La Couronne de Cuivre

« Bien sûr que nous allons poursuivre ces scélérats ! » s’écria l’intendant, rouge de rage.
« Je pense que vous vous enflammez pour rien. C’est manifestement un coup des agents secrets. » lâcha l’officier ventru.
« Et ils doivent pavoiser, vu la manière dont nos hommes ont réagi. » ajouta Vera.
Devant la mine interdite de Kasumi, la cavalière continua :« Il y a une vieille rivalité… assez enfantine, entre les gardes du fort et les agents des services secrets. Une sorte de guéguerre… Ils se font des mauvais coups, se tendent des pièges… Cela a toujours été toléré parce qu’on considère que ça renforce l’esprit de corps. »

Le rôdeur fur mortifié. Il était à la fois soulagé de n’avoir pas à affronter une nouvelle tragédie et confus de s’être laissé emporté ainsi. Il se sentait ridicule d’avoir réagi comme s’il s’était s’agit d’une attaque. La mine goguenarde ou interdite de certains renforcèrent cette impression et il ne ut plus où se mettre. A coup sûr, il n’avait pas gagné la confiance des hommes et des autres officiers dans cette affaire.

Dépité, il répondit la première chose qui lui passa par la tête, plus pour combler le silence que par nécessité :

- S’il ne s’agit que de cela, les hommes s’en remettront. Je dois vous laisser, j’ai quelques préparatifs à effectuer pour l’entraînement.

En réalité, tout était prêt et son estomac protestait mais l’épisode lui avait coupé l’appêtit.

Véra rattrapa Kasumi alors qu’il s’esquivait.
« Vous ne devez pas vous en vouloir de vous être laissé prendre. Après tout, c’est une coutume locale, et vous êtes nouveau… » dit-elle, amicalement. « En d’autres circonstances, votre initiative aurait été appropriée. Nous savons l’apprécier. »
Puis elle lui serra le bras, souriante, et s’esquiva vers l’extérieur.

Kasumi se sentit soudain ridicule d’avoir quitté la pièce et s’arrêta pour regarder Vera. Il éclata d’un rire un peu confus :

- J’ai eu une réaction un peu excessive, n’est-ce pas ? Un mauvais exemple, je dois être un peu sur les nerfs. Si je comprends bien, ce genre de petit jeu a lieu plutôt régulièrement. Rappelez-moi à regarder à deux fois mon ragoût ou mes draps avant d’en profiter !

Puis, il retourna en compagnie de Vera prendre son repas. Déjà, des gardes s’affairaient à nettoyer les dégâts…

L’après-midi fut l’occasion d’un nouvel entraînement sou la forme d’un patrouille en ville suivie d’un jeu de piste au Parc verdoyant. Le rôdeur y avait laissé des indices discrets d’empreintes, morceaux de tissus ou menus objets enfouis sous la boue permettant de remonter trois pistes. Les gardes par groupe de deux étaient tout simplement chargés de les suivre jusqu’à leur terme. Il ne s’agissait pas seulement de suivre les objets mais de comprendre leur signification pour atteindre l’indice suivant voire rallier l’arrivée. Pour rendre la traque encore plus intéressante, Kasumi avait promis de payer une tournée de bière à la Taverne de la Bienveillance au groupe vainqueur.

Une fois que les trois groupes eurent entamé leur recherche, le rôdeur se dirigea vers le lieu d’arrivée : les Bains Publics.

Le premier duo arriva alors que le ciel se couvrait. Il était composé de deux jeunes hommes originaires de la campagne voisine, qu’on aurait pu croire peu futés, mais qui s’étaient montrés plus subtils que prévu. Il se mit ensuite à pleuvoir. Le groupe suivant atteignit les Bains une demi-heure plus tard, la mine froncée. Apparemment, la demoiselle tenait le nain pour responsable de leur échec. Les derniers arrivèrent encore une heure plus tard, alors que la nuit était tombée. Ils s’excusèrent de leur retard et expliquèrent qu’ils avaient été pris à parti dans une querelle de voisinage que leur uniforme avait forcé à arbitrer. La nuit tombait doucement, mais il était encore tôt.

Kasumi avait eu le temps de se délasser dans un bon bain d’eau chaude de même que les premiers groupes. Vu l’heure tardive, le rôdeur s’excusa auprès des vainqueurs de son jeu :

- Aller à la Bienveillance maintenant nous ferait rater le dîner et j’ai entendu dire que Flèche-Sombre souhaitait s’adresser à nous ce soir. Je vais devoir remettre à demain soir la récompense qui vous revient à tous. Le premier groupe aura profité plus longtemps des bains mais je pense que la course vous aura tous assoiffés. Si vous souhaitez néanmoins aller ce soir à la taverne, je vous remettrai de quoi vous amuser. A vous de voir.

Le rôdeur finit par féliciter les derniers arrivés pour leur attitude : un bon garde savait revoir ses objectifs et les prioriser en fonction de la situation. Puis il regagna le fort où un bon dîner l’attendait et peut être de nouveaux mystères.

Les gardes étaient passablement fatigués, eux aussi, et ils acceptèrent de repousser les agapes au lendemain soir.

Lorsque Kasumi atteignit le Fort, il apprit que les officiers s’étaient déjà rassemblés pour écouter ce que Flèche-Sombre avait à leur annoncer, dans l’une des salles de réunion du rez-de-chaussée. Le rôdeur y fut admis sans que personne y trouve à redire, et se retrouva coincé à l’arrière d’une pièce bondée. On referma la porte derrière lui. Les gradés du Fort avaient tourné leur attention vers une petite estrade improvisée, sur laquelle se trouvait Darren Flèche-Sombre, manifestement mal à l’aise. Il était aussi sérieux qu’à l’accoutumée, peut-être un peu plus nerveux.
« Je sais que vous vous inquiétez de l’agitation qui a régné au Fort ce matin et vu le départ de certaines troupes d’élite. Pour des raisons de sécurité, nous avons simplement décidé de relever le niveau de protection de nos conseillers. Les gardes de premier rang ainsi que les mages de guerre ont été affectés à leurs côtés. A l’heure actuelle, nous ne savons pas encore pendant combien de temps ces mesures seront effectives. » disait l'elfe.
Une franche incrédulité s’était peinte sur le visage de certains officiers mais Flèche-Sombre leva la main pour les empêcher de parler.
« Soyons bien clairs. Cette décision a été prise avec les conseillers, dans leur intérêt, suite à des informations inquiétantes que nous avons reçues par ailleurs. Aucun d’entre eux n’est consigné à demeure ni empêché dans ses activités. Il ne s’agit pas d’un coup d’état militaire ou d’une tentative de les surveiller. La menace, si elle est réelle, est extérieure. »
Un soupir de soulagement s’échappa de plus d’une bouche.
« Pour des raisons évidentes, les détails de ce dispositif ne sont connus que d’une poignée de personnes, dont moi, et je vous demanderais de ne pas chercher à en savoir plus. »
« Darren, ce n’est pas correct ! » intervint quelqu’un. « Nous devons savoir ce qu’il en est. La dernière fois que le mystère a plané, Morféa a renversé le pouvoir ! »
Un murmure d'assentiment parcourut l'assistance.
« Nous n’en sommes pas là. Vous serez informés au fur et à mesure… Pour l’instant, la menace est diffuse, nous n’avons pas de raisons de soupçonner quelque chose d’envergure. Nous avons juste décidé de relever le niveau de protection des conseillers. »

Le rôdeur garda son calme en écoutant l’officier mais il ne pouvait pas s’empêcher d’être intrigué par les implications de son discours. La nervosité ambiante contribuait à accroître ce sentiment. Les craintes de Kasumi ne concernaient pas un hypothétique coup d’état. L’épuration avait été faite parmi la garde après l’accession du nouveau conseil et le rôdeur avait confiance en Flèche-Sombre. Pourtant, il appréhendait une menace visant les conseillers. L’équilibre était encore fragile et une tragédie déstabilisant cet équilibre pourrait faire beaucoup de mal à une Luménis convalescente. Le discours succinct semblait terminé et Kasumi se tourna vers son voisin :

- Que s’est-il passé ce matin ? Je n'étais pas au Fort.

Toute la salle s’était mise à parler avec animation, chacun échangeant ses impressions avec ses voisins. L’ambiance générale n’était pas très positive.
« On ne sait pas bien au juste. Flèche-Sombre et le général Maelwedd sont partis en milieu de matinée, apparemment mandés par le conseil. Une heure plus tard, deux escouades de nos gardes les plus expérimentés et tous les mages de guerre sont partis à leur tour. Très peu d’informations ont filtré. Apparemment, nous n’en aurons pas davantage. »
« Il faut leur faire confiance, voilà tout. Il n’y a sans doute pas grand chose d’autre à savoir. »
« Je vous demande de ne pas céder à une inquiétude démesurée. Il ne se passe rien de… » continuait Flèche-Sombre, tentant de ramener l’ordre dans la salle.
« Qu’en est-il de ce garde qui a été tué cette nuit ? » intervint une autre voix, perçant le tumulte et ramenant, malgré elle, le silence.
« Il s’agit d’un événement malheureux, mais aucunement lié à… »
« Les rumeurs disent qu’il s’agissait du garde du corps du conseiller Megrall ! En quoi cela pourrait-il ne pas être relié !? »
« Vous ne devriez pas vous fier aux rumeurs. »
« Darren ! J’ai vu le corps, bon sang ! Je sais reconnaître un gosse que j’ai formé ! » s’exclama quelqu’un d’autre.
Le commandant de la garde sembla soudain pris au dépourvu.
« Le décès de ce garçon, aussi malheureux soit-il, n’était pas lié à ses prérogatives. » dit-il.
« Darren, si vous vous mettez à nous mentir, comment pouvons-nous travailler ?! »
L’elfe soupira brusquement.
« Je ne veux pas me comporter avec vous comme avec des novices. » grommela-t-il. « Je vous demande de faire confiance aux autorités, de vaquer à vos occupations, de nous laisser aux nôtres et d’arrêter de m’interroger. Et c’est un ordre. »
Un silence de plomb suivit sa déclaration, mais l’agacement de Flèche-Sombre restait visible.
« Dès que j’aurai des informations, je vous les communiquerai. Maintenant, allez dîner, puis dormir, et demain, travaillez comme de coutume. Lumenis va bien. »

Les dernières paroles ne convainquirent pas grand monde dans la salle et contribuèrent même à aggraver l’inquiétude de Kasumi. Mais les ordres et les perspectives étaient univoques : il n’y aurait pas de révélations sur les dangers menaçant les conseillers et les circonstances entourant la mort de l’un des gardes. Le rôdeur se renfrogna, voilà que les choses se compliquaient à nouveau. Comme elles étaient simples lorsque la menace était clairement identifiée, pendant la période de la résistance où l’action ne permettait pas de tergiverser et de ressasser les dangers. Sa confiance du matin s’était envolée et le demi-elfe commençait à remettre en doute ses perspectives une société urbaine et hiérarchisée.

Il n’en laissa rien transparaître à ses voisins et sortit de la salle. Il avait besoin d’air et le sommet de la tour où se trouvaient les volières lui conviendrait très bien.

Kasumi trouva Félix au sommet de la tour, et le gnome lui ouvrit affablement une porte pour qu’il puisse se promener à l’air libre. La petite esplanade qui coiffait la tour était occupée par deux hiboux qui dévisagèrent le rôdeur sans s’en inquiéter. Un petit crachin glacé tombait des nuages lourds. Devant lui, Kasumi découvrit Luménis toute entière, illuminée dans les ténèbres. Des bougies et des lampes à huile brûlaient derrière mille fenêtres, des feux dans les cheminées, des braseros dans les cours… Partout, les Luméniens affrontaient l’hiver en lui opposant chaleur et flammes. La vision était enchanteresse. En même temps, la cité semblait si petite, si vulnérable, sous une épaisse chape d’obscurité, pourtant bien naturelle en cette saison.

Le rôdeur remercia Félix puis se contenta, pendant un long moment, d’observer Luménis accoudé au parapet. Puis, il s’adressa à Félix qui s’était approché de lui mais se tenait silencieux dans son dos :

- La vue d’ici est incomparable. Presque celle d’un oiseau. Pensez-vous que les choses paraissent simples à leurs yeux ?

Puis le rôdeur retourna à sa contemplation. Les rues étaient encore passablement animées dans les zones les plus opulentes de la ville. La mer contrastait plus que jamais avec la terre : vaste étendue sombre contre rues éclairées. Au loin, les Taudis se masquaient d’ombres alors que le quartier Sud rayonnait. La nuit accroissait aussi ce contraste. Et pourtant, depuis cette hauteur, chaque homme ou femme semblait également fragile et dérisoire, vulnérable au moindre coup du sort. Quelle menace se cachait à l’écart des rues passantes ?

« Je pense que c’est plus simple pour eux, oui. » répondit finalement le gnome. « Mais la complexité qui nous étouffe… Nous la créons parfois nous-mêmes, à trop la chercher. »
Il tapota amicalement les côtes de Kasumi, ce qui devait équivaloir à l’épaule, pour quelqu’un de sa taille, puis retourna vers ses oiseaux.
La pluie s’intensifia bientôt et un des hiboux prit son envol avec un hululement courroucé. Sous la tour, sur l’esplanade du fort, le rôdeur devina les silhouettes des gardes qui couraient vers leurs baraquements pour y terminer la soirée. Il y avait du mouvement autour des écuries, sans doute le départ d’une patrouille pour sa ronde nocturne. Petit à petit, la citadelle allait glisser dans la nuit.

Kasumi sortit de sa torpeur le temps de répondre calmement au maître des oiseaux :

- Je pense que vous avez raison. Je devrais profiter de cette période calme mais toute ma courte vie durant, j’ai couru d’un danger à l’autre sans jamais faire de pause. Aujourd’hui, une chance m’est offerte et pourtant, il me semble percevoir une menace qui pèse sans cesse sur moi. Peut être y suis-je plus sensible que tout un chacun ou alors est-ce mon esprit qui l’invente en toute chose par la force de l’habitude. Parfois j’envie la liberté des oiseaux. Pensez-vous qu'il faille s'inquiéter ?

« Je n’en sais rien. Cela fait longtemps que je me soucie moins des affaires humaines. J’essaie de faire mon travail, et je laisse aux autres le soin de m’aiguiller. Comprenez-moi, je ne suis pas aveuglément le premier venu… Mais j’ai appris à connaître certains officiers, je leur fais confiance. J’ai appris à me connaître aussi, et je sais que je suis un bon fauconnier. Mais je n’ai pas le goût des intrigues, des replis de la politique, je ne suis pas un stratège, ni un gestionnaire. »
Il sourit, tendit un bras et accueillit la chouette qui vint s’y poser.
« Mais vous êtes homme à ne pas vouloir vous écarter du danger. Il en faut aussi. Peut-être êtes-vous désormais suffisamment proche de Luménis pour considérer que ce qui la menace vous menace aussi. C’est une attitude louable, mais douloureuse. Une cité comme celle-ci n’est jamais sauvée, par essence, elle doit rester vigilante jour et nuit. Ceux qui décident d’y lier leur destin ne connaissent par le repos, pas la tranquillité. Ils savent que tant qu’un mal existe, quelque part, dans le monde, notre ville en sera la cible, tôt ou tard. »

Kasumi croisa le regard de l’oiseau de nuit. Le regard intense de l’animal semblait tout percevoir, même les sentiments du demi-elfe. Curieusement, celui-ci s’en sentit apaisé et les sages paroles du gnome achevèrent de lui faire quitter sa morosité.

- Les choses étaient plus simples lorsque je vivais dans la forêt. Je ne m’inquiétais de rien et pourtant le malheur est arrivé. J’étais un enfant à cette époque et c’est pourtant dès ce moment que je suis devenu un combattant je crois. Non pas seulement parce que j’avais une arme, mais parce que je me mettais moi-même dans des situations de m’en servir. Je crois qu’une partie de moi n’a jamais aspiré au calme. Défendre Luménis et m’y lier est au fond une bonne chose. Je n’y renie pas ma nature et peut être un peu de bien en ressortira-t-il. Je vous remercie pour vos paroles mon ami.

Le rôdeur souhaita alors la bonne nuit au gnome et une bonne chasse à son oiseau et regagna ses appartements pour la nuit. Il serait temps, demain, d’éclaircir le mystère soulevé par Darren et de voir s’il pouvait être utile de quelque façon.

La nuit se déroula sans remous. Malgré lui, le rôdeur eut le sommeil léger, mais rien ne vint le réveiller : aucun cri, aucun mort, aucun roulement de tonnerre. Au petit matin, avant l’aube devenue tardive en cette saison, l’animation habituelle du Fort le tira de sa torpeur et il put constater que le ciel était dégagé, les dernières étoiles y combattant la venue prochaine de la lumière. Il devina qu’il faisait sans doute très froid au dehors. Mais c’était peut-être la promesse d’une belle journée.

Kasumi s’éveilla reposé tant physiquement que mentalement. Par la fenêtre laissée entrouverte, la température fraîche de la nuit s’insinuait dans sa chambre, rendant les couvertures d’autant plus confortables. Cependant, le rôdeur sentait que la journée serait clémente et entendait bien ne pas perdre de temps au lit avant d’en profiter.

Il sauta à bas de sa literie et enfila ses vêtements à la hâte après quelques ablutions matinales. Une fois rendu présentable, il gagna le couloir encore silencieux du quartier des capitaines et se dirigea vers un réfectoire déjà animé en cette heure nocturne. Nombreux étaient les soldats qui par habitude se levaient très tôt même lorsqu’ils n’étaient pas de service. Le rôdeur avait pris la résolution de profiter de son entrevue prévue avec Flèche-Sombre pour aborder le sujet qui le taraudait. Il était plus que probable que celui-ci n’accepte pas d’en parler mais qui ne tentait rien…

L’entrevue était prévue pour la fin d’après-midi et d’ici là, il aurait un seul groupe à entraîner en milieu de journée. Le programme d’entraînement prévu touchait à sa fin et les soldats étaient aussi prêts qu’ils pouvaient l’être. Au fil des situations, leurs sens s’étaient aiguisés avec plus ou moins de succès et le rôdeur était fier qu’une partie au moins d’entre eux se soient améliorés. Dans le temps qui lui avait été imparti, Kasumi pensait avoir fait de son mieux. Si cela contribuait à mieux protéger Luménis, il en était satisfait bien qu’il dut s’avouer que cela ferait peu de différences. Il lui faudrait d’autres semaines et des entraînements plus personnalisés pour arriver à un résultat vraiment probant sur certains éléments prometteurs.

Son repas terminé, le rôdeur se dirigea vers les écuries pour récupérer Ombrage. Il avait un répit de quelques heures avant d’avoir à s’occuper de la séance du jour. Il entendait bien profiter de ce temps libre pour se rendre en ville et s’éclaircir les idées.

Edit :

Kasumi chemina jusqu’à la demeure de son vieil ami, le Seigneur Artwin qui le reçut malgré le caractère improviste de la visite. Ensemble, ils évoquèrent les progrès accomplis par certains enfants. Le vieil homme dépensait beaucoup d’énergie pour trouver un digne maître d’apprentissage pour ceux qui désiraient apprendre un métier. Les autres se voyaient dispenser l’enseignement des chiffres et des lettres et d’autres disciplines dispensées par des clercs. Le rôdeur suggéra à son ami de leur enseigner quelques connaissances liées aux plantes ou aux forêts. Il aborda aussi sa rencontre avec Galathée et son retour en ville accompagnée de Victor.

Après avoir parlé de longues minutes devant un bon thé, le rôdeur prit congé de son hôte et se dirigea vers le fort pour y dispenser son enseignement.

L’entraînement était cette fois orienté vers le développement de l’agilité. Le rôdeur avait prévu des cordes pour escalader l’une des façades de la cour d’entraînement ou en descendre de façon sûre. Les exercices d’escalade laissèrent les gardes épuisés et au bout d’une heure, le rôdeur leur annonça que la suite de l’entraînement s’effectuerait au bosquet des quais. Les arbres offraient plus de prises que la façade lisse du fort. Et ce serait également l’occasion d’aborder une autre discipline chère au rôdeur : l’art du camouflage et de l’approche discrète.

Les gardes ne bronchèrent pas, ravis de pouvoir effectuer une pause après la première partie de l’entraînement. Ils se dirigèrent tous de bon cœur vers le port et son étrange bosquet.

Quête : Un désir de Crépuscule

Arrivant du Sanctuaire...

Lorsque Kasumi entra dans le bureau de Flèche Sombre, il le trouva penché sur des documents, devant son âtre chétif. Il leva ses yeux perçants, presque lumineux dans l’ombre, sur le rôdeur et lui fit signe de s’asseoir. Il le suivit du regard pendant tout son mouvement, les lèvres pincées.
« Vous avez des questions à poser, je suppose. » dit-il sans prendre de pincettes. « Je pourrais ne pas y répondre. Je n’y répondrai sans doute pas. Posez-les quand même. »

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur ne fut pas déstabilisé le moins du monde, il avait ressassé l’évènement et ce qu’il avait appris ou non les derniers jours. Au lieu de poser à Darren les questions qui aurait du le tarauder et qu’il avait prévu de poser le matin encore, il se concentra sur ce qu’il estimait capital. Les mots lui vinrent tous seuls d’autant plus qu’ils faisaient échos à ses doutes actuels :

- A dire vrai, je n’en ai qu’une seule à poser. De la réponse que vous me donnerez dépendra le fait que je vous en pose encore ou non.

Après un silence marquant le caractère solennel de ses propos, le rôdeur poursuivit du même ton direct de celui qui n'avait pas l'intention de perdre son temps en devinettes :

- Avez-vous encore besoin de moi et en quoi ?

Le regard du demi-elfe croisa celui de son homologue en quête d’une réponse.

Darren le dévisagea sans aménité.
« Besoin de vous, certainement. En quoi, je ne le sais pas encore. » répondit-il. « La question est de savoir si vous avez la patience d’attendre. De savoir si vous êtes prêt à vous mouiller, aussi, le cas échéant. Vous êtes arrivé ici avec une offre intéressante, vous avez bien entraîné nos hommes, ils en sont ravis, et leurs officiers aussi. Cependant, je ne vous imagine pas faire carrière entre nos murs. Vous n’êtes pas suffisamment prêt à céder. L’armée nécessite le respect de la hiérarchie, des ordres. Vous n’en êtes pas capable, pas à long terme, en tout cas. Vous aimeriez être général avant d’être soldat, mais ça n’est pas possible, pas ici. »
Il croisa les bras.
« Je n’ai pas le droit de vous parler de ce qui se passe. Parce que je me plie aux ordres de mes supérieurs. J’ai appris à le faire, je les respecte. Demain midi, je vous dirai tout. Peut-être en rirons-nous. Si c’est le cas, j’aurai besoin de vous pour la Fête de la Lune, comme nous l’avions prévu. Ensuite, nous verrons. »
Il fit une pause, songeur, jeta un regard vers le feu.
« Si nous n’en rions pas, j’aurai besoin de vous pour un travail autrement plus dangereux et autrement plus important. Un travail où vous trouverez plus de latitude qu’ici… mais qui vous demandera quand même de vous engager pour quelque chose. Je ne peux pas en dire plus, j’en suis désolé. »

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur resta stoïque comme les paroles du commandant s’imprégnaient en lui et frappait au cœur de la vérité. Pas fait pour cette vie, songea amèrement Kasumi. Et pourtant, Darren avait trouvé les mots qu’il attendait, peut être ceux qu’il ne s’attendait pas à être prononcés mais les seuls qu’il avait été prêt à écouter. Et un faible sourire se dessina sur ses lèvres, ni moqueur, ni joyeux, un sourire simplement. Il répliqua laconiquement :

- Vous avez raison… Sur tous les points, sauf peut être sur le dernier : je sui prêt à donner et même à m’engager pour quelque chose, pas pour un système ou une institution mais pour quelque chose, un but.

Flèche-Sombre acquiesça en silence et se frotta les tempes d’une main distraite. Il avait l’air épuisé, incapable de mouvements ou de paroles inutiles, même sa tension, si palpable la veille, s’était transformée en inertie.
« Dans ce cas, nous nous reverrons demain. » fit-il, finalement. « Vous verrez si les principes que je vous propose valent la peine que vous vous battiez. Je pense que vous y serez sensible. Sinon… »
Il sourit amèrement.
« Nous chercherons ailleurs, vous et moi. »

Quête : un désir de crépuscule

Kasumi acquiesça à son tour, notant au passage la fatigue apparente du commandant. Il n’était pas fâché d’avoir eu cette discussion et elle aurait pu franchement d’abréger de façon plus désagréable. Le rôdeur tendit la main au militaire :

- A demain, commandant. Je ne doute pas que nos principes se rejoignent pour l’essentiel. Si je peux vous aider à défendre la Luménis qui m’est chère, vous pourrez compter sur mon soutien. Sinon, nous la défendrons chacun à notre façon.

Puis, après un instant d’hésitation, il ajouta :

- Ce n’est peut être pas mon rôle de vous le dire mais vous semblez fatigué. Peut être n’était-ce pas le bon moment pour avoir cette discussion, mais je suis content que nous l’ayons eue. Bonne nuit.

Flèche-Sombre esquissa un souvenir et lui serra la main.
« Alors tant mieux. » dit-il simplement. « Maintenant allez vous reposer. Si les choses tournent mal, vous vous souviendrez de cette dernière nuit paisible avec félicité. »
Puis il baissa les yeux, congédiant par là le rôdeur.

L’obscurité feutrée du bureau du commandant tranchait avec la lueur flamboyante des torches disposées dans le couloir des officiers et Kasumi fut un peu ébloui en sortant. Par l’embrasure de la cage d’escaliers, il entendait le bourdonnement de l’activité du fort, les conversations des officiers aux étages inférieurs, le brouhaha du réfectoire encore plus bas. Le soleil s’était couché depuis longtemps, il faisait froid entre les murs de pierre, mais la nuit ne faisait que commencer.

Quête : un désir de crépuscule

Si Kasumi fut déçu par la fraîcheur avec laquelle Darren le congédia, il n’en montra rien. Le commandant était peu expansif en temps normal et la situation semblait lui peser. En ajoutant à cela, l’explication qu’avaient eue les deux demi-elfes, il ne fallait pas s’attendre à une autre réaction. Le rôdeur suivit le conseil de son aîné et s’en alla prendre un peu de repos. Il était probable que ce soit la dernière nuit qu’il passait eu Fort et il eut du mal à trouver le sommeil, ressassant ses projets possibles. Demain, il irait sans doute à la bibliothèque s’informer sur certains savoirs liés aux simples, des connaissances qui pourraient l’aider à gagner sa vie s’il décidait de rester au Bosquet. Il ne savait pas encore quoi décider au sujet de Garance mais il se voyait mal se présenter avec tant de retard. Par acquis de conscience, peut être irait-il prendre des nouvelles au sanctuaire ou au bosquet. Ne trouvant pas de solution à ces questions, il les remit finalement au lendemain et s’assoupit dans son lit, ses affaires déjà prêtes. S'il s'avérait que les craintes de Darrren ne se confirment pas, cela lui ouvrirait la possibilité de s'ébsenter quelques jours pour se rendre à Respelm. C'est sur ces dernières images qu'il ferma les yeux.

La nuit se déroula sans heurts, sereine et profonde, et s’il n’avait su que quelque chose se tramait, Kasumi aurait certainement dormi du sommeil du juste jusqu’à l’aube. Cependant, les ombres rôdaient à la lisière de sa conscience et profitèrent de sa léthargie pour dessiner des sarabandes dans le théâtre de ses rêves. Il n’en garda pas de réels souvenirs, au plus une légère sensation de malaise, comme un mauvais goût dans la bouche lorsqu’il ouvrit les yeux. Le souffle un peu court, un poids sur la poitrine, une sensation de froid glaçant… qui se dissipèrent alors qu’il reprenait contact avec le réel. Il faisait beau, mais il avait gelé au dehors, et une petite bise sifflait dans les toits, audible, comme une promesse désagréable pour qui oserait mettre le bout du nez au dehors.

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur ne tarda pourtant pas à affronter la froidure automnale. Il sella Ombrage, bien décidé à profiter au mieux de sa matinée de liberté. Il se dirigea tout d’abord vers le Temple de Lathandre avec l’intention de rencontrer Garance et de s’excuser pour la veille mais il constata que celui-ci était aussi bien gardé que la veille contre toute intrusion. Le demi-elfe s’y était attendu et ne s’en formalisa pas outre mesure. La situation était manifestement grave et le rôdeur décida de remettre à plus tard sa visite. Il fut alors comme emporté par une inspiration qui lui fit emporter ses nouveaux pensionnaires depuis le Bosquet jusqu’au Parc verdoyant où il passa le reste de la matinée à observer leur vol et diriger leur chasse tout en cueillant ici et là, des simples d’usage courant dans le sous bois des parties les moins fréquentées du parc.

Après cette pause toute simple qui réussit à le rasséréner en même temps que ses oiseaux, il fit un crochet pour accompagner les volatiles jusqu’à leur foyer avant de retourner affronter le monde des hommes. Il était proche de midi et l’heure des révélations approchait, le tournant de sa destinée immédiate aussi sans doute.

Quête : Un désir de crépuscule.

Kasumi trouva Darren Flèche-Sombre devant les écuries du Fort, en train d’examiner son cheval, une jument sombre d’un modèle assez léger, capable de galoper vite et longtemps, mais inutile sur un champ de bataille. Le commandant lui-même portait son uniforme bleu clair, une couleur qui lui allait mal, sur une armure de cuir sombre digne d’un habitant des forêts profondes.
« Vous êtes déjà en selle, ne descendez pas. » fit l’elfe sauvage, avant d’enfourcher à son tour sa monture et de la pousser aux côtés d’Ombrage.
En pleine lumière, sa fatigue était encore plus manifeste, et le rôdeur devina qu’il avait passé une mauvaise nuit.
« Nous allons nous rendre à l’Assemblée. Officiellement… »
Il jeta un regard suspicieux autour de lui, mais les palefreniers qui avaient préparé son destrier étaient rentrés dans les bâtiments pour échapper au froid.
« Officiellement, nous allons discuter des derniers arrangements pour la Fête de la Lune. Longuehune doit nous entretenir des festivités sur le Port et Megrall de celles au Temple. Officiellement. »
Puis d’un claquement de langue, il mit son cheval au trot et se dirigea vers l’arche de pierre sombre qui séparait le repaire de l’armée de la ville lumineuse. Le vent sifflait avec insistance et le ciel bleu était presque aveuglant.

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Il fallu quelques dizaines de minutes au rôdeur pour rejoindre le Fort. Il était à pied et avait fait en sorte de revenir sur ses pas pour vérifier qu’il n’était pas suivi. Son expérience dans la résistance lui avait permis de bine connaître les rues et facilitait la discrétion de son cheminement.

Quand il se présenta aux portes du Fort, il abandonna son profil discret. Il avait sa place ici.nul ne devait penser qu’il venait y faire autre chose que préparer la Fête de la Lune toute proche. Il salua les gardes en faction avant de franchir le portail et se diriger vers les caves où Darren lui avait signalé pouvoir trouver ce qu’il cherchait.

La Couronne de Cuivre

[Bâtiment] Le Grand Fort

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