[Lieu] Mersant

[Taliesin]

Taliesin s'immobilisa brutalement et contempla la paroi, les yeux exorbités.
Il y avait cru. Il y avait vraiment cru. Au fur et à mesure que le décor se faisait plus familier, que Rumoc corroborait ses sensations, la certitude de l'échec avait cédé la place à une joie irrépressible, à la conviction débordante que, finalement, il allait parvenir à sa fin. Oui, quelques instants, quelques minutes, il avait été persuadé de toucher au but.
Ce qui rendait sa déconfiture d'autant plus violente. Surtout que rien ne l'avait laissé prévoir : nulle part, il n'avait vu la moindre trace d'éboulement. Et jamais l'entrée de leur refuge ne s'était refermée. Sauf lors de sa chute, quand l'île toute entière avait été ébranlée par un tremblement de terre. Mais il n'y avait eu aucun phénomène de cette ampleur, depuis. Ni même la moindre secousse...
Il serra les poings, serra les dents... Puis se reprit. Il ne devait pas, d'emblée, se laisser aller au découragement.
Il devait y avoir une explication. Peut-être s'était-il simplement trompé d'embranchement ?
Avant toute chose, il fallait vérifier cette hypothèse. Or, pour ce faire, l'elfe ne manquait pas de moyens à sa disposition....
-Golem ! cria-t-il. Si tu m'entends, viens donner des coups contre cette paroi !
Il recula d'un pas, tendit l'oreille. Si ce "mur" était bien celui où, autrefois, s'ouvrait un passage, si la grotte était toujours de l'autre côté, il ne manquerait pas d'entendre le raffut causé par la créature.
S'il ne percevait rien, cela voudrait dire qu'il s'était trompé de couloir. Il n'aurait alors qu'à rebrousser chemin, qu'à chercher les marques, les cailloux dont il avait balisé la zone la première fois qu'il l'avait explorée en compagnie de Griselda et de Jehan.
Et s'il ne trouvait rien...
Il aviserait à ce moment là.

[Galathée]

Mais il n'y eut aucun son, aucun écho. La pierre demeura inerte et froide, le silence répondit aux interrogations de Taliesin.
" Je suis certain que c'était ici, fit Rumoc, lorsque l'elfe rebroussa chemin. N'est-il pas possible que cette caverne, puisqu'elle était magique, ait simplement cessé d'exister ?"

[Taliesin]

-C'est possible, soupira le barde. Mais avant d'envisager une si désastreuse possibilité, je vais examiner les autres pistes. On s'est peut-être juste trompés au dernier croisement. Normalement, tous ces couloirs sont balisés, j'y avais veillé lors de notre première reconnaissance après le grand tremblement de terre. Cela devrait nous permettre de dissiper tout doute.
Ce disant, il s'était déjà attelé à la tâche. S'il trouvait les marques et les cailloux qu'il avait autrefois laissés, si la piste menait bel et bien à la paroi, si rien ne semblait capable de l'ouvrir... Il devrait se rendre à l'évidence. Ce qui ne manquerait pas d'être douloureux.

[Galathée]

Et il trouva ses marques, là où il les avait laissées. Un peu plus usées. Mais il en découvrit d'autres, plus récentes, gravées par quelqu'un d'autre. La pierre ne permettait aucune empreinte, mais il n'était pas impossible que quelqu'un d'autre soit passé par là. Ce que cela voulait dire quant à la disparition de la caverne enchantée était un autre problème.

[Taliesin]

Face à cette découverte, Taliesin ne sut d'abord que penser. Puis une explication s'imposa à lui : quelqu'un avait découvert la grotte et l'avait dévalisée. Restait à savoir qui. Des drows ? D'autres pirates ? C'était le plus probable. Mais cela n'éclaircissait pas la disparition de leur ancien refuge... Se pourrait-il, alors, que ce soit George ou Ruyven ? Ils connaissaient les propriétés du pipeau : ils auraient pu le prendre, s'en servir... La disparition de la grotte serait alors beaucoup plus logique.
Des conjectures, comme toujours. Et comme toujours, aucune réponse. Cependant, le barde comptait bien ne pas en rester là. Aussi se mit-il en devoir de suivre ces marques. Il le fit en redoublant de prudence, gardant la main à proximité du pommeau de son épée : s'il voulait savoir de quoi il retournait, il ne tenait pas à être à nouveau capturé.

[Galathée]

Rumoc ne dit rien, n'essayant pas d'influencer les décisions de son compagnon elfe, et ils repartirent dans les ténèbres. La nouvelle piste bifurqua assez rapidement de la leur et s'engagea dans des conduits inexplorés, certains manifestement très récents, dont la pierre était encore acérée et manquait de la patine donnée par les ans. Ils marchèrent à nouveau longtemps. Ils n'avaient pas encore dépassé leurs prévisions, mais cela ne tarderait sans doute plus. Ils se reposèrent quelques fois, peu de temps. Taliesin retrouvait les mécanismes de transe elfique, tandis que Rumoc montait vaillamment la garde. Il dormait parfois théâtralement en cours de route, alors que l'elfe progressait difficilement dans un tunnel étroit ou sur un éboulis gigantesque. Une fois, le barde dut utiliser un de ses sorts de soins pour pallier une entorse provoquée par une chute. Mais il ne se ravisa pas.
Enfin, après probablement cinq ou six heures de marche supplémentaires, il réalisa qu'il arrivait près du but. Le tunnel montait brutalement, il sentit de la terre sous ses pieds, découvrit des racines pendouillant au plafond : en bout de course, l'extérieur.

[Taliesin]

L'elfe poussa un profond soupir.
Ses espoirs - farfelus, il fallait l'admettre - que Ruyven ou George soient les auteurs des marques s'étaient brisées net. Ceux qui avaient créé la piste venaient de l'extérieur : il devait donc s'agir de pirates. Tout ce qu'il pouvait espérer, à présent, c'est que la grotte se soit volatilisée avant leur arrivée. Sinon, ils auraient tout pris...
Le seul côté positif de sa lamentable expédition, c'était qu'il serait en mesure de donner à ses compagnons quelques informations sur l'extérieur. Au moins, ils ne pourraient pas dire qu'il n'avait rien ramené...
Il continua donc à progresser avec une prudence redoublée. Dès qu'il se penserait tout proche de la sortie, il se rendrait invisible... et franchirait le pas.

[Galathée]

Invisible, il déboucha sur la lande qui couvrait l'îlot. Elle était silencieuse et déserte. On entendait, ténue, de la musique, que le vent portait depuis les quelques maisons du bourg. A vue de nez, elles étaient encore toutes debout. Il faisait nuit noire, des nuages filaient devant la lune, emportés par un vent froid. Vers la plage que Taliesin et ses compagnons avaient défendue quelques jours plus tôt, quelques feux révélaient des guetteurs. D'autres lumières brillaient entre les maisons. La situation ne semblait guère avoir évolué, ou du moins, il était difficile d'en juger sans se rapprocher des berges.

[Taliesin]

Se demandant vaguement pourquoi le destin s'acharnait de cette façon, pourquoi rien ne tournait jamais bien, le barde entreprit de se rapprocher des sentinelles. Il connaissait bien le terrain, pour l'avoir fréquemment arpenté. De plus, les pirates surveillaient la mer, et non l'intérieur des terres. Si l'on ajoutait à cela son invisibilité et la nuit protectrice, il courrait relativement peu de risques de se faire repérer.
L'opération de reconnaissance était sans doute inutile. Au mieux, elle pourrait lui apprendre si des navires luméniens croisaient dans les parages. Ce serait alors un signe encourageant. Mais, étrangement, il était persuadé que la ligne d'horizon serait complètement déserte.

[Galathée]

Il se faufila donc jusqu'au sommet des petites falaises qui dominaient la plage. La mer était basse, on entendait son va-et-viens liquide à quelque distance. Le sable semblait couvert d'objets sombres et il fallut quelques secondes et un rayon de lune pour que Taliesin identifie ce dont il s'agissait. On avait dressé des pieux, serrés, en deux lignes face au large. Difficile de savoir où on avait trouvé tout ce bois.
Une odeur délicieuse de viande rôtie vint alors frapper les narines de l'elfe. Les guetteurs installés à quelques dizaines de mètres sur sa droite se sustentaient.
Puis ses sombres attentes furent détrompées. Ou presque. Deux gros navires croisaient à quelque distance de l'île. Dans le noir, de loin, il était difficile de deviner leur allégeance, mais ils étaient massifs, plus grands que les bateaux des pirates, ou du moins le semblaient. Quelques lueurs éparses dessinaient leurs formes, hors de portée.

[Taliesin]

Après avoir écarquillé les yeux pour tenter de glaner le plus d'indices possible, Taliesin tourna les talons et entreprit de regagner le monde souterrain.
A moins qu'il n'ait eu une hallucination, les renforts étaient arrivés. Car il ne pouvait s'agir que de renforts : de simples navires de commerce n'auraient sans doute pas eu un tel tonnage et, surtout, ils n'auraient pas amené les pirates à fortifier la plage...
Restait à présent à décider de ce que ferait leur groupe. C'est pourquoi il était décidé à tenter de contacter Guéric par l'intermédiaire du caillou. Il attendrait juste d'être assez avancé dans les tunnels. Ce n'était pas le moment de se montrer imprudent.

[Galathée]

Il s'enfonça à nouveau dans le ventre de Mersant et son invisibilité disparut peu après, tandis qu'il regagnait les ténèbres. Il réalisa alors combien la vision du ciel lui avait manqué et combien il lui était difficile de retourner sous terre. Tout son corps semblait rechigner à quitter l'extérieur et l'obscurité lui parut bien plus dense qu'auparavant.
Il prit le caillou, se concentra sur sa surface bleutée, vaguement froide, puis perçut quelque chose. Un son ténu. Un ronflement. Un autre, plus lointain. Une respiration un peu sifflante, plus aiguë. Le roulement de la mer, très très faible. Ils dormaient dans leur grotte.

[Taliesin]

Taliesin grimaça, hésitant. Il rechignait à tirer ses compagnons du sommeil, mais il devait bien y avoir des guetteurs parmi eux. Peut-être même le halfelin. Et, au pire, sachant qu'il pouvait tenter de le contacter par l'intermédiaire du caillou, celui-ci l'aurait gardé près de lui... Bref, il fallait qu'il tente sa chance. Ce qu'il fit.
-Guéric ? C'est Taliesin. Tu es réveillé ? Ou bien tout le monde dort-il ?
Il était décidé à persévérer un bon moment : parmi les suggestions qu'il comptait faire, l'une impliquait qu'il reste sur place. Mais s'il ne parvenait à attirer l'attention de personne, il serait contraint de se remettre en route : il ne pouvait pas se permettre de rester où il était, à consommer ses derniers vivres, sans savoir ce que les autres préféreraient parmi les deux grandes possibilités qui s'offraient à eux.

[Galathée]

Il y eut du mouvement, quelqu'un se déplaçait.
" Taliesin ? C'est Goran." fit une voix chuchotante dans le lointain. " Heureux de voir que tu vas bien. Tu as retrouvé la grotte ? Je dois réveiller Guéric ?"

[Taliesin]

-Salut Goran ! dit le barde, soulagé de ne pas avoir fait chou blanc. La grotte a disparu, mais j'ai pu faire une sortie à l'extérieur : des bateaux sont arrivés et les pirates ont fortifié la plage pour empêcher un débarquement. Bref, nous avons des décisions à prendre, et j'aimerais effectivement que tu réveilles Guéric...

[Galathée]

"Excellente nouvelle !" fit le Mersantais,ravi, d'une voix forte. " Je vais le chercher."
Il y eut des murmures derrière lui, même un juron. Puis un peu de fracas. Enfin, la voix ensommeillée de Guéric se fit entendre.
" Taliesin, te voilà." dit-il en préambule. " Que se passe-t-il, au juste ? Tu as vu les Luméniens ?"

[Taliesin]

En quelques phrases concises, l'elfe lui transmit les nouvelles : la disparition de la grotte, la piste tracée par les pirates, ses hypothèses quant au fait qu'ils aient pillé leur refuge, sa sortie à l'extérieur, la plage fortifiée, les deux navires qui devaient être des renforts mais dont il n'avait pu voir les couleurs...
-Je vois donc deux solutions s'offrir à nous, conclut-il. La première, c'est que je vous rejoigne, que nous embarquions tous ensemble sur le radeau pour tenter de rallier les bateaux, puis que nous guidions des troupes dans les tunnels afin de leur faire gagner la surface... derrière les lignes ennemis. La deuxième possibilité, c'est que tu me rejoignes et que nous menions une guérilla afin de faciliter un débarquement allié. Quitte à ce que les autres, pendant ce temps, prennent le radeau pour atteindre les navires.

[Galathée]

Guéric siffla.
" Ce n'est pas une décision simple à prendre. Mais je comprends que tu rechignes à refaire le trajet jusqu'ici pour que nous en discutions. Je dois dire que la guérilla me tente, ne fût-ce que par vengeance personnelle, mais... ce n'est peut-être pas raisonnable sans savoir ce qu'attendent nos alliés luméniens et ce qu'ils peuvent nous proposer... Hum... Qu'en penses-tu, toi ?"

[Taliesin]

-Je ne sais pas trop... répondit le barde, sincère. Spontanément, je préférerais que tu me rejoignes. D'abord parce que nous ne savons pas qui exactement sont ces visiteurs : le plus probable est qu'il s'agisse de Luméniens, bien sûr, mais Mersant sert de halte à bien des gens, non ? Je pourrais éventuellement attendre le jour et sortir pour vérifier ; malheureusement, mon sort d'invisibilité est de très courte durée, je courrais le risque me faire prendre, alors que toi... Ils ne te verraient jamais. Bref, tu serais en mesure d'identifier ces navires et, s'ils viennent bien de Luménis, nous pourrions dire à nos compagnons, par l'intermédiaire des cailloux, d'embarquer sur le radeau pour les rejoindre. Pendant ce temps, nous serions à même de semer le trouble dans les rangs ennemis, de leur causer des pertes, de les déconcentrer assez pour faciliter le débarquement allié... Ce qui n'empêcherait pas que, de nuit, l'un de nos amis mène les barques luméniennes jusque dans la grotte marine, puis les soldats jusqu'à nous, au travers des tunnels, en suivant les marques que j'ai laissées. Ainsi, les pirates seraient pris entre deux feux.
Il grimaça brusquement.
-Enfin, je dis ça, mais toutes les stratégies que j'ai pu imaginer par le passé se sont révélées désastreuses et ont été lourdes de conséquences en termes de vies... Il vaut donc bien mieux que tu décides selon ton propre sentiment. Je me rangerai à ton avis.

[Galathée]

Guéric resta silencieux un moment.
" Non, je pense que tu as raison. Vu la situation, le désastre nous pend perpétuellement au nez. Et pourtant, nous sommes toujours vivants. Presque tous, du moins. Nous devons de toute façon prendre une décision et quelle qu'elle soit, elle présentera des risques. Je vais te rejoindre... même si je n'ai aucune idée de comment ! As-tu marqué le parcours depuis la grotte où vous bivouaquiez ? J'essaierai d'emporter du ravitaillement et du matériel..."
Il soupira.
" Est-ce que tu veux que je réveille Victor ?"

[Taliesin]

-J'ai marqué le parcours, oui, dit l'elfe, choisissant à dessein de répondre d'abord à la première question afin de pouvoir réfléchir plus longuement à la seconde. Mais aux abord de la grotte disparue, j'ai suivi la piste laissée par les pirates. Tu ne devrais avoir aucun mal à la repérer. Toutefois, le plus simple serait que tu emportes l'un des cailloux avec toi... Il en reste plusieurs, n'est-ce pas ? Les autres pourraient en garder également, ce qui permettrait que nous restions constamment en contact avec eux.
Il se tut. Il n'avait plus rien à dire. A penser, en revanche... C'était une autre histoire.
Il ferma les yeux malgré l'obscurité. Soupira.
-Pour Victor... Je crains terriblement sa réaction. J'ai peur qu'il veuille venir, si nous discutons maintenant. Ce qui est hors de question, bien sûr... D'un autre côté, je n'ai pas envie de lui donner l'impression de le trahir, de lui faire un coup en douce. Cela, il le prendrait très mal même si nous pouvons parler après ton départ, par l'intermédiaire d'un des cailloux... Bref, je ne sais pas. Même si je crois que je préfère encore l'honnêteté, au fond...

[Galathée]

" Ecoute, de toute façon, j'en ai encore pour un certain temps avant de partir... Il faut que je discute avec les autres, que je sois certain qu'ils savent comment terminer l'esquif, qu'ils visualisent le parcours à effectuer... Ce serait bête qu'ils se fassent couler avant d'atteindre les bateaux luméniens... et ils ne pourront faire le parcours que demain nuit, quand nous aurons pu leur confirmer que ce sont bien des alliés qui sillonnent les mers et pas des navires pirates qui patrouillent en attendant une hypothétique attaque... Il n'est malheureusement pas impossible que le Squale ait fait des prisonniers qui lui auront révélé nos intentions... Bref... Je partirai probablement dans la matinée, pas avant. Je te préviendrai quand je me mets en branle. Tu peux décider à ce moment là si tu veux parler à Victor ou pas. De toute façon, il demandera de tes nouvelles et m'interrogera sur ma destination. Et je peux te jurer que je n'ai pas l'intention de l'avoir dans nos pattes. Fais confiance, je sais semer les importuns."

[Taliesin]

Le barde acquiesça.
-Tu as raison : il te posera probablement des questions. D'autant qu'il t'entendra sans doute en discuter avec les autres... On verra comment il réagit à ce moment-là. Il est même possible qu'il demande à me contacter par l'intermédiaire du caillou.
Cette perspective l'inquiétait fort, mais il ferait face.
-Quoi qu'il en soit, autant ne pas nous perdre en conjectures dès maintenant : tu devrais retourner dormir un peu. Demain, entre les préparatifs et le trajet, tu n'auras pas une seconde pour souffler...

[Galathée]

" Repose-toi aussi. Et pas d'imprudences d'ici mon arrivée ! Si tu parviens à nous trouver une sorte d'avant-poste à la fois pratique et dissimulé, ça pourrait toujours servir." dit le halfelin.
" Je le surveille." grommela Rumoc.
" Bien sûr. Nous serons trois. J'avais oublié."
Il émit un léger rire sifflant.
" Et ne t'inquiète pas pour Victor. Il m'a eu l'air... presque assagi, je dois dire. J'imagine que les derniers événements doivent peser pour un gosse comme lui... Son copain est vraiment amoché. Et ces elfes noirs... brrr... Enfin, je te dirai ce qu'on a pu en tirer. Pas grand chose, tu avais raison, mais au moins, on en sait un peu plus."

[Taliesin]

-Oui, tu me raconteras ça... répondit l'elfe bien qu'il ne soit pas vraiment certain de vouloir en apprendre davantage à ce sujet. Et sinon, tu peux être entièrement rassuré : ces heures de crapahutage dans les galeries m'ont lessivé. Dans l'immédiat, je suis parti pour une bonne nuit de sommeil. Et demain... Je nous chercherai un avant-poste, oui. Il doit bien y avoir une petite grotte agréable dans les parages...
Il espérait qu'il arriverait à s'endormir, ce qui ne serait pourtant pas évident. Maintenant qu'il avait à nouveau goûté au monde extérieur, l'atmosphère qui régnait dans les tunnels lui pesait beaucoup ; de plus, il avait maints sujets d'inquiétude et de réflexion... Toutefois, comme souvent ces derniers temps, il y avait des chances que la fatigue accumulée prenne le dessus et l'entraîne dans les limbes.

[Galathée]

Et après quelques ruminations chargées de tunnels, de grottes et de ciels étoilés, le barde finit par s'endormir. Il rêva en saccades, troublé par sa solitude qui l'obligeait à être vigilant en dépit du sommeil. Il mélangea le réel et le songe, des poursuites contre des pirates, des refuges, des cris, de l'ombre encore et encore, jusqu'à sombrer pour mieux resurgir dans le froid des corridors obscurs, abandonnés, traîtres, malveillants.
A son réveil, il ne fut pas tout à fait sûr de l'être réellement, puis il dut s'en convaincre. Le voile était déchiré, ce n'était plus une énième variation sur les thèmes de sa nuit, folie, fureur, fracas, larmes, sang et délivrance.
Rumoc fredonnait et l'accueillit à la manière d'un aubergiste jovial qui voit entrer son premier client. L'elfe avait faim et il ne restait pas grand chose pour se sustenter. Dehors, il faisait probablement jour.

[Taliesin]

Le barde salua Rumoc avec bonhomie - sa présence était une bénédiction, en ces lieux déprimants - puis entreprit de consommer ses quelques vivres. Guéric en apporterait d'autres, de toute façon, et il lui fallait prendre des forces en vue des explorations qui l'attendaient.
Il était tenté d'utiliser la pierre pour obtenir des nouvelles, mais il craignait de déranger le halfelin en plein milieu de ses préparatifs. Et puis, celui-ci avait dit qu'il le recontacterait... Aussi décida-t-il de s'abstenir. Pour tromper son impatience - et son inquiétude concernant Victor -, il aurait largement de quoi faire : il fallait trouer un lieu susceptible de leur servir de base pour leurs opérations, et ce ne serait pas forcément chose évidente.

[Galathée]

Il ne restait vraiment pas grand chose et il erra avec la faim tapie dans les entrailles. Il explora principalement les couloirs proches de la surface, évitant de regagner des profondeurs, et finit par dénicher un espace acceptable pour y installer un camp de fortune. Des racines y pendouillaient, signe qu'ils étaient proches de la lande, mais l'issue la plus proche était quand même à quelque distance.
Plus tard, Guéric l'appela, l'informant qu'il se mettait en route. Puis il lui passa Victor.
" Taliesin ? Ça va ? Guéric dit que tu n'as pas retrouvé le pipeau... enfin, la grotte."

[Taliesin]

-Salut bonhomme ! lança l'elfe d'un ton léger qui n'était pas feint, tant il était heureux d'avoir des nouvelles et d'entendre l'enfant. Effectivement, la grotte a disparu, et il n'est pas impossible que les pirates aient pris tout ce qu'il y avait dedans, pipeau compris. Mais ils ne sauront pas s'en servir... Et pour le reste, ça va, j'ai fait quelques découvertes intéressantes et, là, je campe dans une petite caverne juste en dessous d'un arbre. Le bois, tout de suite, me convient mieux que la rocaille... Et de ton côté, comment ça se passe ?
Il avait été volontairement évasif quant à ce qu'il avait vu à l'extérieur, ne sachant ce que Guéric avait pu dire au gamin.

[Galathée]

" Ça va." répondit Victor.
Sa voix faisait un étrange écho, sans doute la distance.
" Je suis content d'être à nouveau dans un groupe plus grand, même s'il y a le Mélandien. Maintenant qu'on a vu les monstres du lac, tout ça, je crois que je comprends mieux ce qui s'est passé avec Rinna. Mais ça veut dire qu'il y en a ici aussi. J'ai raconté tout ce que je savais aux autres, Martin aussi, puis on a les médaillons que le pipeau nous avait donnés, ils sont toujours là. Du coup, Guéric est un peu inquiet qu'elles essaient de nous couler quand on sortira avec le radeau."
Il se tut un instant.
" Je sais que c'est important ce que vous allez faire tous les deux mais tu essaieras de faire attention ? Parce que si tu meurs, il ne restera personne pour aller chercher Galathée."