La Couronne de Cuivre

Cette flèche eut pourtant un effet puissant : celui de rendre espoir et confiance au demi-elfe qui se battait jusque-là sur la défensive. Car nulle autre que Mylène n’avait pu la tirer ce qui signifiait que son apprentie contrôlait encore la situation. Profitant de la distraction et du court répit qu’elle lui avait octroyé, Kasumi frappa de nouveau tout en brandissant son symbole sacré, espérant que cette double attaque fasse mouche une nouvelle fois.

Cette fois-ci, l'usage du symbole sacré eut un certain effet sur l'ombre qui l'attaquait : elle recula, désorientée pendant un bref instant. Ce qui, ajouté à la diversion provoquée par Mylène, laissa largement le temps à Kasumi de porter son attaque. Son épée fendit l'ombre de haut en bas... sans effet spectaculaire, à vrai dire. Son adversaire était fait d'ombre et Kasumi eut l'impression de trancher un courant d'air. Mais la créature poussa un cri inarticulé et la silhouette trembla, un peu floue, un peu plus pâle aussi. Puis elle se rua à nouveau à l'attaque, pleine de hargne. Elle semblait avoir moins de rapidité, moins de force. Kasumi put esquiver le coup et l'ombre le dépassa dans son élan. Affaiblie, elle fut moins rapide que d'ordinaire à se retourner pour porter l'attaque suivante.

Et, entre-temps, le demi-elfe s’était fendu d’un entrechat et s’était servi de son élan pour porter instinctivement une attaque tournoyante. Les deux adversaires se tournaient désormais autour à la manière de tous les prédateurs de la forêt et, à ce jeu, l’ancien rôdeur possédait une longue expérience. Privilégiant la rapidité, il ne se souciait plus de viser des parties vitales comme il l’aurait envisagé contre une créature humanoïde ou un animal : aucune parcelle d’ombre ne semblait plus importante qu’une autre aussi se contentait-il de tenter d’en atteindre une.

Les gestes de l'ombre étaient plus lents, semblait-il. Il lui suffit d'un grand coup de taille pour l'atteindre à nouveau.
Mais aussitôt, il sentit une douleur violente à l'épaule : au moment même où son coup portait, la créature avait profité de leur proximité pour le frapper à son tour, de son membre qui semblait tenir une dague. Une vague de froid le parcourut, engourdissant son corps, tandis que l'ombre, grièvement blessée par le coup qu'il venait de porter, se tordait de douleur devant lui. Son instinct lui soufflait qu'elle agonisait, qu'il suffisait d'un dernier coup pour en venir à bout. Mais il se sentait incroyablement faible, engourdi, et il avait besoin de toute sa volonté pour tenter une dernière action.

De toute sa volonté et de toute sa force aussi. Il sentit la nausée le tordre aux tripes et savait qu’il n’avait que quelques secondes avant de défaillir. Instinctivement, il relâcha la chaînette qui soutenait son symbole divin pour saisir la poignée de son épée avec ses deux mains. Il mit alors ses dernières forces dans un dernier coup de taille de haut en bas. Il fallait que ça suffise. Il fallait que Mylène et Première Neige parviennent à détruire les autres mort-vivants. Il s’en remettait à elles deux. Une nouveauté.

Il abattit son arme sur l'ombre, qui se tassa, tournoya, cria, parut se fondre sur elle-même.... et disparut. Vaincue.
Il prit conscience du brouillard épais qui l'entourait, gênant sa vision, étouffant les sons. Il perçut les grognements de sa louve, aux prises avec un adversaire. Il sentait, à travers leur lien, qu'elle n'était pas en danger, qu'elle maîtrisait la situation.
Il n'entendait rien d'autre, et n'y voyait qu'à quelques mètres à travers le brouillard. Mylène ne devait pas être très loin, peut-être toujours dans son arbre, mais il avait un peu perdu la notion des lieux. Il se sentait épuisé, engourdi. Pourtant, il n'était pas grièvement blessé.

Et comme il était malgré tout encore maître de ses mouvements même si ces derniers étaient ralentis, il chercha aussitôt à se rapprocher de l'arbre où il avait laissé son apprentie en se fiant à son sens de l'orientation et à son instinct. Il fallait qu'il vérifie qu'elle allait bien, qu'elle n'était plus menacée. Puis ils pourraient porter assistance à Première Neige qu'il enjoignit à la prudence : il n'était plus en danger, il n'y avait plus de raison de s'y mettre pour l'aider.

Il avança à tâtons, se fiant à son instinct. L'arbre devait être à quelques mètres seulement, mais le brouillard était de plus en plus dense et il n'était pas sûr de sa direction. Il lui sembla qu'il le dépassait. Peut-être était-elle davantage vers la gauche. Il ressentait un léger vertige, et un épuisement total.
Le combat de Première Neige prit fin, quelque part sur sa droite. Il devina qu'elle accourait vers lui, inquiète, et surtout pleine de culpabilité. Elle frotta son museau contre lui dès qu'elle le trouva, et il sentit sa terreur absolue devant cette aberration qu'il avait affronté, son incapacité à s'en approcher malgré le danger où il se trouvait. Tête basse, queue basse, elle implorait son pardon.

Il la flatta et lui caressa la tête tout en lui transmettant ses pensées sincères : cette horreur l'avait aussi terrifié et il était soulagé qu'elle ne se soit pas mise en danger en tentant de l'attaquer. En plus, elle avait fait face à sa peur pour distraire ses autres ennemis ce qui lui avait permis d'affronter l'ombre maléfique. Il était fier de pouvoir compter sur elle malgré tout. Et comme pour mieux le montrer, il lui transmis une image de Mylène pour requérir son aide pour la retrouver : contrairement à lui, elle pouvait se fier à son flair pour les guider vers l'arbre.

La louve le guida sans hésiter vers l'arbre, qui était tout proche. Il n'y avait pas un bruit aux alentours, du moins lui semblait-il. Il se sentait sonné et ses oreilles sifflaient. Mais Première Neige put lui assurer qu'elle sentait l'odeur de la jeune humaine, au-dessus d'eux. Et en grimpant sur l'une des branches basses, il devina que la jeune femme était bel et bien là, silencieuse comme une ombre, incapable de voir ce qui se passait au-dessous d'elle et préférant chercher le salut dans la discrétion la plus totale. Lui-même se sentait anormalement épuisé, au point d'hésiter à tenter l'ascension.

Il ressentit une bouffée de fierté en constatant que Mylène avait adopté exactement la bonne attitude dans ces conditions. Il ne doutait pas qu'il lui devait d'avoir détruit la plupart des mort-vivants avant que le brouillard ne tombe. Et alors qu'elle aurait pu stupidement se mettre en danger, grisée par sa victoire, elle n'en avait rien fait et n'avait pas préjugé de ses capacités. Et c'est parce que leur trio avait si bien fonctionné qu'il n'y avait que cette fatigue surnaturelle à déplorer.

- Mylène, je suis de retour. Vous allez bien ?

Il avait parlé à voix basse pour ne pas risquer que sa voix ne porte trop loin dans le brouillard. Si la jeune femme lui confirmait qu'elle n'était pas blessée, il tenterait de regagner l'abri de son arbre : autant réserver ses dernières forces à se mettre en sécurité avant de tenter de prendre un peu de repos.

" C'est vous !"
C'était un cri, à demi-étouffé, de soulagement.
" J'avais peur que ce soit.... j'avais cru..."
Elle exhala un profond soupir, incapable de finir sa phrase.
" On fait quoi maintenant ?" questionna-t-elle d'un ton moins angoissé.

Lui aussi était soulagé malgré tout et il répondit aussitôt d'une voix calme pour tenter d'apaiser son apprentie :

- La meilleure chose que nous ayons à faire est de tenter de nous reposer un peu. Première Neige va veiller un peu mais je pense qu'il n'y a plus de danger immédiat.

Il ne tiendrait de toute façon guère plus longtemps éveillé et, s'il voulait avoir une chance de poursuivre sa traque le lendemain, les quelques petites heures qui restaient jusqu'à l'aube ne serait pas de trop. Vraiment pas.

" D'accord..."
Il devina, aux bruits de branchages, qu'elle se recouchait.
Quant à lui, il ne lui restait plus qu'à se diriger vers son propre couchage, tout proche. Il fallait juste qu'il trouve l'énergie pour se hisser.

Il sentit alors Première Neige lui agripper subitement la main, et comme un cri qui explosait dans son esprit.
Danger. Fuir. Très vite.

Les dieux s'acharnaient contre lui : il était vulnérable et c'était le pire moment pour encaisser une nouvelle attaque. Mais, malgré la fatigue physique, un éclair de lucidité lui fit prendre conscience que c'était précisément le moment que son ennemi attendait probablement. Le loup-garou les traquait certainement et avait peut-être attendu la fin du combat pour attaquer à son tour. Alors, contrairement à sa première idée et parce qu'il ne pouvait pas laisser Mylène à la merci du monstre, il choisit de retourner au pied de l'arbre qu'occupait cette dernière : il comptait plusieurs branches solides et s'y replier ne lui causerat pas davantage d'efforts. Quant à Première Neige, il l'enjoignit à se cacher à nouveau du mieux qu'elle pouvait.

Première Neige ne l'entendait pas ce cette oreille. Agrippant sa main, elle tentait de l'entraîner avec elle, en direction de la rivière. Elle semblait sûre d'elle.
Lutter contre la force de sa louve menaçait d'épuiser ses dernières forces à lui.
Elle finit par le laisser s'approcher de l'arbre de sa jeune apprentie, mais elle lui fit savoir qu'il ne fallait pas y monter. Il fallait la suivre et traverser la rivière.
La brume, glaciale, s'épaississait encore. Il percevait lui aussi quelque chose d'anormal, une sensation de danger, sans savoir si c'était simplement dû au partage des sensations de sa louve.

Kasumi n'était pas assez en forme pour même songer à combattre mais il ne pouvait pas abandonner Mylène derrière eux. S'il décida de faire confiance en l'instinct de Première Neige, il appela son apprentie pour qu'elle les accompagne avec ses affaires le plus vite possible. Ensuite de quoi ils se hâteraient autant que possible vers la rivière. En espérant quecela suffirait à distancer ce qui les menaçait.

Mylène, qui s'était déjà confortablement installée, plia ses affaires et descendit sans perdre une minute, devinant l'urgence au ton de sa voix.
"Qu'est-ce qui se passe?, souffla-t-elle. Une autre attaque ? Ou.... Yvan ?"
Première Neige, impatiente, se dirigeait vers la rivière. Autour d'eux, la brume s'épaississait encore. Kasumi était transi de froid, mais peut-être était-ce dû à son état de faiblesse général. Mylène ne semblait pas en avoir conscience.

L'urgence n'était pas aux longues explications et c'était à peu près tout ce qui maintenait le demi-elfe encore en état de marcher. Non, il fallait sortir de cette brume insidieuse au plus vite car n'importe quoi pouvait s'y tapir et leur bondur dessus avant même qu'ils n'aient une chance de le remarquer.

- Je ne sais pas. Première Neige a senti quelque-chose. De très proche. Nous devons gagner la rivière.

Le rôdeur posa l'une de ses mains sur le bras de la jeune femme pour l'entraîner dans la bonne direction. Et aussi s'éviter de tomber.

Mylène, encore plus aveugle que lui dans le brouillard nocturne, se laissa guider d'un pas incertain. Kasumi lui-même n'était pas tout à fait sûr de sa direction : même lui n'y voyait goutte. Et ce brouillard ne lui paraissait absolument pas naturel.
Première Neige, en revanche, se fiant à son flair, semblait savoir où elle allait. Elle attendit patiemment qu'ils la rejoignent, à tâtons, manquant trébucher plus d'une fois. Puis elle avança en demeurant à moins d'un mètre de Kasumi, ombre blanche dans la brume grise, à peine visible néanmoins. Il perçut son angoisse, la sensation d'un danger qui allait survenir, bientôt. Mais il ne parvenait pas à en savoir davantage sur la nature de ce danger.
Tant bien que mal, ils parvinrent jusqu'à la rivière. Première Neige leur signifia, en s'arrêtant brutalement, que l'eau était devant eux, et ils en reconnurent le murmure. Dans le souvenir de Kasumi, il s'était agi d'une rivière paisible et peu profonde, mais il entendait maintenant le bruit d'un courant plus important.
Il eut l'impression de sentir le sol vibrer légèrement sous ses pieds, et la louve prit son poignet dans sa gueule, l'encourageant à avancer.

Ils ne voyaient quasiment rien et le froid de la nuit rendait les choses encore plus difficiles mais Kasumi savait depuis le départ qu’ils allaient devoir tenter la traversée de la rivière. Il restait seulement à espérer que la brume ne serait pas aussi dense su milieu du cours d’eau, là où ils devraient peut-être nager et lutter contre le courant. Première Neige étant plus adaptée à la traversée grâce à ses sens, il l’interrogea sur sa capacité à partir en éclaireur pour leur fournir des informations sur la difficulté de la traversée.

Se dépêcher.
Ce fut la réponse de sa louve.

Elle s'enfonça dans l'eau, perdit pied, puis se mit à nager. Il sentit, à travers leur lien, qu'elle reprenait pied sur la berge opposée. Elle n'avait pas paru fournir beaucoup d'effort. Elle avait du mal à décrire la force du courant, et ne savait pas s'ils auraient pied sur la majeure partie de la traversée. Mais elle-même était arrivée à destination saine et sauve et les attendait.
Elle lui apprit, en outre, qu'il n'y avait pas du tout de brume de ce côté-ci de la rivière, aussi étrange que ça paraisse. Mais ils devaient faire vite, très vite, car le danger approchait. Elle semblait prête à se précipiter à leur rencontre à nouveau.

Mais il tenta de l’en dissuader : même s’il ne se sentait pas capable de nager sur plus de quelques mètres étant donné son état de fatigue et l’équipement qui l’encombrait, il s’avança dans l’eau sans plus hésiter et en tenant Mylène par la main. Il espérait que le sol limoneux et le courant leur permettraient de conserver leur équilibre le plus longtemps possible. Au besoin, Première Neige pourrait ensuite les guider par le son.

" Punaise, c'que c'est froid !" s'exclama Mylène en pénétrant dans l'eau, à voix basse tout de même.
Le courant leur glaça les mollets. Mylène, bien qu'aveugle dans ces circonstances, avait plus d'énergie que lui et elle se retrouva quasiment à le tirer derrière elle. Première Neige les guidait de la voix, par de très brefs jappements, presque discrets, et l'apprentie rôdeuse avait visiblement hâte d'atteindre la berge. Il sentait l'inquiétude de sa louve, sa prescience d'un danger imminent.
L'eau leur monta à la taille, puis aux épaules. Kasumi jugeait qu'ils étaient au milieu de la rivière, mais la brume toujours présente l'empêchait de voir plus loin, et le courant, relativement fort, l'épuisait. Il lui fallait toute sa volonté pour avancer encore. Il avait de l'eau jusqu'au menton...
Un éclair, soudain, zébra le ciel loin au-dessus d'eux, éclairant la brume d'une lumière fantômatique, et il réalisa que celle-ci était désormais moins épaisse.
" Ca y est, je vois la berge, on y est presque", l'encouragea Mylène, un mètre devant lui.
A ce moment précis, il eut l'impression que le sol tremblait à nouveau, beaucoup plus violemment. Et subitement, une espèce d'immense vague s'écrasa sur lui avec fracas, l'obligeant à lâcher la main de Mylène, et l'entraînant bien malgré lui vers le nord. Il perdit pied.

Ne pouvant lutter contre la force du courant – ce qui aurait déjà été difficile s’il avait été en pleine possession de ses moyens – Kasumi se laissa porter par celui-ci en essayant tout de même de surnager à la surface pour se rapprocher de la rive. Il était séparé de Mylène mais il espérait que l’instinct de conservation de cette dernière lui aurait permis de rejoindre directement la rive et de s’y cacher de la menace inconcevable qui venait de s’abattre sur eux.

Il lutta pour se maintenir à la surface, mais la rivière s'était transformée subitement en torrent bouillonnant et il était impossible de lutter contre le courant, même s'il avait été en pleine possession de ses moyens. Il parvint à s'agripper quelques instants à une grosse branche emportée par le torrent, mais le courant la lui arracha. Il but la tasse, parvint à remonter, coula à nouveau.
Il flottait à la limite de la conscience quand il sentit qu'on l'agrippait par le col. Il devina un contact dans son esprit, celui de sa louve en train de le maintenir à la surface. Le courant était moins fort, mais il n'avait de toute façon plus la force de tenter quoi que ce soit.

Il ne pouvait qu’espérer qu’ils étaient à présent plus près du bord de la rive et que Première Neige saurait le tracter jusqu’à la berge sans se mettre elle-même en danger. Et tout ce qu’il pouvait faire pour l’aider était de tenter de se détendre et de faire la planche pour mieux flotter. Il n’avait de toute façon aucune énergie pour ne serait-ce qu’ouvrir les yeux et ainsi mieux estimer la situation.

Il sentit, dans un état de semi-conscience, que son bassin heurtait quelque chose au fond de l'eau. Le choc le ramena à la réalité, suffisamment pour qu'il réalise que sa louve était en train de le hisser sur la berge. Il essaya, tant bien que mal, de sortir de l'eau. Il n'avait pas la force de se redresser mais il était sauvé.

Il lui fallut quelques minutes -ou très probablement davantage, il n'aurait su dire- avant de réussir à ouvrir les yeux sur ce qui l'entourait. Il aperçut une ruine, à quelques pas de la berge. Un vestige d'un bâtiment de taille modeste, dont la forme ronde n'évoquait absolument pas une habitation. Peut-être un ancien temple. Il en restait des murs à demi-éboulés et un petit morceau de toiture, miraculeusement intact.

Il n'y avait plus de brouillard et la rivière avait retrouvé sa quiétude, comme si rien ne s'était passé. Il ne percevait rien d'inquiétant, mais pourtant, Première Neige était toujours sur ses gardes. Peut-être, tout simplement, que son épuisement l'empêchait de ressentir quoi que ce soit. Il n'y avait aucune trace de Mylène.
Il éternua, frissonna : l'eau froide l'avait glacé au plus profond de son corps.
Un éclair zébra le ciel, puis un autre. Le tonnerre suivit immédiatement. L'orage promettait d'être violent.

Si son épuisement physique était total, le rôdeur n'en perdait pas le sens des priorités : il demanda à sa louve de retrouver Mylène qui ne devait pas êre loin. Cela permettrait de la mettre en sécurité puis, pour motiver la louve à l'abandonner quelques instants, il lui transmit que la jeune femmme pourrait l'aider à l'amener jusqu'à l'abri des ruines. Il ne pouvait pour le moment pas se soucier de leur nature : l'orage grondait déjà.

Première Neige lui parut un peu réticente, mais elle fila comme il le lui avait demandé, le laissant seul sur la rive.
Il se sentait, étrangement, en relative sécurité. Ou peut-être n'avait-il plus l'énergie nécessaire pour être sur ses gardes. Il eut l'impression de sombrer, à la limite de l'inconscience, mais un coup de tonnerre le réveilla. Un vent anormalement tiède se levait, soufflant par bourrasque. Il réchauffait son corps transi, et séchait même ses vêtements. Rouvrant les yeux, il vit les éclairs se succéder dans le ciel, filant d'une masse nuageuse à une autre. Le tonnerre grondait doucement, menaçant. C'était un peu comme si les éléments se chargeaient en énergie avant de se déchaîner.
Première Neige ne revenait pas, et il ignorait depuis combien de temps elle était partie. Il avait pleinement repris conscience mais se sentait faible, malade peut-être. Il aurait probablement des vertiges s'il se relevait, mais il devait pouvoir parcourir quelques mètres.
Puis il y eut comme un craquement sec, tandis qu'un éclair filait jusqu'au sol, tombant sur une petite éminence rocheuse à quelques centaines de mètres. Le coup de tonnerre fut comme un choc, faisant vibrer le sol. Ou peut-être que le sol vibrait pour une autre raison.
Et un véritable déluge s'abattit sur lui.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Peyregorde