La Couronne de Cuivre

-Tout de suite, messire.
Le petit garçon détala, longeant l'un des murs du couloir pour remonter une colonne qui n'avançait qu'au pas, et encore.
Il revint quelques minutes plus tard.
-Aucun des mages n'a eu d'idée, messire... souffla-t-il. Et aucun n'a réussi à ouvrir la porte.

Hubert opina du chef et poussa un bref soupir. Ça aurait été trop beau.
" Et toi ? Tu as essayé ?"

-Oui, messire, mais cela n'a rien donné.
Il sourit.
-J'en suis désolé pour la Communauté mais j'en suis plutôt soulagé en ce qui concerne Ruth : j'aurais trouvé dommage de réussir dans un domaine où elle excelle d'ordinaire alors que, pour une fois, elle n'a pas eu de chance.
Sans en avoir l'air, la colonne avait bien avancé. Quelques minutes encore et le paladin verrait la fameuse porte.

" Honnêtement, Alban, dans certaines circonstances, il faut savoir remiser son amour-propre, dit Hubert avec un léger sourire. Ruth aurait peut-être été vexée, mais ça lui serait passé rapidement, et elle aurait pu faire la différence à une autre occasion. Enfin. De toute façon, ça n'a pas marché."
Les chances qu'ils parviennent à ouvrir la porte s'amenuisaient au fur et à mesure qu'ils avançaient. Le paladin devinait qu'une alternative devrait être rapidement dégagée. Sans doute pourraient-ils trouver un bâtiment acceptable, et moins protégé, dans les environs immédiats... D'après ses souvenirs de la carte, ce n'étaient pas les vastes demeures qui manquaient dans le quartier...

-Je comprends ce que vous voulez dire, fit le gamin, embarrassé. Néanmoins... Je pense que c'est important pour elle d'avoir un domaine où elle est très douée et de n'avoir personne pour marcher sur ses plates bandes. Cela lui donne confiance en elle et cela fait qu'on la voit d'une manière beaucoup plus positive qu'auparavant.
Il se tut, retrouvant son attitude concentrée et silencieuse.
Bientôt, par-delà la poignée de colons qui les précédaient encore, Hubert aperçut le fameux pan de métal lisse et brillant qui constituait la porte.
Ils n'étaient plus que quelques-uns à n'avoir pas tenté de l'ouvrir.
Plus que quelques-uns à pouvoir leur éviter d'investir un autre bâtiment, sans doute moins protégé mais aussi moins prometteur...

Hubert chercha Albérich du regard et dépassa les derniers colons pour le rejoindre. Il ébouriffa au passage les cheveux de Ruth.
" Qu'est-ce qui se passe exactement ?" demanda-t-il.
Le clerc haussa les épaules. Il avait l'air étrangement serein et le paladin se souvint des discussions qu'ils avaient eues sur le rôle que le Luménien parvenait à endosser en situation de crise. Malgré l'urgence et l'obstacle qui se dressait à présent en travers de leur route, Albérich était manifestement maître de lui-même. Hubert aurait aimé refléter pareille confiance.
" Il faut une main pour ouvrir ce panneau, mais je ne sais pas laquelle. Peut-être aucune des nôtres, auquel cas nous devrons rebrousser chemin et nous chercher un autre abri. Mais va essayer. Nous discuterons ensuite. Nous ne pouvons pas laisser les gens lanterner dans les tunnels, l'angoisse risque de bourgeonner rapidement, et elle sera difficile à canaliser en pareils lieux.
— Oui." dit simplement Hubert, avant de se diriger vers la plaque de métal qui leur refusait l'accès au havre promis.

Comme tant d'autres avant lui, Hubert posa la main sur la porte.
Comme tant d'autres avant lui, il pensa que rien ne se produirait.
Mais, contrairement à tant d'autres avant lui, il se trompait.
Au moment où il allait retirer sa paume du métal glacé, il ressentit comme une vibration, comme une sensation de chaleur.
Quelque chose lui fit subitement lever les yeux.
Des signes étranges étaient en train d'apparaître sur le battant. Des signes qui, dans la pénombre, brillaient d'un éclat blanc bleuté.
Leur intensité alla croissante, tandis qu'un sillon de lumière vertical commençait à se tracer, scindant la paroi métallique en deux.
Bientôt, la luminosité fut presque insoutenable.
Il y eut un déclic, une vibration plus intense.
Dans un grondement à peine perceptible, la porte s'ouvrit, révélant un couloir que la lumière surnaturelle, qui diminuait désormais, éclaira cependant sur une bonne dizaine de mètres, le révélant dans tout son dépouillement.
Alentour, les gens clignaient des yeux, époustouflés, incrédules.

Hubert demeura stupéfait, puis jeta un regard inquiet vers Albérich. Celui-ci était souriant et posa une main sur son épaule.
" Il est bon d'avoir un aasimar dans l'équipe, lui dit-il à mi-voix. Tu as gagné le droit de rester à l'avant-garde."
Le paladin ne trouva rien à répondre. Etait-il possible que sa nature... différente... soit la cause de ce prodige ? Il regarda à nouveau vers le couloir obscur, puis acquiesça, et s'engagea en tête. Albérich, derrière lui, donna des directives pour éviter une ruée vers l'entrée nouvellement découverte. Rien n'assurait qu'ils soient au bout des protections du lieu et le paladin attendit que le clerc le rejoigne avant de poursuivre sa progression.

Mais il n'y eut ni ruée, ni désordre.
Les gens étaient trop ébahis, sans doute, eux qui avaient dû commencer à croire que le havre promis demeurerait inaccessible et qui s'étaient vus détrompés de spectaculaire manière.
L'on s'engagea donc en bon ordre dans le passage, certains des gardes et des éclaireurs emboîtant le pas aux meneurs de la Communauté tandis que les autres s'attardaient pour former l'arrière-garde.
Il fallut toutefois s'arrêter quelques instants car le couloir débouchait sur une nouvelle porte, une nouvelle porte semblable à la précédente et qu'Hubert parvint à ouvrir de la même manière.
Au-delà, de nouveaux couloirs dans les murs desquels l'on voyait maints huis clos, ouvragés certes mais d'allure plus ordinaire.
Les caves de ce qu'ils nommaient le palais, probablement.
Car Albérich eut l'intime conviction qu'ils étaient arrivés à bon port.

Le Luménien soupira d'aise et donna le signal de la halte. Cependant, avant de crier victoire, il rebroussa chemin pour aller voir si les différentes portes se refermaient sur leur passage ou si Hubert devrait à nouveau intervenir pour les sceller. Il voulait aussi savoir si l'intervention du paladin était nécessaire pour les ouvrir depuis l'intérieur du palais. Si c'était le cas, et qu'Hubert était leur seule clé pour entrer et sortir des lieux... Il faudrait en tirer les conclusions qui s'imposaient, même si cela ne lui ferait peut-être pas complètement plaisir.

La première porte se referma après que le dernier colon soit passé sous son arche.
La deuxième agit de même.
Et si l'une comme l'autre étaient dotées, à l'intérieur, de dispositifs permettant théoriquement de les ouvrir, ceux-ci demeurèrent inopérants, si bien qu'il fallut se rendre à l'évidence : seul Hubert pouvait les déverrouiller, dans un sens comme dans l'autre.
C'était peut-être un état provisoire auquel, qui sait, les mystères du vaste édifice dans lequel ils avaient pénétré leur permettraient de remédier. Quoi qu'il en soit, dans l'état actuel des choses, ils pouvaient être rassurés sur un point : même s'il demeurait des traîtres parmi eux, ils seraient incapables de laisser entrer les Ithiliens...

Albérich revint vers le gros du groupe et rejoignit le paladin, le barde et les deux enfants.
" Nous devrions commencer par demander aux éclaireurs et aux soldats de fouiller ce niveau. On pourra monter dans un second temps... voire rester en bas. Il ne faut pas que les Ithiliens sachent que nous sommes ici... or dès qu'il y aura des fenêtres, nous serons potentiellement visibles."
Hubert acquiesça.
" Je vais donner des ordres en ce sens."
Il s'esquiva aussitôt vers ses hommes. Le clerc se tourna vers les écuyers.
" Pouvez-vous faire passer le message que nous nous arrêtons un moment ? Je suis conscient qu'un couloir, ce n'est pas formidable, mais dès que certaines pièces seront sécurisées, nous pourrons prendre nos aises."
Du moins l'espérait-il...

Ruth et Alban s'exécutèrent aussitôt, et il sembla à Albérich que leur message était bien accueilli : sans doute la présence de deux portes magiques que personne hormis Hubert ne pouvait ouvrir était-elle suffisamment réconfortante et rassurante pour que l'on prenne bien cette halte, aussi inconfortable soit-elle.
Les ordres d'Hubert, pour leur part, ne tardèrent pas à être mis en œuvre : les éclaireurs et les soldats formèrent de petits groupes qui commencèrent à explorer prudemment les sous-sols. L'endroit paraissant fort étendu, l'opération prendrait un certain temps.

Albérich profita de ce répit pour s'écarter un moment. A présent que le groupe était en sécurité, il avait d'autres tâches en tête, et la première était de s'assurer que leurs derniers alliés — et espoir principal de survie — n'aillent pas se fourrer dans la gueule du loup. En espérant que le brouillage magique des Ithiliens ne s'étende pas jusque là...

Albérich -> Communication à distance -> Marthe

Malheureusement, une nouvelle fois, il n'obtint aucune réponse et n'eut aucun moyen de savoir si son appel était parvenu à destination.
Fallait-il pour autant en tirer de dramatiques conclusions ? Pas forcément. Les Ithiliens, effectivement, avaient pu mettre un système en place pour empêcher leurs ennemis de communiquer entre eux. A moins, simplement, que l'échec du sortilège ne soit lié à la nature particulière du lieu où ils se trouvaient...

Cette fois, le Luménien ne put s'empêcher de jurer à voix haute. Jusqu'à la veille, Barthélémy avait pu communiquer avec Marthe, et voilà qu'il faisait chou blanc... C'était une mauvaise nouvelle : la juge et ses compagnons paludiers risquaient d'être pris par les Ithiliens. Or il avait compté sur eux pour prévenir Grand Estuaire, et par là Antelucas et Luménis, de leur situation. Il demeura un moment songeur. Gaspiller son ultime sortilège de communication sur Barthélémy était mal avisé alors que Thibault était quelque part dans les tunnels sous la ville. Peut-être à la nuit, si le groupe de la bibliothèque était rentré sain et sauf.
Il retourna vers les écuyers et le barde, espérant que les premières pièces du sous-sol seraient bientôt accessibles aux colons épuisés. Peut-être devait-il se résoudre à utiliser le phylactère et envoyer un oiseau à la recherche de Marthe et Varamyr. Il n'était pas forcé de l'utiliser lui-même — il se doutait qu'Hubert ne le permettrait pas — et contacter la petite équipe avant qu'il ne soit trop tard paraissait crucial.

De temps à autre, un soldat revenait les informer des progrès de l'exploration.
Plusieurs salles avaient effectivement été visitées. Si certaines étaient vides, d'autres abritaient des coffres, des futs, des rayonnages : il s'agissait de réserves diverses et une bonne partie de ce qu'elles avaient abrité ne s'était pas volatilisé avec le temps.
Plus important encore : il semblait que personne, homme ou monstre, n'ait pénétré ici depuis des siècles.

Albérich organisa l'installation des colons. Il leur expliqua que c'était temporaire, mais les invita à se répartir dans les pièces vides. Il chargea Alban et Ruth de dénicher des volontaires — en leur suggérant d'en parler notamment aux enseignants — pour faire l'inventaire des pièces qui contenaient encore quelque chose, mais aussi celui de ce qu'ils avaient réussi à emporter. Autant ne pas laisser les gens à leur oisiveté forcée, qui ne manquerait pas de les plonger dans une affliction bien compréhensible. Comme il avait vu défiler les colons devant la porte close, il avait désormais une idée assez précise des têtes connues qui avaient réussi à s'enfuir, et donc des compétences qui demeuraient à leur disposition.
Il demeura dans une position de supervision, tandis qu'Hubert accompagnait les soldats et les éclaireurs dans leurs pérégrinations. Il faudrait cependant qu'ils se réunissent tôt ou tard, en un ersatz de conseil, sans doute avant que la fouille ne soit terminée : vu la taille du palais, ils n'étaient pas prêts de terminer l'exploration des caves.

Les consignes furent distribuées, les colons se mirent en devoir de les exécuter et ce, volontiers.
L'inventaire de leurs possessions fut rapide à mener : outre les artefacts récupérés par Giovanni et des vivres en quantité non négligeable - puisqu'on avait pu emporter quelques sacs de contenance -, les survivants ne possédaient que des armes, des couvertures et... les vêtements qu'ils portaient sur le dos.
L'exploration des réserves, pour longue qu'elle promette d'être, permit néanmoins rapidement de découvrir des armes et des armures, du matériel agricole, des ustensiles de cuisine et autrse outils du quotidien, ainsi que ce qui semblait être... du vin, de la bière, du cidre millénaires - dont on ne pouvait savoir encore s'ils étaient commestibles ou non. Point de nourriture, en revanche, mais des sacs de semence.
L'on sut bientôt que les escaliers menant au rez-de-chaussée avaient été repérés, ainsi qu'une porte similaire à celles qu'ils avaient franchies un peu plus tôt et située au centre des caves.

Hubert avait accompagné ses hommes dans l'exploration des caves mais lorsqu'ils tombèrent sur une nouvelle porte scellée, il préféra revenir en arrière pour demander son avis au Luménien. Il n'était pas complètement certain de savoir ce qu'ils cherchaient exactement.
" Peut-être pouvez-vous laisser les caves pour le moment et aller voir ce qui se trouve en haut ? proposa le Luménien. Idéalement, une cuisine, des thermes, ce genre de choses, seraient bienvenues mais... il ne faut pas qu'on puisse voir de la lumière de l'extérieur. Les Ithiliens ont des clercs avec eux, je n'en doute pas, et n'importe lequel d'entre eux pourra utiliser un sort semblable au mien, s'ils nous localisent. Ils n'ont pas forcément d'aasimar avec eux mais... il n'est pas impossible qu'ils soient beaucoup plus renseignés sur cette culture que nous et qu'ils en maîtrisent bien des secrets. Bref, il faudrait voir si certains lieux sont fréquentables sans nous révéler."
Il parut songeur.
" Et... Il faudra que tu identifies les hommes de Louis parmi les soldats survivants. Et sans doute les sonder en priorité.
— Ils ne sont pas mauvais, nous le savons déjà.
— Nous pouvons générer une zone de vérité, cependant."
Hubert grimaça.
" C'est... intrusif.
— Mais nécessaire. Nous devons nous mettre à l'abri."
Le paladin acquiesça, troublé.
" Albérich... Où allons-nous, au juste ?
— Je n'en sais rien. De l'avant, pour l'heure. Nous aviserons dès que nous serons... mieux posés."

Les écuyers se tenaient à distance respectueuse, guettant une éventuelle mission qu'on aurait à leur confier.
Plus loin, l'on entendait les colons deviser entre eux : sans doute parce qu'ils se sentaient davantage en sécurité, le silence n'était plus de mise en leurs rangs.
Giovanni et Gabriel étaient hors de vue : le premier avait dû se trouver quelque occupation, le second devait demeurer en compagnie de ses ouailles.

Hubert se tourna vers les deux enfants tandis qu'Albérich regagnait la pièce où ils avaient entreposé leurs victuailles et où l'intendance tentait de se reformer.
" Alban, Ruth, est-ce que vous pouvez aller prévenir les éclaireurs des dernières dispositions ? On monte. Prudemment. Et surtout sans se signaler à l'extérieur. Je vous rejoins dans un moment. Restez avec Ted en attendant."
De son côté, il allait aller se servir dans les coffres nouvellement découverts : aussi sûr soit leur nouveau refuge, il se sentait nu sans cotte de mailles.

Il en trouva une autre sans mal aucun et s'en fut rejoindre ce qui subsistait de leurs éclaireurs et de leurs forces armées. La troupe s'était réunie au pied de l'un des escaliers, celui qui, selon toute vraisemblance, débouchait dans la partie sud du bâtiment, celle qui était à l'opposée du lac et donc de la forteresse. Ted l'informa que cette volée de marche comme toutes les autres avaient été examinées et que rien ressemblant à un piège n'avait été détecté. De surcroit, les autres accès à la surface étaient à présent surveillés par des civils en armes qui s'étaient portés volontaires. La précaution était peut-être inutile mais, manifestement, chacun souhaitait participer à sa manière à l'effort commun.
Quant à Ruth et Alban, ils se tinrent cois, se demandant sans doute s'ils allaient ou non faire partie de cette nouvelle phase d'exploration.

" Bon. Vous allez monter les premiers, dit Hubert en s'adressant aux éclaireurs. Regardez où vous débouchez, puis redescendez au rapport. Nous allons progresser petit à petit. Les sous-sols n'ont manifestement pas été visités depuis un certain temps, et vu les protections des caves, il est probablement que le bâtiment tout entier soit scellé, mais on ne peut en être certains... On reste à l'arrière pour commencer, hors de vue de la forteresse. Identifier le type de bâtiment auquel nous avons affaire serait utile, au passage. S'il y a des inscriptions, nous ferons venir quelqu'un pour les décrypter..."
Giovanni, sans doute, s'il savait se rendre disponible.
" Allez-y."

Les éclaireurs s'en furent...
...et revinrent quelques minutes plus tard, toujours sérieux et concentrés mais peinant à contenir ce qui ressemblait fort à de l'émerveillement.
Ils ne savaient pas à quoi avait servi le bâtiment mais, à leur avis, il pouvait fort bien s'agir d'un palais ou de quelque somptueux édifice public. Ce qui était certain, c'est que la forteresse, aussi splendide ait-elle été, faisait pâle figure en comparaison de ce qu'ils avaient pu fugacement admirer. Car ici, à les entendre, tout semblait intact, depuis les décorations jusqu'aux vitraux haut placés qui tenaient lieux de fenêtres.
Plus incroyable encore : ils affirmèrent n'avoir vu nulle part la moindre trace de poussière.
En revanche, ils avaient entendu des chants d'oiseaux.

Des chants d'oiseaux ?
Hubert proposa au reste de la petite troupe de monter, mais demanda d'abord à Ruth d'aller quérir Giovanni. Il voulait contempler la beauté que décrivaient les éclaireurs, mais était convaincu que le barde y goûterait davantage. Il comptait aussi sur son regard avisé pour les guider dans les lieux et peut-être y déceler ce que leurs yeux de soldats ne pourraient percevoir.
L'absence de poussière était un peu surprenante, mais le paladin voulait y voir la preuve que les lieux étaient inviolés plutôt qu'un prodige dont il aurait peut-être dû s'inquiéter.
L'un dans l'autre, Ruth les avait menés dans un endroit manifestement important...

Renforcé d'un barde dévoré par la curiosité, le groupe au grand complet gravit les marches et commença à explorer le rez-de-chaussée.
Pour chacun de ses membres, ce fut l'occasion de constater que les propos enthousiastes des éclaireurs, loin d'être exagérés, s'étaient au contraire avérés en-dessous de la réalité.
Sous leurs yeux ébahis se dévoilèrent ainsi, desservies par de spacieux couloirs, des pièces petites où grandes dont le mobilier, même de bois, était en majeure partie intact. Qu'il s'agisse de salles de réunion, d'exposition ou de vie, on y découvrait partout la même profusion de sculptures, de fresques, de mosaïques et de vitraux, l'ensemble ne donnant nullement l'impression d'une ostentation surchargée et exubérante mais, au contraire, d'une incroyable harmonie.
Si la visite des caves prendrait du temps, celle du palais - comment appeler autrement un tel lieu ? - risquait de durer une éternité : il y avait tant à voir, tant à découvrir...
Enfin, tous perçurent bientôt ce qui avait de prime abord paru impossible.
Oui, à quelque distance, l'on percevait les trilles joyeux d'une myriade d'oiseaux.

Hubert était ébahi, mais dans le même temps, un peu... gêné. Il avait l'impression de se mouvoir dans un mausolée, un endroit où il n'était pas persuadé qu'ils aient le droit de se trouver, comme un fragment d'éternité que le temps avait préservé de toute flétrissure et que leur intrusion menaçait de détruire. S'ils n'avaient pas été dans une situation précaire, sans doute aurait-il recommandé à la petite troupe de faire volte face et d'abandonner ces lieux. Il se faisait l'effet d'un rustre profanant un temple, maladroit et sacrilège. Mais Ruth les avait menés jusque là, Lathandre avait soutenu ce choix, il avait ouvert les portes de sa paume, et à présent, ils ne pouvaient que tenter d'être à la hauteur de la magnificence autour d'eux.
Quand les chants d'oiseaux retentirent à nouveau, le paladin laissa ses hommes se porter à leur rencontre, tout en envoyant les éclaireurs à l'avant, afin de repérer les lieux et de s'assurer qu'ils ne seraient pas alors visibles depuis la forteresse...

L'un des hommes revint bientôt. La mine absolument interdite, il annonça qu'aucun danger ne les guettait et qu'il n'y avait absolument aucune chance pour qu'ils soient vus par leurs ennemis puisque les oiseaux se trouvaient dans une cour intérieure.
Lui ayant emboité le pas, ils ne tardèrent guère à sentir, sur leur peau, la caresse d'un courant d'air dont l'agréable chaleur n'avait d'égale que l'entêtante senteur florale.
Bientôt, le doux chant de l'eau se mêla à celui des oiseaux.
Et enfin, ils virent.
Devant eux, nimbée par les rayons du soleil de l'après-midi filtrant au travers d'une haute verrière, s'ouvrait la fameuse cour.
Quoiqu'il aurait plutôt fallu parler de jardin.
Entourées par une galerie aux arcades couvertes de vigne vierge, sillonnées d'allées gravillonnées convergeant en direction d'une splendide fontaine, s'étendaient des pelouses plantées d'arbres, d'arbustes et de parterres de fleurs qu'on aurait dits soigneusement entretenus.
Et, voletant de branches en branches, s'égayaient des oiseaux au plumage chamarré, emplissant l'air ici estival de leurs chants mélodieux.

Cette fois, c'en était trop. Hubert fit signe à son groupe de s'arrêter. Un tel endroit, en une telle saison, dans une ville en ruines... Il y avait fatalement une magie puissante, là-dessous.
" Ruth, va chercher Albérich." souffla le paladin.
Une seconde plus tard, il incantait, balayant l'espace devant eux à la recherche de quelque chose dont il aurait fallu se méfier.

Hubert -> Détection du Mal

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Une cité perdue