[Lieu-dit] Les ruelles des Bas Quartiers

[Manfred]

Ha, ok. L’effet de surprise avait bien fonctionné. Un peu trop même. Tellement en fait que Silmandel en fut lui-même stupéfait. L’espace d’un instant, il demeura, tel un idiot, la rapière brandie, au milieu de la ruelle déserte. Puis, abaissant son arme, il se retourna vers le tas d’affaires. Où diable était parti le garçon ? Etait-ce lui qui avait franchi une porte, ou bien le second truand ? Sans plus tarder, l’ensorceleur se mit à appeler :
« Alexandre, pas cap de revenir tout de suite ! »

[Taliesin]

Ne lui répondit d'abord que le silence, un silence que troublait la rumeur lointaine des artères plus fréquentées.
Une bonne trentaine de secondes s'écoula puis, grâce à son ouïe fine, il lui sembla percevoir une sorte de soupir.
-Faut que j'y réfléchisse... déclara ensuite Alexandre, d'un ton neutre.
Sa voix provenait de derrière un empilement de caisses pourrissantes, à dix bons mètres de là.

[Manfred]

Ouf ! Alexandre n’avait pas pris ses jambes à son cou, comme commençait à le craindre Silmandel. Le retrouver aurait été plus que difficile. Pour autant, il ne pouvait désormais que se méfier de cette créature. L’instant était plutôt mal choisi pour de longues explications. Le chat bipède s’était rapproché des affaires au sol. Il se gratta la tête, pensif. Comment s’y prendre pour rapidement tout arranger ? Finalement, il reprit la parole, un rien moqueur.
« Ha, je comprends ! Monsieur à la trouille d’un gros matou ! Pas glorieux ! Ou alors, il en a une toute petite et il veux pas que ça se sache ! Houu ! »
C’était profondément débile comme remarque mais bon, peut-être que cela allait dédramatiser la situation. D’un coup d’œil, il vérifia ce que l’enfant avait laissé comme habits, histoire de savoir ce qui lui restait sur le dos. Puis il adopta une posture seigneuriale exagérée, avec rapière sur l’épaule, pour appuyer ses propos.

[Taliesin]

Alexandre, qui avait manifestement dû se carapater en abandonnant tous ses effets derrière lui, se fendit d'un "Oh !" retentissant où se mêlaient surprise et indignation. L'instant suivant, il répondait d'un ton non dépourvu d'une pointe d'amusement... et débordant de provocation.
-Vous vous mettez le doigt dans l’œil jusqu'au coude ! D'abord, j'ai absolument, mais alors là absolument aucune raison d'avoir honte de quoi que ce soit ! Au contraire ! Et ensuite, vous me faites pas, mais alors là pas du tout peur ! Simplement...
Il marqua une pause.
-Simplement, je ne sais plus si je peux vraiment vous faire confiance. Parce que... Les rats-garous et la plupart des loups-garous, ils sont méchants. Les ours-garous, eux, ils sont gentils. Mais heu... les chats-garous, c'est ça ? Ben franchement, j'en ai jamais entendu parler. Donc... Voilà.

[Manfred]

Et bien, il en connaissait un rayon sur les garous ! A son âge, c’était assez surprenant. Peut-être était-il passionné par le sujet. Quoi qu’il en soit, Silmandel cessa de faire le pitre. Sa petite provocation avait fait réagir le garçon, sans le pousser à se montrer. Or le temps passait. N’importe qui pouvait émerger dans la ruelle et compliquer encore d’avantage cette histoire.
« Ben, moi-aussi j’en avais jamais entendu parlé, répondit l’ensorceleur, avec franchise. Mais ça doit bien exister puisque l’un d’eux m’a griffé, ici même à Melandis. »
Il tourna de nouveau la tête vers le tas d’affaires. Avec quoi il allait bien pouvoir s’habiller maintenant ? Ses vêtements étaient bien trop grands. Il pouvait peut-être enfiler sa tunique. Il allait nager dedans, elle lui tomberait aux genoux, mais ce serait mieux que rien. Mieux que rien mais pas assez. S’il voulait circuler à la vue de tous, il devait totalement se couvrir.
« Allez, dépêche-toi ! Si quelqu’un passe par ici, on va être dans la mouise. Et on a... un petit souci à régler. »
Pour ne rien arranger, il lui semblait ne plus être en mesure de prononcer correctement les incantations à cause de son élocution différente. Le peu de magie qui lui restait lui était probablement inaccessible. Dommage car un sort de déguisement aurait grandement aidé.

[Taliesin]

-Oui, effectivement, on a un "petit" souci à régler, fit Alexandre qui, après un moment de réflexion, avait fini par se montrer et par s'avancer. Faut qu'on vous trouve des habits. Loin de moi l'idée de revenir à vos insinuations de tout à l'heure, parce que je suis bien au-dessus de ça, mais si on vous voit dans cette tenue, tout le monde risque de se moquer de votre... hum... petit souci. Mais vous avez de la chance, j'ai des vêtements de rechange dans mon sac. Ils seront un peu trop courts mais ça sera mieux que rien. Et puis c'est provisoire : dès qu'on aura trouvé un coin tranquille, vous pourrez vous retransformer, non ?

[Manfred]

« Se moquer ? » répéta Silmandel, surpris, en se mettant à regarder Alexandre.
Concentré sur la problématique vestimentaire, il ne s’était pas attendu à une riposte verbale du garçon. Le connaissant, il aurait pourtant pu la prévoir. Cette petite crapule avait une sacrée répartie.
« Mais pas du tout ! Tombez admiratif plutôt ! Allez, rhabille-toi vite parce que... – Petit rire amusé. – ...parce que faut se dépêcher. »
Il était assez évident qu’il avait changé la fin de sa phrase. Instinctivement, il aurait continué la joute, mais ce n’était pas le bon moment. Embarrassé, il ajouta :
« Je n’arrive pas encore à me retransformer. Ça fait très peu de temps que je suis un lycanthrope. Mais sinon, bonne idée, file-moi tes affaires de rechange. Mes affaires, on les répartira dans nos deux sacs. Après, on avisera. »

[Taliesin]

-Parce que quoi ? l'interrogea Alexandre, le défiant du regard, comme s'il n'avait rien entendu de ce qui avait suivi l'hésitation de Silmandel.
Mais déjà, il passait à l'action, renfilant ses frusques en un tournemain puis fouillant dans son sac.
-Tenez, dit-il en lui tendant des chausses et une tunique. C'est pas parfait, mais ça sera moins pire qu'on pourrait le croire. Quand ma sœur m'achète des habits, elle prend toujours un peu trop grand, parce qu'elle dit que ça me durera plus longtemps que des trucs pile à ma taille. Bon, c'est un mauvais calcul, parce que je suis pas toujours du genre soigneux, mais... Il y a quand même de l'idée.
Il entreprit ensuite de ranger les affaires désormais trop amples pour le chat-garou.
-Pour votre manteau, suffira de faire des ourlets en bas et aux manches. Il sera quand même trop long mais honnêtement, les gens habillés bizarrement, ça manque pas, dans le coin.

[Manfred]

En oubliant délibérément de répondre à la question d’Alexandre, Silmandel enfila les affaires que le garçon lui présentait. Effectivement, cela n’allait pas trop mal, pour le haut en tout cas. En bas, c’était une autre histoire. Sa queue l’enquiquina, mais il s’arrangea en la faisant passer par l’une des jambes des chausses. Il aurait été plus pratique d’aménager un trou dans l’habit, toutefois ce n’était pas le sien. Sa ceinture, il la mit de biais, la faisant passer sur une épaule, sous la seconde. Il pouvait ainsi ranger sa rapière, dans son dos, sans qu’elle touche le sol. Avec des ourlets, il remit son manteau et rabattit le capuchon sur sa tête. Ses mains pouvaient disparaitre dans les manches. Enfin, il récupéra ses bottes. Dès le premier pas qu’il fit avec, il comprit à quel point il allait lui être difficile de les garder. N’étant plus un plantigrade, la différence morphologique au niveau des pieds, était très, trop marquée. Il avait une démarche de parfait ivrogne. Certes, avec un rembourrage judicieusement positionné, peut-être que cela aurait été moins voyant. Pas le temps pour ça, et pas forcément utile non plus. Le manteau était si ample qu’en le gardant fermé, il dissimulait l’hybride intégralement. Celui-ci se résolut donc à demeurer pieds nus. Il aurait même pu se passer de chausses et de tunique. Mais maintenant qu’il les avait mises, autant les garder. Il rangea ses bottes dans son sac, se chargea de ce dernier et demanda à l’enfant :
« Je suis comment ? Je peux me montrer comme ça à ton avis ? Hé attention, pas de blague, sinon ma vengeance sera terrible ! »

[Taliesin]

Le gamin, qui avait chargé son sac sur ses épaules, adopta aussitôt une attitude de défi, bras croisés, menton relevé...
-Vous savez, j'ai d'abord pensé vous répondre très sérieusement, vous dire que vous avez l'air un peu bizarre mais que c'est juste assez léger pour ne pas trop attirer l'attention... Mais honnêtement, se faire menacer par une sorte de grosse peluche inoffensive, c'est tellement amusant que, et bien...
Il sourit.
-Vous avez l'air complètement ridicule. Si vous vous montrez comme ça, tout le monde se fichera de votre tête, vous pointera du doigt et vous suivra en vous lançant des fruits pourris. Alors il vaut mieux que vous suiviez mon conseil : pendant que je passerai par les rues, déplacez-vous dans les égouts. D'accord, les monstres qui s'y trouvent se payeront aussi votre tête. Mais le côté positif, c'est qu'ils seront trop morts de rire pour vous attaquer.

[Manfred]

« Ha c’est comme ça ! Espèce de petite canaille ! Je vais t’assommer comme me l’a préconisé ta sœur ! », déclara Silmandel, le poing brandi.
Forcément, puisqu’il riait à moitié, on ne pouvait pas du tout le prendre au sérieux. Rabaissant son bras, il jeta un regard circulaire dans la venelle. Estimant qu’ils étaient toujours seuls, il fit pivoter son sac d’un mouvement d’épaule, le rouvrit, farfouilla à l’intérieur jusqu’à trouver sa bourse, et en extirpa trois pièces d’or.
« Allez tiens. La troisième, c’est parce que tu as assuré comme un chef ! »
Il serait ensuite grand temps de déserter l’endroit afin de retrouver une rue plus fréquentée.

[Taliesin]

-Hé, je ne demande pas d'argent pour ça ! protesta son acolyte. Vous nous avez rendu service, alors fallait bien que je vous rende la pareille. Et puis, ma sœur m'aurait passé un sacré savon si je vous avais pas ramené dans le même état que lorsqu'elle ma demandé de veiller sur vous...
Ses fanfaronnades ne l'empêchèrent pas d'observer les environs avec attention.
--Bon, mais c'est pas un super endroit pour mener de grandes tractations... Je vous rendrai cette pièce... en vous offrant à boire, tiens. Du lait, évidemment.
Ils se remirent donc en route, bifurquèrent dans la première venelle venelle et regagnèrent la rue plus fréquentée qu'ils avaient remontée en compagnie de Clémentine. Pour l'heure, les multiples badauds ne semblaient leur prêter aucune attention.

[Manfred]

« Ha... c’est vrai que tu es affreux. Je suis sûr que pour te supporter une journée entière, ta sœur te ligote et te bâillonne dans un coin. Si elle t’assommait à chaque fois, elle aurait depuis longtemps réduit en bouillie ta petite tête de linotte. Et puis, de un, je suis plus dans le même état qu’avant. De deux, sans moi, tu serais à poil à l’heure actuelle. Tu devrais me dire merci ! De trois, le lait, ce sera pour toi, c’est de ton âge ! »
Silmandel n’en montrait rien, mais il réalisait à présent qu’il avait eu très peur. Peur qu’il arrive malheur à Alexandre. Le contrecoup de l’incident le faisait trembler légèrement. De surcroit, se savoir une créature dissimulée par un simple manteau n’était pas spécialement apaisant. Personne, pour l’instant, ne semblait rien avoir remarqué. Il fallait espérer que cela continu ainsi.
« De quatre, je propose de prendre doucement le chemin de la Gorgée d’Orge. Si tu sais où elle se trouve, c’est le moment de te rendre utile », poursuivit-il sur sa lancée.

[Taliesin]

-Pour le quatrième point, je suis d'accord. Mais c'est bien le seul. Parce que les autres...
Pour l'heure, le garçon continuait à les mener dans la même direction.
-De un, je vous ramènerai pas à Clémentine tant que vous aurez cette tête, parce que je voudrais pas qu'elle ait une attaque. De deux, sans moi, vous seriez mort : si j'avais pas fait l'imbécile pour attirer l'attention des bandits, ils vous auraient abattu dès qu'ils auraient vu que vous commenciez à vous transformer. Bref, c'est grâce à moi, et uniquement grâce à moi qu'on s'en est sortis. De trois... Le lait, tous les chats en boivent, quel que soit leur âge. Donc vous aurez droit à rien d'autre.
Alexandre semblait connaître aussi bien que sa sœur la façon de se comporter dans les bas-fonds pour éviter de s'attirer trop d'ennuis. Il s'avançait sans crainte apparente, sans tenter de passer inaperçu, contournant les groupes trop menaçants et ne répondant pas aux signes provocateurs ou aux appels des individus louches qui croisaient dans les parages.

[Manfred]

« De un, c’est pas nous qui allons à Clémentine, mais Clémentine qui viendra à nous. »
Ce n’était pas tout à fait exact, puisqu’autant eux que la jeune femme devaient se rendre au lieu de rendez-vous. Cependant, c’était à eux de traîner dans le coin puisqu’ils n’avaient rien d’autre à faire et qu’il était important de se réunir le plus tôt possible. Silmandel estimait que sa transformation ne changeait rien, au contraire. Sa situation était précaire. S’il pouvait l’écourter, ce serait mieux. Par chance, bien que Clémentine ignore sa condition de lycanthrope, elle l’avait déjà vu avec une taille d’enfant et elle allait reconnaitre son manteau. Cela devrait éviter quelques soucis.
« Par contre, je compte sur toi pour rapidement lui expliquer ce qui s’est passé si elle est de retour avant que je ne puisse redevenir normal. Elle ne sait pas ce que je suis. Je n’ai pas eu l’occasion de le lui révéler. »
Et paradoxalement, s’il n’avait pas été griffé par le chat-garou, il n’aurait pas attrapé la rage, Clémentine ne lui aurait pas sauvé la vie, il ne l’aurait pas autant apprécié et, peut-être qu’au final il ne se serait pas lancé dans les crypte à la recherche d’Alexandre.
« De deux, les brigands se seraient enfuis de toute façon. Tu n’as servi à rien, à rien de rien ! »
C’était beau la mauvaise foi !
« De trois, je bois ce que je veux et tu bois ce que je veux ! Sinon, je te mets une fessée devant tout le monde ! Na ! »
L’ensorceleur suivait l’exemple du garçon pour ne pas attirer l’attention. Il faudrait songer à se dénicher un coin tranquille pour attendre.

[Taliesin]

-De un, comme nous arriverons là-bas avant elle, c'est elle qui viendra à nous. De deux, les bandits ne voulaient pas du tout fuir, c'est juste parce que je leur ai mis la honte qu'ils se sont barrés, et sûrement pas à cause de votre tête de peluche. De trois, essayez un peu pour voir : le dernier qui a essayé de me frapper a dû ramasser ses dents dans le caniveau. Remarquez, vous en avez pas besoin, de dents, pour boire du lait...
Ils continuaient leur prudente progression. Pour l'heure, aucune amélioration dans le paysage urbain, toujours aussi misérable.

[Manfred]

« D’un, c’est ce que je te disais. En plus de servir à rien, tu es sourds ! De deux, ils ont certes compris que tu étais une fille, mais il n’y a pas de quoi en avoir peur. J’ai tout fait tout seul, je suis un héros ! De trois, je suppose que cette dernière personne qui voulait te frapper était un vieux moribond qui sait cassé tout seul la figure dans le caniveau, non sans parvenir au préalable à ses fins bien sûr, car tu as des muscles de fillette ! Et de quatre, je parie dix pièces d’or que tu n’es pas cap de me laisser le dernier mot ! »
Mais quelle bande de couillons ils faisaient tout les deux. Heureusement que Clémentine n’était pas là pour entendre tout ça.

[Taliesin]

-De un, vous devez être sourd ou alors pas saisir repérer l'implicite, parce que ce que je voulais dire, c'est que comme on sera là-bas en premier, on la verra arriver, et donc, on ira vers elle. De deux, en plus d'être sourd, vous devez être aveugle, ou alors vos parents vous ont pas appris la différence entre les filles et les garçons. De trois... Oui, vous êtes vraiment aveugle, parce que plus baraqué que moi, tu meurs. De quatre, non, pas cap, parce que vous laisser le dernier mot serait contraire à mon honneur, surtout que c'est moi qui ait tout fait alors que vous, vous avez juste compliqué la situation.
Peut-être le fait qu'ils discutent tranquillement, s'ajoutant à leur conduite discrètement prudente, tint à l'écart les malfrats qui avaient pu s'intéresser à eux. En tout cas, personne ne vint les importuner et, à présent, le décor se faisait moins sordide. Aucun doute, ils devaient se rapprocher des quartiers plus fréquentables.

[Manfred]

« D’un, si Clémentine se dissimule, on ne la verra pas arriver. Donc c’est bien elle qui viendra à nous. Donc j’ai raison ! Donc tu es sourd ! De deux, si tu es un garçon, tu as dû perdre ton machin quelque part parce que personne ne l’a vu sur toi. De trois, si tu es musclé, alors moi je suis la Tarasque ! De quatre, ho il est pas cap ! Ho, honte à lui ! Aucun courage ! Ridicule ! Ri-di-cule ! »
Oui oui, une discussion pouvait tomber aussi bas. N’en demeurait pas moins qu’ils approchaient sans encombre de leur destination et que ces fréquents échanges avaient permis à l’elfe transformé de calmer ses tremblements.

[Taliesin]

-De un, je repérerais instantanément Clémentine même si elle était invisible. De deux, à par vous qui êtes aveugle, tout le monde l'a vu, et c'est pour ça que les bandits ont fui si vite, parce qu'ils étaient hyper complexés. De trois, même chose, et ils ont eu la frousse que je leur colle une rouste. De quatre... Dites, vous avez quel âge ? Remarquez, avec les elfes, on peut jamais vraiment savoir... Si ça se trouve, vous êtes même pas adulte. Alors dans le doute, c'est moi qui prends la tête du groupe. Et vous avez intérêt à filer droit, monsieur la peluche !
Ils dépassèrent quelques boutiques. D'allure miteuse, elles n'en annonçaient pas moins l'approche de l'Esplanade Impériale. En tout cas de sa périphérie.

[Manfred]

Silmandel ouvrit la bouche pour répliquer, fermement décidé à ne pas laisser ce morpion l’emporter, mais il réalisa ne plus avoir sur l’instant d’idées amusantes. Cela voulait-il dire que... que... Non, impossible ! Et pourtant... Loin d’être vexé, car il n’avait pas d’orgueil mal placé, il s’en amusa.
« Ok, ok ! Tu as gagné ! Je me rends ! » déclara-t-il, après un temps de retard.
Il jeta un coup d’œil aux alentours. S’il trouvait une boutique vestimentaire, peut-être pourrait-il acquérir un manteau à capuchon, taillé pour un nain, qu’il aurait par la suite tout le loisir d’adapter à sa forme hybride. Et des gants aussi. Et pourquoi pas un masque également ? Hum, il allait peut-être un peu loin. Le plus sage, c’était sans doute d’attendre Clémentine.
« Tu es tellement fort ! Comment luter ? Tu n’as jamais songé à devenir un dieu, par hasard ? » ajouta-il avec malice, histoire de nuancer sa reddition.

[Taliesin]

-Hé, pas mal, comme idée ! On dirait pas, comme ça, mais vous êtes quand même futé... Bon, le souci, c'est que je peux pas songer à devenir dieu, parce que... j'en suis déjà un. C'est pour ça, d'ailleurs, que les cultistes voulaient me sacrifier à leur démon. Mais donc, maintenant que vous avez eu cette Grande Révélation, il faudrait normalement que vous vous prosterniez devant moi et que vous me prêtiez allégeance. Sauf qu'on est pas tout seuls, que les gens trouveraient ça bizarre... Bref, ça devra attendre qu'on soit plus tranquilles.
Silmandel finit par repérer une friperie. Peut-être y trouverait-il ce qu'il cherchait ? Toutefois, il devrait alors accepter que son manteau ne vaille guère mieux qu'une loque...

[Manfred]

L’elfe hésita, marqua un temps d’arrêt face au miteux commerce. Il était à deux doigts d’y aller quand il eut peur que cela leur attire des ennuis. Avoir peur si vite, cela ne lui ressemblait pas. Avoir peur pour les autres, il le découvrait aujourd’hui. Ses anciens compagnons d’aventure ayant été plus aguerris que lui, il les avait toujours considérés comme invulnérables. Il verrait plus tard pour les vêtements. Il nourrissait l’espoir que Clémentine soit déjà là. Il voulait être à la Gorgée d’Orge au plus vite. Il reprit donc la route, tout en répondant à Alexandre :
« Hein, heu, tu disais ? Excuses-moi, je n’écoutais pas tes bêtises. J’avais tellement mieux à faire. »
Bien sûr, il mentait, il avait tout écouté. Ce n’était qu’une contre-attaque de plus.

[Taliesin]

-Allez, pas besoin de chercher des excuses ! Vous savez, ça arrive à plein de gens d'être sourds, ou de pas avoir l'esprit assez vif pour comprendre de longues phrases avec des expression aussi compliquées que "se prosterner" ou "prêter allégeance". Promis, j'essaierai de parler plus simplement, à l'avenir. Et plus fort, aussi.
Le garçon, à qui rien ne semblait susceptible de clouer le bec, le fit alors bifurquer dans une rue plus large. Ils s'approchaient de la taverne.

[Manfred]

Depuis ici

Mélandis, la cité du chaos... Louve avait pour l’instant plutôt envie de la nommer la cité de la pestilence. Jamais, ô grand jamais, son odorat aiguisé n’avait été agressé par une telle puanteur. La fange infecte des ruelles, la crasse des gens innombrables... cela lui donnait la nausée. Et puis, toute cette agitation, toutes ces voix... Elle avait vu en quelques heures bien plus de visages que durant toute sa vie. Sans Boniface, elle aurait été complètement perdue. Et ce qui l’inquiétait, c’était que le rat-garou lui-même paraissait un peu perdu. Il ne connaissait pas cette cité. Son expérience des villes, il l’avait forgé ailleurs. Cette expérience lui permit tout de même de franchir les portes de la capitale Melandienne sans avoir de problème. Lui et Louve s’était glissé au milieu des badauds, commerçants et autres citadins lambdas transitant par cette voie plus que fréquentée. Ils avaient chacun une mise modeste, qui n’attirait pas l’attention sur eux. Après quelques déambulations hasardeuses, le duo gagna les sordides bas-fonds.

C’était la nuit, Louve se sentait particulièrement las. Elle était assise dans un tripot misérable en compagnie de Boniface. Devant elle, une chope de bière. Le rat-garou vida la sienne et faillit s’étrangler.
« Pas si mal, dit-il néanmoins. Ne t’en fais pas, je tâtonnes mais ça ne va pas durer. Laisses-moi faire et tout ira bien. »

[Louve]

Mélandis la ville qui puait, Mélandis le dédale. C'était donc ça une ville ? En dépit de l'odeur abominable qui manqua la faire vomir plusieurs fois elle était impressionnée. Cette forêt de bâtiments, cette foule grouillante et bigarrée dans laquelle elle était invisible. Tout était nouveau à lui en tourner la tête. Elle souriait sans vraiment s'en rendre compte.

Elle déchanta quelque peu quand elle s'aperçut que Boniface était quelque peu perdu. Etait-il un guide vraiment fiable ? Elle espéra que oui.

Au bout d'un moment, la fatigue accumulée lui tomba dessus sans prévenir. Cela tombait bien, elle était assise. En face d'elle, le rat garou avait déposé un breuvage étrange. De la bière ... Le vieux n'avait jamais voulu qu'elle y touche de peur qu'elle perde le contrôle. Aujourd'hui, elle était contente de pouvoir enfin transgresser l'interdit. Elle prit le verre devant elle et le porta à sa bouche et grimaçant un peu goûta l'amertume du breuvage.

[Manfred]

Boniface déposa sa chope vide sur la table, s’essuya la bouche d’un revers de manche, puis déclara à voix basse :
« Je dois trouver mes marques dans cette cité. Il va falloir être un peu patient, même si ça ne sera pas très long. N’oublie pas la règle d’or et tout ira bien. Et la règle, c’est de cacher ta nature. Tu es puissante, Louve, mais n’oublie jamais qu’ici, en ville, il y a toujours plus puissant que toi. Commence un massacre et tu te condamne à coup sûr. Des mages, des prêtres, des spadassins avec des armes en argent, ils te tomberont tous dessus et tu finiras exécutée en place public face à des gens qui riront de ton trépas. Non, si jamais tu dois te défendre, fait comme les hommes, prend une arme et sers-toi en. Plus tard, je t’expliquerais quand on peut se dévoiler. »

[Louve]

Louve imita Boniface tout en l'écoutant. Diantre, c'était ça de la bière ? Mais c'était immonde. Elle faillit recracher le liquide par terre mais parvint à l'avaler de justesse. C'était amer et épais. Heureusement, elle n'en avait bu qu'une gorgée. Elle s'essuya elle aussi avec sa manche. Et récita comme une écolière, reproduisant sans s'en rendre compte l'attitude de la petite fille studieuse qu'elle avait été avec le vieux.

"Donc je ne dévoile pas ma nature. Si je dois me battre je dois me servir d'une arme. Oui, ça ne me semble pas trop compliqué. Et si on me demande mon nom, qu'est-ce que je réponds ? Pour des habitants de la ville, ça ne sonnera pas trop bizarre ?"

Elle ne posa aucune question sur ses cheveux roux et ses tâches de son qu'elle espérait ne pas avoir à dissimuler non plus.

[Manfred]

« Ton nom... On verra ça quand on sera en haut, répondit Boniface. On va dormir ici. Enfin, s’il reste des chambres. Attends-moi là, je vais voir. »
Il en restait. Peu après, voilà les deux lycanthropes dans une pièce exigüe, meublée de deux paillasses et d’autant de coffres vermoulus. L’endroit était miteux, mais il ne fallait pas s’attendre à mieux dans ce quartier.
« Bon. Ça ira, pour cette nuit. Parles doucement, on entend tout depuis le couloir ou les autres chambres. »
Effectivement, ils entendaient tout, y compris le jeu de jambes en l’air qui avait lieu derrière l’une des cloisons de bois. Boniface s’assis sur un des coffres, réfléchit un instant, puis dit :
« Louve, il va falloir songer au masque que tu veux porter. Par masque, j’entends le rôle que tu veux te donner, la personne que tu veux que les autres pensent que tu es. Ça comprend ton nom, mais aussi ton histoire et l’attitude qui va avec. Je te conseille vivement de ne pas chercher loin, parce que, ce masque, tu vas devoir le porter presque tout le temps. S’il est trop différent de ce que tu es vraiment, il tombera vite. »
Petite pause.
« Louve, ce n’est pas un nom. Mais ça peut être un surnom. Ça peut être ton surnom. Tu pourrais t’appeler Diane la Louve, Maria la Louve, Yolande la Louve. Choisi un prénom qui te plais et que tu es sûr de ne pas oublier. »

[Louve]

"Un nom, un masque ..." répéta Louve pensive.

Elle qui ne connaissait pas sa véritable histoire devait en inventer une. La ville devenait alors le prétexte pour un nouveau départ. Indifférente aux vocalises de ses voisins de l'autre coté du mur, elle réfléchit. Qu'aurait-elle voulu être ? Elle ne se sentait pas l'âme d'une princesse ou d'une reine, ignorait trop des océans pour se prétendre pirate, n'avait aucune prédisposition en magie en revanche ...

"Et si j'étais un ancien soldat qui s'ennuie ? J'ai fait la guerre du coté de Mélandis et j'ai eu mon lot de tuerie. Malheureusement, toute bonne chose a une fin. Pour ce qui est du nom ..."

Elle se souvint d'un couple d'amoureux qu'elle avait tué. Deux amants s'embrassant au clair de lune qui pensait que leur amour les mettrait à l'abri de tout. Les imbéciles. Elles les avait eu facilement. La femme d'abord. Elle s'était éloignée une fraction de seconde. Cela avait suffi. Elle avait laissé son amant éperdu l'appeler un bon moment puis lui avait laissé découvrir son corps avant de le tuer à son tour. Comment s'appelait-elle déjà ?

"Alix."