La Couronne de Cuivre

-Comment ? Vous pensez pouvoir convaincre la chevalière noire de nous rendre les cimeterres ? Vous croyez qu’elle nous a demandé notre avis avant de nous les prendre ?
Il sortit son épée et commença à effectuer mes mouvements circulaires plutôt maladroits sans danger pour le groupe.
-Moi je suis d’avis pour que l’on massacre les deux zigotos dans la cabine et que l’on reprenne les cimeterres.
Voyant que ses compagnons le regardaient d’un air ahuri, il rangea son épée.
-D’accord, c’était juste pour rire. J’essayais de détendre l’atmosphère.
Il continua de les fixer avant de reprendre :
-Bon d’accord, autant vous avouer la vérité, je n’ai pas d’idée. Si vous pensez Milien qu’il est possible de la convaincre, alors il faut tenter le coup. Néanmoins je n’en suis pas si certain. C’est un chevalier noir. Pourquoi nous écouterait elle ? Il faut se méfier de ces personnes, elles ne sont pas dignes de confiance.

Milien d’Otrante avait un regard dur et froid.

- Plaisanter ? Vous plaisantiez ? Moi je ne plaisante pas. Et je vous prierais de modérer vos propos. Ni Yerr-Ir ni moi sommes vos camarades de beuverie. Et si je vous dis que j’ai moyen de persuader la chevalière noire de restituer les cimeterres – car je ne doute pas un instant que ce sont bien le sire Seroaunk et sa compagne Sombria qui les détiennent – c’est que je peux le faire.

Sylveneige se retenait de rire à grand peine. Décidément, Milien ne changera jamais ! toujours aussi pédant !

Milien, se tournant d’un air sévère, trébucha contre une des couchettes. La rôdeuse se crispa soudain, toussa, attrapa la main de Streen et l’entraîna vivement vers le pont. Arrivés près du grand mât, elle explosa de rire dans les bras du jeune homme au point que les larmes lui vinrent aux yeux.

- Oh non, c’était trop drôle ! et ton idée était presque bonne ! la tête de Milien !

Sylveneige se tenait les côtes. Elle finit, à la grande surprise de Lumi, par descendre accroupie au pied du mât, riant toujours.

Streen était lui aussi amusé par la situation. Il reprit :
-Ca lui fera du bien. Cela faisait un moment que je rêvais de le mettre dans cet état.
Streen était ravi de son petit effet :
-Bon assez rit, nous devons nous assurer qu’il parviendra à les convaincre. Mais puisqu’il veut s’en charger tout seul, nous n’allons sûrement pas protester.

La rôdeuse hilare finit enfin par se reprendre.

- Streen, il faut que nous essayions de retourner dans la cabine de Seroaunk et Sombria. Je pourrais peut-être tenter quelque chose de… de féminin. Je vais aller lui demander si… si ma chemise de dessous devrait être arrangée par une couturière pour être plus à la mode. Elle ne peut pas me refuser ça, nous l’avons aidée à reprendre ses esprits.

Sylveneige réalisa soudain qu’un problème de taille subsistait.

- Pfffou… Faut juste qu’on se débarrasse de Seroaunk… Tu n’aurais pas un plan, par hasard ?

Streen secoua la tête.
-Crois tu que ce soit sage d’agir de cette manière ? Je n’ai pas envie de me retrouver enchainé à nouveau comme la dernière fois. Cette fois, ils n’hésiteront pas à mettre leur menace à exécution. Quant aux cimeterres, ils ont dû les ranger dans un endroit bien gardé. Ils savent que l’on est à leur recherche et ils feront tout pour que nous ne les trouvions pas. Je préférerais laisser Milien agir. S’il pense convaincre la chevalière de lui restituer les cimeterres, il n’aura qu’à attendre la pause repas pour que Seroaunk s’en aille.

- Mai-ai-ais Streeeeen ! tu n’as pas envie de damer le pion à Milien ? Mon Streen plein d’allant, courageux, un peu fou, où es-tu ? Allez ! on va trouver quelque chose ! et on va les retrouver nous-mêmes, ces cimeterres !

Sylveneige se mit à bourrer Streen de petits coups de poings amicaux, à la surprise de Lumi qui prit un air outré.

- On va les retrouver, NOUS ! et Milien, tout pédant qu’il est, sera obligé de nous féliciter ! donc, ce soir, nous irons gentiment manger. Et tu distrairas Serouank. Moi, j’en profiterai pour filer à la cabine de la chevalière noire pour discuter chiffons. Elle voulait nous parler, je suis sûre qu’elle lâchera une information utile. Et si elle dort, je fouillerai discrètement ce fichu coffre.

-Damer le pion de Milien ? C’est tentant je dois l’avouer. Mais n’oublie pas que quand il s’agit de faire preuve de diplomatie, je suis le plus mal placé.
Tout ce que pensait Sylveneige de lui paraissait saugrenue. Bon certes il était un peu fou, elle n’avait pas totalement tort sur ce point. Mais sur le courage, il faudra repasser. Là non plus il n’était pas le mieux placé. Il reprit :
-Quant à Milien, je me moque de ce qu’il pense de nous. Cela ne nous empêchera pas d’agit comme nous le souhaitons. Je ne sais pas si j’arriverais à distraire Serouank mais si tu parviens à fouiller la cabine pendant ce temps, cela peut valoir le coup.

- Bon. Voilà ce que tu vas faire. Tout le monde mange à peu près en même temps. Quand Serouank s’installera, tu viendras gentiment t’installer auprès de lui. Tu lui diras que tu serais ravi d’entendre quelques-uns de ses hauts faits d’armes. Combien de quêtes il a mené, quels combattants connus il a rencontrés, s’il est vrai que les plus belles femmes sont attirées par les chevaliers noirs… Ce genre de trucs, quoi ! il sera probablement ravi d’avoir ton admiration et te donnera des conseils pour devenir un grand guerrier…

Sylveneige soupira.

- Enfin, espérons ! bon. Moi, j’écouterai aussi, assise pas loin de toi, mais j’aurai l’air pas trop dans mon assiette. Après quelques bouchées, je prendrai une allure de malade et je filerai avec Yerr-Ir, soit disant pour un soin contre le mal de mer. Nous descendrons aux cabines, je filerai chez Sombria et roule ma poule. Allez, allez, c’est parti ! zut ! il faut attendre le dîner !

Streen et Sylveneige durent encore patienter une bonne heure. Enfin les mousses apportèrent des torches protégées par des grilles de fer, dressèrent un auvent et installèrent les tables.
Le capitaine Englund dirigeait la mise en place avec brio. Il se dirigea vers les deux jeunes gens.

- Ma chère Sylveneige, j’aurais une grâce à vous demander.
- Bien sûr, capitaine, dites-moi.
- Ce serait tellement plaisant que vous nous interprétiez quelques chants de votre répertoire ! vraiment, j’en serais absolument ravi !

Aïe, pensa la rôdeuse, ça tombe vraiment mal… Et c’est si difficile de refuser !

- Eh bien, oui, capitaine, avec plaisir ! il me faudra un peu de temps pour remettre la main sur mes instruments de musique, les réaccorder… Sans compter qu’il faut que les instruments prennent le temps de s’adapter au climat…
- S’adapter au climat ?

Là c’était une idée de génie. Sylveneige se sentit soudain très fière.

- Oui, parce que les instruments, pour tenir la note, doivent être accordés une première fois. Ensuite on attend, pour vérifier la stabilité de l’accordement, environ une heure. Souvent, lorsque l’air est trop ou pas assez humide, qu’il fait chaud, ou un peu froid, l’instrument se désaccorde légèrement. Et on l’entend ! même si la note a peu bougé, on l’entend !

La rôdeuse-barde sourit largement.

- Mais ne vous inquiétez pas, je chanterai à la fin du repas !

Ouf… On l’avait échappé belle.

Le pont se remplissait petit à petit de monde. Sylveneige regarda avec quelque inquiétude si Serouank était en vue. Enfin elle l’aperçut : il s’installa vers la poupe du navire, un peu à l’écart des autres passagers, et regarda pensivement la fin des préparatifs.

- Streen, je descends pour tripoter mes instruments. Tu me prépareras une assiette avec plusieurs pâtés et du pain noir… Et une poire… Et un grand gobelet de bière fraîche…

La jeune elfe s’interrompit brusquement. Tout ça commençait à lui donner vraiment très faim. Elle fila vivement vers les cabines. Streen n’avait plus qu’à tenter la rencontre avec Seroaunk.

Streen s’affaissa en se disant « pauvre de moi ». Mais ce n’était pas le moment de craquer. Tandis que les préparatifs s’achevaient, il repéra la nourriture commandée par sa compagne puis chercha des yeux Seroaunk. Peut être s’était il déjà installé en attendant que tout soit prêt. C’était peut être le meilleur moment de l’aborder. Il l’aperçut alors installé à la poupe du navire. Voyant que personne ne s'était mis à coté de lui, il se saisit de l'occasion. Puis il déclara:
-Rebonjour, belle journée, non?

- Probablement.

Seroaunk fixa Streen dans les yeux.

- Pourrais-je savoir ce qui vous pousse à venir me trouver, alors même je vous ai proprement jeté de ma cabine il y a quelques heures ?

Le ton du chevalier noir était peu amène. Pour tout individu capable de ressentir quelque peu les nuances, il était pour tout dire absolument glacial.

Streen profita de l’accueil glacial du chevalier noir pour en rajouter une couche.
-Oui, vous m’avez jeté dehors mais ca ne veut pas dire que de mon coté, je ne m’intéresse pas à votre classe. Voyez vous, ca doit être bien d’être chevalier noir. J’ai toujours rêvé d’en rencontrer un. Franchement je serais serais ravi d’entendre quelques-uns de vos hauts faits d’armes. Combien de quêtes avez-vous mené ? Vous devez bien avoir réalisé quelques quêtes. Parlez m’en ca m’intéresse beaucoup.
Streen manqua de peu de s’esclaffer. « Tu parles » pensa t’il. Il n’en avait rien à faire des histoires du chevalier noir mais jouer la comédie l’amusait.

Seroaunk consentit à Streen un petit sourire supérieur.

- Bien sûr. Vous aimeriez me ressembler. C’est très flatteur. Mais pas facile, soyez-en sûr.

Le chevalier noir prit une profonde inspiration et son sourire s’accentua.

- Eh bien, il y a beaucoup à dire. Et je gage que votre amie sera également fascinée par mes récits. Allons donc la rejoindre… Je parie que nous la trouverons dans ma propre cabine, en train de discuter avec Sombria…

Streen sentit la pointe d’une dague contre ses côtes.

- Levez-vous, en douceur… Pas de geste brusque, surtout pas. Allons dans ma cabine, voir ces chères dames…

Pendant ce temps, Sylveneige était passée à sa cabine, avait sorti précipitamment ses instruments et les avait laissés ostensiblement sur sa couchette. Ensuite elle était prudemment ressortie dans le couloir, se dirigeant vers la cabine des chevaliers noirs.

Je me demande où sont Yerr-Ir et Milien… se demanda t-elle soudain.

Effectivement, si on ne les avait pas vus sur le pont, ils auraient dû être dans la cabine, en toute logique.

Si ça se trouve, ils sont sur une piste, où sont auprès de la chevalière…

La rôdeuse, arrivée à la porte de la cabine, frappa légèrement et entra sans attendre de réponse.

Tandis qu'il fut "conduit" à la cabine des chevaliers noirs, il répliqua ironiquement:
-Vous avez une drôle de façon de traiter vos admirateurs ne croyez vous pas?
Puis d'un ton plus enjoué:
-Mais n'empêche ça mort. Je veux vraiment être devenir un chevalier noir. Vous n'auriez pas par hasard des tuyaux pour être pris dans votre organisation? Allez ne faîtes pas cette tête, je suis certain qu'il y a un moyen d'être recruté. Il faut l'avouer, même dans votre façon de persuader les autres, il y a une grâce et des propos à couper le souffle.
"Une drôle d'ironie dans ce genre de situation" pensa t'il. Mais si le chevalier noir imaginait que Streen était faible, peut-être qu'il aurait l'occasion de passer à l'attaque lorsqu'il baisserait sa garde. Ce qu'il ignorait,c'est que Streen savait se battre à mains nues. Pour le moment, il n'avait pas d'autre choix que de se rendre à la cabine.

- Vous ne vous moquerez pas de moi, ni de Sombria. J’y veillerai.

Seroaunk poussa la porte de sa cabine. Et resta interdit sur le seuil, Streen légèrement devant lui. Le piquant de la dague se relâcha un bref instant.
Sur les couchettes étaient installée une charmante compagnie : Milien d’Otrante, Yerr-Ir, Sombria et Sylveneige.

- Streen, les cimeterres sont ici.
- Oui…

La chevalière baissa la tête.

- Je suis désolée, Seroaunk chéri… Nous n’aurions pas dû accepter cette mission. Ces armes sont extrêmement dangereuses, plus que nous ne l’avions imaginé. Elles n’auraient jamais dû être créées.
- Que fais-tu de notre honneur, Sombria ? Il est impossible de revenir sur une mission qui a été confiée à un chevalier noir.
- Mais il y a sûrement un moyen ! Streen !
- Ne rêvez pas un seul instant de nous attaquer, jeune elfe ! ce serait ridicule. Sombria et moi avons déjà défait une dizaine d’ennemis. Tous sont morts.
- Ils ont raison, Seroaunk. Nous pouvons réfléchir à une solution qui nous éviterait de perdre la face. Reste à trouver laquelle.

Sombria se leva. Toute trace de faiblesse avait disparu de sa personne. La capacité de récupération des chevaliers noirs n’était pas une légende.

- Le plus simple serait… oh, je ne sais pas. Ce joli jeune homme saurait peut-être ?

-Ouille ouille ouille fit Streen en pénétrant dans la cabine alors que la pointe de la lame ne le touchait pourtant plus.
Il ressentait pourtant encore la menace de la pointe qui s’enfonçait dans son dos. Le spectacle qui s’offrait à lui le surprit. Il ne s’attendait pas à voir tout ce beau monde au même endroit et encore moins à ce que Sombria prenne leur parti une fois que la discussion aie été lancée. Il resta interdit lorsque Sombria s’adressa à lui. Il regarda autour de lui puis répliqua :
-Moi ?
Il chercha désespérément des yeux un soutien de ses compagnons.
-Pourquoi moi ? je ne sais pas.
Puis soudain, une idée lui vint.
-Et si vous donniez à vos employeurs de faux cimeterres ? Ils n’y verront peut être que du feu.
Il réfléchit à nouveau puis reprit :
-Quoique si ce sont des sharites qui vous ont engagés, ils verront très bien le piège.
Il se mit à faire de grand gestes et reprit de plus belle :
-Et si on les affrontait tous ensemble ? On n’a qu’à massacrer vos employeurs à coups d'épée sans autre forme de procès et puis on n’en parle plus. Ce sont des sharites en plus.
Il regarda ses compagnons et demanda timidement :
-Quoi ? Ca ne vous plait pas comme idée ?

- Bien sûr que si.

Seroaunk et Sombria souriaient. Leurs regards brillaient d’excitation à l’idée de massacre, de tripes fumantes répandues à terre, de flots de sang.

- Evidemment les cimeterres doivent être ce qu’ils sont. Authentiques. Mais si nous devons respecter notre parole, rien ne nous empêche de tuer nos employeurs après leur avoir remis ces armes.
- Le seul problème, et il est de taille, c’est que les Sharites sont près de Lumenis, et que nous allons sur le continent féérunien.
- Notre rendez-vous n’est pas à Lumenis, mais bien à Féérune. A Barbe d’Ulgoth, pour être exact. Un village au nord de la Porte de Baldur.
- Pourquoi Barbe d’Ulgoth ?

Yerr-Ir était stupéfait.

- Rien ne justifie que les Sharites fréquentent un lieu aussi isolé.
- Ou alors…

Le regard de Milien se troubla, un frisson lui parcourut le corps.

- Ou alors les Ulgothibarbais sont en grand danger.

Sylveneige, pour se donner une contenance, se mit à caresser Lumi.

- Dites, vous n’auriez pas un peu faim ? On risque de s’inquiéter de notre absence, en plus.

-Alors c'est d'accord fit Streen. On vous prête les cimeterres pour que vous puissiez faire l'échange avec les sharites. Vous touchez donc votre récompense puis nous attaquons vos employeurs et nous récupérons les cimeterres. Ainsi, tout le monde y trouvera son compte.
Il réfléchit avant de rependre:
-Personnellement, je ne suis pas certain que Barbe d’Ulgoth soit réellement en danger. Je miserais plutôt sur un endroit aussi discret pour pouvoir faire un échange secret tels que les cimeterres.
Puis il reprit:
-Maintenant s'il n'y a pas d'autres questions, nous pouvons nous restaurer.

Sombria eut un sourire cruel.

- Oui… Allons nous restaurer…

Elle prit la main de son ami et sortit de la cabine. Yerr-Ir, Milien et les deux jeunes aventuriers les suivirent docilement. Soudain la chevalière se retourna vers eux.

- Les cimeterres restent dans notre cabine, bien sûr. Et bien que vous soyez dans une autre cabine que la nôtre, sachez que je vous considère comme… disons, comme nos prisonniers.

Sylveneige sursauta. Milien lui glissa discrètement à l’oreille :

- Eh quoi ! à quoi t’attendais-tu ? toi et ton ami auriez mieux fait de nous laisser faire.

Sans échanger d’autre parole, ils montèrent sur le pont et attaquèrent le buffet, la rôdeuse avec une ardeur peu commune. Les soucis, ça creusait.

Streen n'avait quant à lui pas trop d’appétit. Bon certes ils étaient parvenus à retrouver les cimeterres. Certes ils avaient passé un accord et avec celui-ci, la promesse de les reprendre. Pourtant, il ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter. Les chevaliers noirs les considéraient comme des prisonniers. Streen n'avait pas trop été surpris par leur remarque. il ne fallait jamais faire confiance à ces personnes. D'ailleurs il n'avait pas été d'accord pour parler à Seroaunk et seul l'insistance de Sylveneige l'avait fait changer d'avis. Quant à Milien, il doutait que cela change quelque chose, le resultat aurait été le même. ce qui inquiétait Streen, c'était le pacte qu'ils avaient passé. Rien n'empêchait les chevaliers noirs de ne pas respecter leur accord. Ils pourraient même se retourner contre eux une fois l'échange fait. De plus, il ne comprenait pas trés bien à qui il avait affaire. Pourquoi Sombria était elle évanouie lorsqu'ils étaient ligotés? Si ce n'était pas eux qu'elle voulait attaquer, qui attendait elle? Tous ces trous inquiétait Streen. Il partit plus tôt à la fin du repas prétextant une fatigue et partit en direction de sa cabine.

Sylveneige le rejoignit presque immédiatement.

- Streen ? On ne peut pas reprendre les cimeterres maintenant, mais je pense avoir une idée… Je te la dirai après le dessert… Je dois chanter ! tu ne veux pas m’écouter ?

Des pas se firent entendre dans le couloir. Un léger heurt retentit à la porte et Sombria entra.

- N’ayez pas la sotte idée d’aller repérer l’endroit où sont les cimeterres. Vous êtes barde ? On vous réclame à grands cris.

Un geste de la chevalière noire leur désigna la porte.

- Tous deux sur le pont. Merci.

Streen alla se rasseoir à sa place. Finalement, si elle allait chanter, il pouvait rester un peu plus. Néanmoins, il jugea judicieux de lui porter ce conseil :
-Je ne crois pas que ce soit une bonne idée de chercher à les récupérer. Non seulement ils seront bien cachés mais en plus, ils sauront très bien qui les a dérobés dans l’éventualité où l’on y parviendrait. Ils seraient capables de nous trucider tous quatre au moindre faux pas donc pas d’imprudence. Nous sommes condamnés à patienter jusqu’à l’échange. Nous aviserons à ce moment-là.
Streen à ce propos redoutait cet instant.
-Sinon si tu vas chanter, je suis d’accord pour rester.

Sombria détailla le jeune demi-elfe alors qu’il marchait devant elle. Elle n’entendit pas ce qu’il murmurait à Sylveneige, mais nota que cette dernière devrait probablement retourner à la cabine. La rôdeuse-barde tenait à la main une besace vide. La chevalière noire haussa les sourcils et prit les instruments de musique oubliés sur une des couchettes.

- Jeune barde, je ne suis pas votre femme de chambre… Tâchez de ne plus oublier vos affaires.

Le ton froid de Sombria agit comme un glaçon dans le cou de la jeune elfe. Elle frissonna.

- Un peu d’inquiétude, peut-être ? Vous n’en chanterez que mieux.

Sombria avança vers Streen.

- Asseyez-vous donc près de moi, beau garçon. Je ne vous mangerai pas. Enfin… Pas tout de suite.

Le ton froid de Sombria avait eu également un effet sur Streen. Il se retrouva paralysé comme si elle lui avait lancé un sort bien qu’elle ne se soit pas adressée à lui. D’un autre coté, les chevaliers noirs n’étaient pas réputés pour leur bonté. Après tout, ils faisaient partie des forces du chaos et des ténèbres. Lorsque Sombria lui demanda de s’asseoir à coté de lui, il manqua de refuser catégoriquement. Non, jamais il ne pourrait s’asseoir à coté d’un chevalier noir. Comment pouvait elle lui proposer cela alors qu’ils étaient considérés comme des prisonniers. Néanmoins, il ne voulait pas lui faire subir un refus trop abrupt. Après tout, ils détenaient les cimeterres. Il serait mal avisé de les fâcher. Il ne trouva rien de mieux que de dire :
-Je suis navré mais en tant que prisonnier, je ne mérite pas un tel honneur.
Il s’assit sur une autre chaise que celle que lui proposait le chevalier noir. Après, tout, ils les considéraient comme tels.

Ce fut donc Seroaunk qui s’installa posément à côté de Streen et lui murmura à l’oreille :

- Sachez que le prochain refus d’obtempérer… Vous le paierez. Et très cher.

Sylveneige fut invitée à chanter, par un public enthousiaste qui n’avait que peu de chances de se distraire à bord.
Elle commença quelques chants de son répertoire, jusqu’à la surprise d’une magnifique voix de baryton-basse qui se joignit avec art à la sienne. Serouank chanta avec ravissement, surprenant l’auditoire.

Streen n’avait pas apprécié le commentaire de Seroaunk. Pourquoi les chevaliers noirs le harcelaient ? Pourquoi insistaient ils pour qu’il s’assoie à coté d’eux. Néanmoins il était heureux d’avoir refusé l’offre de Sombria. Même si cela lui valait une remontrance, il leur montrait qu’il n’avait pas confiance en eux et qu'il ne les appréciait pas. En leur tenant la dragée haute. Cela le surprit toutefois. Cette offre n’avait absolument rien d’un ordre. C’est ce qu’il dit discrètement à Seroaunk en lui murmurant :
-Très bien, mais la prochaine fois, précisez qu’il s’agit d’un ordre.
Puis il ne rajouta plus rien. Il écouta d’une oreille distraite et ne fit pas attention à Seroaunk lorsqu’il chanta lui aussi. Il était perdu dans ses pensées.

Passagers et marins furent enchantés du petit concert. Et si Sylveneige fut très applaudie, Seroaunk eut un succès incontestable et mérité. Sombria se glissa près de lui et l’enlaça avec affection.

- Tu es toujours aussi merveilleux, chéri.
- Je n’ai chanté que pour toi, tu le sais bien.

La rôdeuse-barde leva un sourcil et fila à côté de Streen.

- Dis donc, tu as vu ? Ils filent le parfait amour… On pourrait peut-être en profiter… Il y a bien des moments où ils seront moins vigilants, perdus dans leur contemplation réciproque de l’être aimé !

Bon, sûr, c’était une façon grandiloquente de présenter les choses. Mais Streen a certainement reçu une bonne éducation. La jeune elfe décida de se creuser la cervelle pour trouver une façon de se débarrasser des chevaliers noirs.

Streen n’avait pas manqué non plus la scène qui s’offrait à lui mais contrairement à sa compagne, il s’en moquait éperdument. Ou plutôt, cela l’arrangeait. Plus les chevaliers resteraient entre eux, moins il n’aurait à supporter leur proximité. Lorsque Sylveneige vint s’asseoir à coté de lui, il poussa un soupir.
-En profiter pour quoi ? Ne me dis pas que tu as encore envie de t’emparer des cimeterres. Tu sais très bien que nous n’avons aucune chance. Même si nous y parvenons, ils sauront que c’est nous.

Sylveneige continuait à murmurer, dans une rapide litanie servie d'un seul souffle :

- Mais évidemment tas de bourrins à toi tout seul mais bien sûr on est d'accord enfin non mais oui mais presque il ne s'agit pas de leur prendre maintenant ce serait idiot on est tous dans le même bateau hahaha bé oui mais tu te rends bien compte quand on va descendre du navire et qu'on sera en train de remonter vers Athkatla enfin là il faudra bien qu'on se débrouille moi je ne suis pas sûre qu'ils nous restituent les cimeterres tout dépendra de combien les totos d'en face je veux dire les sharites seront prêts à payer et nous on a rien

Le souffle de la rôdeuse s'épuisa enfin. Il n'était pas du tout certain que Streen ait compris, mais il n'était pas temps de discuter plus avant. Une petite tempête se leva, et tous durent aider à déménager les tréteaux encore remplis de victuailles à l'intérieur du navire.

Même si les propos de Sylveneige avaient paru quelque peu incongrus, il ne pouvait que partager ses inquiétudes. Rien ne garantissait que les chevaliers noirs respectent leur accord. Ils servaient le mal comme les sharites alors la logique voudrait qu’ils ne se retournent pas contre les sharites mais contre eux une fois l’échange réalisé. Mais pour le moment, il n’y avait rien à faire. Il déplaca quelques tréteaux puis partit dans sa cabine.

Tout le monde suivit la même stratégie que Streen, à l'exception du capitaine et des marins qui surveillèrent un peu la mer tant que dura la bourrasque.

Milien d'Otrante, Yerr-Ir et Sylveneige suivirent le demi-elfe de près. Fatigués, ils n'échangèrent que de banales paroles et les souhaits de bonne nuit d'usage. La tempête se calma dans la nuit, permettant à chacun de se reposer.

Sombria et Seroaunk étaient partis dans leur propre cabine. Personne ne les vit la matinée suivante.

Au petit déjeuner, Sylveneige s'en étonna.

- Où pensez-vous que nos chers amis chevaliers noirs soient ? Toujours dans leur cabine ?

La Couronne de Cuivre

Quête : les Cimeterres Maléfiques, sur l'océan