La Couronne de Cuivre

Valaellyn acquiesça.
" Tu fais bien de me le rappeler. Je n'oublie pas de nous préparer le sortilège nécessaire... Restera le problème de nous trouver un animal pour le porter, mais j'imagine que le port regorge de mouettes généreuses."
Elle sourit.
" Bonne nuit Taliesin."
Ensuite, elle s'esquiva vers les hauteurs, sur les traces des derniers qui sortaient à leur tour.

Sitôt l'elfe partie, Taliesin se mit en quête d'une plume, d'un encrier et d'un morceau de parchemin, puis, lorsqu'il eut trouvé le nécessaire, il s'installa sur la grande table de la salle à manger, prit un instant de réflexion, puis commença à rédiger son message.

Chers tous

Les choses sont bien engagées. Contre toute attente, nous avons trouvé de l'aide : un bateau, des compagnons lancés dans des quêtes similaires à la nôtre, un point de chute sur place où nous pourrons nous abriter tout en menant nos recherches. Bref, nous ne partons pas seuls, nous ne serons pas seuls là-bas... IL y a de quoi être optimiste !

Nous vous disons à très bientôt. Portez-vous bien.

V & T

Il en avait dit autant qu'il avait pu sans prendre le risque de mettre en danger la Réunion - ou les Merlus - si d'aventure la missive était interceptée. Restait à espérer, tout de même, qu'elle ne le serait pas : peut-être aiderait-elle les destinataires à éprouver moins d'inquiétudes...
Victor, surtout.

La nuit fut moins reposante que prévu. Une certaine nervosité régnait dans le dortoir et si certains ronflaient avec félicité, d'autres se retournaient et se retournaient encore dans leurs draps, faisant grincer leur sommier d'abominable manière. Le lendemain, jour du départ, marquerait une étape importante pour chacun d'entre eux, une plongée dans l'inconnu, vers le danger. Pas étonnant que le sommeil se fasse élusif pour certains.
Taliesin dormit cependant mieux que la plupart de ses compagnons de traversée. Ce n'était pas la première fois qu'il se retrouvait à la veille d'une aventure risquée.

Un peu avant l'aube, il sentit Valaellyn le secouer doucement.
" Nous sommes en partance." murmura-t-elle. " Je vais charmer la mouette, si tu viens dehors avec moi..."

-Merci de m'avoir prévenu... murmura Taliesin d'une voix rendue rauque par le sommeil dont il émergeait à peine. Je te suis.
Le temps de s'étirer et de bailler copieusement, et il était debout, enfilant son manteau et fouillant dans ses poches pour y retrouver la lettre écrite la veille. Une fois remis la main dessus, il emboîta le pas à la prêtresse.

Il faisait encore nuit au dehors, le ciel était gris sombre, plombé, mais pour les elfes, ce n'était pas un souci. Il ne pleuvait pas, le vent était tombé, mais le fond de l'air était humide et froid. Sur les vagues, les navires dansaient. Il y avait déjà de la lumière à bord de la Liberté et des voix y échangeaient, indistinctes. Les matelots étaient à pied d'oeuvre, le départ ne tarderait plus. A l'intérieur de l'entrepôt, Taliesin avait croisé la plupart de leurs compagnons, aussi mal réveillés que lui, se traînant vaille que vaille vers la table du petit déjeuner. Il y avait néanmoins fort à parier que l'appétit serait aussi capricieux que le sommeil.
Valaellyn scrutait le ciel, et lorsque Taliesin la rejoignit, elle commença à esquisser les gestes de son sortilège. Quelques secondes plus tard, une mouette à l'oeil jaune, grande comme un corbeau de bonne taille, tomba du ciel et se posa devant eux.
" Voici notre messagère." murmura la prêtresse en s'agenouillant pour lui flatter la tête.
Il ne fallut que quelques secondes pour la munir du courrier puis elle reprit son envol et disparut dans le ciel qui s'éclaircissait. La prêtresse sourit au barde.
" Nous voilà parés."

Taliesin avait suivi la mouette des yeux. Il aurait aimé suivre le même chemin qu'elle, retrouver les Merlus, retrouver Victor. Mais ce n'était pas pour tout de suite. Ce chemin, il ne la prendrait que dans quelques mois... Avec Galathée.
-Oui... répondit-il à Valaellyn, un peu songeur. J'espère que l'attente ne sera pas trop rude, pour Victor, mais ce mot devrait le rassurer. Je l'espère, en tout cas.

La prêtresse acquiesça, puis s'arracha à sa contemplation et retourna vers l'entrepôt. Il ne leur restait plus beaucoup de temps avant le départ et peut-être tout juste celui d'avaler un rapide en-cas avant l'embarquement. Effectivement, au moment où les elfes rentrèrent, les premiers levés quittaient la table pour aller rassembler leurs affaires. Ils furent accueillis avec le sourire et on leur servit un gruau léger mais nourrissant, propre à les rassasier sans les plomber... Un ventre plein sur la houle n'était pas toujours des plus agréables. Ensuite, il ne leur resterait plus qu'à gagner la passerelle et au-delà, le pont de la Liberté.

Taliesin se hâta d'avaler son gruau, puis quitta la table pour aller récupérer armes et bagages, vérifiant au passage qu'il ne lui manquait rien. Enfin, il rejoignit Valaellyn. Il était pressé d'embarquer, à présent : les départs qui se prolongeaient n'amenaient jamais rien de bon pour le moral, surtout quand on se lançait dans un tel périple. Mais, au moins, il n'y aurait pas d'adieux déchirants : ils avaient déjà eu lieu, ailleurs...

Dès qu'ils eurent fini de manger, ils purent rejoindre les autres à bord. Ils étaient les derniers mais les manoeuvres n'avaient pas commencé et personne ne sourcilla. Seskan était encore à bord, devisant avec le capitaine à la proue, tandis qu'une des deux matelotes, Greta la rousse, s'était installée au gouvernail. Les voiles étaient déjà à moitié déployées et la Liberté tirait sur ses amarres comme un cheval impatient teste sa longe pour prendre le galop. Taliesin et Valaellyn gagnèrent le dortoir exigu où ils purent choisir leurs places : le bateau était équipé pour les personnes qui partaient de Luménis, mais aussi celles qui reviendraient de Melandis. Ils seraient, il fallait l'espérer, plus serrés au retour.
Apparemment, on attendait l'aube pour partir. Tout le monde lorgnait le levant, en attente.

HRP : il faudra être indulgent, je n'y connais strictement rien en voile...

Dès leurs places choisies et leurs affaires rangées, Taliesin était remonté sur le pont pour s'accouder au bastingage. Il avait jeté un bref coup d'œil aux quais, puis s'était détourné, préférant observer le grand large.
Regarder Luménis, c'était regarder en arrière, songer à ceux qu'il laissait et qu'il ne reverrait peut-être jamais. Songer à Victor dont l'attente ne prendrait peut-être jamais fin... Il était bien conscient de la chose, malgré l'optimisme tout neuf qui ne le quittait pas. Alors, il aimait autant se concentrer sur les vagues, la mer. ce qui l'attendait au-delà. Se concentrer sur sa mission, sur Galathée qu'ils retrouveraient.
Ensuite seulement, il songerait au retour.
Néanmoins... Il regarderait l'aube se lever. Histoire de ne pas vexer Lathandre. Ou, qui sait, de se placer sous sa bénédiction pour le périple à venir...

HRP : manque de chance, je suis un expert en voile ! 100 transats en solitaire à mon actif, 500 en équipe, 7000 tours du monde ! A la moindre erreur de ta part, je me moque !

HRP : Mouais...

Lorsque le soleil apparut, ou plutôt lorsque les nuages de pluie s'éclaircirent, Seskan leva les mains et prononça quelques paroles de bienvenue au soleil, loua Lathandre simplement mais chaleureusement, puis se mit à incanter. Une brume jaune d'or engloba un instant le jeune homme, puis se dissémina sur le bateau, touchant un à un chacun de ceux qui s'y trouvaient, les illuminant une seconde, chaleur et énergie légères, délicates, s'immisçant en eux sans forcer le passage, avant de s'éteindre. Puis le rouquin les salua et descendit sur le quai, où se trouvaient une douzaine de membres de la Réunion, rassemblés pour assister au départ de la nouvelle expédition. La première de l'année. Il ferait froid à bord et la mer serait sans doute souvent mauvaise. Mais la Liberté naviguerait. Le capitaine n'eut pas à crier ses ordres : son équipage était prêt. Les amarres furent larguées en quelques secondes, le navire vira lentement, et le vent, discret jusque là, s'engouffra avec bruit dans les voiles déployées.
La Liberté sembla bondir, tangua brusquement, rappelant à chacun qu'elle n'était qu'un bateau modeste, rapide et solide, mais soumis aux mouvements des vagues et de la brise bien plus qu'un porteur plus encombrant.
Les nuages s'écartèrent pour laisser passer quelques rayons curieux, peut-être un bon présage, puis le bateau partit vers les ténèbres et l'est, vif et bondissant.

Tandis que la Liberté s'élançait vers le grand large, Taliesin, toujours accoudé au bastingage, se prit à songer à sa dernière traversée du détroit... Et à mesurer le chemin parcouru depuis.
C'était il y avait seulement deux ans. Deux ans... Une goutte d'eau à l'échelle du temps qui lui était imparti en ce bas monde.
Un abîme à l'aune de sa vie, en réalité.
Tant de choses s'étaient produites en si peu de mois, tant de choses avaient changé...
A bien y réfléchir, tout avait changé, et il échoua d'abord à trouver des similitudes entre sa situation d'hier et celle d'aujourd'hui, entre ce qu'il était autrefois et ce qu'il était à présent.
Sa dernière traversée du détroit, il l'avait effectuée en sens inverse, sur un rafiot pourri et rongé par les vers où s'entassaient des centaines d'anciens esclaves. Les survivants de ces hommes et de ses femmes qu'il avait bien malgré lui poussé à la révolte, qui avaient fait vaciller le pouvoir mélandien avant de devoir s'enfuir pour sauver leur vie. Pour trouver, qui sait, un endroit où on ne les réduirait plus à la servitude, où ils pourraient panser leurs plaies, reconstruire leurs existences brisées.
Et cet endroit, ils croyaient que c'était Luménis, la cité de lumière, la cité de Lathandre. Ils le croyaient à cause de lui. Lui qui ne le croyait pas seulement, d'ailleurs : il en était persuadé, animé par cet inébranlable optimisme qui le poussait depuis toujours, par cette conviction tenace qu'il était possible d'influencer le cours des choses, d'infléchir le destin. Il était conscient des erreurs qu'il avait commises, mais ne doutait pas qu'il pourrait les réparer...
Il ne laissait rien, derrière lui. Sinon des cadavres et des cendres. Seul comptait l'avenir. L'avenir et ceux qui l'accompagnaient, parmi lesquels se trouvaient ses amis, descendants ou non de son peuple décimé : Lorghar, Charis, Rhéa...
Aujourd'hui...
Aujourd'hui, ironie de l'histoire, il retournait sur ses pas. Il quittait Luménis qui, plus qu'un havre, avait été un cimetière pour nombre de ses compagnons. Qui avait vu son optimisme béat brisé, sa croyance futile en la possibilité de changer le monde réduite à néant. Qui l'avait vu, surtout, devenir un monstre, un meurtrier, un tortionnaire.
Et, à bord d'un navire petit mais rapide, accompagné par des inconnus aux buts semblables aux siens, par une amie dévouée qui partageait sa quête, il se dirigeait vers Mélandis, lieu qu'il aurait voulu éviter entre tous.
Qu'il brûlait de revoir, pourtant.
Car s'y trouvait Galathée. Sa compagne. Celle qui avait terrassé le Monstre, réveillé, au moins en partie, ce qu'il était autrefois. Celle qui lui avait réappris à vivre et portait désormais leur enfant.
Oui, il se dirigeait vers Mélandis. Mais ce n'était pas un aller simple : il comptait bien arracher la rôdeuse et le bébé à cette Cité du Chaos entre toutes honnies, les ramener sur Hélonna.
Qui, cette fois, pourrait être un havre.
Qui abritait un petit garçon. Le fils de Galathée. Le sien, aussi, peut-être, bien qu'il se sente par trop indigne pour se considérer comme son père.
Qui abritait, aussi, leurs amis. Les Merlus... Des gens qui l'acceptaient malgré ses crimes passés.
Il avait une famille, aujourd'hui'hui. Des proches.
Il les retrouverait. Tous.
Seul l'avenir comptait.
En cela, au moins, il y avait un point commun avec sa situation d'autrefois. Et il croyait également que les choses tourneraient bien. Avait-il, alors, retrouvé son vieil optimisme ?
Non. Pas complètement. Pas à l'identique.
Désormais, il se prenait à espérer en la bienveillance d'un dieu humain qui avait croisé sa route. A penser que les choses ne pouvaient pas toujours mal se passer, pas toujours être injustes. Et non plus qu'on pouvait les changer du tout au tout, par la simple force du dévouement et de la bonne volonté.
Il croyait aux miracles.
Il en avait tant vécu...
Oui, les choses pouvaient bien tourner. Et, au besoin, on pouvait toujours leur donner un petit coup de pouce...
Sans voir trop grand.
Au final, était-ce si différent de ce qu'il croyait autrefois ?
Sans doute que non, à bien y réfléchir.

La Liberté avait pris de la vitesse, le vent était fort, froid, et poussait le bateau vers le large. Luménis, déjà, semblait minuscule, et certains des voyageurs, notamment le vieux couple, s'étaient massés à la poupe pour l'observer disparaître. Sans doute n'étaient-ils pas certains de vivre jusqu'au moment où la cité réapparaîtrait. Le petit navire bondissait, fendant les vagues ou les chevauchant, intrépide, son capitaine lorgnant les flots aux côtés de la barreuse. Soudain, la terre disparut et il ne resta que la mer. Et au loin, Dorrandin.

En cherchant éviter la foule qui envahit progressivement le marché, Galariel finit par quitter le front de mer. Ses pérégrinations la menèrent dans des ruelles bordées d'entrepôts parfaitement déserts à cette heure. Au détour de l'un d'entre eux, elle surprit les bruits d'une conversation agitée. En s'approchant discrètement, elle put en discerner la substance :

- Non, pas cette fois. C'est un travail de coursiers et tu ne paies pas assez.
- Tu n'as pas le droit de me laisser tomber comme ça. La cargaison arrive cet après-midi et je ne la ferait pas traverser le quartier est sans escorte. Si tu me laisses tomber maintenant, tu ne travailleras plus jamais pour la compagnie.

Galariel put apercevoir les deux hommes qui discutaient devant le porche d'un bâtiment en briques.

La jeune guerrière aurait dù s'éloigner une simple dispute entre commerçants n'étant pas de son ressort. Néanmoins elle resta, continuant d'écouter la dispute, qui sait? il peut toujours en résulter quelque chose d'intéressant.

Galariel put détailler les deux hommes à loisir pendant qu'ils poursuivaient leur discussion apparemment stérile. Le premier homme était la caricature du marchand avec son surcot jaune vif et son ventre bedonnant. Il s'efforçait de convaincre le second qui le dominait de la tête et des épaules. Il arborait tout une série de tatouages sur ses bras nus et il portait une besantine ainsi qu'une épée à la ceinture. Finalement, le marchand s'aperçut de la présence de la jeune femme et la jaugea en un clin d'œil avant de l'interpeler :

- Hey, vous ! Vous cherchez du travail ? A moins que votre épée ne soit qu'une décoration pour dissuader les importuns ?

Si sa première pensée fut de dégainer son épée pour détacher la tête des épaules de cette caricature de mâle, Galariel se retint (il serait idiot de se retrouver en prison pour sa seconde journée à Luménis, une fois suffisait), aussi s'arma t-elle d'un sourire qui bien que légèrement crispé était suffisant que pour paraitre affable. Néanmoins elle bouillait intérieurement et espérait bien botter les fesses de ce gros lourdaud dès qu'elle en aurait elle même l'occasion.

Cette "décoration" comme vous dites à déjà fait couler plus de sang que celui qui coule dans vos veines... Chéri!

Dit elle en se plantant devant le marchand, elle enchaina directement:

qu'avez vous à me proposer exactement?

Voyant que le marché qu'il tentait de négocier au meilleur tarif risquait de lui filer sous le nez à cause de la nouvelle venue, le guerrier qui faisait face au marchand réagit sans grande subtilité :

- Tu plaisantes, Ravnek ? Tu ne vas tout de même pas prendre au sérieux cette prétentieuse maigrichonne. C'est à moi que tu as promis ce poste de convoyage.

Avant que le guerrier puisse continuer au risque de provoquer des problèmes, le marchand reprit la parole en ignorant volontairement ses protestations pour répondre à Galariel.

- Je vous m'inspirez confiance, contrairement à ce type. Le travail est très simple. Vous devrez escorter un convoi de marchandises depuis les docks jusqu'aux portes est de la ville. Vous n'en aurez que pour quelques heures. Qu'en dîtes-vous ?

j'accepte, ça m'occupera

dit Galariel qui voyait aussi là une occasion de clouer le bec au guerrier qui avait oser la traiter de maigrichonne.

Le guerrier jeta un regard incrédule au marchand et à sa concurrente mais finit par se détourner avec un air dégoûté. Après quelques pas, il lança d'un ton lourd de menace :

- Tu entendras reparler de moi, Ravnek. Je te souhaite bien du plaisir avec ta nouvelle... employée.

Les termes employés étaient clairement équivoques et sous-entendaient son mépris mais il s'éloigna avant que Galariel ou le marchand ne puissent répondre. Ce fut celui-ci qui reprit la parole au bout d'un instant, autant pour expliciter le but de la mission que pour mettre à l'aise la jeune femme qu'il devinait extrêmement tendue.

- C'est une mission facile mais il faudra vous montrer prudente. Il y a toujours des imbéciles sans le sou prêts à tout pour s'emparer de convois mal défendus. Cependant, je ne prévois aucune difficulté cette fois-ci. Vous devez escorter deux de mes chariots et leurs conducteurs depuis les entrepôts jusqu'à la sortie est de la ville. Vous contournerez le parc par le nord et vous devrez traverser quelques rues des taudis. Si le convoi arrive sans encombre, revenez me voir pour votre salaire. Les chariots seront chargés dans une heure à trois rues d'ici. Vous avez des questions ?

J'ai en effet plusieurs questions, premièrement avez vous déjà eu des ennuis par le passé pour éprouver le besoin d'engager une escorte pour l'intérieur de la ville? Deuxièmement, si oui, dans quelles circonstances? y avait-il des similitudes? était ce au même endroit où dans des zones bien éloignées? Troisièmement, l'homme que vous venez de congédier peut-il être considéré comme une menace?

Demanda la jeune femme, au pauvre homme qui bouche bée, essayait de faire le tri dans la salve de questions qu'il venait de subir.

Le marchand fit des yeux ronds tandis qu'il tentait de démêler le monceau de question auquel il était soumis. Il n'avait pas l'habitude que ses employés se montrent aussi curieux d'autant plus lorsqu'il ne s'agissait que d'une simple mission d'escorte. Il mit cela sur le fait d'avoir affaire à une jeune recrue, probablement novice autant qu'il pouvait en juger.
Ce serait à son avantage au niveau des tarifs, du moins si la mercenaire ne se faisait pas tuer ou pire, si elle laissait des voleurs de rue s'emparer de son précieux chargement. Celui-ci n'était pas parmi les plus précieux qu'il tentait de faire parvenir à ses clients de l'est mais il n'était jamais bon pour les affaires de manquer une livraison, surtout si cela profitait à la concurrence.

Il se garda bien de donner tous ces détails à sa nouvelle employée mais répondit tout de même à une partie de ses questions.
- Vous ne devriez rencontrer aucun problème pendant la traversée du quartier nord. Les rues y sont bien gardées et patrouillées. En revanche, prenez garde lorsque vous traverserez les taudis. Mes hommes emprunteront des ruelles détournées pour éviter d'aller à l'encontre des troubles mais il peut arriver que certains mendiants trouvent le courage d'agresser une personne isolée. La garde ne peut pas être partout comme on dit. Pour le reste, laissez faire mes conducteurs. Ils traiteront avec les autorités. Et je ne pense pas que Rijkav, votre malheureux concurrent s'intéresse à vous. c'est une grande gueule mais surtout douée pour intimider.

Galariel acquiesça en hochant la tête:

Ca me va, montrez moi où sont vos chariots que j'aille les rejoindre de ce pas.

Après les explications du marchand, elle aurait pu reconnaitre le parcours mais le temps lui aurait manqué pour atteindre les taudis, aussi rejoigna t-elle le convoi qu'elle devait escorter.
Arrivée là-bas, elle attendit donc que le départ soit donné. Elle meubla son attente à détailler chacun des hommes qui s'affairait dans le coin à la recherche éventuelle d'un comportement suspect et à vérifier son équipement (arbalète de poing chargée avec ce qu'il fallait et épée dégainable sans problème).

L'endroit indiqué par le marchand se révéla être l'arrière cour d'un entrepôt d'importance moyenne. Outre les deux conducteurs qui s'occupaient nonchalamment d'harnacher leurs bêtes et deux ouvriers qui finissaient de transporter les marchandises jusqu'aux chariots, les alentours étaient quasiment déserts. Aucun des hommes d'apparence banale et visiblement désarmés ne fit d'effort pour entamer la conversation avec la guerrière. Celle-ci pouvait cependant sentir peser leurs regards sur elle dès qu'elle détournait son attention. Le départ sembla imminent lorsque les ouvriers s'éclipsèrent dans une venelle latérale. Un des conducteurs apostropha la jeune femme y mettre plus de politesse que le strict nécessaire :

- Ainsi c'est vous qui devez nous escorter. J'espère que vous savez vous défendre et que vous ne nous laisserez pas en plan au premier signe de grabuge.

Galariel ne put réprimer un soupir, il était dit que la première impression qu'elle dégageait n'était pas vraiment impressionnante...d'un autre côté, tant mieux si des adversaires potentiels la prenait pour quantité négligeable, cela lui permettrait de profiter d'un effet de surprise.

n'ai crainte mâle, je n'ai pas l'habitude de fuir à la moindre peccadille

répondit-elle au conducteur, légèrement perplexe de se voir nommer de "mâle".

Sentant que la conversation risquait de tourner à l'incident diplomatique, le second conducteur prit la parole, bien plus conciliant que son collègue :

- N'écoute pas le vieux Gérold, la nouvelle. Ce type est toujours affublé d'une rage de dent pour ce qui est des relations sociales. Si Ravnek t'a choisie, c'est que tu dois être à la hauteur. De toute façon, nous en ferons que traverser le quartier des mendiants. De jour, il n'y a pas grand chose à craindre. Tu n'auras qu'à marcher à dix pas devant nous, cela dissuadera les guetteurs des rues et les gardes ne nous embêterons moins que s'ils pensent que nous sommes ensemble. Laisse-moi leurs parler, personne n'a envie qu'ils posent toutes leurs questions ennuyeuses, non ?

Il était évident que le conducteur lui cachait des choses tout en insistant subtilement pour que la guerrière évite d'aborder certains sujets plus ou moins louches.

Galariel acquiesça d'un signe de tête:

faisons ainsi

Et patienta jusqu'au moment du départ, précédant le convoi de quelques pas quand celui-ci se mit en route, à l'aguet de tout danger potentiel, y compris venant du convoi.

Le mutisme de Galariel convenait parfaitement aux deux conducteurs de chariot. Ce fut d'ailleurs le dénommé Gérold qui prit la tête des deux chariots, encourageant encore moins toute forme de discussion par son air constamment renfrogné. Le convoi traversa une zone portuaire sans intérêt en dehors des hangars où bruissait l'activité de nombreux ouvriers et caristes à l'œuvre. Aucun danger ne semblait devoir menacer le groupe et, du reste, celui-ci ne suscitait guère l'intérêt des travailleurs habitués à voir passer pareil équipage.

Au bout d'une vingtaine de minutes, l'urbanisme changea brusquement et bien vite les rues en terre battue et les entrepôts furent remplacés par des rues pavées bordées par des immeubles d'habitation de plusieurs étages. Même la nouvelle arrivée put se rendre compte qu'ils avaient quitté le quartier portuaire pour pénétrer dans le quartier nord, siège de la plupart des administrations importantes de Luménis. Pour l'heure, les bâtisses différaient peu des entrepôt marchands et semblaient abriter des quartiers d'habitation pour les travailleurs suffisamment aisés et quelques sièges de guildes mineures. Une patrouille de garde de la cité arriva en sens inverse et Gérold fit signe à Galariel de tourner dans une rue latérale comme s'il cherchait à éviter tout contact avec la milice urbaine.

La guerrière tourna dans la ruelle indiqué par Gerold, elle avait bien remarqué que celui-ci cachait quelque chose, mais elle était payée pour garder le convoi, que le marchand pratique de la contrebande ne la concernait en rien. Evidemment, si c'était le conducteur qui cherchait à truander son employeur, elle pourrait avoir un retour de bâton...bah qui vivra verra.

Les gardes ne prêtèrent pas attention au modeste convoi qui venait d'éviter de les croiser. Soit ils avaient mieux à faire que contrôler tous les convois suspects, soit ils n'y avaient tout simplement pas fait attention. Du reste, les deux conducteurs gardèrent une mine impassible, ne livrant aucun indice à la guerrière sur leurs intentions réelles.

Le convoi continua donc d'avancer sans incident d'aucune sorte. Galariel pouvait ainsi contempler au passage des immeubles de taille impressionnante aux façades souvent décorées de bannières, de colonnades ou encore parfois de gargouilles. Mais, peu à peu, les détours indiqués par Gérold menèrent le groupe dans un dédale de petites rues moins bien entourées. Peu à peu, les batiments devinrent décrépi et ne comptèrent bientôt plus qu'un étage pour la plupart. Ils pénétraient dans le quartier est de la cité plus communément appelé les taudis.

HRP : Ugo, est-ce que ça t'ennuie de répondre dans le sujet que j'ai indiqué par mon lien ?

La Couronne de Cuivre

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