[Guilde] La Vierge d'Argent

[Eliaëdel]

Tchac! Précédé d'un sifflement.

Le couteau s'est planté dans l'encadrement de porte en vibrant. Dans un bruit mat. Après avoir volé à quelques centimètres de la tempe d'Oriane. Et évité d'aussi peu Althéa. Elle s'est levée de sa chaise d'un bond. Elle aurait tout aussi bien pu la planter entre deux omoplates que cela ne l'aurait fait qu'aussi peu de remords. L'exaspération qu'elle avait étouffée en présence des deux autres reprenait ses droits. Elle a murmuré quelque chose avant que l'obscurité n'envahisse la pièce; ce qui coupait court à toute velléité de riposte rapide.

Elle s'est engouffrée dans la boutique sans plus s'attarder, avant de quitter la guilde. D'une humeur aussi massacrante qu'à son arrivée. Prendre le large quelques heures lui éviterait une réaction plus définitive. Fallait il l'espérer.

*utilisation du sort ténèbres - niv 2 *

[Althéa]

La dague l'avait évité de très peu. Elle l'avait senti passer à coté d'elle. Elle avait presque senti la brûlure de la lame sur sa peau. Elle avait failli répliquer mais une obscurité quasi totale avait englouti la boutique. Elle sentit l'angoisse l'envahir. La barde était peut être encore dans la boutique, prête à en découdre. Mais la porte avait claqué et les pas d'Eliaëdel avaient résonné dans la rue. L'angoisse s'était muée en colère et elle fit mille efforts pour ne pas se ruer à sa poursuite.

Elle s'appuya contre le premier mur à portée, respirant lentement pour retrouver son calme. Puis, tout doucement, elle avait demandé :

"Oriane, tu es là ? Tu n'as rien ?"

[Oriane]

"Je...je vais...bien."

Sa voix, cependant, suggérait le contraire. Elle était...sous le choc. Le couteau était passé à quelques centimètres à peine de son visage, si proche qu’elle en avait presque senti la morsure. Puis l’obscurité avait envahit la pièce, apportant avec elle une angoisse, sourde, l’attente d’un nouveau sifflement. Faisant également disparaître l’elfe, et toute velléité d’esquiver une prochaine attaque potentielle et toute aussi dénuée de sens. Pourquoi avait-elle fait ça ? Au fond, la bretteuse n’était pas sûre de vouloir le savoir. Dans l’immédiat elle voulait juste...sortir de là, retrouver la lumière du jour. La porte avait claqué, les pas de l’elfe s’étaient éloignés, mais cette obscurité était toujours aussi oppressante. Et l’elfe pouvait revenir. S’efforçant de chasser cette pensée, Oriane essaya de trouver le mur le plus proche et s’y appuya. Althéa n’était pas très loin, de là où elle était, elle pouvait entendre sa respiration. Une respiration quelque peu rapide d'ailleurs. Allait-elle bien ? La jeune femme se reprocha de ne pas s’en être enquit plus tôt et demanda, d’une voix un peu mieux maîtrisée :

"Et...toi...ça va aller ?"

[Althéa]

"Oui, je crois. Par contre, je crois que tu marches sur mon pied"

Althéa eut du mal à retrouver sa respiration. L'obscurité était dense et se faisait le siège de toutes les terreurs, de tous les souvenirs pénibles. Elle se revit dans cette cave puant le renfermé, puis dans l'obscurité des tunnels et enfin dans la rue assistant au meurtre du paladin et de son violeur ... (*) Longtemps après cet épisode, elle avait dormi avec la lumière allumée à coté d'elle et s'était réveillée au milieu de la nuit trempée de sueur, dressant l'oreille.

Le noir. Là où les monstres et la mort rôdent, le siège de tous les possibles. Et elle ne voyait rien. Il pouvait se passer n'importe quoi. Et elle était tout simplement terrifiée. Comme avant, elle se remit à trembler de tous ses membres et se replia contre le mur. Avant que la peur ne la paralyse, elle eut juste la force de murmurer.

"J'ai peur"

(*) voir la quête cuisine

[Oriane]

"Oh...désolée."

Oriane avait reculé d’un pas, sans pour autant lâcher le mur. Elle avait été à ce point sous le choc, qu’elle n’avait même pas réalisé qu’elle marchait sur quelque chose. Elle tenta de regarder autour d’elle, mais l’obscurité ne semblait pas vouloir se dissiper. Pas dans l’immédiat du moins. Il ne lui restait plus qu’à essayer de trouver la sortie, au risque de se prendre au passage tous les obstacles de cette pièce que, somme toute, elle connaissait assez mal. Ou...à attendre. Inspirant profondément, elle se laissa glisser le long du mur, s’assit sur le sol et écouta. Elle n’entendait rien d’autre que le silence, et la respiration, de plus en plus irrégulière, d’Althéa.

"Tout va bien ?"

La question était rhétorique, il était clair que quelque chose n’allait pas. La jeune femme se tourna vers la bretteuse –du moins, vers l’endroit où elle devait être–, les sourcils froncés.

"Althéa ?"

Elle attendit, quelques secondes, jusqu’au moment où la voix d’Althéa, en un murmure terrorisé, parvint à ses oreilles. Elle se redressa, aux aguets. Avait-elle raté quelque chose ? Un bruit de pas ? Le grincement, très léger, d’une porte qui s’ouvre ? L’obscurité redevint soudain beaucoup plus oppressante. A tâtons, luttant contre le malaise qui commençait à l’envahir à nouveau, elle se rapprocha de la bretteuse. Elle finit par poser la main sur son bras, agité de soubresauts, et le retira aussitôt. Elle regarda autour d’elle, maudit l’obscurité qui l’empêchait de voir ce qui se passait. Puis, s’efforçant d’adopter une voix aussi apaisante que possible, elle murmura :

"Chut tout va bien...calme toi...il n’y a personne ici, nous sommes en sécurité..."

C’était dérisoire, elle le sentait bien. Elle ne savait pas si la bretteuse pouvait l’entendre, ni même si elle était encore consciente.

[Althéa]

Dans le noir le plus opaque, Althéa s'était raccrochée à cette voix comme à une bouée de sauvetage. Elle sentait l'obscurité l'envahir, chasser chaque souffle d'air à l'intérieur de sa poitrine, la noyer. Elle ne savait même plus si ses yeux étaient fermés ou ouverts. Cela ne changeait pas.

Elle essaya de se souvenir de la lumière. Lui apparut tout à coup l'image d'un bosquet de hêtres roux. Elle tenta de se raccrocher à cette image mais elle se distordit, pour bientôt s'effriter, laissant de nouveau les ténèbres l'emporter. Elle appela à son secours l'image de sa fille, endormie dans son petit lit. Oui, elle dormait peut être à cette heure veillée par Titoeil. Paisible comme à son habitude, promenant sur le monde ses yeux doux et candides, emplis de curiosité. Mais le noir se referma de nouveau sur elle. Elle appela la lumière des étoiles, le soir, au sommet des toits. Mais les étoiles se firent elles-même papillons d'obscurité. Et dans ses mains, elle finit par tenir un papillon de nuit. Le gouffre allait se refermer sur elle, l'emporter.

Sa respiration se fit plus pesante. Si elle continuait, elle allait véritablement mourir de peur. Alors, tout doucement, elle appela Oriane.

"Je t'en supplie, parle-moi"

[Eliaëdel]

***

Elle avait trainé près du port. Observé la nuit qui tombait sur la mer progressivement. Elle était partie vers le centre ville. Elle avait marché sans but. Sauf celui d'oublier, peut être. Vainement. La colère s'était diluée au fil des pas et du temps. Elle avait longé les remparts sous la nuit sous le nuit. Telle une ombre grise sous le ciel nocturne. Révélée sous une lune capricieuse masquée par de longs filaments nuageux. Le décompte des heures, la fatigue naissante, la fureur qui ne laissait place progressivement qu'à un gouffre de vide.

Ses murmures ne lui avaient été d'aucun secours; ne lui offraient que des conseils contradictoires. Il ne restait qu'elle, étrangement, pour décider de la marche à suivre. Seule. Ça avait un goût de nouveauté. De peur. D'impuissance surtout; elle était incapable de réagir à la situation; incapable de réagir au changement soudain. Même la violence ne pouvait rien. Même ça.
Elle s'est assise au coin d'une petite rue, près du caniveau. Ses mâchoires ont grincé quand les larmes sont venues. Elle s'est maudite, sourdement. A méprisé sa faiblesse. Elle a enfoncé les doigts dans ses pommettes, tenté de reprendre le contrôle. Sans autre effet que ne créer des trainées sales sur ses joues, dans un mélange de sang et de poussière. L'elfe est restée quelques minutes dans cette posture avant de retrouver un semblant de sérénité. Elle s'est relevée après avoir essuyé sommairement ses yeux. Sans voir que ça ne faisait guère mieux qu'empirer l'existant.
Il lui fallait du repos. Hors de la guilde. Hors de ses souvenirs. Les auberges de la ville feraient l'affaire. Elle avait besoin de temps, elle aussi.

***

[Oriane]

Un silence interminable avait suivi ses dernières paroles. Elle en arrivait à croire que la bretteuse était bel et bien inconsciente. Une fois encore, elle scruta les ténèbres, espérant discerner ne serait ce que sa main ou le mur à côté d’elle. N’importe quoi, témoignant d’un début de dissipation du sort. Mais rien. Combien de temps allait-il encore durer ? Combien de temps allait-elle encore rester assise là, aux côtés de la bretteuse, incapable de l’aider ? Elle se recroquevilla sur elle-même. Attendre, c’était tout ce qu’elle pouvait faire. Elle essaya de se rassurer. Ce n’était qu’une question de minutes. De secondes peut-être. Mais même quelques secondes peuvent sembler une éternité dans le noir le plus profond.

"Althéa..."

La voix était faible, inquiète, même si elle n’aurait su dire si c’était uniquement du à l’obscurité, ou au fait de savoir que la bretteuse était là, à côté, tremblante, encore plus mal qu’elle. Devant l’absence de réponse, la jeune femme ferma les yeux, inspira profondément, se forçant au calme. Une question de secondes. Ce n’était qu’une question de secondes. Tout allait bien. Elle se répéta ces mots, plusieurs fois, jusqu’à ce que la voix d’Althéa parvienne à ses oreilles.

"Je t'en supplie, parle-moi"

La jeune femme ouvrit les yeux, se redressa. Prudemment, elle avança sa main, et la posa sur celle d’Althéa. Elle tremblait toujours. Ce contact, pourtant, avait quelque chose de rassurant. Le fait de sentir une présence. Elle espérait qu’il en soit de même pour la bretteuse.

"Je suis là. Ça va aller... Il faut juste attendre...L’obscurité va finir par disparaître...D’un instant à l’autre...Tout va bien..."

Elle continua ainsi à murmurer des banalités rassurantes, attendant qu’au moins les tremblements cessent, ou que le sort se dissipe enfin.

[Althéa]

Une main avait attrapé doucement la sienne. Une main moite et glacée qui tremblait imperceptiblement. Althéa avait fermé les yeux et s'était dériver au son des paroles d'Oriane. Les battements de son coeur avaient fini par se calmer peu à peu.

Et soudain, comme une promesse, la lumière était revenue. Elle les trouva toutes les deux assises le long du mur. Althéa lâcha la main d'Oriane. Son visage était d'une pâleur de craie et ses joues étaient baignées de larme.

Pendant un long moment, elle n'avait pas pu parler. Elle semblait à bout de souffle, aspirant l'air à grande goulées, telle une noyée. A l'intérieur, elle regagnait tout doucement la surface. La tempête s'apaisait, on la remontait à bord.

Elle resta quelques minutes la tête dans ses bras avant de regarder Oriane. Elle lui avait souri avant de murmurer.

"Merci"

[Oriane]

Enfin. Alors que sa voix peu à peu s’éteignait, qu’elle avait l’impression d’être assise là depuis une éternité, la lumière revint. D’abord éblouissante, l’obligeant presque à fermer les yeux. Puis simplement...rassurante. Elle sentit la main d’Althéa lâcher la sienne et en profita pour entourer ses jambes pliées de ses bras et poser lentement la tête sur ses genoux. Elle inspira, profondément, envahie par un soulagement intense. Une larme roula sur sa joue, un léger sourire naquit sur ses lèvres. C’était terminé. Elle attendit quelques secondes, que les battements de son cœur reprennent un rythme calme et à peu près normal, puis elle leva les yeux vers Althéa. Son visage était enfouit dans ses bras, mais elle fut rassurée de voir que ses tremblements, au moins, avaient cessé.

Plusieurs minutes s’écoulèrent. La jeune femme resta assise contre le mur, immobile, les yeux perdus dans le vague. C’était terminé. Combien de temps le sortilège avait-il duré ? Une dizaine de minutes peut-être, guère plus. Ça lui avait paru si long...Elle jeta un coup d’œil rapide vers la porte, vers le couteau planté sur embrasure et réprima un frisson. Dans le noir, elle l’avait presque oublié. Le couteau. Et Eliaëdel. Elle n’était pas seulement étrange. Elle était dangereuse. La jeune femme détourna rapidement le regard. Mieux valait ne pas y repenser pour le moment. L’elfe était sortie, elle aurait tout le temps de s’en inquiéter plus tard.
Elle concentra à nouveau son attention sur Althéa, qui finit par lever la tête. Son visage était d’une pâleur effrayante. Mais elle semblait néanmoins aller un peu mieux. Un sourire vint éclairer son visage comme elle lui murmurait :

"Merci"

La jeune femme lui rendit son sourire, lâcha ses jambes et se leva. Un peu trop rapidement, un vertige la saisit et elle du s’appuyer contre le mur, quelques secondes, le temps que le sang remonte jusqu’à sa tête. Elle avait du rester assise plus longtemps que ce qu’elle imaginait. Peut-être le sortilège avait-il était un peu plus long qu’une poignée de minutes finalement. Le vertige passé, elle lâcha le mur et tendit la main à Althéa pour l’aider à se relever.

"C’était vraiment le moins que je puisse faire..."

[Althéa]

Althéa avait tendu la main avec reconnaissance. Elle s'était remise debout, les jambes encore tremblantes. Seule subsistait du noir une sensation de froid et la dague plantée dans le mur. Tiraillée entre la colère et l'angoisse, elle alla le décrocher. Dessus, des traces de sang séché et du sang plus frais. Celui d'Elissa ? Avec ce qui venait de se passer, elle était en droit de le soupçonner. Ses yeux se portèrent vers la porte, vers la nuit qui commençait à tomber.

Non, ce n'était pas possible. Elle ne pouvait pas lui avoir fait de mal. Elissa n'allait pas tarder à rentrer, s'excuser pour son escapade. Et dans la nuit, tapie entre deux ombres, l'autre pouvait les attendre. La dague n'avait été qu'un prélude, un avertissement. Il valait mieux qu'elles attendent en sécurité. Et demain, elles aviseraient.

Essayant en vain de ne pas laisser transparaître son inquiétude, elle se tourna vers Oriane.

"Elissa ne devrait plus tarder à rentrer maintenant. Je crois qu'il vaut mieux qu'on l'attende ici. Si tu veux, il y a un peau d'eau de vie de poire au fond d'un tiroir. A mon avis, on a bien mérité ça pour nous remettre de nos émotions"

[Oriane]

"Je crois que je ne refuserais pas un petit remontant, après ça..."

Elle n’avait pu s’empêcher d’esquisser un sourire, le temps de répondre. Puis son expression était redevenue sérieuse. Pensive. Elle hésitait. Les paroles de la bretteuse avaient-elles été une tentative pour changer de sujet ? Masquer son inquiétude ? Oublier l’elfe et, surtout, l’obscurité ? C’était en tout cas ce qu’elle-même aurait voulu faire. Mais elle avait vu le sang, elle aussi. Et elle s’était posée la question. A qui appartenait-il. Le nom d’Elissa lui avait traversé l’esprit. Elle avait tenté de se raisonner. C’était impossible. Pourquoi l’elfe aurait-elle fait ça ? Puis une autre pensée lui avait traversé l’esprit. Pourquoi avait-elle lancé sa dague vers elles. C’était tout aussi dénué de sens. Pourtant elle l’avait fait.

"Tu...crois qu’Eliaëdel a...s’est servie de ce couteau sur..."

Elle n’acheva pas sa phrase. Elle pensait à Elissa bien sûr, mais elle s’efforçait de se convaincre que ce n’était pas le cas, que c’était quelqu’un d’autre. Ce qui, au fond, n’était guère plus rassurant...

[Althéa]

La fin de la phrase d'Oriane s'acheva dans un océan de menace. Althéa sentit le froid s'insinuer jusque dans sa moelle épinière. Elle secoua la tête sans être persuadée. Dans sa tête, elle voyait le corps d'Elissa exsangue en travers d'une ruelle. Mais pourquoi donc était elle partie ?

Elle se rappela le couteau. Le sang était tout frais parce que certaines traînées se poursuivaient à certains endroits.

"Non, ce n'est pas le sien, dit elle à peine soulagée, je crois que c'est son sang. Elle s'amusait à se couper tout à l'heure. Enfin, je n'ai pas bien vu. Mais il m'a semblé. Et je crois que si elle l'avait eue, elle ne serait pas revenue ici. Du moins, elle ne se serait pas contentée de lancer sa dague entre nous ... "

Elle réprima un frisson.

"Je te proposerais de rester ici jusqu'à demain matin. Ensuite, on ira la cherchait. Et s'il s'est passé quelque chose ..."

Elle n'osait pas l'imaginer.

[Oriane]

Oriane essayait de revisualiser la scène, l’elfe assise dans un coin, aiguisant son couteau. Ses...gloussements. Elle avait détourné le regard. N’avait pas cherché à en connaître la cause. Elle le regrettait presque maintenant. Elle aurait du regarder plus attentivement, voir de quoi l’elfe semblait tant s’amuser. Elle ne serait pas, alors, en train d’imaginer le pire. La vision, fugace, de la moinesse mortellement blessée, dans une sombre ruelle, seule, lui traversa l’esprit. Elle secoua la tête, s’empressant de la chasser.

"Non...il ne s’est probablement rien passé. Tu as raison...ce doit être le sang d’Eliaëdel."

Elle n’en était pas convaincue, absolument pas convaincue. L'elfe ne lui semblait pas suffisamment maladroite pour se blesser autant en aiguisant son couteau. Et qui s'infligerait ça volontairement ? Mais elle se raccrocha à cette idée. C'était quelque part la plus rassurante. Ou la moins inquiétante.

"Demain, nous irons la chercher. Elle a juste due être retenue quelque part...Et qui sait, peut-être rentrera-t-elle avant l’aube..."

Elle s’efforça, sans grand succès, d’afficher un visage souriant pour masquer son inquiétude.

"D’ici là...tu parlais d’eau de vie tout à l’heure je crois ? Et se pourrait-il qu’il y ait quelque part par ici un petit quelque chose à manger pour l’accompagner ? Ça devrait nous faire passer un peu de temps..."

Elle avait fait cette suggestion, même si en réalité, elle n’avait pas vraiment faim. La peur et l’inquiétude lui avaient coupé l’appétit. Mais elle espérait, sans trop y croire, que le fait de s'assoire, de manger quelque chose, de boire un verre, contribuerait à leur occuper l’esprit. A chasser, même pour une petite heure, le spectre d’Elissa, gisant exsangue dans une ruelle obscure.

[Althéa]

Elle avait essayé de chasser l'idée. S'il était arrivé quoi que ce soit à Elissa, elle ne se le pardonnerait jamais. Elissa, celle qui avait contribué de faire de Manost sa cité d'adoption. Celle qui lui avait accordé si vite sa confiance, qui l'avait acceptée sans rien lui demander.

Non, il ne pouvait rien lui être arrivé. Si Eliaëdel avait osé s'attaquer à elle, elle avait su se défendre. C'était la barde qui gisait dans la ruelle, non son amie. Et puis non, il ne s'était rien passé. Elissa avait juste été retenue quelque part comme le disait Oriane. Elle se raccrocha à cette idée, comme si le fait d'y croire pouvait éloigner le mal. Elle essayait de la veiller, de lui envoyer sa force. Elle la priait de revenir. Peut être entendrait elle le message.

"Il y a du pain, du jambon et du fromage. En général, on aime bien trouver ça quand on passe la nuit ici. Bien sûr, il y a l'eau de vie. Ne bouge pas, j'emmène tout ça."

Elle rassembla le tout en vitesse, presque sans parler. Ce n'est qu'une fois que toutes les deux furent attablées qu'elle lui demanda.


"Comment es tu arrivée jusqu'ici ? Je veux dire à la guilde. Comment l'as tu découverte ?"

[Oriane]

"Oh un peu par hasard...c’est une longue histoire."

La jeune femme s’interrompit, réprima une grimace. La soirée s’annonçait longue, à attendre le retour d’Elissa. Elle s’efforça, sans succès, de ne pas songer ‘si elle rentrait’ et reprit rapidement, autant pour s’empêcher de réfléchir plus avant que pour répondre à la bretteuse :

"Ce n’est pas comme si nous manquions de temps, n’est-ce pas ? Je suis arrivée à Manost il y a peu. J'étais au marché avec un ami, quand quelqu’un m’a volé ma bourse. Un certain...Basile, mais j’imagine que tu as déjà entendu lui."

Ce disant, elle attrapa deux verres, les remplit d’eau de vie et en ramena un vers elle.

"Il s’est mis à courir, ma bourse à la main. Je l’ai poursuivi jusqu’au moment où il a lancé la bourse à...Elissa, avant de se sauver. C’est en me la rendant qu’elle m’a proposée de venir à l’herboristerie, et jouer un tour à ce Basile. Lui faire passer l’envie de piquer des bourses aux passants tu vois. Je l’ai suivie, mon ami a préféré partir de son côté. Ensuite à l’herboristerie, ça ne s’est pas...exactement passé comme prévu. Il y a eu un incident. Sans gravité."

Elle préférait éviter d’évoquer ce qu’Edric avait pu faire ce jour là, sachant qu’il lui faudrait alors sans doute expliquer son geste. Et de toute façon, peut-être la bretteuse était-elle déjà au courant, inutile alors d’en rajouter.

"Peut-être est-ce ce qui a décidé Elissa. Peut-être l'avait-elle décidé avant. Enfin toujours est-il qu'après ça, elle m’a proposé de rejoindre la guilde."

Elle esquissa un sourire.

"Comme tu peux le voir, j’ai accepté...La suite, tu la connais. Linceul, et mon retour ici..."

[Althéa]

Althéa avait esquissé un sourire. Elissa avait toujours eu le chic pour repérer les talents en quelques secondes. Du moins, jusqu'à ces derniers temps ...

"Elissa m'a dit qu'elle avait recruté quelqu'un de bien quand elle m'a parlé de toi, dit elle avec un petit sourire, quant à Basile, c'est un peu grâce à lui que je suis arrivée ici moi aussi. Je n'avais rien d'autre pour payer ma chambre au Loyal que la bourse qu'il venait de me voler. Un ... ami a parlé de moi à Elissa. Je dois dire qu'elle m'a bien rendu service"

Elle ne savait plus vraiment comment parler de Lothringen. Il avait eu tellement de facettes, tellement d'importance. Et lui laissait maintenant une telle sensation de vide. Elle avait fini par se faire une raison, se dire qu'ami et père de sa fille était ce qui se rapportait le mieux à lui. Il y avait une certaine tendresse ... Mais son coeur avait fini d'en espérer bien plus. Plus d'amants. Seuls restaient ses amis ...

*Et l'une d'entre elle est dehors, on ne sait où. Et il a pu lui arriver n'importe quoi*

Son regard s'obscurcit l'espace d'une seconde. Elle eut un tremblement nerveux.

"Un peu plus tard, elle m'a dit que je n'avais pas été très convaincante lors de mon entretien mais qu'elle avait tout de même voulu essayer ..."

La pensée la fit sourire. Elle se revoyait assise en face d'elle au Loyal Paladin, Lothringen les écoutant mine de rien.

Elle essayait de se raccrocher aux images du passé, à tout ce qui concernait Elissa dans l'espoir de l'enfermer dans une bulle protectrice ou rien ne pourrait l'atteindre, même pas le temps. Mais plus elle parlait, plus elle avait la sensation d'évoquer une amie partie prématurément.

[Oriane]

"Je suis sûre qu’elle va bien."

Elle n’aurait su dire pourquoi exactement elle venait de murmurer ces mots. Peut-être essayait-elle de s’en convaincre, encore une fois. Peut-être avait-elle perçu la nervosité de la bretteuse, lorsqu’elle parlait d’Elissa. Néanmoins, elle ne s’attarda pas sur le sujet. Tout avait été dit, et continuer ne servirait sans doute qu’à s’inquiéter davantage.

"Il semblerait qu’elle n’ait pas eu à regretter son choix...j’imagine que tu as fait tes preuves depuis."

Elle sourit, d’un sourire franc et chaleureux. Puis une ombre passa dans son regard, et son visage redevint sérieux. Elle repensait à Linceul. A son...test. Les images du visage souriant de Colin, de l’air pincé de Bérénice, puis son regard vide, ses cris lorsque son corps s’était mis à brûler lui revinrent en mémoire. Elle hésita, soupira, doucement et reprit :

"Tu dois sans doute avoir quelques missions à ton actif...Est-ce qu’on s’y fait ? Je veux dire...tout ne se passe pas toujours comme prévu n’est-ce pas ? On peut avoir quelqu’un à protéger et...échouer. C’est...toujours aussi difficile ?

Elle avait essayé de prendre un ton détaché, sans réel succès. L'épisode était encore bien trop proche, le goût de leur amère victoire bien trop vivace. Elle s'y ferait, même si elle n'était pas certaine que ce soit préférable, mais il allait lui falloir du temps...

[Althéa]

Les missions ... Il y en avait eu plein. Elle les avait enchaînées avec plus ou moins de succès. D'autres avec des blessures. Depuis la naissance de Leodacya, elle était plus ou moins à la retraite, du moins pour le moment. De temps à autre, elle passait assurer son tour de permanence à la guilde, Elissa ne lui avait rien demandé de plus.

Elle n'avait pu s'empêcher de remarquer le désarroi d'Oriane évoquant sa mission. Il y avait sans doute eu un incident. Elle parlait d'échouer alors qu'elle était partie pour protéger. En ville, on parlait d'une famille dont la mère était morte en voyage, elle fit le rapprochement.

Ce fait lui rappela la mission catastrophe à Mélandis qui s'était soldée par la mort de son père. Et c'est elle qui l'avait provoqué. Elle revoyait souvent Thom, mourir par l'épée, et son sang se répandre lentement sur les pavés, à quelques pas d'elle. Elle était condamnée à revivre des milliers de fois cet instant, mille fois à se rappeler. Elle versa à Oriane encore un peu d'eau de vie avant de secouer la tête.

"Non, je crois qu'on ne s'y fait pas. Du moins, pas entièrement. Mais on avance toujours ... Et quoi qui ait pu se passer, je ne pense pas que ce soit un échec. Aucun n'aurait pu revenir"

Elle marqua un temps de silence, pour laisser à Oriane le temps de réfléchir.

"Si tu as besoin d'en parler, je ne serai pas loin"

L'aide lui semblait dérisoire. Mais peut être l'aiderait elle à évacuer quelque peu le souvenir.

[Oriane]

Un silence suivit les dernières paroles de la bretteuse. La jeune femme hésitait, toujours. Elle n’en avait parlé à personne encore. La douleur de la famille avait été bien plus vive que la sienne, sans aucun doute. Elle avait refusé de leur imposer ses propres regrets, ses doutes. Sa peine, quelque part. Mais là...elle était face à quelqu’un...d’extérieur. Quelqu'un qui, sans doute, pouvait comprendre ce qu'elle traversait. Parce qu'elle-même avait du vivre des choses semblables. Elle baissa les yeux, attrapa son verre et le porta à sa bouche, bu une gorgée. Puis elle le reposa, garda les yeux rivés dessus. Et elle commença à raconter, d’une voix lointaine, comme si elle revoyait la scène se dérouler sous ses yeux.

"C’était...terminé. Ils...ces créatures...ni tout à fait mortes, ni tout à fait vivantes, avaient péri. Toutes, sans exception. On était arrivé alors qu’ils s’apprêtaient à...faire quelque chose aux parents. Ils les avaient capturé pendant la...réception. Mais on était arrivé, les enfants, moi. Trois autres personnes qui, je ne sais pas, étaient peut-être là pour enquêter aussi. Et nous avons anéanti ces créatures. Et c’est en allant libérer les parents qu’on a vu...ils avaient eu le temps de tuer la mère. D’en faire une des leurs. Et comme eux, elle est...morte. Tuée par la lumière du soleil. Parce que...nous sommes arrivés trop tard. Je sais, je sais qu’on n’aurait certainement pas pu la sauver. Que les choses auraient pu se terminer plus mal encore. Mais..."

Elle s’interrompit, leva les yeux. La bretteuse semblait l’écouter avec attention, n’avait pas cherché à l’interrompre. Elle soupira et continua :

"Mais je m’en veux. De ne pas avoir été là. De ne pas avoir pu faire plus. D’avoir...pensé, même si ce n’était qu’une fraction de seconde, qu’il valait mieux que ce soit...elle, que leur père. Elle ne méritait pas ça. Personne ne mérite une fin pareille, aussi désagréable, hautaine, méprisante même ait-elle pu être avec les enfants, avec son mari. Avec moi. Elle ne méritait pas ça. Personne ne devrait finir ainsi."

Plusieurs fois, sa voix avait failli se briser sous l’émotion. Les phrases étaient sorties, pêle-mêle, telles qu’elles lui venaient à l’esprit, telles qu’elle s’en souvenait. Elle avait l’impression qu’elles avaient été des plus confuses, se demandait si la bretteuse en avait même compris un traître mot. Elle laissa passer quelques minutes, le temps de remettre de l’ordre dans ses idées, de reprendre un peu le contrôle de ses émotions. Puis elle secoua la tête et reprit :

"Je m’épanche un peu...tu sauras désormais qu’il vaut mieux ne pas me proposer de m’écouter..."

Elle avait essayé de prononcer ces derniers mots sur le ton de la plaisanterie, mais après ce qu’elle venait de dire, même elle se rendait bien compte combien cela sonnait faux.

[Althéa]

Althéa avait écouté le récit d'Oriane sans l'interrompre. Elle avait presque vu l'histoire se dérouler devant ses yeux. Maintenant, elle comprenait le désarroi d'Oriane. Mais que pouvait elle lui dire ? Que ce n'était pas grave alors que quelqu'un l'avait payé de sa vie ? Lui dire que tout allait s'arranger alors que ça n'était pas le cas ? Elle connaissait cette douleur. Et rien à part le temps n'atténuerait cela.

"Ne t'en fais pas. Parle tant que tu en as besoin"

Elle avait versé le restant d'eau de vie. Elle ne tarderait pas à sentir les effets de l'alcool. La première fois qu'elle buvait depuis la naissance de Leodacya. Elle ressentit une pointe de culpabilité.

"Je pense savoir ce que tu ressens, dit elle en repoussant son verre, on peut toujours faire plus .. et parfois, le plus qu'on a pas pû peut être fatal. Laisser quelqu'un sur le carreau. Mais quoi que tu puisses penser, ce n'est pas toi qui l'as provoqué. Tu ne les as pas poussés à Linceul. Ce n'est pas toi qui as voulu cette expédition"

*Pas comme moi*

Un voile de brume passa devant ses yeux.

[Oriane]

"Je ne crois pas que l’on puisse...blâmer la personne qui a organisé cette expédition...Si elle ne l’avait pas fait, si ce n’avait pas été les Banks, ç’aurait été une autre famille, plus tard. Et cette fois, tous y serait passés...Il fallait que ces disparitions cessent. Et pour cela, il fallait que nous y allions..."

Sa voix était lointaine. Comme si elle réfléchissait tout haut. Comme si elle essayait simplement d’analyser des faits, sans tenir compte de ce qu’elle pouvait ressentir. Elle n’était plus certaine de parler exclusivement de cette expérience, faite à Linceul. Elle énonçait juste une...généralité. Une tentative de remettre un peu de distance entre elle et ses souvenirs peut-être...

"Au fond, les seuls responsables sont ceux...qui ont tué cette...femme."

Il lui faudrait du temps, encore, pour réussir à s’en convaincre. Mais elle essayait, presque inlassablement. C'était juste une question de bon sens. Elle n'y était pour rien.

"Cela paraît tellement logique, n’est-ce pas ? Ce n’est pas moi qui tenais l’épée qui a pris sa vie. Nous avons agit aussi vite que possible, compte tenu des obstacles qui se dressaient sur notre route. Et pourtant..."

Elle n’acheva pas sa phrase, secoua la tête. Il y avait un tel décalage entre ce que sa raison lui dictait, et ce qu'elle pouvait ressentir...Mais elle s’était suffisamment laissée aller comme ça. Oui, elle regrettait. Oui, elle s’en voulait. Oui, elle aurait aimé changer ce qui s’était passé. Mais à quoi bon le ressasser ? De plus, elle avait bien vu cette ombre passer dans le regard d’Althéa. Ses propos devaient probablement réveiller en elle des souvenirs douloureux, et dont elle n’avait pas forcément envie de se rappeler...

"Tout ça appartient au passé désormais..."

[Althéa]

Althéa avait lentement hocher la tête. Au fond d'elle, un bon nombre de pensées filaient à toute vitesse.

*Et tu n'es pas partie avec un membre de ta famille. Quelqu'un qui, s'il ne te connaissait pas ne t'aurait jamais suivie. Ce n'était pas non plus ma main qui tenait cette épée, mais c'était pourtant de ma faute. Si au moins j'avais un peu préparé au lieu de me lancer tête baissée dans la gueule du loup*

"Non, rien n'était de ta faute. Alors que c'était la mienne", lui sembla-t-il penser alors qu'elle se rendait compte mais trop tard qu'elle venait de parler tout haut.

Elle s'arrêta d'un coup et regarda son verre d'alcool d'un air désolé. Elle avait vraiment trop bu. Ses yeux se reportèrent sur Oriane.

"Mais je comprends tes sentiments. On se sent toujours mieux quand la mort a pu être évitée. Mais parfois .. ce n'est pas ... facile"

*Surtout quand celui que vous commencez à peine à appeler père reste en arrière pour vous sauver la vie*

[Oriane]

"C’est certain..."

Elle avait murmuré ces mots, songeuse, et s’était tue, baissant les yeux sur son verre quasiment vide. Non, ce n’était pas facile, elle pouvait en témoigner. Et encore, Bérénice n’avait pas été ce que l’on aurait pu appeler une personne chère à son cœur. Si elle avait si mal vécu sa disparition, c’était parce qu’elle était tenue de la protéger et qu’elle avait échoué, parce qu’elle avait vu la douleur dans les yeux de ses enfants et son mari, parce que sa fin avait été particulièrement atroce. Elle n’osait imaginer ce que ça aurait pu être si en plus, elle avait vraiment tenu à elle. Sans doute n’aurait-elle pas pu en parler aussi...facilement. Elle aurait préféré garder ça pour elle, très certainement.

Elle leva les yeux vers Althéa, réalisant soudain qu’un long silence s’était abattu sur la pièce. Le fait que la bretteuse n’ait pas cherché à reprendre tout de suite la parole était en soi assez éloquent, presque autant que son lapsus. Il n’était pas nécessaire d’être un grand génie pour comprendre que ses paroles s’appuyaient sur ses propres souvenirs. Des souvenirs qui la hantaient toujours. Quelqu’un qu’elle non plus...n’avait pas pu protéger. Un proche peut-être. Elle n’essaierait pas d’en savoir plus, pas cette fois du moins.

"On devrait peut-être...arrêter les réminiscences pour ce soir ?"

[Althéa]

Althéa avait hoché la tête et s'était levée doucement. Au moins, sa tête ne lui tournait pas, c'était déjà ça. Elle alla prendre sa cape à capuchon accrochée à une patère d'un geste éloquent. Puis, avec une certaine tendresse, posa son tricorne sur sa tête. Thom l'accompagnait avec ce chapeau là.

"Et si on leur faisait prendre l'air à nos réminiscences ? Tu ne les entends pas ? Elles nous chuchotent à l'oreille, elles veulent prendre l'appel du large !, dit elle d'un ton théâtral, elles ont envie, de s'envoler, de se parer de capes et de crocs pour aller mordre les passants. Et leur jeter leur injustice à la figure. De hurler tous nos manques et nos vagues idées, nos idéaux, nos inspirations, nos doutes et nos contradictions. "

Elle fit un petit sourire malheureux à Oriane et ceignit son épée.

"Et nous lancerons nos réminiscences à Eliaëdel pour qu'elles aillent la mordre. Elles feront plus mal qu'une lame. Et plus important, nous trouverons Elissa"

[Oriane]

Oriane se leva, d’abord hésitante, les paroles d’Althéa résonnant dans son esprit. Puis décidée, envahie par l’envie de répondre à l’appel de ses réminiscences –à moins que ce ne soit celui de l’eau de vie-, de sortir, de ne plus rester assise à attendre qu’Elissa rentre, ou ne rentre pas. Elle s’était reprochée de ne pas avoir été là suffisamment tôt pour Bérénice. Il n’en serait pas de même pour celle qui l’avait accueillie au sein de la guilde.

"Soit, je te suis. Et gare à ceux –ou celle !- qui tenteraient de nous arrêter."

Et, sans attendre de réponse, elle s’engouffra dans les escaliers, pour reparaître quelques minutes plus tard, son épée sur le côté, sa cape sur le dos. Elle s’arrêta sur l’avant dernière marche, prise d’une ultime hésitation. La nuit était tombée depuis longtemps dehors. L’elfe n’était pas rentrée encore. Peut-être attendait-elle, au détour d’une sombre ruelle, que les deux femmes sortent pour terminer ce qu’elle avait commencé. L’image d’Elissa, gisant inconsciente dans l’une de ces ruelles, lui revint à l’esprit et la décida. Cette fois, elle n’arriverait pas trop tard.

"Si tu es prête, je le suis aussi."

Le ton était déterminé. Elle descendit la dernière marche, désignant son épée.

"Mes crocs sont aiguisés, prêts à mordre, à lui faire mordre la poussière si cela s’avère nécessaire."

[Althéa]

Miniquête : deux capes ... et deux crocs ...

Elle avait regardé Oriane, déterminée. Oui, elles allaient partir à la rencontre d'Elissa. Et qu'importe ce qui s'en suivrait. Celui ou celle qui lui aurait fait mal aurait affaire à elles.

"Nous ne faiblirons pas. Coquins, filous, sous-fifres, menteurs et assassins, vous auriez mieux fait de rester chez vous ce soir. Cette nuit, cette nuit est notre. Ysangre et la Goupile sont à vos trousses"

Ce disant, elle ouvrit la porte et attendit qu'Oriane sorte pour fermer derrière elle. Curieusement, elle n'avait pas très peur. A croire que l'alcool accentuait sa témérité. Elle en avait sûrement ingurgité une certaine quantité.

Elle se tourna vers sa compagne d'aventure.

"Je suggérais d'aller droit devant nous. Nous finirons bien par tomber sur quelque chose. "

Elles se mirent donc en route. Quand soudain, devant elle, une ombre noire déboucha dans la rue. Elle s'arrêta brutalement en les voyant, puis poussa un petit cri de panique et partit en courant ...

[Oriane]

La rue était plongée dans une semi obscurité, à peine éclairée par quelques lanternes, qui projetaient d'ailleurs bien plus d’ombres que de lumière. Et silencieuse. Comme s’il n’y avait âme qui vive à plusieurs kilomètres à la ronde. Mais peu leur importait désormais. Enhardies, enivrées par un courage aveugle, par l’idée du risque, et un peu par l’alcool il fallait bien l’avouer, les deux jeunes femmes avançaient d’un pas vif et volontaire, prêtes à braver tous les périls qui viendrait leur barrer la route.

En fait de péril, ce fut une ombre noire qui vint arrêter leur progression. Elle avait débouché dans la rue devant elles. Elle s’était arrêtée, une fraction de seconde, puis était repartie, encore plus rapidement qu’elle était arrivée, comme prise de panique. Passé l’instant de surprise, Oriane lui lança :

"Eh ! Attendez !"

La sommation, loin de faire ralentir l’ombre, lui fit presser le pas. La jeune femme jeta un rapide coup d’œil autour d’elle. Rien ne semblait indiquer la présence d'un quelconque poursuivant ou d'un danger imminent. A moins que ce ne soient...elles, que l'inconnue fuyait comme si sa vie en dépendait. La jeune femme n'hésita pas beaucoup plus longtemps et s'élança à sa poursuite. Après tout, il n'y avait pas mille et une façon de savoir pourquoi l'ombre avait paniqué en les voyant...

[Althéa]

Sans vraiment réfléchir, Althéa et Oriane s'élancèrent donc à la poursuite de l'homme qui manifestement les fuyait. Il allait d'un bon train. Au passage, les deux jeunes femmes notèrent qu'il était vêtu d'un vêtement entièrement noir, portait un long chapeau à large bord et avait à la taille une impressionnante épée ... de bois. Bien que l'homme avait de longues jambes d'échassier, elles ne tardèrent pas à le rattraper. Se retournant prestement, il tira son épée.

"Alors filou, on vous rattrape !, demanda Althéa.
- Hein, mais je ne comprends pas. D'où venez-vous d'abord ?
- Oh, mais ça ne se voit pas, nous venons de la lune. Vous ne le saviez pas ? (*)"

L'homme manqua s'étouffer de surprise. Ses joues et ses oreilles prirent une teinte rosée.

"Et vous ?"

L'homme se tourna vers Oriane dans l'attente d'un peu de secours.

(*)celui qui trouve d'où ça vient aura droit à ... ma reconnaissance (a)

[Oriane]

"Je lis de l’étonnement, non, de l’incertitude dans vos yeux...Douteriez vous des paroles de mon amie ? Pourtant c’est vrai, nous venons de la lune."

Et comme pour donner plus de poids à ses paroles, elle désigna l’astre nocturne d’un geste théâtral et reprit avec emphase :

"Voyez comme elle est belle ce soir ! Aucun nuage ne la cache, aucune brume ne vient troubler sa beauté. C’est la nuit rêvée pour traverser l’éther, de la lune à féérune. Aucun obstacle, une vision parfaite. Avec la lumière des étoiles comme seule guide..."

Elle s’interrompit, reporta son regard sur l’inconnu. A voir son air troublé, presque inquiet, elle ne pu s’empêcher d’éclater de rire, d’un rire franc. S’il s’était simplement demandé d’où elles venaient en les voyant arriver, il devait désormais très certainement s’interroger sur leur équilibre mental. Peut-être était-il temps de rétablir un semblant de vérité. S’efforçant de reprendre un ton un peu plus sérieux, mais sans toutefois se départir de son sourire, elle reprit :

"Mille excuses messire. Nous venons simplement de l’herboristerie, au coin de la rue, et votre fuite éperdue nous a semblée quelque peu étrange...Nous direz-vous qui vous êtes ?"

hrp : je sais, je sais ! Cyrano de Bergerac (a)