La Couronne de Cuivre

Mais Hubert n'ajouta absolument rien, demeurant figé dans l'ombre de son nouvel écuyer, si bien qu'Albérich ne sut pas quoi faire, lui non plus.
" Nous verrons bien, ne t'inquiète pas." dit-il finalement, avec un sourire embarrassé, avant d'adresser une grimace à Hubert.
C'était à lui de prendre ces décisions, pourtant !
Mais le paladin se contenta d'opiner du chef.
" Je vais aller suspendre mes affaires. Sinon tout le monde dormira que je serai encore à attendre."
Et il abandonna le maître et l'élève.

Comme l'avait supputé Alban, l'intendance ne tarda pas à débarquer, apportant avec elle des piles de tuniques et de couvertures. Les premières provenaient tout droit des réserves, les secondes pour partie seulement, les autres ayant été récupérées auprès de certains colons qui en avaient eu besoin après leur ablutions et n'avaient pas forcément songé à les restituer. On informa la soldatesque - et Albérich - que leurs effets leur seraient rapportés sitôt qu'ils seraient secs et qu'ils pouvaient donc aller se coucher sans tarder.
Ainsi regagnèrent-ils leurs pénates, la tour sud-ouest pour la majorité, une pièce située non loin de là lpour 'ancien aubemestre, pièce qu'il partagerait avec les fameux instituteurs, Marthe ainsi que les occupants d'un autre chariot.

Le contraste entre les thermes, la salle du feu, et les couloirs des caves était cruel. Albérich arriva gelé dans sa chambre — autant voir les choses sous un angle réaliste et agréable à la fois — et se dirigea à pas de loup vers sa couche, veillant à ne piétiner personne. Une torche courageuse brillait dans le couloir, diffusant une pénombre tout juste suffisante pour qu'il puisse se guider sans risques. Une fois debout sur sa couverture, il s'accroupit puis se réfugia rapidement à l'abri. Il y faisait à peine moins froid, mais il savait que ce n'était que la première impression : il ne tarderait pas à réchauffer ce cocon.
Il s'allongea sur le dos, lorgna les ténèbres. Tout paraissait tranquille. C'était un leurre. Mais il était épuisé. Il écouta la respiration de ses compagnons, autour de lui, et leur présence le rassura doucement. Il avait peur pour eux, peur pour lui-même — moins*— mais il était impuissant à agir d'une quelconque manière, dans l'immédiat, et l'impuissance appelait la sérénité plutôt que l'angoisse. Il songea à ses listes de garde qu'il n'avait pas parfaitement finalisées, à l'exception du tout premier groupe de la journée. Ça suffirait. Il s'en occuperait au petit déjeuner.
La nuit dans une cave.
Il soupira, se retourna, ferma les yeux.
Le sommeil l'emporta en quelques secondes.

***

Hubert s'était débarrassé de son pantalon trempé dès qu'une alternative leur avait été distribuée. Pour ne pas perdre la face, il s'était esquivé une fois dans la cour, pour répondre à ce besoin pressant — tout à fait différent de ce qu'imaginait l'enfant. Il avait cherché un coin tranquille, n'en avait trouvé aucun à son goût, et finalement, la fièvre était retombée sans qu'il doive agir. Il avait regagné la tour, un peu penaud, et s'était glissé entre ses couvertures.
Il ne savait pas si Alban dormirait bien mais il se coucha près de lui, l'englobant dans son aura, espérant que l'épuisement lui offrirait une nuit sans nuages. Voeu pieu.
Lui-même craignait de ne pas trouver le sommeil, bouffé par mille inquiétudes diverses. Les remparts, Alban, Albérich, les cannibales, Robert...
Encore et encore, en boucle, en sarabande, et en réalité, il sombra...

...pour s'éveiller dans l'instant.
Du moins lui sembla-t-il.
Et c'était une fausse impression.
Il le constata d'abord à la lueur grise qui nimbait ce plafond de pierre étranger, au-dessus de lui. Il le remarqua également à son état de forme, sans commune mesure avec son épuisement de la veille : il se sentait mieux, beaucoup mieux.
Il réalisa enfin qu'on lui secouait doucement l'épaule.
-Pardon de vous réveiller, messire... souffla Alban. Mais comme l'aube arrive, j'ai pensé que vous aimeriez pouvoir prier.
Autour d'eux, tout le monde dormait encore.
Quant à leurs affaires, l'intendance n'avait pas menti : elles étaient bien là.

" Merci, tu as bien fait." souffla Hubert avec un sourire reconnaissant.
Il s'extirpa de ses couvertures, puis se changea rapidement. Vu la tour où ils avaient dormi, il leur faudrait passer par la cour pour gagner le rempart est. Sans doute celle-ci fourmillerait-elle déjà d'une activité presque silencieuse. Et les sentinelles de nuit allaient bientôt être relevées par la première équipe de jour, si Albérich avait fait son travail.
Tout en se préparant, le paladin fut surpris de ne pas avoir fait de cauchemars. Il se demanda si Alban avait bien dormi, lui aussi, mais n'osa pas lui poser la question, quêtant plutôt la réponse sur les traits de son visage.
" Tu n'es pas obligé de venir avec moi, si tu veux encore profiter un peu de ton lit."

Bien que le gosse ait visiblement pleuré peu de temps auparavant, il paraissait moins à bout que la vienne. Légèrement, en tout cas.
-Je ne saurai pas me rendormir,répondit-il. Et je vous accompagnerai si vous le souhaitez. Sinon, je peux aller réveiller Ruth pour qu'elle aille nourrir votre destrier tandis que je m'occuperai des montures de messire Robert.
Il s'empourpra.
-A franchement parler, je crois que je vais avoir du mal avec l'aube pendant un moment. Mais ça passera : de belles choses se sont aussi produites lors de la dernière, puisque c'est à ce moment-là que la Communauté a réussi à se mettre à l'abri.

" Je comprends, dit Hubert avec un sourire un peu triste. Ecoute... Va réveiller Ruth, occupez-vous des chevaux. Et si vous en avez l'opportunité, prenez déjà votre petit déjeuner, d'accord ? Je vais aller prier sur le rempart est et puis je verrai avec Frida, comment s'est passée la nuit... Je vous retrouverai plus tard."
Tout en parlant, il avait gagné les escaliers.

Comme chaque jour depuis qu'elle avait pénétré dans les Landes - et sans doute comme chaque jour depuis qu'elle était assez importante pour former des campements en bonne et due forme -, la Communauté s'était réveillée tôt : dans la cour, il croisa ainsi des membres de l'intendance, des palefreniers. Sur le mur est, en revanche, seulement des sentinelles dont l'expression disait assez que l'aube leur apportait du réconfort, même si ça n'était pas forcément sur un plan spirituel. ..
Hubert n'avait pas encore commencé à prier qu'il vit Gabriel sortir de la tour sud-est avec la mine chiffonnée de qui vient à peine de sauter du lit. Le clerc le salua de la main puis fit face à l'orient.
Ce serait une aurore sans soleil : le ciel était à nouveau couvert de nuages.
Le temps était à la neige.

***

Un peu plus tardif que le réveil du paladin, celui d'Albérich s'avéra beaucoup plus brutal.
-DEBOUT LA-DEDANS !
Grommellements divers et variés.
-Le petit-déjeuner va bientôt être prêt : premiers arrivés, premiers servis ! Les autres devront attendre le repas de midi ! Ou pas...
Visiblement, certaines traditions étaient toujours de mise.

Albérich rabattit sa couverture sur ses yeux. S'il avait eu une botte à portée de main, il l'aurait calée sur l'importun.
" Ça tombe bien, j'ai du poids à perdre." grommela-t-il.
Puis il se souvint de la relève de la garde. Il devait transmettre à Etienne la liste de ses volontaires pour la première rotation, puis préparer les trois suivantes, voir avec Frida si les groupes de la nuit avaient été à la hauteur, éventuellement prévoir l'un ou l'autre remplacement. Si bien qu'il déboula hors de son lit presqu'aussi vite que l'avait fait Hubert les fois où il avait dormi dans l'Académie.

-Toi, tu t'es souvenu que tu avais du travail... lâcha Agathe d'une voix pâteuse.
-Ou bien tu es motivé à l'idée de t'entraîner ?
Rebecca sourit.
-Moi, je le suis bien. Mais chut, personne ne doit savoir que j'ai un jour prononcé ces mots.
-Trop tard.
Leurs voisins de chambre émergeaient également. Albérich avait croisé l'un ou l'autre, à l'occasion, et il nota qu'il n'y avait aucun enfant parmi eux. Une faveur faite aux instituteurs ?
Marthe, elle, n'était en vue nulle part : sa couche était déserte.

La vue de la couche déserte attrista légèrement Albérich, qui songea que la juge avait dû avoir une nuit autrement plus agitée que la sienne. Mais peut-être le conseil s'était-il simplement réuni... et Marthe n'avait jamais été une lève-tard, tout bien réfléchi. Il termina de mettre ses bottes et se drapa dans son manteau. Il faisait cru, dans ce sous-sol, malgré l'absence de courants d'air. Un bon gruau bien chaud serait bienvenu pour lui réchauffer les os.
" Je dois aller donner les listes pour la garde à Etienne. Je vous retrouve à table." annonça-t-il, avant de filer vers l'extérieur.

Il déboucha dans une cour où se hâtaient quelques lèves-tôt, sous un ciel gris qui semblait promettre des flocons en nombre. Un homme de l'intendance lui dit qu’Étienne se trouvait à la cantine et, de fait, une fois pénétré à l'intérieur de la vaste tente, il l'aperçut à l'une des rares tables déjà occupées, déjeunant en compagnie d'Agnès et de Barthélemy.
Le chevalier avait une petite mine, signe d'une nuit agitée. Il ne l'en accueillit pas moins avec un sourire amical.
-Merci beaucoup pour ces listes, dit-il après l'avoir salué. Je monte sur le pont sitôt avalé un autre thé bien corsé.

" A priori, si elles tournent bien, l'idée est qu'elles restent fixes. S'il y a le moindre problème, quelqu'un de malade, une équipe plus faible, des conflits, faites-le moi savoir et je réorganiserai ça. Si j'ai bien suivi ce qu'Hubert m'a expliqué, vos groupes sont le premier et le troisième, Mathias prend le deux et le quatre, et je verrai pour la nuit... Je vais essayer de dénicher Frida pour voir si tout a bien fonctionné cette nuit..."
Il faillit ajouter un trait d'humour sur le fait qu'ils étaient tous toujours là, apparemment, mais se retint, conscient que c'était déplacé.
" Je vous souhaite une belle journée. Agnès, si je peux aider pour quoi que ce soit, n'hésitez pas..."
Puis il les salua et se dirigea vers la sortie.

Il la dénicha sur le mur occidental, accoudée aux créneaux. Ce qui le surprit immédiatement, c'est qu'elle avait l'air reposée. La rôdeuse, notant son étonnement, ne tarda pas à s'en expliquer.
-J'ai commencé à sombrer vers deux ou trois heures du matin, alors j'ai demandé à un de mes confrères de prendre la relève.
Elle tira d'une poche de son manteau les listes qu'il lui avait données la veille.
-Merci encore pour ces documents : les groupes ont très bien fonctionné. Certes, il y a eu trois assoupissements dans le premier et deux dans le second, mais il est difficile de juger, puisque la journée d'hier a été particulière. A mon avis, on peut les tester une nouvelle fois, et si ça ne colle toujours pas... Alors il faudra leur trouver une nouvelle affectation.

" Parfait, dit-il. Je n'ai pas encore discuté avec Hubert de la nuit prochaine... Je verrai quand je le croise. Je ne sais pas s'il aimera savoir les remparts sous la responsabilité de quelqu'un qu'il ne connait pas bien, cependant. Si vous voulez le convaincre de céder le poste aux éclaireurs, vous devriez envisager de lui faire rencontrer formellement vos subordonnés."
Il grimaça.
" Enfin... C'était juste une opinion... Je ne veux pas me mêler... Et je peux me tromper."
Il songea soudain au fait qu'il n'avait pas vu Marthe avec Etienne et Agnès, alors qu'il s'était attendu à la trouver en leur compagnie.
" Est-ce que... vous avez vu Marthe passer, par hasard ? Je sais que vous êtes censée regarder dans l'autre direction, mais vu que vous supervisez..."

-Je l'ai aperçue dans la cour il y a une heure, quand je suis revenue prendre mon poste. Je pense qu'elle voulait se mettre au travail, car elle avait les bras chargés de livres et de parchemins. Si je me souviens bien, elle s'est installée dans le chariot juste à droite de l'intendance.
Elle sourit.
-Quant à la nuit prochaine... Vous savez, hormis peut-être superviser l'installation de la nouvelle porte et à moins qu'une attaque ennemie ne survienne, je vais rester à me tourner les pouces de l'aube au crépuscule. Il y a donc de fortes chances que je puisse dormir tout mon saoul et que, par conséquent, je n'éprouve nul besoin de faire une pause durant ma garde.

" Je verrai avec lui. Je ne suis pas certain de parvenir à le convaincre à nouveau... Mais je tenterai. Bonne journée à vous, Frida. Etienne devrait arriver dans quelques minutes."
Il quitta ensuite le rempart, cherchant Hubert des yeux, par curiosité. Le paladin devait être levé depuis un certain temps. Sans doute était-il avec Gabriel, en train de planifier leur journée. Mais Albérich voulait d'abord voir Marthe. Comme bien d'autres endeuillés, elle se jetait à corps perdu dans le travail, mais il voulait constater de ses yeux qu'elle tenait le coup. Peut-être lui apporter une tasse de thé... Il aviserait. Ignace était généralement aux petits soins avec elle, sans doute ne manquait-elle de rien.

Comme, après avoir rallié le chariot indiqué et s'être annoncé à deux reprises, il n'avait toujours pas obtenu la moindre réponse, Albérich écarta légèrement le pan de toile qui faisait office de porte. A l'intérieur, on avait installé l'une des si commodes tables à tréteaux, et Marthe y avait disposé, avec ordre, plusieurs volumes et piles de documents. Quant à la juge elle-même, elle semblait être littéralement tombée de sommeil : elle dormait, appuyée sur son bureau, tandis que brûlait toujours la chandelle qu'elle avait allumée.

Albérich se glissa à l'intérieur du chariot qui grinça un peu sous son poids et s'approcha de la juge. Il chercha une couverture des yeux. Ce n'était pas l'endroit le plus confortable pour dormir. Il décida de souffler la bougie : avec tant de toile et de papier, ce n'était pas prudent. Il hésitait. S'il la réveillait, elle voudrait certainement se remettre au travail, or elle avait manifestement besoin de repos. Peut-être pouvait-il l'allonger quelque part... Par curiosité, il se pencha au-dessus de son épaule pour voir ce sur quoi elle travaillait, tout en essayant d'imaginer comment l'installer au mieux sans la déranger. Déjà, il pouvait lui mettre son manteau sur le dos...

Il eut à peine le temps d'entrevoir quelques notes précises et appliquées sur les libertés individuelles que, déjà, la juge se redressait. A croire qu'elle avait le sommeil léger... En tout cas, elle commença par regarder autour d'elle d'un air hagard, comme si elle ne parvenait pas à se souvenir de l'endroit où elle était, puis ses yeux se posèrent sur Albérich et elle arbora aussitôt une expression embarrassée, comme un gamin pris en faute.
-Hum, ma réputation de travailleuse acharnée est à jamais brisée, je le crains... soupira-t-elle.

Il lui sourit doucement.
" Je suis vraiment navré de vous avoir réveillée. C'était exactement la chose que je ne voulais pas faire. J'imagine que j'aurais dû vous abandonner à vos songes, mais je ne peux pas croire qu'un bureau soit le meilleur endroit pour dormir."
Il tira une chaise.
" Maintenant est le moment où j'essaie de vous convaincre de retourner vous coucher. Je suis certain que vous avez bien une heure ou deux avant la première réunion du conseil. Et vous devriez écouter votre corps."

Marthe sourit.
-Je l'ai écouté, vous savez. Il a passé la nuit à refuser de dormir, alors j'ai fini par déduire qu'il voulait travailler. Et voilà qu'il me lâche sitôt que je lui donne satisfaction. Allez comprendre.
Elle se passa des mains lasses sur le visage.
-Malheureusement, le Conseil se réunit généralement tôt, pour bien lancer la journée. Je dois pouvoir tenir jusque là.

" Vous devriez aller à cette réunion et demander à Agnès de vous donner quelque chose qui facilitera votre sommeil, puis retourner vous coucher. Personne ne s'attend à ce que vous enchaîniez une seconde journée comme celle d'hier et la constitution peut franchement attendre. Je sais qu'il est tentant, dans ces situations, de s'abrutir dans le travail..."
Il secoua la tête.
" Pardonnez-moi. Je sais que nous ne sommes pas tous les mêmes, quant on en vient à ces choses. Vous êtes évidemment libre... de faire comme vous l'entendez... Mais ne vous épuisez pas, Marthe. Vous avez besoin de manger, de dormir, comme n'importe lequel d'entre nous. Est-ce que vous avez petit-déjeuné ?"

La conseillère exhuma une tasse de derrière une pile de livres.
-J'ai aussi dû grignoter un morceau... Vous voyez, je suis raisonnable.
Elle sourit à nouveau.
-D'accord, je ne le suis guère. Mais les plantes sont un piège : elles ne règlent pas le fond du problème et on finit par s'y habituer. De surcroit, j'ai besoin de m'occuper.
Elle fit un geste vague englobant son bureau.
-Notre constitution, nos lois... C'est le seul domaine où je peux vraiment être utile la Communauté. Bien sûr, il y a d'autres tâches mais... je n'ai pas l'énergie.

Il acquiesça.
" Je ne vous dicterai pas votre conduite. Travaillez si cela vous fait du bien. C'est tout ce qui compte. Mais je veillerai à ce que vous vous nourrissiez et sur votre sommeil. Je ne vous demande pas de prendre des plantes pour vous chasser votre chagrin. Cela ne fonctionnerait pas. Je vous demande de dormir. Vous risquez d'entrer dans une spirale d'épuisement qui ne vous laissera rien pour lutter."
Il pinça les lèvres.
" Mais nous en reparlerons ce soir, au moment critique."
Un moment, il se demanda si une solution n'aurait pas été d'envoyer Marthe dormir auprès d'Hubert, dans la formidable influence de son aura.
" J'ai vu que vous étiez sur les libertés individuelles... J'ai déjà pas mal travaillé là-dessus, je devrais aller vous chercher mes notes."

Elle secoua la tête.
-Non non, je ne voudrais pas empiéter sur un thème sur lequel vous avez déjà mené des recherches. Les sujets ne manquent pas...
Elle baissa les yeux sur ses notes.
-C'est juste que nous avons eu une discussion au Conseil, hier... Hubert a fait une proposition et...
Elle grimaça, secoua la tête derechef.
-J'allais me reprocher de divulguer nos conversations, mais c'est idiot. Il a déjà dû vous en parler. Et de toute façon, nous ne sommes pas tenus au secret.

Albérich s'était assis et il sourit à la magistrate.
" Il m'en a parlé, oui."
Ce n'était d'ailleurs sûrement pas le moment de dire à Marthe ce qu'il en pensait. Il admirait le fait que malgré toutes ses pertes, elle soit restée si attachée à ses principes. Il n'était pas taillé dans le même bois.
" Vous ne devez pas vous en faire : il respectera ce que le conseil a décidé, même si cela lui coûte beaucoup."

Marthe haussa les sourcils.
-Mais, Albérich, je n'ai pas le moindre doute à ce sujet. Hubert est un homme droit, un paladin...
Soupir.
-Et je me doute que ça lui coûte de devoir respecter notre décision. J'espère qu'il sait que nous comprenons et respectons sa position... Simplement, elle n'est pas envisageable. Elle irait à l'encontre de l'esprit et des principes de la Communauté, créerait un précédent fâcheux et risquerait de stigmatiser certains de nos compagnons, les privant du même coup de toute nouvelle chance, de tout nouveau départ...

Albérich leva les mains en signe de défense.
" Je ne vous demande pas de vous justifier, Marthe. Je ne suis pas Hubert. Et je ne pense pas que je vais aborder ce sujet avec lui à nouveau dans l'immédiat, je dois bien l'avouer. Je pense qu'en ces matières... passer à autre chose est la bonne attitude. Finalement, son intention est liée à son problème actuel : trouver un moyen de mener la communauté, et l'intégralité de ses membres, en bonne santé jusqu'à la cité. Si un levier a été rejeté, à quoi sert de s'appesantir dessus ? Il faudra bien trouver d'autres solutions. Toujours regarder vers le futur, jamais vers le passé, c'est la morale lathandrite."
Et de toute façon, quoi que Marthe puisse dire, avec toute son expérience de juriste... Elle ne convaincrait jamais Hubert. Autant lui épargner le gaspillage d'énergie, vu son manque de sommeil...

Elle eut un sourire douloureux.
-Regarder vers le futur, oui. Je sais que c'est ce qu'il faut faire. Mais pour l'heure, hormis avec cette constitution, j'avoue avoir un peu de mal... Cela finira par revenir, cependant. Je dois juste me laisser du temps.
Elle lorgna ses livres, parut découragée, releva les yeux sur le Luménien.
-J'ai envie de vous demander de prendre ma place au Conseil, ce matin.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Une route oubliée