La Couronne de Cuivre

Albérich, fidèle à sa parole, avait rejoint Agnès aux thermes et pris la relève, ce qui avait permis à cette dernière de se rendre au Conseil sans inquiétude.
La tâche consistait à veiller à ce que chaque groupe respecte le temps imparti pour les ablutions et la lessive, avant de les envoyer, munis de couvertures, dans une salle voisine où un grand feu avait été allumé, grand feu dont la fumée s'échappait par des conduits qui paraissaient ménagés à cet effet - on avait dû recourir à cette méthode après que les clercs aient épuisé leurs sortilèges susceptibles de sécher les tissus trempés. Ce travail de supervision n'était guère difficile, car les colons se montraient généralement disciplinés. Bien sûr, les enfants rechignaient à sortir de l'eau, mais leurs aînés parvenaient le plus souvent à les convaincre en expliquant que l'endroit leur serait ouvert tant qu'ils le souhaiteraient dans les jours à venir. Une nouvelle occupation pour la jeune génération qui, vu le contexte, serait loin d'être malvenue.
C'était un étrange spectacle que cette salle au bassin de marbre fraîchement récuré, aux murs de mosaïques en partie nettoyés de la gangue dont le temps les avait recouverts ; un étrange spectacle que ces bains emplis d'une chaude vapeur où, malgré les délais restreints, la nécessité de se presser, la bonne humeur était de mise.
Non, décidément, on ne se serait pas cru dans un fort assiégé par d'horribles cannibales...

Albérich avait observé tout ça avec tranquillité, devant rarement intervenir. Bien sûr, il enviait tous ces joyeux baigneurs, mais l'eau était abondante, la chaleur constante, son tour viendrait immanquablement. Il était appuyé au mur, lorgnant les mosaïques autour d'eux, cherchant à y reconnaître des motifs qui lui auraient semblé familiers, quand il vit approcher Hubert. Le paladin avait les traits contractés, les épaules trop droites, Albérich devina tout de suite que quelque chose n'allait pas. Il attendit que son ami l'ait rejoint pour lui parler.
« Tu as l’air contrarié.
— Je le suis. Ça va me passer.
— Tu veux raconter ?
— Hum. Non. Tu vas être du même avis que le conseil, ça va m’agacer encore davantage.
— Tu présumes de beaucoup de choses... Allez. Dis-moi.
— Je voulais sonder l’aura des colons. A leur insu. M’assurer que tout le monde est vraiment ce qu’il prétend… Il suffirait d’une personne pour nous vendre aux cannibales… Echanger l’ouverture des portes contre la survie… Faire semblant de ne pas voir les envahisseurs qui escaladent la muraille… Les risques, Albérich… J’en suis malade. Sans compter que je le vis un peu comme un désaveu de ce que je suis. La détection du mal, c’est la base du pouvoir d’un paladin. Tout le monde se réjouit de ma présence, mais en fait, on refuse que j’agisse en fonction. Je le savais, en signant ce foutu papier, que nous en viendrions à ça…
— Tu devrais le faire. »
Hubert se retourna vers lui, abasourdi.
« Quoi ?!
— Tu devrais sonder l’aura des gens. C’est un acte raisonnable, presque nécessaire.
— Ils ont dit non. Je suis tenu, maintenant, à respecter leur décision.
— Tu n’aurais pas dû leur en parler. C’était clair qu’ils refuseraient.
— Tais-toi. C’est trop tard. »
Il passa une main lasse sur son visage.
« Bon, je devais te parler d’autres choses. Mille autres choses. Tu peux laisser les thermes un moment ?
— Oui, bien sûr. »
Ils quittèrent les abords du bassin et franchirent une arche de pierre qui menait dans une petite pièce déserte, sans doute l’une de celles qu’Ignace investirait bientôt avec du matériel.
« Première chose, Alban. Une de ces dernières nuits, il m’a demandé de sonder son aura. J’ai détecté quelque chose de maléfique. Mais ensuite, cette étincelle a disparu, et il est possible qu’il n’y ait nulle présence en lui…
— Il a été envoûté par une liche…
— Oui. Barthélémy et Agnès disent qu’il se pourrait qu'il soit possédé mais que l’entité à l’intérieur de lui soit capable de dissimuler son essence… Cependant, Barthélémy pense aussi que, vu les événements récents, la chose pourrait profiter de la fragilité d’Alban pour émerger. Je me demandais si tu pouvais ouvrir l’œil…
— Changement de comportement, d’attitude, d’apparence… Oui, j’ouvrirai l’œil, Hubert.
— Cela doit rester confidentiel.
— Bien sûr. »
Le paladin soupira.
« Sinon, Ignace t’a chaudement recommandé pour gérer la garde.
— Gérer la garde ? Mais la garde, c’est ton créneau, non ?
— Les sentinelles, je voulais dire. Il faut organiser des roulements, gérer les volontaires, faire des listes… Nous avons besoin d’un responsable qui puisse prendre tout ça en main. »
Le Luménien grimaça.
« Diable.
— Tu n’es pas motivé.
— Je vais le faire. J’y prendrai goût. J'imagine qu'il y a déjà des listes ?
— Oui. Ignace doit encore les avoir. Je pourrai te donner les détails de l'organisation. Quarante personnes par rotation, chacune durant quatre heures, et puis le problème épineux de la nuit, bien sûr..."
Albérich acquiesça.
" Je m'en occuperai. Dès que j'ai fini ici..."
Ils quittèrent la petite salle pour regagner le bord du bassin.
" Misère, c'est tentant, fit le paladin en observant les colons qui se lavaient.
— Et excellent pour les nerfs. Mais notre tour viendra.
— Puisses-tu dire vrai... "
Il prit une profonde inspiration, qu'il relâcha aussitôt.
« Albérich, tu te rends compte que cette… nouvelle donne va m’obliger à demeurer avec la communauté beaucoup plus longtemps que prévu…
— Ça fait longtemps que je sais que tu ne partiras pas avant qu’elle soit bien établie dans ses murs, Hubert. Si tu le découvres seulement maintenant, c’est que tu n’as pas été très perspicace. »
Le paladin détourna les yeux, la mine contrite.
« Je ne m’attendais pas à ce que les choses se passent comme ça.
— Ne t’en fais pas. Je n’avais pas de projets. Et je suis heureux de voir que tu crois en notre victoire.
— Je suis Lathandrite, je n’ai pas le choix. »
Il se passa les paumes.
" Je vais remonter. Merci pour ton aide.
— A ton service. A tout à l'heure."
Le paladin sourit dans un hochement de tête, puis repartit dans le couloir, vers l'extérieur. Albérich grimaça et lâcha un soupir. Hubert avait l'air accablé et à peine reposé. Il faudrait qu'il garde un oeil vigilant sur lui.

A l'extérieur, le soir approchait. Sur les remparts, la relève avait eu lieu, la première équipe a avoir monté la garde venait de rempiler, avec Ruth et Alban dans ses rangs. Dans la cour, on dressait la cantine - opération qui ne devait pas être simple, vu la nature du sol - et l'on s'affairait à décharger les chariots qu'il avait fallu déplacer et que, bientôt, il faudrait démonter.
Son aide de camp n'était visible nulle part : sans doute était-il toujours avec les mages et les bardes, à établir des listes de sortilèges. En revanche, son état-major au grand complet l'attendait, prêt pour la réunion qu'un peu plus tôt, il avait annoncée à Étienne.

Hubert avait l'esprit un peu vide, contrecoup d'une journée intense, et ne savait plus trop, exactement, quels sujets ils devaient couvrir dans cette réunion. S'assurer que tout le monde s'était bien installé, s'informer quant à l'état des remparts, au placement des fournitures, communiquer sur le travail de Gabriel, prendre la température, récolter les doléances. Sans doute ce genre de choses... Peut-être auraient-ils pu aborder la question des cannibales et de la lutte à venir mais le paladin doutait qu'il y ait beaucoup d'énergie dans leurs rangs. Ah oui, les thermes. Ce serait bientôt leur tour.

L'énergie commençait à manquer, effectivement, et cela n'avait rien d'étonnant. D'abord, leur dernière véritable nuit de repos - et encore n'avait-il s'agit que d'une demi-nuit - datait de deux jours et, depuis, ils n'avaient pu au mieux dormir qu'une poignée d'heures. Ensuite, ils n'avaient pas chômé, loin s'en fallait, et c'était une excellente nouvelle en soi : les troupes avaient emménagé dans leurs nouveaux quartiers, on avait placé les projectiles là où il le fallait et inspecté les remparts comme demandé ; le bilan était bon et les quelques plantes exploitables par les cannibales n'étaient plus de mise, chaque groupe ayant imité l'initiative prise par Guillermo. Enfin, on était au point quant au code établi par le mercenaire, tandis que les instructeurs étaient parés à relancer les entraînements : à entendre Edgar, tous les enseignants et la plupart des élèves étaient motivés.
Pour le reste, nulle plainte, nulle doléance : chacun, son rapport terminé, se contenta d'écouter avec attention les déclarations du paladin. Lequel avait un autre motif de satisfaction : si l'état-major avait pu se réunir, c'est que ses membres faisaient confiance à leurs sous-officiers pour les suppléer, et donc qu'il serait bientôt possible pour tous de profiter de vrais moments de détente.

Hubert leva la séance, promettant d'avertir chaque officier tour à tour quand ses hommes pourraient aller profiter des thermes pour se décrasser. Le ciel s'était déjà assombri, la nuit ne tarderait plus à tomber complètement et ce serait son tour de prendre place sur les remparts pour scruter les ténèbres. Son humeur grise s'était améliorée au cours de la réunion, les motifs de satisfaction étaient nombreux, et il réalisait qu'il avait confiance en ces hommes, qu'il oserait s'appuyer sur eux, et que si Tymora et Lathandre étaient avec eux, toutes les inquiétudes qui le tourmentaient par ailleurs n'auraient plus lieu d'être.
Il quitta la réunion un peu ragaillardi, avec l'intention d'aller trouver Marthe. Il lui fallait prendre connaissance de ce document laissé par Robert, à l'intention du nouveau maître d'Alban, même s'il doutait d'y découvrir de grandes surprises.

Il trouva la juge dans la cantine dont l'installation était désormais terminée. Là, des colons probablement désireux de ne pas rester enfermés dans les caves du soir au matin s'étaient installés et devisaient en attendant le repas. Sans doute était-ce la raison pour laquelle Marthe était venue se placer-là : pour être visible, pour se tenir à disposition de qui voudrait lui parler. En tout cas, même si des livres et des parchemins étaient déposés devant elle, elle semblait ne guère y prêter d'attention, ou ne guère arriver à se concentrer sur eux.
Quand Hubert lui parla de la recommandation, elle fronça les sourcils puis soupira et secoua la tête.
-J'avais l'intention de vous la donner lors du conseil mais j'ai complètement oublié. Je commence vraiment à fatiguer.
L'instant suivant, elle lui la tendait.
-J'en profite pour vous remercier, Hubert. C'est vraiment très généreux à vous d'avoir accepté de vous occuper du garçon. Je sais que Robert aurait aimé que les choses se passent ainsi, et je suis convaincue que c'est la meilleure solution pour Alban.

" C'est normal, répondit le paladin. Je ne voulais pas léser Ruth, mais comme ces deux-là s'entendent bien, les choses ont l'air de démarrer sur de bonnes bases... Enfin... Aussi bonnes que possibles, compte tenu de la situation."
Il ressentit alors comme un vertige et posa la main à plat sur la table pour se stabiliser. Pendant une seconde, il vit des papillons sombres danser devant ses yeux et ressentit un léger tremblement dans les jambes. Il était épuisé, beaucoup plus qu'il ne l'avait cru, et les deux heures qu'il avait grappillées à la mi-journée n'avaient pas suffi à le requinquer. Plusieurs nuits blanches, l'effort d'un combat, les émotions extrêmes des dernières heures. Ignace avait parlé d'un casque d'infravision, mais qui pourrait-il mettre sur le pont à sa place ? Il n'avait prévenu personne qu'il faudrait peut-être lui suppléer pendant la nuit et il ne savait pas si certains avaient pu se reposer... Peut-être Gaspard. Etienne et Mathias avaient géré les sentinelles, Louis était toujours hors jeu, Edgar avait couru à droite à gauche pour préparer ses entraînements...
" A plus tard, Marthe. Je dois aller organiser la garde de nuit..."
Ignace, Gaspard, puis il se trouverait un coin pour lire ce document avant de gagner, probablement, les tables du souper.

Ignace se trouvait à sa place habituelle et il avait visiblement anticipé sa venue car il lui suffit d'un bref séjour dans son chariot pour revenir avec le fameux heaume.
-Frida a déjà postulé pour le porter, cette nuit. Je crois qu'elle ne tardera pas à... Tenez, d'ailleurs, là voilà.
De fait, la rôdeuse se s'approchait à grandes enjambées.
-A moi ! fit-elle avec un demi-sourire, en tendant les mains vers le casque. Hubert, empêchés de courir la nature, enfermés dans ce fort, j'ai l'honneur de vous annoncer que les éclaireurs réclament leur part du travail. Et qu'ils la réclament avec d'autant plus de force qu'eux ont pu se reposer une bonne partie de la journée.

Le paladin sourit devant un tel enthousiasme.
" Dame, si vos éclaireurs veulent arpenter les remparts, ils seront forcés de voir ça avec Albérich. Je ne suis plus responsable de cet aspect des choses, désormais... Enfin... Dès qu'il paraîtra pour prendre le relais... Plus sérieusement... Tous les volontaires devront se manifester auprès de lui et il organisera le contenu des équipes. Je lui communiquerai le nom des officiers responsables. Etienne, Mathias, moi-même... et vous, si vous désirez que la chose devienne régulière."

Elle croisa les bras.
-Les éclaireurs vont être ravis d'apprendre qu'on les considère comme des civils. Après tout, depuis que nous sommes entrés dans les marais, nos quatre groupes constituent l'avant-garde, l'arrière-garde et les deux premières protections des flancs de la colonne. Nous nous sommes illustrés dans la bataille contre les forces du Seigneur des Tombes, sans compter tous ces groupes de monstres errants dont vous n'avez jamais vu la couleur puisqu'ils ne sont jamais parvenus jusqu'à vous, et c'est nous qui avons pris les premiers possessions de ce fort... Des civils, vous disiez ?
Elle avait parlé d'un ton extrêmement sérieux mais, sitôt sa tirade terminée, elle sourit pour montrer qu'elle n'était pas réellement vexée.
-Nos non-humains sont déjà sur les listes, Hubert. Mais il me reste quatre petits groupes, chacun avec un officier compétent dont trois sont capables de voir dans le noir : mon confrère demi-elfe grâce au sang qui coule dans ses veines, Varamyr grâce à son lynx, moi grâce à ce casque. Nous passerons donc par Albérich, mais j'espère qu'il acceptera de ne pas séparer tout le monde : notre organisation a fait ses preuves, je crois.

Hubert la dévisagea, désemparé.
" Je n'ai pas parlé de civils, si ? J'ai parlé de volontaires... Misère, Frida, j'essaie de me décharger, je suis épuisé, et vous me... houspillez avec une querelle de termes ? Je voudrais juste, si c'est possible, ne pas devoir m'occuper de l'organisation de cet aspect des choses... Je pensais... que nous recherchions une certaine... efficacité, je ne sais pas, moi... Ecoutez, si vous avez une idée claire de la manière de surveiller les remparts... Je vous en prie : occupez-vous en. Je n'avais nulle intention de vous vexer et Albérich n'est pas plus motivé que ça... Mais il faut coordonner les civils et les... éclaireurs, non ? Ou bien vous pensez que ces deux choses doivent se gérer séparément ? Je dois avouer que je ne comprends plus."

Elle soupira, secoua la tête.
-Laissez tomber ce que je viens de dire, Hubert : c'était du second degré. Ce que j'essayais de vous expliquer, c'est que vous alliez prendre ce casque pour le confier... à l'un de vos officiers, lesquels ont déjà fort à faire, en oubliant totalement que mes compagnons et moi pouvions vous aider, vous décharger un peu.
Elle sourit.
-Je pensais qu'Albérich n'avait pas encore pu se mettre à l’œuvre vu qu'aux dernières nouvelles, il supervise encore les thermes. Néanmoins, je vais aller en discuter avec lui. Oh, et si vous remettez ce casque à l'un des vôtres, je monte une opération commando pour le récupérer.

" Attendez." dit le paladin.
Il prit le casque des mains d'Ignace et le remit dans celles de Frida.
" Vous avez ma bénédiction, quoi qu'il arrive. Réveillez-moi à la mi-nuit, et je prendrai votre relève... Je ne veux plus rien savoir de ces remparts avant que ce soit mon tour de m'y percher."
Il eut un sourire incertain puis détala rapidement. Il était trop fatigué pour ce genre de choses. A présent, lire, manger, dormir. Dans n'importe quel ordre.

Encore une fois, il lui fut aisé de dénicher un coin tranquille - en l'occurrence, le rez-de-chaussée d'une tour dont les occupants devaient pour l'heure se trouver aux thermes.
La recommandation écrite par Robert se divisait en deux parties. Sur un premier parchemin se trouvait une attestation en bonne et due forme, avec sceau et paraphe, reconnaissant qu'Alban avait été un écuyer en tous points exemplaire. Suivait un autre document dans lequel le chevalier présentait plus en détail la formation de l'enfant, le point où elle avait été interrompue. La partie martiale était fort développée, décrivant d'une part les qualités d'Alban, les aspects qu'il maîtrisait déjà, d'autre part ses points faibles sur lesquels il faudrait travailler, les aspects en cours d'apprentissage ou ceux encore à aborder. Le domaine des bonnes manières et du comportement chevaleresque était autrement plus bref : le défunt écrivait que son apprenti avait tout appris en un temps record, qu'il avait l'âme d'un chevalier, voire d'un paladin, et que le travail de son nouveau maître, outre éventuellement procéder à quelques rappels ponctuels, serait surtout d'essayer de faire en sorte que le gosse... accepte de s'octroyer des moments pour s'amuser, ne prenne pas la moindre petite bêtise pour une énorme bévue, bref, qu'il se "décoince", même si les choses n'étaient pas tout à fait exprimées ainsi.
Ce compte-rendu était très professionnel, très pointu : il ne s'agissait nullement d'une hagiographie mais bien d'un bilan qui se voulait le plus objectif possible. Néanmoins, au détour de chaque ligne, on sentait percer l'affection que Robert avait eu pour son écuyer.

Hubert rangea précieusement le document et se promit à nouveau de se montrer à la hauteur de l'engagement qu'il avait pris envers l'enfant. Les informations livrées par Robert étaient factuelles et détaillées, il pourrait s'en servir, assurément, pour faire progresser le gosse. Il refusa d'y songer plus avant. Le poids de ses nouvelles responsabilités, dans tous les domaines, était un peu difficile à assumer alors que la nuit tombait, qu'il étai fatigué et que, il venait de s'en souvenir, il devait encore assister à la cérémonie en l'honneur des disparus. Quoi qu'en aient dit les autres conseillers, le paladin savait qu'il devrait y prendre la parole. Les colons avaient choisi Robert. A présent, c'était une toute autre personne qui se trouvait à la tête de leurs soldats et à la table de leur conseil. Il ne pouvait pas se cacher dans l'ombre d'Etienne et attendre que les choses se passent. Il repartit donc vers le centre de la cour et l'endroit où, bientôt, serait servi le repas.

Où il commençait à être servi, même : la machine bien huilée de l'intendance avait fait son œuvre, ses hommes faisaient déjà des allers-retours entre les cuisines et la cantine tandis que, dans celle-ci, les premiers plateaux étaient distribués.
Avec ses deux grandes tentes aux allures familières, sa rangée de chariots bien ordonnée, la cour, toute étrangère qu'elle fut encore, avait des petits airs rappelant les campements que, soir après soir, la Communauté avait montés le long de la route oubliée.

***

Albérich, de son côté, était en train de superviser le dernier groupe de baigneurs civils : ensuite, ce serait le tour des militaires, et nul doute qu'ils n'auraient pas vraiment besoin qu'on les surveille pour se dépêcher et céder la place à leurs homologues.
On était en train de procéder à la lessive lorsque des pas résonnèrent dans le couloir voisin. Frida fit son apparition, un casque sous un bras, des documents dans sa main libre.
-J'ai du travail pour vous, dit-elle, amicale. Les éclaireurs se portent volontaires pour faire le guet, et je vous ai apporté les listes correspondant à chacun de nos quatre groupes, afin que vous puissiez organiser tout cela. Elles sont mises à jour : j'ai barré ceux d'entre nous qui, n'étant pas humains, ont déjà rallié les équipes de nuit. j'ai aussi ajouté, concernant mes trois collègues et moi, des informations sur nos capacités ou non à voir dans le noir, et ce qui nous les procure.

Et bonsoir à vous, songea Albérich malgré lui.
Dieux, que ces militaires étaient pragmatiques.
" Si j'ai bien compris, Hubert entendait diviser la journée en six périodes de quatre heures. Ça me semble raisonnable. Avec quarante personnes sur le pont chaque fois, ça fait un certain nombre de volontaires à mobiliser. Mais j'imagine que certains feront huit heures. C'est moins exigeant que bien des travaux qu'ils ont laissés derrière eux."
Il sourit et regarda les listes.
" J'imagine que vos éclaireurs ont le regard autrement plus aiguisé que le civil moyen... J'aurais tendance à les disperser tout au long de la journée. Mais vous préférez peut-être qu'ils fonctionnent en équipe ?"

-Spontanément, j'aurais dit que chacun de nos groupes pourrait constituer le noyau des vagues successives de guetteurs. Mais s'il vous paraît plus pertinent de disperser davantage mes hommes, n'hésitez pas : je vous fais toute confiance. Sachez juste qu'ils peuvent sans mal rester à leur poste huit heures dans la journée, voire huit heures d'affilée si cela vous arrange. Oh, et vous pouvez me compter au nombre des officiers responsables des sentinelles, aux côtés d’Étienne, de Mathias et d'Hubert.
Elle eut un sourire en coin.
-En parlant d'Hubert... Il m'a demande de le réveiller en milieu de nuit, pour qu'il puisse derechef remonter sur le pont. A votre avis, à quel point serait-il furieux si j'oubliais cette consigne ? Non que je souhaite le mettre en colère, loin de moi cette idée. Simplement, vu ce qui nous attend dans les jours à venir, nous aurons besoin de lui au mieux de sa forme. J'aurais donc tendance à penser qu'il doit se reposer autant qu'il le peut, tant qu'il le peut. Même à son corps défendant.

Albérich eut un sourire.
" Il sera furieux. Il vous en voudra terriblement. Il vous aura à l'oeil pendant des jours et des jours et vous ressortira votre trahison en grommelant à chaque occasion possible. Il risque de ne plus vous faire complètement confiance, du moins sur les matières triviales. Mais... vous n'êtes pas sa subordonnée, si ? Il ne pourra pas faire grand chose. Et... il n'osera pas faire un esclandre. Il ne vous connait pas assez."
Son sourire se mua en légère grimace.
" Le seul souci, ce sera peut-être un léger sentiment de ne pas parvenir à se faire respecter... Si vous arrivez à compenser par ailleurs, je pense que cela vaut probablement la peine d'être tenté. Mais vous êtes également indispensable à la communauté, Frida. N'avez-vous pas besoin de repos, de votre côté ? Ou bien songiez-vous à vous faire remplacer par un de vos officiers ?"

-Honnêtement, hormis pour ce qui est d'aider à monter la garde ou à combattre en cas de besoin, nous autres éclaireurs ou rôdeurs ne servons plus à rien tant que nous sommes enfermés dans ce fort. Nous ne pouvons plus faire de reconnaissances, envoyer nos familiers en repérage est extraordinairement dangereux... Bref, nous risquons de nous ennuyer, et l'ennuie est la source de bien des idées noires dont nous devons impérativement nous garder. D'où la nécessité de nous occuper.
Elle soupira.
-Techniquement, je ne suis pas sous les ordres d'Hubert : il dirige notre armée, moi nos éclaireurs. Dans les faits, cependant, c'est lui qui commande la défense du fort et tout ce qui en découle : si mes hommes et moi y contribuons, nous sommes donc sous sa juridiction. A franchement parler, lui obéir ne me pose pas le moindre problème, ce serait plutôt le contraire. En tout cas pour les choses cruciales. Cependant, pour ce dont nous discutions à l'instant...
Elle secoua la tête.
-Il y a un grand nombre de personnes qui pourraient le remplacer pour ce qu'il entend faire cette nuit. J'ai donc l'impression qu'il va gaspiller inutilement son énergie, et le gaspillage... me hérisse. A mon humble avis, il devrait déléguer ce qu'il peut déléguer et se concentrer sur les domaines et les moments où il est irremplaçable.

" Le problème, c'est que pour l'instant, je ne pense pas qu'il perçoit clairement en quoi et où il est irremplaçable, dit le Luménien avec un sourire contraint. Mais j'ai une idée, Frida. C'est moi qui suis responsable de l'organisation des gardes. Je vais simplement lui annoncer qu'il n'est pas prévu cette nuit. Ce n'est pas très conventionnel, et je n'ai pas d'autorité sur lui, bien sûr, mais je pense le prendre suffisamment au dépourvu, et afficher suffisamment d'aplomb pour qu'il cède, au moins aujourd'hui. Il sera mécontent, mais il comprendra les raisons sous-jacentes et je lui expliquerai que vous et moi nous sommes entendus. Sans doute faudra-t-il négocier demain, si vous comptez l'empêcher de monter la garde à jamais, mais nous gagnerons au moins cette nuit et je pense, comme vous, qu'il en a bien besoin."

-Je ne compte pas l'empêcher de monter la garde. Je comprends et je respecte ce besoin de faire du travail de terrain, si je puis m'exprimer ainsi. Robert avait le même. Il y a juste un moment où il faut savoir se montrer raisonnable : faire le guet quatre heures dans la journée, quand on a pu dormir convenablement, c'est raisonnable. Veiller de nuit alors qu'on est au bord de l'épuisement, ça ne l'est pas. Je ne juge pas, cependant : comme je le disais, je pense le comprendre, surtout que je sais qu'il se sent illégitime par rapport à ses nouvelles fonctions. Simplement, en pareils cas, c'est aux autres de prendre l'initiative. Comme l'a fait l'état-major, il y a peu : savez-vous que les officiers se sont ligués pour obliger Robert et Hubert à dormir la nuit, plutôt que de superviser les sentinelles ?
Elle sourit.
-Faisons comme vous le proposez : c'est le mieux, bien mieux que d'oublier sa consigne comme je l'avais d'abord envisagé. J'espère qu'il se sentira moins trahi, car ce n'est vraiment pas le but de la manœuvre. Et oui, dites que c'est un arrangement entre nous. M'expliquer avec lui demain ne me pose aucun problème. Et d'ici là...
Elle se fit plus grave.
-S'il proteste, expliquez-lui qu'il a parfaitement joué son rôle de meneur, aujourd'hui. Il a su prendre des décisions concernant les défenses du fort, accepter les conseils et faire appliquer l'ensemble de ces mesures. Il n'a même pas dû forcer pour être obéi. Expliquez-lui que c'est notamment en cela qu'il est irremplaçable. La valeur d'un chef ne se mesure pas uniquement à ce qu'il fait par lui-même : elle se mesure aussi par ce qu'il décide et par ce qu'il conduit les autres à accomplir.

" Frida, malheureusement, en ces matières, il ne m'écoutera pas. Il sait que je veux le soutenir, à tout prix, et il prendra fatalement la moindre de mes paroles avec suspicion. Jamais je ne lui dirais qu'il va échouer, qu'il est la mauvaise personne, que Robert s'est trompé ou que sais-je. Et je pense qu'il pense que je ne le lui dirais pas, même si c'était vrai. Et il a sans doute raison."
Il sourit.
" La seule chose qui va gommer son sentiment d'illégitimité, c'est le temps, si le temps est clément... Vos réussites, vos progrès... La survie de la communauté en dépit de cet écueil. Les mots, ma foi... Oui, ils apaisent. Mais ils ne guérissent pas."

-L'apaisement, ça n'est déjà pas si mal. Mais je ne suis pas non plus la meilleure personne pour lui parler. Je ne suis pas une grande rhétoricienne, je ne suis très à l'aise qu'avec mes pairs, et ma tentative de tout à l'heure, maladroite à souhait, à été un pur fiasco. Mais peut-être d'autres lui diront-ils...
Elle haussa les épaules.
-Peut-être aussi finira-t-il par se rendre compte de ce qu'il suscite chez les autres. C'est incroyable comme il paraît ne pas en avoir conscience, alors même qu'il ne manque pas, dans son entourage immédiat, d'exemples marquants...

Albérich n'était pas certain de savoir exactement à qui elle faisait référence. Il trouvait, de son côté, qu'Hubert avait été nettement plus populaire à Solarcis, mais sans doute le cadre s'y prêtait-il mieux, sans ombre au tableau, sans hiver, sans cannibales. Et puis il y avait résidé dix ans, aussi. C'était un autre temps. Il se dirigea vers la sortie des caves, aux côtés de la rôdeuse.
" A mon avis, cela lui permet de rester humble, et c'est une qualité appréciable... Cela dit, les circonstances sont particulières et je pense qu'il est avant tout sous le choc des événements de la nuit dernière. Il lui faut un temps d'adaptation, il reprendra pied rapidement. Et quand il sera plus assuré, vous regretterez les temps bénis de son incertitude... Il peut se montrer extrêmement directif, quand il est sûr de son fait."

-Un chef se doit d'être directif quand c'est nécessaire, répondit-elle, tranquille. D'autant qu'un meneur qui paraît sûr de ses décisions et qui met tout en œuvre pour qu'elles soient appliquées, cela rassure les troupes et les rend donc plus efficaces.
Ils atteignirent les escaliers, les gravirent.
-Une dernière chose... reprit la rôdeuse. Si vous voyez qu'Hubert prend trop mal notre arrangement, dites-lui que vous m'avez réservé le même traitement et faites-le moi savoir. Bien sûr, même si je ne me suis sans doute pas reposée autant que je l'aurais dû, je ne serai pas ravie. Mais le Conseil vous a confié la gestion des sentinelles : c'est donc à vous que revient le dernier mot. Et si cela peut aider notre paladin à mieux accepter les choses, ma foi...
Elle lui sourit, le salua puis s'éloigna.

Albérich n’était pas complètement certain de ce que Frida avait voulu dire : s’il les mettait tous les deux au repos, qui allait s’occuper des remparts ? Il pensait que si le paladin acceptait d’être suppléé par la rôdeuse, il serait peut-être moins d’accord de voir un officier méconnu assumer ce rôle crucial. Leur survie dépendait intimement de l’inviolabilité de leur sanctuaire. Même si la tâche n’était pas particulièrement complexe, c’était devenu un des postes les plus importants de leur organisation. Il comprenait pourquoi Hubert tenait à y participer, d’autant mieux à présent que le paladin lui avait fait part de son sentiment d’impuissance par rapport à l’ombre qui se terrait peut-être dans la communauté. Mais cela n’aurait servi à rien d’en parler à Frida : elle avait assisté au conseil critique. Et peut-être aurait-elle cherché à justifier la décision, sans comprendre que ce genre de choses minait irrémédiablement toute possibilité de sérénité chez Hubert. Albérich savait mieux que quiconque combien son ami prenait à cœur les missions qu’il se fixait, combien leur échec était douloureux pour lui, combien le moindre accroc le mettait hors de lui. Il n’était pas certain que, même relevé de la garde, il parvienne à dormir.
Il repéra Hubert dans un coin de la cour, mangeant assis sur un muret, le regard vide. Le Luménien se demanda s’il réfléchissait ou s’il dormait déjà. Le paladin leva les yeux à son approche et sourit doucement.
« Frida est passée te voir. » annonça-t-il.
Albérich ne put qu’en rire.
« Effectivement. Et nous avons décidé que tu serais dispensé de garde cette nuit. »
Hubert le regarda sans comprendre tandis qu’il s’asseyait à ses côtés. La cour glissait dans l’ombre, les colons circulaient, la silhouette des sentinelles se dessinait sur le ciel obscur.
« Mais…
— Tu es crevé. Tout le monde le voit, tout le monde s’en inquiète. Frida te remplacera. C’est moi le chef de la garde, c’est moi qui décide.
— Ce n’est pas exactement ça que j’entendais en te confiant cette tâche. C’est un rôle organisationnel et les officiers…
— … sont cruciaux dans le dispositif. Ça ne sert à rien de polémiquer, ma décision est prise. »
Le paladin fronça les sourcils.
« Et donc Frida va se farcir huit heures de garde à ma place ?
— Je pense qu’elle s’est reposée pendant la journée.
— Tu penses ? Où ça ? Il y avait du passage partout, dans ce fort.
— Ecoute, ce n’est plus ton problème. Cette nuit, tu dors. Demain, tu pourras faire le hibou si ça t’amuse. Mais pas plus d’une nuit sur deux. C’est moi le chef. »
Hubert se fendit alors d’un sourire.
« D’accord. Je suis content que tu aies pris quelque chose en main. Je sais que ça te manquait. Et je vais donc me retenir de le contester même si je ne suis pas très content. »
Albérich lui rendit son sourire.
« Merci. »
Ils se turent un instant et Albérich leva les yeux vers la tour voisine.
« Les thermes sont libres, aussi. Je pense que c’est le bon moment de commencer à y envoyer les soldats… Enfin… C’est toi le chef, en ce registre.
— Est-ce qu’il reste de l’eau chaude la nuit ?
— Hum… Je ne pense pas que le dispositif soit lié au soleil… Donc je dirais oui.
— D’accord. Il y a encore la cérémonie d’adieu aux disparus, après le souper… Sans doute est-ce mieux d’attendre, sinon certains risquent d’être dans l’eau au plus mauvais moment... »
Albérich acquiesça.
« Est-ce que ça va, toi, sinon ?
— Je ne sais pas. Le temps le dira. Je suis encore un peu sous le choc, je crois… En même temps… »
Il se tourna vers le Luménien.
« Je connaissais à peine Robert. Depuis moins d’un mois… Pourquoi suis-je affecté de la sorte ? Nous n’avons pour ainsi dire jamais parlé de nous-mêmes… ou à peine. Il y avait tant à faire, tant à organiser… Les choses se sont enchaînées si vite. Nous n’avons pas eu d’espace pour nous rencontrer, quelque part… Mais dans le même temps, cela semblait tomber sous le sens. Il y a des gens qu’on rencontre et il ne faut pas plus de quelques heures pour savoir… »
Albérich hocha la tête.
« Je comprends.
— Je suis peut-être un peu trop rapide pour m’attacher.
— Ce n’est pas forcément un problème.
— Mais c’est douloureux. Et peut-être dangereux.
— Je ne crois pas que tu t’emballes si aisément, Hubert. Oui, sans doute, pour quelques personnes qui te parlent rapidement. »
Ils se dévisagèrent une seconde. Albérich vit que le paladin s'était empourpré, à nouveau en proie à des émotions difficiles. Il posa une main sur son genou.
« Robert était un chevalier très compétent. Il est logique que tu ne te sois pas inquiété de sa sécurité. Tu ne peux pas t’en vouloir.
— Je sais. Je songe juste à ce qui n’a pas été. Le potentiel… perdu. C’est une sensation vertigineuse. Contempler les possibles. Puis réaliser que chacun d’entre eux est en sursis. »
Albérich soupira.
« Ce n’est pas une pensée lathandrite. Il faut contempler les possibles et réaliser que chacun d’entre eux l’est, possible. Et que nous avons le pouvoir de les faire émerger. Sans regarder derrière. »
Il eut un sourire triste.
« Je sais que je suis mal placé pour te tenir ce discours. Mais ne perds pas foi, Hubert. Les écueils… Il y aura toujours des écueils. Vaincre le mal, c’est une lutte.
— Je me sentirai mieux demain.
— Après une bonne nuit de sommeil. »
Le paladin sourit.
« Je vais aller retrouver les conseillers. Voir un peu comment s’organise la cérémonie à venir. Tu ferais mieux d’aller manger.
— Je vais faire ça. »
Albérich se leva et lui serra l’épaule, avant de repartir vers la cantine. Il jeta néanmoins un œil derrière lui, pour vérifier qu’Hubert se mettait également en mouvement. Le paladin capta son regard et sourit avant de l’imiter.

Sous la vaste tente, les colons s'étaient amassés, et le brouhaha des conversations était presque assourdissant. Quant aux places libres, elles n'étaient pas légion. Il y en avait néanmoins une à la table de l'Académie, où Marthe mangeait en compagnie des instituteurs : soit ils avaient dû lutter pour la lui réserver, soit personne n'avait osé la réclamer, estimant qu'elle lui revenait de droit. Il put donc s'y installer sitôt son plateau récupéré.
-Alors, pas trop dur, de remplacer Agnès ?
-Être contraint de regarder les thermes sans pouvoir y plonger, ça n'a pas dû être évident.
-D'autant que comme on s'y rend par groupe, comme tu as manqué ton tour, tu n'auras pas le droit d'y goûter aujourd'hui, sous peine de compliquer la tâche de l'intendance...

Albérich sourit à la compagnie, tâchant de masquer son souci lorsqu'il observa un instant Marthe.
" Je viens d'être nommé responsable des tours de garde. Je suis donc assimilé, un rien, à nos forces militaires ! Je vais donc pouvoir, sans soucis, me glisser dans leur roulement. Je sais, je sais, cela fait sûrement de moi un traître aux gens de plume, mais j'avais une épée entre les omoplates, je n'ai pas pu refuser !"
Il huma le parfum de son ragoût.
" Donc ne vous inquiétez pas. Bientôt, je fleurerai le propre, et vous n'aurez rien à craindre de mes puces et de mon odeur."

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Une route oubliée