La Couronne de Cuivre

Le barde et le clerc échangèrent un regard.
-Je rechigne à les laisser torturer quelqu'un d'autre mais la nécessité faisant loi, on se les partagera durant le trajet : ils aideront celui d'entre nous qui en aura le plus besoin et, le cas échéant, nous les utiliserons pour vous transmettre des messages, à Hubert et à toi.
Ils se séparèrent alors, Giovanni allant confier la liste et le sac au paladin. Celui-ci avait quasiment réglé la question du recrutement : les gens qui s'étaient proposés paraissaient décidés et, de toute façon, il ne pouvait pas faire la fine bouche. Il reçut enfin la visite des éclaireurs, certains proposant d'ouvrir la voie, d'autre de couvrir les arrières et d'effacer les traces laissées par la Communauté.

En l'absence d'Ezéchiel, Hubert demanda aux éclaireurs s'ils acceptaient de se mettre formellement sous ses ordres. Il forma ses équipes avec Ted en fin de colonne et lui-même à l'avant, derrière le petit groupe d'éclaireurs. L'arrivée de Giovanni le fit réunir tous les hommes, afin de procéder à une petite distribution d'objets magiques. Il était encore en train d'y procéder quand Albérich les rejoignit.
" Giovanni t'a prévenu ?
— Prévenu de quoi ?
— Que tu prenais la queue de la colonne."
Hubert changea de couleur, déposa ce qu'il tenait en main sur le sol et s'écarta, entraînant le clerc avec lui.
" La queue ? Pourquoi ? Je dois ouvrir la marche.
— Non. C'est moi qui vais le faire. Toi tu vas surveiller nos arrières. Les morts-vivants peuvent venir des deux côtés, et nous sommes les deux plus à même de les affronter.
— Nous refermerons les passages au fur et à mesure de notre progression. Rien ne pourra venir de derrière.
— Nous n'allons pas avoir le temps d'explorer les tunnels comme si c'était un but en soi. Nous allons devoir avancer. Ted peut être à l'avant avec moi. Les éclaireurs nous préviendront en cas de danger, et tu pourras remonter la colonne.
— Je n'aime pas ça.
— Allons... C'est important, symboliquement, que nous soyons de part et d'autre du groupe. Et je devrai nous guider jusqu'à bon port.
— Comment vas-tu faire une chose pareille ?
— Par magie, si nécessaire. Et je garde Ruth avec moi."
Le paladin acquiesça, les lèvres pincées.
" Très bien. Je prendrai les arrières. Nous sommes pratiquement prêts."
Il retourna vers son groupe pour terminer son travail. Il annonça à Ted qu'ils échangeaient leur place et lui confia le ceinturon de force. Il faillit lui dire de veiller sur Albérich mais se retint. Il donna aussi les objets qui permettaient un meilleur camouflage aux éclaireurs en tête de colonne. Quant au fameux Passepierre, il demanda à Ruth d'aller le rapporter à Albérich, ainsi que de se mettre sous ses ordres pour la durée du trajet.

La fillette, littérallement ravie de se retrouver à l'avant de la colonne, promit au paladin de respecter toutes les consignes du clerc et s'en fut le rejoindre au grand galop.
Autour d'eux, les préparatifs allaient bon train : de nombreux colons avaient déjà gagné les caves, d'autres rassemblaient leurs maigres possessions, Gabriel achevait de guérir les blessures les plus handicapantes pour la marche...
Ils pourraient sans doute partir dans moins d'une demi-heure.

Hubert surveillait tout ce petit monde au fur et à mesure de son arrivée dans les sous-sols. Il se sentait fébrile, frustré de n'avoir pas accompagné le groupe de la bibliothèque, encore davantage d'être relégué à l'arrière de la colonne. Bien sûr, c'était une position importante, les risques existaient, il pourrait s'y rendre utile. Mais il avait à moitié l'impression qu'il s'agissait d'une punition. Ou d'un test. De quoi, il ne savait pas très bien. D'humilité ou de confiance. L'un dans l'autre, cela le rendait nerveux, et au bout d'une dizaine de minutes à tourner comme un lion en cage, il retourna dans les hauteurs, à la recherche d'Albérich. Ce faisant, il put constater que la grande salle se vidait peu à peu et croisa les mages qu'il envoya en renfort de ses hommes. Il vit aussi Gabriel et son impressionnante cohorte de petits paludiers, cheminer en bon ordre dans les escaliers. Enfin, il dénicha le prêtre qui faisait un dernier tour dans le bâtiment, concentré, peut-être inquiet. Il savait que malgré leur lien privilégié, Albérich ne baisserait pas sa garde avant d'en avoir le droit. Mais Hubert avait moins de force et il lui fit signe de le suivre jusqu'à la petite pièce où ils avaient prié le matin même, échappant une seconde au regard des colons.
Dès qu'ils en eurent franchi le seuil, le paladin le poussa contre le mur voisin de la porte et ils s'embrassèrent avec fièvre, un bref instant, leurs corps pressés l'un contre l'autre. Puis ils se détachèrent, Hubert rougit, Albérich sourit, et ils retournèrent procéder aux ultimes préparatifs avec un certain regain d'énergie.

Bientôt, il n'y eut plus personne ni au rez-de-chaussée ni dans les étages. Plus personne hormis le petit groupe chargé d'effacer les traces du passage de la Communauté. Du moins, de ce qu'il restait de la Communauté.
on s'entassait à présent dans les caves, à la lueur des torches magiques emportées lors de la fuite de la forteresse. On avait cependant ménagé un espace dégagé jusqu'à la porte secrète donnant sur les souterrains où les éclaireurs avaient déjà pris les devants.
Ils ne tarderaient pas à revenir et il faudrait alors qu'Albérich décide de quel côté ils partiraient.
Pour avoir examiné le plan découvert à la bibliothèque, il savait qu'un long tunnel faisait le tour de la cité, en-dessous de la large avenue circulaire longeant les remparts. Ils pouvaient le rejoindre rapidement - il était proche -, le suivre en direction du sud puis revenir vers le centre de la cité. L'opération limiterait, dans un premier temps en tout cas, les risques de s'égarer ; toutefois, ce n'était pas le chemin le plus court, sans compter que les Ithliens avaient peut-être commencé à explorer les voies principales du réseau...
L'autre solution était d'aller directement en direction du lac, via des passages secondaires...

Le Luménien décida de discuter le coup avec les éclaireurs, qui avaient déjà une certaine expérience des expéditions souterraines et pourraient avoir un avis éclairé sur la question. Il leur apprit cependant qu'il avait l'intention de se servir, tôt ou tard, d'un sortilège d'orientation. Celui-ci le guiderait droit sur leur objectif mais sa courte durée — deux heures — l'empêcherait de s'en servir d'emblée, surtout si les dernières étapes de leur périple s'avéraient complexes. Il n'avait pas oublié les vers du poème dont l'avait gratifié Lathandre : l'accès à ce palais ne serait pas simple, et un petit coup de pouce magique ne leur ferait sans doute pas de mal...

S'ils se gardèrent d'émettre un avis trop tranché, les éclaireurs penchèrent plutôt en faveur des passages secondaires. Les Ithiliens étant arrivés en ville par les souterrains, ils n'avaient pu manquer de repérer le large couloir circulaire et de remarquer quel moyen aisé de déplacement ils constituaient... Par ailleurs, en prenant leur temps, ils estimaient peu probable de se tromper de direction, de s'égarer même en utilisant les passages plus tortueux du centre-ville : ils savaient d'où ils partaient, ils savaient où ils allaient, ils pensaient donc être capables d'amener sans trop de mal la Communauté jusqu'en un point où le clerc pourrait lancer son sortilège d'orientation.
Quand il eut rendu son verdict, ils se mirent en route.
Aux côtés d'Albérich, Ruth se tenait, silencieuse.
Plus loin, Ted et sa petite escouade de gardes, déjà aux aguets.

Albérich donna le signal du départ et s'engagea dans le tunnel à la suite des éclaireurs, avec les soldats. Il n'y avait pas de raison pour qu'il demeure isolé dans un premier temps et si les éclaireurs devaient discuter quelque chose, nul doute qu'ils se replieraient. Le Luménien n'avait nul goût pour ces profondeurs mais il y faisait moins froid qu'à l'extérieur, ce qui n'était pas du luxe. Il surveilla la mise en branle des colons, tâchant de distribuer sourires et encouragements quand il devinait trop de tension chez l'un ou l'autre.
Le poème de Lathandre l'enjoignait à y croire mais le lieu qu'avait choisi Ruth n'était manifestement pas anodin et il s'interrogeait déjà sur les défis qu'il présenterait...

Dans les caves de la caserne, Hubert assista au départ progressif des survivants. Un départ globalement silencieux : que le cœur n'y soit pas ou que, par prudence, l'on rechigne à faire du bruit, on parlait très peu.
Bientôt, il ne resta plus personne. Plus personne en dehors de lui, d'Alban, du petit groupe de soldats et de civils en armes qui constitueraient une manière d'arrière garde et des éclaireurs qui devraient s'efforcer d'effacer toute trace de leur passage.
Pour le paladin, l'heure d'entamer un long périple souterrain venait de sonner.

Puisqu'il était relégué à l'arrière-garde, Hubert décida de jouer son rôle au mieux : il se plaça en queue de file, derrière ses hommes, juste avant les éclaireurs, et scruta la nuit qu'ils abandonnaient derrière eux tandis qu'ils progressaient. Il était conscient de la présence d'Alban près de lui et s'efforçait de ne pas paraître trop nerveux. Quand il pensait au courage que le gosse et ses amis avaient démontré durant la nuit, il se sentait à la fois admiratif et inquiet. Il était bien placé pour savoir que la témérité était coûteuse et il aurait aimé que les enfants, parfois, songent à se mettre à l'abri plutôt que de charger l'adversaire. En même temps, il leur avait donné un tellement mauvais exemple, depuis le début du périple, qu'il ne pensait pas qu'ils l'écouteraient si jamais il se décidait à leur en parler...

Le gamin marchait à ses côtés, silencieux, concentré. Il paraissait désireux à la fois de participer lui aussi à la surveillance de leurs arrières, de se tenir prêt à réagir immédiatement si son maître avait la moindre mission à lui confier mais, également, de ne causer aucun tracas à ce dernier.
La colonne ne tarda pas à bifurquer dans un autre tunnel qu'elle suivit un certain temps. Il sembla à Hubert qu'il se dirigeait vers l'est, ce qui les éloignait du couloir reliant les portes nord à la forteresse. Puis l'on tourna à nouveau. Vers le sud, cette fois.
Pour l'heure, aucun incident n'était à signaler, aucune trace de monstre n'était venue les alerter.

Le paladin ne changea pas d'attitude. Il était tentant de bavarder mais ce n'était pas le moment, la vigilance restait de mise même si le gros du travail avait lieu à l'avant. Il tâcha de concentrer toute son attention sur les ténèbres, scrutant les passages qu'ils croisaient chaque fois qu'une cave débouchait dans les tunnels, gardant un oeil sur l'obscurité au-delà des éclaireurs affairés à dissimuler leurs traces. Il ne voulait pas laisser son esprit dériver vers la nuit précédente, ni vers le lendemain et les jours suivants : l'un comme l'autre saperaient sa capacité à surveiller efficacement leur parcours, et c'était toujours dans ces moments-là que se produisait l'irréparable...

Il sembla pourtant que le pire ne dût pas arriver. Du moins, pas tout de suite.
Certes, eu une occasion, sa vue perçante repéra des corps étendus dans un petit tunnel latéral. Des corps de monstres criblés de flèches : les éclaireurs avaient bien fait leur travail. Mais de créature encore en état de leur nuire, il n'en aperçut point.
Ils bifurquèrent encore à plusieurs reprises, reprenant toujours, tôt ou tard, la direction qui lui semblait être celle du sud, celle du centre de la cité.
Parfois, la colonne faisait halte sans qu'il en connut la raison : l'avant-garde hésitait peut-être quant à la route à suivre. Cependant, à chaqu fois, ils repartirent au bout d'une poignée de minutes.
Hormis le bruit des pas sur les antiques dalles de pierre, hormis leur écho répercuté sous les voûtes, hormis, parfois, le cliquetis d'une armure ou une toux contenue, le silence était profond, pesant...

Hubert n'avait pas peur. Les paladins puisaient cette protection contre l'angoisse dans leur foi et la diffusaient autour d'eux sans pouvoir la réprimer, pour autant qu'ils soient vivants et conscients. Il espérait qu'Alban pouvait y trouver quelque réconfort, ainsi que les soldats qui l'accompagnaient. Que le groupe ralentisse ou s'arrête ne lui causait nulle inquiétude. Il avait foi en Albérich et Ruth pour les mener à bon port, et le silence était plutôt rassurant, car il signifiait que nulle échauffourée ne se déroulait plus avant. Les colons étaient las, le rythme de leur marche le démontrait, mais ils parvenaient à contenir la myriade d'émotions qui devaient bouillonner dans leur crâne, ce qui était formidable et preuve supplémentaire de leur courage et de leur détermination.
Mais ils s'approchaient désormais du centre de la cité... et donc de la forteresse. Il fallait espérer qu'ils ne tombent pas sur un groupe d'Ithiliens en maraude...

A l'avant de la colonne, la situation était globalement la même pour Albérich, si ce n'est qu'il savait davantage ce qui se passait.
Un éclaireur était venu l'informer de l'élimination de quelques monstres. Le même, régulièrement, se présentait pour lui demander d'ordonner une halte, le temps que ses confrères et lui aient statuent sur la direction la plus opportune à emprunter. Leurs choix successifs s'avérèrent heureux car il ne fallut jamais rebrousser chemin, car on ne signala jamais de problème particulier.
Enfin, l'homme lui apprit qu'ils se trouvaient désormais à proximité du lac : le moment semblait bien choisi pour lancer son sortilège.

Le Luménien avait attendu ce moment et s'exécuta.

Albérich -> Orientation -> Palais de Clairétoile

Le sortilège ne durait que deux heures, il fallait espérer qu'ils seraient dans la place avant son terme, sans quoi ils auraient peut-être des difficultés à franchir les protections de leur refuge d'élection. Mais le clerc comptait sur sa magie, sur les intuitions de Ruth et sur les connaissances de Giovanni pour qu'ils parviennent à leurs fins. Dès qu'il eut terminé d'incanter, il fit signe au chef improvisé de l'escouade d'éclaireurs qu'il était prêt à les accompagner pour les guider jusqu'à bon port.

Il n'y eut plus à hésiter, désormais, quant aux directions à suivre : il suffisait à Albérich de jeter un regard à un embranchement pour, immédiatement, savoir où aller.
La marche ne s'en accéléra guère, cependant, car les éclaireurs se montraient toujours aussi précautionneux, prenant de l'avance et visitant les tunnels latéraux pour s'assurer qu'ils n'abritaient aucun monstre. Bien leur en pris car, en deux occasions, ils éliminèrent de petits groupes de goules.
Après peut-être une heure passée à progresser au sein d'un véritable dédale - sans que son sortilège ait indiqué au clerc le moindre piège à éviter -, ils atteignirent leur destination.
A droite et à gauche, un couloir transversal s'éloignait dans les ténèbres.
Tout droit se dressait un mur que rien ne distinguait des autres.
Pourtant, le Luménien savait qu'il fallait le traverser.

" Il faut passer par le mur." dit Albérich à ses compagnons.
Il ne put s'empêcher de sourire doucement en approchant de l'issue dérobée et remercia mentalement Lathandre, puis posa la main sur le roc. Il ne savait pas si c'était une illusion à traverser ou s'il fallait manipuler une pierre pour déclencher un mécanisme. L'un dans l'autre, il le découvrirait.

Cela lui prit moins de trente secondes et il n'eut besoin de l'aide de personne, même pas d'une Ruth d'habitude si décisive en ce genre de matière.
Non, il sut d'emblée qu'il fallait retirer une pierre, il sut d'emblée laquelle, il procéda donc à la manœuvre et appuya sur le bouton ainsi révélé.
Il y eut un grondement, un pan de mur fut lentement escamoté et...
...révéla une porte.
Il s'agissait d'un panneau de métal totalement lisse, dépourvu de tout mécanisme d'ouverture, de toute serrure, de toute gravure ou inscription.

Les lieux étaient bien protégés. Albérich ne pouvait s'empêcher de s'interroger sur la cause de ces précautions, là où tous les autres bâtiments qu'ils avaient visités semblaient se contenter de grilles, de portes ordinaires et d'escaliers. Mais il serait sans doute fixé dès qu'ils seraient à l'intérieur... pour autant qu'ils parviennent à s'y glisser avant que son sortilège ne touche à sa fin. Se retranchant en lui-même, il laissa à nouveau la magie faire son oeuvre et lui suggérer le moyen de franchir le panneau de métal qui entravait sa progression...

Il sut instantanément que, pour ouvrir la porte, il fallait se contenter de la toucher du plat de la main.
Mais lorsqu'il accomplit ce geste d'une simplicité déconcertante, rien ne se produisit.
Pas un son, pas un mouvement... Rien.
La prote demeurait toujours aussi lisse, toujours aussi hermétiquement close.

Mais le Luménien ne se laissa pas décontenancer.
Il n'avait pas su ouvrir les coffres, pourquoi aurait-il réussi à ouvrir un panneau manifestement fait du même métal ?
Il baissa les yeux sur sa compagne d'exploration.
" Ruth, à toi l'honneur. Place ta main sur la paroi, ça devrait marcher."
Si ce n'était pas ça... Il serait temps de faire venir Giovanni.

La petite fille s'exécuta...
...et afficha une mine déconfite lorsque rien n'arriva.
Elle tenta une deuxième, une troisième fois : toujours le même résultat.
-Bon, aux grands maux, les grands remèdes, grommela-t-elle.
Et de décocher un coup de pied à l'huis récalcitrant... qui n'aboutit qu'à la faire grimacer de douleur.

Albérich demeura dubitatif, conscient que les éclaireurs, et toute la colonne en réalité, attendaient qu'il parvienne à les faire avancer.
" Ruth, trouve-moi Giovanni, tu veux ?"
Le barde se défendait d'être un expert dans la culture des anciens, mais il était intelligent, il avait fouillé la forteresse, il leur apporterait peut-être un éclairage nouveau sur ce mystère. Tandis que la gamine le cherchait, Albérich regagna la transe de son sortilège pour s'assurer qu'il avait bien compris ce qu'il était supposé faire.

Les connaissances que lui procurait le sortilège étaient catégoriques : pour ouvrir la porte, il fallait que quelqu'un pose la main dessus. Ni plus, ni moins.
Quelques minutes plus tard, Ruth revint, le barde sur les talons. Celui-ci, une fois informé de la situation, examina attentivement le battant, finissant même par le scruter à l'aide d'une loupe tirée de sa poche - un des artefacts sauvés ?
-La seule chose que je peux dire, conclut-il, c'est que ce métal ressemble énormément à celui des coffres mais n'est pas tout à fait identique. Il existe d'infimes différences dans l’iridescence ténue qui apparaît à la surface quand on l'éclaire...

" J'espère qu'il n'est pas ensorcelé pour ne s'ouvrir que sous la main de son propriétaire légitime, ou quelque chose du même acabit, dit Albérich, songeur. Sans quoi nous serons calés à l'extérieur."
Il jeta un coup d'oeil sur la colonne, massée dans la pénombre.
" Mais la divination a fonctionné et m'a laissé entendre que nous étions capables d'y parvenir... Donc nous allons y parvenir. Tant que tu es là, Giovanni, poses-y la main, toi aussi. Et puis nous ferons défiler tout le monde, nous n'avons pas le choix. A moins que tu aies une hypothèse sur le fonctionnement de ces artefacts ?"
La question s'adressait plutôt au barde, mais si la gamine voulait s'y risquer, après tout...

Giovanni prit un air malheureux et soupira.
-Tu es cruel, Albérich : tu tiens absolument à ce que je montre à tous l'incommensurable étendue de mon inutilité crasse. Mais soit, puisque je ne suis plus à une humiliation près...
Il toucha à son tour la porte, eut un sourire mi-amusé mi-amer en constatant qu'elle demeurait inchangée.
Comme ni lui ni Ruth n'avaient de meilleure idée, l'on commença à faire défiler les membres de la communauté, à commencer par les éclaireurs et les soldats de l'avant garde. Rien ne s'étant produit, on passa aux colons, lesquels, une fois leur échec constaté, se répartissaient d'un côté ou de l'autre du couloir longeant le mur - lequel avaient préalablement été déclaré sûr.

Albérich les regarda défiler en conservant une mine tranquille. Il ne ressentait pas d'inquiétude particulière, pas encore. Peut-être aurait-il dû faire appeler Hubert, cependant. S'ils ne parvenaient pas à ouvrir ce panneau, il leur faudrait se rabattre sur un bâtiment voisin, au moins le temps d'investiguer cet écueil plus à leur aise. Mais il ne voulait pas prendre les décisions seul. Trop d'enjeux, et il ne maîtrisait pas grand chose. Mais le paladin finirait bien par arriver, et entretemps, le clerc surveillait l'attitude des hommes, des femmes et des enfants qui le frôlaient, prêt à intervenir s'il sentait l'humeur se dégrader. Ce n'était qu'un contretemps. Ils finiraient par trouver une solution. La pire étant de changer de refuge, mais ils n'en étaient pas encore là.

A l'arrière de la colonne, l'on avait d'abord pensé qu'il s'agissait d'une halte semblable aux précédentes, qu'elle ne durerait pas longtemps.
Mais elle se prolongea.
On sut bientôt que Giovanni avait été mandé à l'avant.
Puis l'on apprit qu'Albérich avait découvert une porte secrète et que, Ruth et lui ayant échoué à l'ouvrir, le barde n'ayant pas trouvé de meilleure solution, tous les membres survivants de la Communauté étaient invités à la toucher, car tel semblait être l'unique moyen de la franchir.
Lentement, l'on avança.
Toujours pas de nouvelle d'une réussite.

Hubert aurait aimé se porter à l'avant pour voir de quoi il retournait, mais ça aurait été abandonner son poste, or, quelle que soit la situation, tout danger n'était pas écarté et la vigilance demeurait de mise. Il resta donc à sa place, suivant le mouvement lent des colons qui avançaient, tout en espérant qu'ils trouveraient une solution. Les Anciens avaient disposé d'une technologie bien supérieure à la leur, et ils manquaient d'informations sur la manière dont elle fonctionnait, Hubert ne l'ignorait pas.
Il avait du mal à rester calme et finit par trouver une manière de contrer son sentiment d'impuissance.
" Alban. Va donc voir ce qui se passe devant. Et sur le chemin, si tu croises un mage ou l'autre... Dis leur d'aller jusqu'à cette porte avec toi. Ils auront peut-être davantage d'idées qu'Albérich et Giovanni."

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Une cité perdue