[Lieu] Combeloup

[Taliesin]

-Et moi, je m'efforcerai de vous dérider, de vous faire penser à autre chose, de faire en sorte que vous vous amusiez. C'est un bon échange, non ? Mais, bien évidemment, j'écouterai d'abord, avec toute l'attention et toute la gravité adéquates, les sujets dont vous vouliez m'entretenir.
Un bruit de sabots sur les pavés. Une ombre sous le porche.
Bastien fit son apparition, juché sur son cheval. Il haussa un sourcil incrédule, esquissa une grimace explicite en apercevant Albérich. Mais il se reprit aussitôt et arbora une mine chaleureuse un peu fausse mais bien composée.
-Bonjour Elisa ! Bonjour mon oncle ! dit-il d'un ton léger.
Sa sœur n'avait manifestement rien remarqué.

[Galathée]

Albérich salua son neveu sans effusion. Il n'avait pas l'intention de rentrer dans son jeu, ni de tenter de l'amadouer. Peut-être faudrait-il qu'il essaie de crever cet abcès avant de quitter le village, mais ce n'était pas le moment. L'idée d'avoir à se heurter à l'enfant le remplissait cependant de lassitude. Mais il comprenait la réaction de Bastien. Il ne pouvait pas vraiment lui en vouloir. C'était un gosse.
Il attendit patiemment le retour du petit Gabriel, laissant les enfants d'Eudes converser.

[Taliesin]

La baronne ne tarda pas à annoncer la nouvelle à son cadet.
-Albérich va venir avec nous. Et comme il voulait me parler de certaines choses... j'en ai profité pour annoncer que la promenade se prolongerait au-delà des heures habituelles. M'est avis qu'on ne rentrera pas tôt !
Le gamin coula un regard furtif en direction de son oncle, mais ne broncha pas. Au contraire, il afficha une expression réjouie du meilleur effet.
-C'est une excellente nouvelle !
Il était décidément bon comédien...
Le page revint quelques minutes plus tard, chargé de victuailles. Ils se mirent aussitôt en selle et, au petit trop, quittèrent la cour du château.
Dans le ciel d'azur sans tâche, le soleil brillait, radieux. La journée promettait d'être aussi chaude que magnifique.

[Galathée]

Filant bon train, ils arrivèrent rapidement à la garnison et Albérich quitta la croupe du cheval d'Elisa pour aller seller Douce. Il était de moins en moins certain que cette escapade était une bonne idée. Il avait la claire impression d'être un cheveu dans la soupe et il aurait de loin préféré que Bastien affiche son hostilité plutôt qu'il se livre à une pantomime de mauvais aloi. La duplicité n'était jamais une bonne chose. Mais cela ne fit que raffermir sa détermination : il fallait qu'il convainque Elisa qu'un clerc serait une bonne chose pour Combeloup.
Dès qu'il eut préparé la jument, il rejoignit les enfants dans l'herbe sauvage de la crête.

[Taliesin]

Ils se remirent en route sans tarder. Peu à peu, au fil du pas encore tranquille de leurs montures, Bastien en vint à prendre les devants, à s'éloigner insensiblement mais indéniablement. Jusqu'à avoir sur eux plusieurs longueurs d'avance.
-Tu devrais aller avec lui, Gabriel... fit la baronne.
Le gosse grimaça.
-Mon devoir est de rester avec vous, madame.
-Ton devoir est de me protéger, répliqua-r-elle du tac-au-tac. Et tu seras beaucoup plus efficace à l'avant garde. Imagine, si d'aventure des bandits attendent pour nous tendre une embuscade !
Gabriel soupira.
-Sauf votre respect, madame, il n'y a pas de bandits. Je ne suis pas dupe.
Elisa haussa les épaules.
-Et bien, je t'ordonne de l'être !
Le page s'empourpra.
-Heu... Oui, madame. Des bandits, donc... L'avant garde...
Et de piquer des deux pour rejoindre Bastien.
-Bon, maintenant que ce détail est réglé... Nous pouvons parler ! dit la jeune fille. Ensuite, nous pourrons songer à nous détendre.

[Galathée]

Albérich regarda les enfants filer pendant quelques secondes, puis se tourna vers la baronne.
" Comment allez-vous, Elisa ? Vous habituez-vous... à votre nouvelle situation ?" demanda-t-il finalement.
Il se doutait qu'elle lui répondrait avec sa morgue habituelle, sans révéler le moindre accroc dans sa cuirasse, mais il ne pouvait pas s'empêcher d'être un peu inquiet. Et il avait besoin de se déculpabiliser.

[Taliesin]

Elle haussa les épaules, désinvolte.
-L'avantage, quand les choses vous tombent sur le coin de la figure à l'improviste, c'est que vous n'avez pas le loisir d'anticiper, de tergiverser, de vous inquiéter : vous êtes d'emblée dans le bain. Alors il faut prendre les choses à bras le corps pour s'en sortir... Là encore, ça empêche de trop s'attarder sur le passé, de trop réfléchir. Et, au final, quand la situation se normalise un peu... On se rend compte qu'on s'y est fait.
Elle sourit.
-Je ne suis pas orgueilleuse au point de m'accorder tout le mérite de cette adaptation : vous et Ada m'avez aidé, dans un premier temps ; Barthélémy et les envoyés de ma tante, ensuite ; et maintenant, Bastien. Il me permet de me changer les idées, de passer des moments agréables... d'avoir plus de force pour m'attaquer aux tâches pénibles ou ennuyeuses. Bref, j'ai été et je suis bien entourée !

[Galathée]

" Tant mieux." dit simplement le Luménien. " Les choses continueront sans nul doute à s'améliorer au fil du temps..."
Son regard fila à nouveau vers les deux garçons qui cavalaient désormais à bonne distance.
" Que pensez-vous de Bastien ? Sa... guérison est des plus surprenantes. Vous semble-t-il pareil à ce qu'il était autrefois ?"

[Taliesin]

-Dur à dire... Autrefois, compte tenu de la situation, je ne le voyais pas aussi souvent. Et rarement d'aussi près. Mais... J'ai l'impression qu'il aime toujours autant arpenter le pays. En revanche, je le sens plus... sociable. Moins sauvage. Tant mieux : outre le plaisir de sa compagnie, il me libère de celle de cet autre pot de colle ! Quant à sa guérison... C'est spectaculaire, oui. Nous pensions tous que les progrès seraient lents, et c'est ainsi que ça a commencé. Mais il s'est brusquement réveillé. C'est un petit miracle. Ou un grand. Dans tous les cas, c'est bienvenu. Et heureux.

[Galathée]

La réponse d'Elisa laissa Albérich songeur, et inquiet, mais il le dissimula en opinant du chef. Il ne parvenait pas à comprendre comment la lumière avait pu surgir de la souffrance tandis que des mois et des mois d'amour et d'attention constante n'avaient servi à rien. Quel mécanisme pervers était à l'oeuvre dans cette résurrection ? Fallait-il craindre cet enfant ou se réjouir, innocemment, de son nouvel élan ?
Bien sûr, il noircissait le tableau parce que Bastien lui en voulait. Elisa avait peut-être raison. Certainement. Mais il faudrait s'en assurer. Il frissonna malgré lui.
" Je suis heureux que vous ayez pu vous retrouver. Et je suis heureux qu'il aille mieux. J'espère que ce n'est pas juste une illusion..."

[Taliesin]

Sa dernière remarque laissa l'adolescente bouche bée.
-Une illusion ? Que voulez-vous dire ? En quoi la fin de... de son état précédent, où il était fermé, replié sur lui-même, comme insensible, prostré... enfin, la fin de son état d'avant, quoi, pourrait-elle être une illusion ? s'exclama-t-elle, incrédule.

[Galathée]

" Je voulais dire... que j'espère simplement qu'il va réellement mieux. Que cette débauche subite d'énergie est le signe d'un enthousiasme non feint... et pas l'expression de son mal être, dans son extrême inverse... Mais vous le connaissez mieux que moi. Vous semblez satisfaite de cette évolution. Et vous parlez avec lui, je suppose, entre deux chevauchées. Je vous fais confiance."
Alarmer Elisa n'était pas tout à fait ce qu'il avait cherché à accomplir. En même temps, c'était une femme subtile. Sa vigilance aurait son utilité.

[Taliesin]

Qu'elle fût alarmée ou non, elle ne semblait pas, en tout cas, vouloir changer de sujet.
-Vous le penseriez capable de jouer à ce point la comédie ? Et si vraiment son mal être était encore si fort, ne se traduirait-il pas par... d'autres comportements ? Je veux dire, on arrête pas de nous rabâcher que les ados sont emplis de mal être. D'accord, c'est peut-être vrai. Mais nous le manifestons par des excès, des réactions extrêmes, des attitudes exactement inverses à celles que l'on voudrait nous voir adopter... Or, Bastien s'amuse simplement, a retrouvé ses plaisirs d'autrefois, n'est absolument pas conflictuel...

[Galathée]

" Alors c'est parfait." dit Albérich. " Je ne l'ai pas connu avant, à vrai dire... Quelques jours de neige, à peine... Je ne peux pas juger. L'image que j'ai de lui... n'a rien à voir avec ça."
Il fit un geste pour embrasser le paysage où galopaient les deux petits garçons.
" Mais si vous me dites que c'est une expression de bonheur pur..."
Son sourire se fit plus serein.
" Alors je ne puis que m'en réjouir. Et je vous crois. Je suis juste... anxieux de nature, je le crains. Ça me passera, dans quelques années, si la vie se montre clémente."

[Taliesin]

-Votre voyez généralement assez clair... répondit-elle doucement. Et j'ai confiance en vos impressions. Mais concernant Bastien... Bon, je ne nie pas qu'il est peut-être un peu trop enthousiaste, mais ne le serait-on pas après des mois d'immobilité, de prostration ? Et sa guérison, aussi rapide soit-elle, n'est-il pas possible de l'expliquer rationnellement ? Son grand-père l'a entouré de soins constants. Je l'ai fait, quand je pouvais. Et vous l'avez aidé, aussi... Sans compter votre frère, lors de son bref passage... Est-il illégitime de penser que toutes ces démonstrations d'affection ont compensé les souffrances vécues ? Au moins assez pour le laisser repartir de l'avant ?

[Galathée]

" Certes." dit l'ancien clerc. " C'est juste survenu si brutalement... et c'était inespéré..."
Il secoua la tête, croisa le regard de la jeune femme.
" Ne vous fiez pas à mes impressions. Elles ne sont plus ce qu'elles étaient. Cela fait longtemps que je ne me fais plus confiance en la matière. Vous connaissez Bastien bien mieux que moi. Fiez-vous à vous-même. Et excusez-moi d'avoir terni votre enthousiasme par mes supputations maladroites. Je devrais être capable de reconnaître la beauté de la vie lorsqu'elle me passe sous le nez. Mais j'y suis devenu moins sensible, voilà tout."

[Taliesin]

-Pour être franche, je ne le connais pas... soupira-t-elle. Autrefois, comme je vous le disais, je le voyais peu. La situation ne s'y prêtait guère : je savais qui il était, mais pas lui. Ni les autres habitants. Qu'auraient-ils pensé, si j'avais recherché sa compagnie ? Bref, en réalité, je le découvre. Et compte tenu de ce que je savais, ou croyais savoir de lui... Son attitude actuelle me paraît tout à fait normale. Il n'est pas impossible, pourtant, que je me trompe...
Elle secoua la tête.
-Mais vous allez pouvoir l'observer, aujourd'hui. Et dans un cadre magnifique. Toute cette nature, toute cette vie... Certes, je rêve parfois de grande ville, mais je suis particulièrement sensible à ce printemps.
Elle se redressa sur sa selle, jeta un regard appuyé au paysage.
-D'ailleurs... Le printemps, cet afflux d'énergie... Est-ce que ça ne pourrait pas être l'explication première de sa guérison, compte tenu de son lien particulier avec la nature ? Pour lui comme pour la terre, l'hiver a battu en retraite.

[Galathée]

Albérich aurait aimé que les choses en soient ainsi, et peut-être était-ce le cas, après tout. Peut-être que la torture infligée par Noir Dessein n'avait rien à voir avec tout ça, qu'elle s'était juste produite de manière concomitante, une simple coïncidence.
" Je n'y avais pas songé." répondit le Luménien.
Il se laissa un instant porter par le printemps autour de lui. La température était devenue agréable, l'air bruissait d'un vent doux, des promenades des abeilles et des papillons, les fleurs ouvraient des corolles généreuses au soleil tranquille, piquetant les collines de couleurs vives, rouge des coquelicots, violet des chardons, blanc des marguerites, jaune des soucis, sur le vert hypnotique des herbes sauvages. Les arbres étaient eux aussi couverts de pétales, la forêt déployait mille nuances, les oiseaux fusaient dans le ciel clair et sous le pas de leurs chevaux. Il faisait bon vivre, simplement. La Dame régnait dans son pays. Et elle avait promis de protéger Bastien. Mais combien de temps ? Contre l'assaut de Noir Dessein, peut-être. Mais pas contre la suite. Comment le savoir ? Albérich n'avait pas envie de retourner dans son domaine. Il ne savait que trop bien ce qui risquait de s'y produire et il craignait de finir envoûté, prisonnier comme ces hommes qui abusent de lotus noir et ne peuvent plus jamais s'en passer. Il était trop tôt pour y retourner.
" Mais vous avez raison. La journée me permettra de me faire une idée."
Toute une journée en selle, avec ces enfants ! Qu'est-ce qui lui était passé par la tête ?!

[Taliesin]

-Au pire, nous pourrions faire un crochet par le domaine de la Dame. Elle pourrait vous apporter des réponses, non ?
Les gamins étaient à peine visibles, devant eux. La baronne fit donc, très légèrement, accélérer sa monture.
-Mais donc, c'est seulement de Bastien que vous vouliez me parler ? demanda-t-elle. Si c'est le cas, vous me voyez navrée de vous avoir fait payer au prix fort - celui d'une longue escapade - votre souci pour mon frère...

[Galathée]

" A vrai dire, ce n'était pas du tout ce dont je voulais vous parler." dit le Luménien en prenant le petit galop. " Et cette escapade n'est pas une torture, qu'allez-vous imaginer. Après tout, lorsque je reviendrai, vous serez probablement mariée, devenue sérieuse, acariâtre, et vous ne baisserez plus les yeux sur les roturiers dans mon genre. Alors moi aussi, j'ai le droit de profiter un peu de votre compagnie, simplement."

[Taliesin]

-Vous êtes sérieux quand vous dites vouloir partir pour si longtemps ? s'enquit-elle, l'air chagrin. Parce qu'avant que je sois sérieuse et acariâtre, avant que je ne daigne plus baisser les yeux sur les roturiers, il faudra des décennies. Même si, dans ce dernier cas, vous ne serez jamais concerné puisque, pour autant que je sache, César est de noble naissance. Mais des décennies, donc... Voilà qui m'attriste. Qui suis-je, cependant, pour vous détourner de vos desseins ? Je peux juste vous dire qu'au cas où revenir à Combeloup vous tenterait, j'aurais de quoi vous occuper largement, et utilement. Ah, et je peux aussi faire en sorte que cette journée soit la plus agréable possible, afin que vous emportiez avec vous de beaux souvenirs. Me reste donc à trouver d'autres activités que l'équitation...

[Galathée]

" J'espère revenir avant dix ans." fit le Luménien avec le sourire. " Et je vous en prie, ne rendez pas la journée trop merveilleuse, vous allez me faire douter du bien fondé de ma décision..."
Elisa plaisantait. Elle n'avait pas réellement besoin de lui. Au cours de l'hiver, c'est tout juste si elle avait fait appel à lui une ou deux fois par veille. On ne pouvait pas occuper une vie entière en rendant quelques services...
" Et je pense que le bâtard d'un noble reste un roturier. Un noble plus ou moins déshérité, si j'ai bien compris. Vous devez savoir cela mieux que moi."
Il sourit.
" Enfin. Je voulais plutôt vous parler de l'avenir spirituel de Combeloup. Un sujet qui, je le sais, vous passionne particulièrement."

[Taliesin]

-Heu... L'avenir spirituel... J'ai peur de ce qui va suivre, j'imagine que cela entraînera un long et énergique débat, alors je préfère, auparavant, répondre a votre précédente remarque. Jusqu'à il y a quelques mois, Bastien était un bâtard ; aujourd'hui, il est le fils légitime de mon père et mon héritier de plein droit tant que je n'ai pas d'enfants. Vous voyez donc que les choses peuvent évoluer ! Et si elles n'évoluent pas... Des bâtards célèbres, ayant trouvé une situation une gloire et une noblesse plus grandes que celles de leurs parents, l'histoire en est pleine !

[Galathée]

" J'ai déjà eu droit à mon moment de gloire et de noblesse." dit Albérich avec un sourire indulgent.
Un groupe de cailles s'envola sur leur passage. Douce ne broncha pas, comme si elles étaient invisibles. La monture d'Elisa fit un écart mais la jeune fille ne parut même pas s'en rendre compte.
" Je me demandais... ce que vous penseriez d'un nouveau clerc à Combeloup."

[Taliesin]

Elle laissa échapper un soupir.
-Oh non, vous n'allez pas vous y mettre aussi... Bon, je me doutais bien que cette histoire d'avenir spirituel aurait un rapport avec un clerc, mais dans ma grande naïveté, j'osais espérer...
Elle secoua la tête.
-Un nouveau clerc à Combeloup résiderait probablement au donjon. S'il réside au donjon, lui et ses fidèles jugeront normal, sinon nécessaire, que la maîtresse des lieux assiste aux offices. Le contraire serait une offense, tant au prêtre qu'à la bienséance en vogue dans la noblesse. Bref, en résumé mais sans guère exagérer, cela impliquerait pour moi des heures d'ennui sur le banc du sanctuaire,, d'autres heures, qui sait, à supporter les sermons de celui qui se considérerait sans doute comme mon conseiller spirituel, et, enfin, des adieux terribles à mes derniers instants de liberté. Voilà ce que je pense d'un nouveau clerc à Combeloup.

[Galathée]

Albérich grimaça. Il n'avait pas vu la chose de cette manière et l'argumentaire de la jeune fille semblait bien préparé. Il y avait eu le "vous y mettre aussi". Qui d'autre pouvait avoir tenté de la convaincre et, manifestement, échoué ? En vérité, le Luménien n'avait rien à lui opposer.
" Je n'avais pas vu les choses comme ça. N'en parlons plus."
Il sourit.
" Avec Adélaïde au village, il n'aurait de toute façon servi à rien."
Il suffirait d'envoyer un itinérant jusqu'à Combeloup une fois par mois, juste le temps de sonder le gamin et de repartir. Il en parlerait à Graham.

[Taliesin]

L'adolescente soupira à nouveau.
-Je doute que Thaïs, aussi ouverte soit-elle, accepte comme directrice de conscience une druidesse... Elle voudrait un clerc. Elle pense qu'un château sans chapelain n'est pas un vrai château. Quelques serviteurs, quelques gardes regrettent aussi l'absence d'un Lathandrite... Alors je sais bien que ma réaction est purement égoïste. Je sais bien, aussi, que je finirai par céder. Parce que je dois avant tout penser à eux, à leur bonheur et à leur contentement, lesquels priment sur les miens. Je ne remet pas en cause cet état de fait. Simplement... Là, maintenant, me coltiner un clerc qui, aussi gentil et dévoué soit-il, m'imposera de nouvelles obligations... Ce serait trop.

[Galathée]

" Je pourrais essayer de vous trouver quelqu'un qui ne vous forcera à rien, ne vous imposera rien, et convaincra ses ouailles de l'importance de laisser la liberté à chacun d'honorer ou non les dieux." dit Albérich. " Mais si vous voulez simplement attendre quelques années, ma foi... Vous en avez le droit le plus strict."
Les deux garçons avaient disparu, emportés par leur cavalcade, mais ils n'étaient pas loin. On entendait encore leurs rires.
" N'avez-vous d'affinités particulières avec aucune divinité ?"

[Taliesin]

Elle fit la moue.
-Non, je ne crois pas. Bien sûr, je ne suis pas athée : je ne tiens pas à être foudroyée ! Mais... J'ai été initiée à la foi lathandrite, et, à cause de l'âge sans doute, je l'ai rejetée avec une détermination et une rage appliquées. Pauvre Eloi, quand j'y pense... .Les autres dieux... Aucun du panthéon ne m'atire vraiment. Je crois qu'à tout prendre, si on me demandait de faire un choix dans l'instant, je préfèrerai la Dame. Au moins, elle est tangible, elle nous a déjà aidés... Et franchement, elle est plutôt sympathique, non ?

[Galathée]

" Je ne savais pas que la moitié du village l'avait déjà rencontrée." fit Albérich avec le sourire. " Mais je vous comprends. Si vous changez d'avis et que je suis dans les parages, parlez m'en, je tâcherai de voir si je peux m'assurer qu'on vous envoie la personne appropriée."
Bien sûr, cela n'empêcherait pas un clerc itinérant de venir montrer son nez à Combeloup, mais il avait confiance dans le sens des convenances d'Elisa. Même si elle ne l'accueillait pas à bras ouverts, elle ne le chasserait pas à coups de pierre.