La Couronne de Cuivre

Le svirfneblin marqua une hésitation pendant un instant. Sans doute était-ce parce qu’il décelait un piège derrière la formulation d’Alchem… Mais il se reprit bien vite et répondit d’un ton humble en ne regardant pas son supérieur dans les yeux :

- Personne ne m’a dit ce qui se passait… Je ne comprends pas ce que je fais ici, en cellule. Je me souviens juste d’avoir eu un malaise…

HRP : peux-tu me faire un jet de dé ?

« Il se trouve que d’étranges choses se produisent en ce moment. Avec la menace drow, vous vous doutez bien que le principe de précaution s’impose. Vous n’avez eu qu’un malaise ? Et après, rien à signaler ? »
Alchem s’était adossé au mur d’en face, fixant le patrouilleur avec attention.

HRP : 19

Alchem percevait clairement une grande nervosité et des hésitations qu'il ne se seraient certainement pas attendu à trouver chez le moindre patrouilleur. A moins que les conditions de recrutement aient été bien réduites durant la courte période pendant laquelle il avait délaissé son poste. Peu probable. Le patrouilleur répondit immédiatement :

- Oui, juste un malaise. Et j'ai repris conscience ici : je ne comprends pas ce que je fais là !

Un discours qui ne s'accordait guère avec la version des rapports mentionnés par Deskata.

Étrange...
« Ce n’est pas ce qu’on m’a rapporté », se contenta de répliquer Alchem, sur un ton égal.
Il aurait pu raconter sa propre expérience, mais préférait ne pas offrir une éventuelle échappatoire au patrouilleur.
« Vous êtes nerveux, hésitant. Vous me cachez quelque chose. Et c’est un comportement suspect. Vous feriez mieux d’être franc si vous voulez sortir d’ici. Je répète ma question, qu’est-ce qui vous est arrivé ? Qu’avez-vous constaté ? »

Le svirfneblin aurait blêmi si une telle chose était possible. Mais il se mit visiblement à transpirer de nervosité sous le regard intimidant d’Alchem.

- Je ne comprends pas ce qui se passe. Je dis la vérité, je ne vous cache rien ! Je patrouillais normalement avec mon groupe… Nous sommes entrés dans cette grotte. Puis je ne me souviens de rien sinon m’être réveillé dans cette cellule. Que s’est-il passé ?

« Quelle grotte ? »
Il se maudit en cet instant de ne pas avoir pensé à vérifier l’ordre de mission de la patrouille auquel appartenait ce gnome. Il avait été trop distrait par les étrangetés dont il avait été lui-même victime. Quoi qu’il ait du mal à se considérer comme une victime. Il rattraperait cette lacune sitôt sorti d’ici.

Le svitfneblin parut à la fois surpris de la question et soulagée de pouvoir s’expliquer sur un sujet qui ne lui porterait pas préjudice :

- La grotte que nous étions chargés d’inspecter sur ordre directe du capitaine Deskata. Aucune patrouille n’avait signalé de problème mais nous avons tous eu un mauvais pressentiment en nous en approchant. A raison vu la suite si je puis me permettre…

« Un mauvais pressentiment... Soyez plus précis. Et avez-vous été le seul frappé par... cette absence ? »
Alchem nota d’aller interroger les autres membres du groupe.

Avec son efficacité presque surnaturelle - aiguisée par des années de pratique sous ses ordres - Deskata avait fait réunir tous les membres restants de la patrouille dans une salle du palais. Le visage de l'éclaireuse n'exprimait que peu d'émotion mais Alchem crut tout de même y déceler une lueur de fierté quand il lui fit part de la requête qu'elle avait su anticiper.

- Souhaitez-vous interroger les éclaireurs d'abord ou que je vous donne moi même tous les détails ?

« Donnez-moi les détails, Deskata. Et si quelqu’un, après, a quoi que ce soit à ajouter, qu’il le fasse. »
Alchem détailla l’ensemble des gnomes rassemblés ici. Il était satisfait de la rapidité avec laquelle Deskata agissait. Elle avait l’étoffe d’une patrouilleuse en chef et c’était intéressant que cela se confirme. Il fallait quelqu’un pour le remplacer.

Répondant avec efficacité à l'injonction, Deskata s'attela aussitôt à un récit chronologique et factuel des événements : la patrouille comptait cinq membres expérimentés. Elle avait eu pour mission d'explorer une zone en marge de la ceinture extérieure, une mission durant théoriquement deux jours.

Cependant, une heure après son arrivée sur place, une grotte avait attiré l'attention du groupe. Il n'y avait aucune trace mais l'endroit constituait une bonne cachette pour d'éventuels assaillants. Un des subalternes de Deskata compléta :

- Nous n'avons rien décelé de particulier mais Zvarod - le nom de celui qui était retenu - a disparu durant quelques minutes à l'occasion d'une pause. Au début, on a tous cru qu'il était simplement allé se soulager et on ne s'en est pas inquiété mais, après son retour, il est devenu de plus en plus agité et impatient de rentrer.

« Vraiment... Il a disparût. Puis il est revenu et depuis, il se comporte de façon étrange, c’est bien ça ? »
Alchem voulait être sûr d’avoir bien compris. Cette version différait de ce que le concerné lui avait dit ce qui, forcément, ne pouvait être que lourd de conséquence.

Devant l'insistance de leur supérieur, tous les éclaireurs se consultèrent du regard comme pour confronter leurs souvenirs avant que le même porte-parole confirme ne pas s'être trompé :

- Nous l'avons tous perdu de vue environ dix minutes. Mais, en tous cas, nous n'avons absolument rien trouvé dans la caverne et ses abords.

- Pensez-vous qu'il faille y retourner, interrogea Deskata, donnant son avis par cette question qui était certainement rhétorique étant donné son côté pointilleux.

Nul vint le déranger pendant les prochaines heures, lui laissant tout loisir de préparer ses plans ou même son prochain voyage. Finalement, au bout de trois ou quatre heures sans doute, un serviteur vint frapper à sa porte et lui signaler que Dame Théâya le mandait dans son cabinet d'études. Il ne savait pas lui dire pourquoi mais ce n'était pas une nouveauté que la mère d'Alchem se plaise à faire des mystères. Surtout si l'affaire était grave ou confidentielle.

HRP : je te laisse résumer ce qu'a fait ton personnage durant ce laps de temps.

Sa mère l’attendait en compagnie de Deskata et même de Dotha, cette dernière soigneusement placée le plus loin possible de la patrouilleuse. Dès qu’Alchem entra, sa mère lui fit signe de s’installer avant d’entrer dans le vif du sujet :

- Des nouvelles sont parvenues de Lameroy : leur général nous a fait parvenir un message et un rapport. Leur deuxième et troisième bataillons de guerre se sont mis en marche et atteindront Belroc dans quatre jours. Avec ces renforts, la garnison passera à deux mille nains en plus des nôtres.

C’était un effort conséquent, assurément un message passé tant aux envahisseurs qu’aux dissidents à l’intérieur même de Lameroy.

Cette fois c’est Dotha qui prit la parole sur un signe de tête de la Grande Mystificatrice :

- J’ai découvert un moyen de perturber la magie utilisée par les drows. En tous cas celle qui utilise l’énergie des cristaux. L’ennui est que le système que j’ai imaginé n’a pour le moment qu’une portée limitée. Je pense aussi pouvoir aider les vôtres pour bloquer les déplacements dans certaines zones de la cité : la magie de déplacement interplanaire est une de mes spécialités.

« Il est impératif que nous puissions nous prémunir contre un assaut planaire car il serait déraisonnable de penser que la cité restera cachée pour toujours. Peut-être même a-t-elle déjà été localisée par nos ennemis. Je vous fournirai dans l’heure une liste des lieux à protéger par ordre d’importance. Et si vous avez besoin de magiciens pour expérimenter votre système de protection, je peux vous en fournir. Autre chose ? »
Alchem disait cela de son ton neutre, comme si rien ne lui importait. En vérité, il était plutôt satisfait par ce qu’il venait d’apprendre en venant ici. Même si la petite voix dans sa tête voulait le voir passer à l’attaque, sa vocation première en tant que patrouilleur restait de protéger les siens. S’ils parvenaient à rendre leur cité impénétrable, les marges de manœuvres des elfes noirs allaient être considérablement réduite, toujours parce qu’il restait improbable qu’un assaut massif ait jamais lieu.

Dotha enchaîna aussitôt en confirmant que l'aide de mages de la cité allait lui être indispensable pour traiter le maximum de lieux mais surtout pour tester l'efficacité des défenses. Elle ajouta également d'un ton plus grave :

- Je préfère toutefois travailler avec un nombre limité de collègues. Et ce pour deux raisons : d'une part, ils seront plus simples à coordonner et, d'autre part, moins de personnes seront au fait de notre dispositif et plus celui-ci sera protégé.

Si Alchem doutait encore du sérieux de Dotha, cette dernière phrase faisant écho à ses propres doutes pouvait peut-être parvenir à le rassurer.

« Deskata, vous me tiendrez bien informé lorsque vous aurez fait la lumière sur cette histoire de grotte. »
Alchem, fidèle à lui-même, ne sourcilla pas et s’en fut, comme si rien ne pouvait avoir de prise sur lui. Sitôt sorti, il fit ce qu’il avait dit, constituer une liste des lieux prioritaires à protéger, la tour de lumière figurait en bonne place, trouver des mages fiables et donc sans doute membre de l’ordre de Baravar Sombretoge pour aider Dotha, puis il attendrait que viennent à lui les nouvelles.

Les premières nouvelles – et les plus inquiétantes étant donné leurs implications – parvinrent de Deskata en personne. La patrouilleuse demanda audience auprès d’Alchem pour lui transmettre des rapports d’étude effectués par les prêtres et les mages sur leur prisonnier :

- Les sorts de détection des illusions et même de détection de la magie n’ont rien donné… En revanche, le sang du prisonnier a réagi à un sortilège de détection des poisons : il est imprégné d’une substance fongique encore inconnue que nos alchimistes étudient déjà. Il n’est pas exclu que cette anomalie soit à l’origine des pertes de mémoire voire du contrôle mental du prisonnier.