armes et des armures, de la vaisselle, des outils... Mais ne désespère pas : peut-être le trésor contient-il des étoffes précieuses ? Ce qui est dans les coffres a l'air intact, alors qui sait si des choses normalement périssables n'auront pas survécu ?

Hubert haussa les épaules d'un air désolé. Albérich sourit.
" Je n'avais pas réellement espéré que vous ayez trouvé ce genre de choses, je dois l'avouer. Nous devrons faire venir des animaux de Grand Estuaire, dès que possible : des vaches, des moutons, de la volaille... Je sais pour l'instant, c'est l'hiver, et nous n'avons pas encore de prés, mais... Nous allons avoir besoin de laine, de cuir, tôt ou tard. A moins qu'il y ait du gros gibier aux alentours. Les fourrures que portent les barbares semblent en attester, en tout cas. A moins que cela ne vienne de régions très éloignées."
Il se tourna vers Giovanni.
" Mais parle-moi de ce trésor. Où est-il censé se trouver ?"

Son interlocuteur sourit, amusé.
-Allons, Albérich, s'il y avait des indications précises, ce ne serait pas drôle, ce ne serait pas une vraie chasse au trésor ! Non, les documents ne disent rien concernant l'emplacement. Ils stipulent juste que les habitants ont dû partir en laissant beaucoup derrière eux, et que des précautions ont été prises pour que des pillards ou des gens mal intentionnés ne puissent pas s'en emparer... Je gage que tout ce que le palais abritait de précieux y est dissimulé, et qu'il y a également des choses dans les différents édifices de la ville...

" Mais donc, tu penses que le trésor se trouve dans la forteresse, ou bien il peut être n'importe où dans la ville ? Parce que ça change quand même un rien l'ampleur des fouilles à mener... même si je suppose que c'est davantage une énigme à résoudre qu'une grande opération de recherche au hasard."
Il sourit.
" Cela dit, vu le trésor que nous avons déjà récupéré auprès de la liche... Penses-tu qu'il soit si urgent d'en trouver un second ? Déterminer ce que nous allons faire des richesses que nous avons déjà amassées serait un premier pas. Après tout, nous pourrions déjà songer à renvoyer une équipe à Grand Estuaire. J'ai fait l'inventaire ce matin et nous pouvons déjà anticiper ce qui viendra à manquer rapidement. Notre seul ennemi, dans ce registre, c'est le temps... Mais jusqu'ici, l'hiver me semble plutôt clément."

-Albérich, tu te rends compte que tu me parles intendance, à moi ? Ces aspects ennuyeux ne devraient-ils pas être l'apanage exclusif du Conseil ? Mais soit, si tu veux mon avis... N'achetons ni vêtements, ni couvertures, ni bottes, ni animaux pour nous procurer du cuir ou de la laine : ça ne sert à rien et ce ne serait pas dans l'esprit de la cité. En revanche, procurons-nous de l'alcool.
Il croisa les bras, fier de sa tirade.
-Sinon... Les habitants de Clairétoile ont dû partir rapidement, si j'en crois les textes. Le plus probable est donc que le trésor du château... soit au château. Et nous n'aurons jamais assez de richesses ! Non non, ne fais pas cette tête : pour une fois, ma remarque n'était pas vaine. Simplement, en plus d'acheter du ravitaillement, quel qu'il soit, il nous faut rembourser la banque, payer les mercenaires et ceux qui ne se sont engagés que pour nous escorter...
-D'ailleurs, avant de lancer une expédition de retour, gardez à l'esprit qu'il y a des chances pour que leur or en poche, un certain nombre de nos compagnons nous quittent, ce qui nous affaiblira...
-Bah, attends que la nouvelle de notre succès se répande, et tu verras les foules affluer vers nous !

" C'est vrai que je ne sais pas qui est susceptible de nous quitter et qui ne l'est pas. J'imagine que tous les contrats sont dans les affaires de Marthe, je pourrais regarder... ou attendre qu'elle arrive, en fait. Les grandes options pour la suite devraient de toute façon être discutées avec les membres originels du conseil... et dès leur retour, je crois que des élections s'imposeront. Lancer et administrer une cité naissante, ce n'est pas exactement la même chose que mener une colonie à travers les Landes... Il sera temps de doter la communauté de structures appelées à durer... et de lui trouver un nom, accessoirement. Jusqu'au retour de Marthe et Frida, nous sommes encore dans le temporaire. Et vous avez raison tous les deux : nous ne pouvons pas construire en comptant sur des gens qui partiront, et nous devons songer à ceux qui nous rejoindront, même si je suppose qu'il faudra du temps pour que la nouvelle se répande, que la route devienne praticable, que le printemps revienne..."
Il sourit à Giovanni.
" Cherchons donc le trésor. As-tu besoin de compétences particulières, pour ce faire ? Le conseil pourrait décider de te confier officiellement cette mission, et de t'allouer les hommes nécessaires."

-Étienne n'est-il pas déjà en charge des recherches ? En même temps, tu as raison, des renforts ne seraient pas malvenus... Ceci dit, je ne sais pas si je suis la personne la plus indiquée : jusqu'ici, je n'ai rien trouvé du tout. C'est Ruth, la découvreuse de mystères cachés !
-Et toi, Hubert, comment comptes-tu occuper ton après-midi ? Tu vas examiner les remparts ? Sinon, juste au cas où, on a une quarantaine d'invités à défouler et à décrasser... Un guerrier accompli, qui de surcroit a terrassé le chef de leur tribu, ça ne pourrait que les impressionner... Et puis, tu as grandi dans une Commanderie, où l'ambiance doit être un peu plus stricte et martiale que dans un temple...

" Et bien embarque donc Ruth. Je suis sûre qu'elle ne demande pas mieux, dit Albérich avec le sourire. Mais je pensais qu'Etienne était sorti de la forteresse... Il faudra que tu me montres un plan de la ville... Les mines ne sont elles pas... dans le flanc d'une montagne ?"
De son côté, Hubert avait levé les yeux au ciel.
" J'ai terrassé le chef de leur tribu ? Tu m'en diras des nouvelles. La seule chose qu'ils ont vue de moi, c'est comment je me suis transformé en torche vivante aux mains d'un de leurs shamans. Et sans doute que quelques uns de la bande m'ont enfoncé leur coutelas dans la panse. Non merci, je n'ai pas besoin qu'ils me le rappellent : je suis tombé, je ne dois la vie qu'à la magie d'Albérich. Ceux que j'ai tués dans la cour du fort ne comptent pas : ces enfants n'en ont pas été témoins. Mais Guillermo pourrait faire l'affaire, si cela rentre dans ses attributions. Il est resté en selle jusqu'au bout, n'a été que légèrement blessé... Il a l'aura qu'il faut pour les impressionner."

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Une cité perdue