La Couronne de Cuivre

Lorsqu'il vit arriver la magicienne, Taliesin lui adressa un sourire de bienvenue. Il était heureux qu'elle soit indemne et qu'elle ait pu rentrer par ses propres moyens. Comme il l'avait dit, il serait parti sans hésiter à sa recherche ; toutefois, ç'aurait été une expédition dangereuse. S'ils étaient retrouvés tous les deux isolés au milieu des bois, les Dieux seuls savaient quelle sinistres rencontres ils auraient pu faire... Mais ils étaient tous réunis, à présent et, au final, il lui semblait que les choses avaient plutôt bien tourné... Ils auraient peut-être même un toit sur la tête et un feu près duquel se réchauffer. Et pas d'attaques d'hallucinations à subir... Pour sûr, il n'aurait jamais espéré cela en se mettant en route, le matin même.
Jetant un regard aux arbres environnants à la recherche de Plume, Taliesin se rapprocha finalement de Belenn, lequel semblait se remettre doucement de sa mésaventure.
-Vous vous sentez-mieux ? demanda-t-il. Vous voulez que je vous aide ? Ou que je vous offre... un petit remontant ?
Après l'aventure qu'ils venaient de vivre, lui-même n'aurait rien eu contre un petit fortifiant...

Alors qu'Arya passait près d'elle, tenant Furet par la longe, Astrée réalisa que la magicienne n'avait sans doute pas suivi tout ce qui s'était passé depuis le début de l'assaut. Et qu'elle devait se poser bien des questions sur le pourquoi de cette attaque.

Craignant qu'elle hésite à faire confiance à leurs hôtes, elle préféra dissiper un éventuel malentendu. Elle lui résuma donc la situation en quelques mots :
- Ils nous avaient pris pour une armée de morts-vivants... Il y en a beaucoup dans les environs, comme nous avons pu le constater, et ils se méfient donc de tous les êtres qu'ils croisent. Une simple erreur d'identification...
Elle ajouta avec un clin d'oeil, sur le ton de la plaisanterie :
- C'est sans doute parce qu'on a des mines de déterrés depuis les évènements de la nuit précédente! Enfin toi, pas trop, mais moi, je n'ose pas imaginer la tête que j'ai après avoir si peu dormi.

Elle se rapprocha ensuite de l'avant du groupe, où leurs hôtes commençaient à se mettre en marche.

Après qu'Astrée l'eut informée en quelques mots du pourquoi de la situation, tout en attendant que tous furent prêts à partir et que la colonne devant s'ébranle à la suite des chevaux de tête, Arya se détendit réellement, comprenant le pourquoi des actes de leurs hôtes et les bonnes intentions qu'ils avaient maintenant à leur égard.

Les dernières heures défilèrent rapidement dans son esprit et, éludant qu'ils auraient pu être emmenés et que les choses auraient été compliquées pour les sortir de là, voire impossibles, elle s'arrêta sur le sourire du barde lorsqu'elle avait réapparu. Ce n'est pas qu'il fut comme tous les autre ravis qu'elle fut saine et sauve qui l'interpelait, mais tout simplement qu'elle ne se souvenait pas de l'avoir vu sourire aussi naturellement et qu'il eut semblé aussi détendu et cela la réjouit.

Puis un autre fait l'interpela, ils étaient sains et saufs, mais comment le clerc avait-il été blessé, certes il semblait en forme et si sur le coup, elle n'avait pas fait attention plus que cela aux traces de sang qui pourtant étaient importantes, seule une arme avait pu engendré une telle blessure ce qui la fit frissonner.

Non loin d'elle, était Kasumi et faisant faire quelques pas à Furet la longueur de la bride étant insuffisante, elle s'approcha de lui.

Qu'est-il arrivé à Belenn pour qu'il ait perdu autant de sang ?

Le groupe chemina entre les arbres pendant de longues minutes. Ils étaient encadrés par la petite troupe qui scrutait les sous-bois avec attention, s’y déplaçant avec une vivacité et une adresse que n’avaient pas leurs chevaux. Pour la première fois depuis plusieurs jours, les voyageurs eurent l’impression de pouvoir complètement relâcher leur vigilance, et c’était extrêmement reposant. Ils n’avaient pas pris, jusqu’ici, conscience de le poids mental de cette inquiétude permanente. Pourtant, la forêt n’avait pas fondamentalement changé d’attitude. Les demi-elfes étaient concentrés sur leur route, et ne semblaient pas oser leur parler, à moins qu’ils estiment ne pas en avoir le temps. La vieille femme, qui s’appelait apparemment Rowena, avait soigné la croupe sanguinolente du mulet blanc avant de faire un parallèle taquin entre l’animal et le clerc, ce qui n’avait pas échappé à Belenn. Le clerc était encore un peu dans les vapes et lorsque Taliesin lui adressa la parole, il le dévisagea une seconde sans comprendre.
« Oh… Oh, non, vous êtes gentil. Je pense que j’ai besoin de m’éclaircir l’esprit, pas de l’obscurcir davantage » répondit-il avec le sourire. « Et je vais bien, merci de vous en enquérir. Et je veillerai à porter mon armure désormais, je vous le promets. Et j'imagine que je vais avoir un peu de lessive et de couture à faire... »
Le chemin qu’ils empruntaient, que leurs hôtes semblaient connaître par cœur, le traçant sans hésiter, ne se distinguait en rien de n’importe quelle partie de la forêt. Heureusement, constatait Astrée, ils ne déviaient pas trop de leur trajectoire originale.

HRP : Je suis absente jusque ce soir. Je vous ferai arriver à bon port à ce moment-là. En attendant, n’hésitez pas à dialoguer et progresser en vous souvenant que la nuit tombe, qu’il fait froid et qu’il neige. Mais essayez (idéalement) de ne pas être au cœur d’une conversation impossible à interrompre… (si c’est le cas, je m’adapterai).

Informée par Kasumi sur la blessure de Belenn, la magicienne se laissa guider par le mouvement. Elle n’avait pas pris conscience immédiatement de la différence qui s’était fait dans son esprit alors que pour la première fois depuis leur départ, ils n’avaient nul tension pour leur sécurité n’ayant qu’à ce laisser guider vers leur gîte de la nuit dans cette forêt aux ondes sinistres, mais les images qui lui vinrent alors qu’elle frissonnait au froid qu’elle ressentait plus vivement que lors de leur avancée jusque là, portant plus d’attention à la neige dont les flocons virevoltaient devant ces yeux et qui tranchaient sur le crépuscule qui ne serait bientôt plus que nuit noire.

Souvenir d’un état d’esprit similaire, elle cheminait sur une sente au cœur d’une forêt et bien que le froid fut moins présent, que le sol fut recouvert de feuilles mortes et non de neige, elle n’avait nul crainte grâce aux guerriers elfes qui encadraient leur groupe tout comme les demi-elfes qui étaient aux aguets du moindre signe de danger.

Un sourire se fit sur son visage alors qu’elle portait son regard sur son cheval et qu’elle revoyait lhach son fière destrier à la robe blanche comme la neige qui recouvrait le sol, elle passa tendrement la main sur l’encolure de Furet comme si elle eut craint qu’il ne prenne ombrage des forts sentiments qu’elle portait à l’animal. Elle ne savait pas plus où elle était que dans cette vaste forêt, elle ne pouvait situer le lieu de ce souvenir qui dansait dans son âme, mais tout comme à l’instant, elle laissait à d’autres le soin de veiller sur sa vie.

Elle se rendit également compte que tout au long de leur périple qui les avaient conduit jusqu’ici, elle n’avait jamais ressenti cette tension extrême qui habitait leurs hôtes veillant sur leur sécurité et que bien qu’elle fut incapable de l’expliquer, elle vit que par ses expériences de vie, elle restait plutôt insouciante au danger et que même durant les quelques heures où elle fut restée seule et attentive à veiller sur leur camp après l’attaque des morts-vivants, elle n’avait eu nulle réelle dimension de ce que cela représentait. Le danger semblait couler sur elle comme s’il n’existait pas vraiment, elle l’affrontait sans réellement le connaître et peut-être sans le prendre à la hauteur de ce qu’il représentait.

Elle avait eu un moment de faiblesse qui avait permis à la drow de prendre possession de son corps, pourtant ce n’était pas la peur de l’ennemi qui l’avait engendré, mais les conséquences de leurs actes sur ses coéquipiers.

Perdues dans ses pensées, elle ne vit pas la racine qui traitresse était sur son chemin. Son pied buta, elle reprit son équilibre de justesse … les images disparurent, elle revint à l’instant présent.

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur était perdu dans ses pensées lorsqu’il sentit qu'Arya s’approchait de lui. La rencontre avec une tribu de demi-elfes l’avait ébranlé. Non pas par la façon dont elle s’était déroulée mais plus parce que ce fait était des plus rares. En tant que race métissée, il n’était pas rare que quelques individus soient rejetés par leur communauté d’origine. Cependant ces derniers étaient trop nombreux pour appartenir à une même famille. Leur autarcie et la raison qui les avait poussé à s’installer dans un environnement aussi isolé et périlleux était un nouveau mystère à éclaircir. Un mystère qu’il se garderait bien d’aborder sans y être invité pour ne pas paraître inconvenant.

La question de la magicienne le détourna heureusement de ses réflexions et il lui répondit de bon cœur :

- Outre le fait que Belenn soit un cavalier exécrable s’il en juge sa propension à chuter de son cheval, il a reçu la seule flèche qui a atteint sa cible si on excepte notre pauvre mulet. Il a du offenser Beshaba ou je ne sais quel esprit revanchard.

Astrée s'était rapprochée de la tête du groupe. La tension qui l'habitait depuis leur entrée dans la forêt maudite avait décrut. Elle se sentait détendue, et observait avec intérêt leurs guides. Ils avaient un air visible de parenté. Elle se demandait pourquoi et comment une famille entière de demi-elfes pouvait avoir choisi de vivre ici, dans une forêt aussi hostile.
Et puis, après tout, elle aussi vivait dans les bois. Et seule, de surcroît. Mais son environnement était loin d'être aussi hostile que le cœur de la forêt maudite. Au contraire, c'était pour elle un véritable petit coin de paradis. Nul mort-vivant ne hantait les environs - à l'exception bien sûr de ceux du vallon obscurci. Jamais il ne lui serait venu à l'esprit de vivre dans un endroit aussi empreint de maléfice.

Elle aurait volontiers questionné leurs guides à ce sujet. Mais sa timidité l'empêchait d'entamer une conversation. Et puis, les demi-elfes étaient visiblement concentrés. Peut-être en apprendrait-elle davantage durant la soirée.
Elle continua un moment de les observer. Elle se sentait une affinité particulière avec eux : comme elle, ils avaient choisi de vivre dans les bois. Comme elle, ils y étaient parfaitement à l'aise, se déplaçant sans rien déranger de la nature environnante. Oui, cette famille lui plaisait.

Elle avait lâché la bride de Romarin, se contentant de guider mentalement le groupe de montures. Elle était heureuse de marcher un peu, de retrouver la sensation du sol sous ses pas, de ressentir la présence des rares animaux qui croisaient leur route. Un hibou. Un renard.
Elle finit par se secouer mentalement : ce n'est pas parce qu'ils étaient protégés par une escouade de demi-elfes qu'elle devait totalement relâcher sa vigilance. Après tout, elle savait sans doute aussi bien qu'eux détecter les dangers des sous-bois. Il faisait presque nuit, et elle n'y voyait goutte. Mais elle pouvait au moins détecter une anomalie éventuelle chez les animaux alentours. Elle laissa donc son esprit vagabonder un moment, cherchant un contact ténu avec les êtres vivants des environs.

Le danger étant maintenant loin derrière et Belenn sur ses pieds, Arya eut envie de rire à la réponse du rôdeur tant celle-ci était imagée comme si ce qui aurait put être un fait grave, n’eut été qu’une peccadille et démontrait une fois de plus qu’il savait aussi bien appréhender le danger que de mettre un peu d’humour dans les risques encourus.

Alors c’est une chance si Tymora est venu à son secours, mais peut-être est-ce seulement Lathandre qui vient de s’apercevoir que nous existons et qui nous en informe par la rencontre de cette communauté demi-elf. Un doux sourire nostalgique vint sur son visage. Nous aussi nous vivons en communauté, bien plus importante certes, mais les liens restent les mêmes, ils sont très puissants. Une pointe de curiosité vint plus vite que la bienséance de ne pas poser des questions indiscrètes, alors qu'elle se rendait compte qu'elle ne connaissait rien de la vie de Kasumi tant les longues heures passées les espris avaient été tournés vers les difficultés de leur mission et non sur les membres du groupe. Lequel de vos parents était-il elfe ?

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur se rembrunit, une douleur obscurcissant un moment son visage avant qu’il ne réponde :

- C’est mon père. Mais c’est ma mère qui m’a élevé. Dès qu’il a été évident que je préférais la vie dans les bois à l’atmosphère policée des rencontres et réceptions diplomatiques. Plus que leur races, c’est leur mode de vie qui les différenciait. Malgré cela, ils s’aimaient, je crois.

Le demi-elfe détourna le regard, le reportant sur le convoi qui progressait toujours rapidement.

Arya ne sut si elle devait regretter de n'avoir pu réfréner ses paroles lorsqu'elle vit le visage de Kasumi que cette réalité qu'elle venait de lui faire dire était bien source de tristesses. Elle hésita un moment à laisser le barde qui semblait maintenant vouloir effacer quelques douloureux souvenirs. Mais, elle ne pouvait pas le laisser penser qu'elle fut indifférente au mal qu'elle avait réveillé.

Ils ne pouvaient que s'aimer puisque vous êtes parmi nous cela est certain. Leurs différences, oui, c'est une réalité que celles de nos modes de vie même si je ne connais pas encore bien celui des humains, j'ai peine à m'y retrouver dans le peu que je connais et à m'intégrer. Mais ... si vous ne souhaitez pas que nous en parlions, je vous comprendrais et n'en prendrait pas ombrage ... c'était juste pour un peu mieux vous connaître ... je suis vraiment désolée de vous avoir peiné.

Quête : un désir de crépuscule

Kasumi adressa un sourire contrit à Arya, sentant qu’elle se sentait coupable de sa propre peine.

- C’était tout naturel. Tu es curieuse, c’est rafraîchissant. Rares sont ceux qui m’ont posé cette question ces dernières années. Ce ne sont pas vraiment des mauvais souvenirs, peut être simplement des regrets. Je n’ai plus eu de contact avec lui depuis la mort de ma mère et mon départ. C’est moi qui l’ai voulu, au début. Puis il était trop tard pour reculer je crois.

Le groupe progressait régulièrement. La forêt semblait à Astrée moins inquiétante, sans doute parce qu'ils n'étaient plus seuls. Les animaux alentours étaient rares, et ne lui apportaient aucune information digne d'intérêt. Elle cessa donc assez rapidement de ce concentrer et préféra, à l'image d'Arya et de Kasumi qui semblaient en grande discussion, profiter sereinement de ces instants de quiétude.
Le neige tombait, flocons blancs silencieux qui nappaient le chemin d'une couche de plus en plus épaisse, crissant sous les pas et masquant les irrégularités du chemin. Le froid qui régnait les obligeait à s'envelopper chaudement dans leurs vêtements.

Astrée ralentit un peu son rythme, se laissant doubler par quelques-uns de leurs chevaux. Comme Arya et Kasumi arrivaient à sa hauteur, elle vit l'air sombre du rôdeur, et devina que leur discussion portait sans doute sur un sujet grave. Elle se demanda ce qui pouvait à ce point assombrir l'humeur de Kasumi. Elle avait cru comprendre, à travers quelques mots assourdis, qu'il parlait de ses parents. Mais, discrète, elle préféra ne pas poser de question ni se mêler de leur conversation qui ne la regardait pas. Elle adressa simplement un sourire amical à son homologue, et se laissa doubler, décidée, malgré sa curiosité, à ne pas interrompre leur discussion.

Elle resta donc quelques pas en arrière. Taliesin et Belenn étaient à quelques mètres seulement, suivis par l'arrière-garde de leurs guides. Belenn semblait se remettre petit à petit de sa blessure, et Taliesin paraissait beaucoup plus détendu qu'il ne l'avait été depuis longtemps.
La nuit s'annonçait nettement moins tendue que la précédente.

Alors qu'ils doublaient Astrée, l’elfe sourit doublement rassurée, elle n’avait pas été inconvenante dans sa curiosité et les souvenirs étaient en fait plus des regrets, même si ceux-ci faisaient mal.

Mais qu’il pensa qu’il put être un jour « trop tard » lui semblait bien étranger, voilà encore un point qu’elle avait peine à comprendre chez les non-elfes, mais il est vrai qu’il lui était encore difficile de gérer cette différence de longévité qui les rendaient toujours pressés d’avancer.

Le rôdeur était donc orphelin de mère et Arya lui offrit un sourire de compassion avant de continuer sur un ton qui reflétait sa manière de penser et d’être sans qu’aucun jugement n’y reflète.

Hier tu as choisi de t’éloigner de lui, tu avais tes raisons, depuis tu as changé et comme il n’est jamais trop tard. Cela peut parfois coûter de faire une démarche, mais si tu te places au moment où tu le retrouve en imaginant le chemin parcouru, alors les appréhensions sont différentes, le tracé semble plus court, plus léger. La réalité de sa race et l’amour qu’ils portent à leurs enfants se lisaient dans le regard d’Arya. Il ne peut t’avoir oublié, les elfes n’ont que peut de descendants et pour eux un enfant est précieux. Il est presque certain que ton père ressente la même tristesse que toi de votre éloignement, qu'il t'a cherché aux mauvais endroits et n'a pu tenter de renouer les liens.

Et il la ressentira bien plus longtemps pensa la magicienne, mais à cela le barde n'y pouvait rien et elle le garda pour elle.

Quête : un désir de crépuscule

Kasumi ne répondit pas immédiatement, chassant les flocons qui s’étaient accumulés sur sa pelisse.

- Non, je me suis détourné de cette voie il y a longtemps, bien avant mon départ. J’ai de l’affection pour mon père mais il ne comprendrait pas la voie que j’ai choisie comme il ne comprenait pas celle de ma mère. Il est resté en arrière, une mer nous sépare désormais. J’espère que je ne te déçois pas trop mais c’est ainsi.

Le rôdeur talonna sa monture et se renfrogna, sombrant dans le mutisme.

Astrée vit le rôdeur s'éloigner, l'air toujours aussi sombre. Elle se demanda un moment ce qui pouvait le mettre dans cet état. Sans doute son histoire personnelle n'était-elle guère joyeuse, pour que l'évocation de ses parents l'emplisse ainsi de tristesse. Il avait visiblement envie d'être un peu seul, et elle l'observa, songeuse, s'éloigner vers l'avant du groupe. Elle se fit la réflexion que tous les membres du groupe semblaient avoir leurs blessures cachées.

Doucement, le groupe approchait de leur destination. Elle le sentait à l'attitude de leurs guides, qui, sans relâcher pour autant leur vigilance, semblaient plus détendus et accéléraient imperceptiblement l'allure.
Il était temps, d'ailleurs. La nuit était tombée, et le froid glacial lui donnait des envies impérieuse de s'assoir auprès d'un bon feu. Sans doute en était-il de même pour ses compagnons. Elle observa à la dérobée Belenn, encore bien pâle, et Taliesin qui semblait plongé dans ses pensées. Oui, il était temps d'arriver.

Arya fut surprise de la conclusion que le rôdeur fit de ses paroles. Peut-être s’était-elle mal exprimée, elle ne portait aucun jugement et celui-ci en gardait tout le respect qu’elle lui portait. Alors qu’il prenait quelque avance, elle se demandait bien pourquoi elle devrait être déçue qu’il en eut décidé ainsi. C’était sa vie, il avait le droit d’avoir pris cette décision. L’elfe savait qu’elle ne pouvait changer ses dires, mais elle voulait que kasumi sache qu’il ne la décevait pas. Elle talonna à son tour sa monture et se porta aux côtés de celui-ci et parla d'une voix douce et calme.

Je ne veux pas t’ennuyer, mais tu dois savoir que rien dans ton choix ne me déçoit et que je ne porte aucun jugement négatif. C’est ta vie et c’est surtout ton droit. Je le respecte tout autant que je te respecte.

Puis, elle retint Furet pour redonner au rôdeur l’avance qu’il avait précédemment prise avant d’avancer au rythme de la colonne.

Son regard s’était perdu au loin alors que ses pensées allaient vers son père. Lui aussi le jour où ils se retrouveraient serait déçu qu’elle eut lié amitié avec d’autres races que la sienne, qu’elle les eut pris pour des égaux et surtout Podrick, l’image de l’enfant apparut dans son esprit et un sourire sur ses lèvres, qu’elle se soit laissée aller à des sentiments pour un humain comme si celui-ci fut son petit frère. Il ne l’en aimerait pas moins, mais il est certain qu’elle aurait droit à des heures de reproches, de tentative de remise sur ce que son père appelait le seule chemin de la vérité. Elle souleva les épaules en souriant, elle supporterait, question d’habitude, si hier ce fut plus volontairement pour contratier ses parents, cette fois ce serait une réalité.

Par ici...

D'ici...

Le petit groupe d’aventuriers reprit ainsi sa route entre les arbres de la Forêt Maudite, d’abord guidés par quelques demi-elfes, puis seuls à nouveau. Les feuilles mortes étaient givrées, et le soleil se leva lentement entre les troncs, sans promesse de chaleur. Il ne neigeait plus, et le ciel bleu indiquait qu’il ferait très froid. Les chevaux cheminèrent tranquillement, à la queue leu leu, comme si le court passage dans le bosquet druidique les avait revigorés, leur insufflant énergie et sérénité. En réalité, ils le sentaient tous : au fur et à mesure qu’ils s’approchaient de la lisière et des collines arides qui deviendraient montagnes, l’atmosphère changeait, graduellement, de moins en moins oppressante, et la forêt retrouvait un semblant de normalité. Ils entendirent bientôt des oiseaux chanter, croisèrent une harde de chevreuils qui s’égailla dans le sous-bois et dérangèrent un blaireau dans son festin de charognard. Ils firent une pause à la mi-journée pour se restaurer et découvrirent avec bonheur qu’on leur avait fourni des victuailles appétissantes, tourte à la viande et pain aux raisins, miche tendre au fromage crémeux et cidre pétillant qui fait immanquablement sourire. Même les plus grognons d’entre eux s’illuminèrent.
Ils continuèrent ensuite leur route. L’orée était de plus en plus proche et les chevaux accéléraient insensiblement, sensibles à la promesse de lumière. Ils débouchèrent finalement à l’air libre en fin de journée, alors que le soleil restait prisonnier de la forêt. Un espèce de soupir collectif s’échappa de leurs poitrines alors qu’ils se dirigeaient vers les quelques lumières du village de bergers où Astrée avait fait étape avec Alice. Elle était désormais toute proche de son refuge, à seulement une journée de cheval de là.

Le hameau n'était constitué que d'une petite quinzaine d'habitations, groupées autour d'une minuscule place centrale où trônait une toute aussi minuscule fontaine. Comme la première fois, personne n'était visible à l'extérieur : tous les habitants semblaient s'être réfugié au chaud, certains s'occupant des bêtes dans les bergeries, d'autres préparant sans doute le repas.
Astrée reconnut sans peine la maison vers laquelle elle s'était dirigée la première fois avec Alice, celle où on les avait si mal accueillies...

Elle mit pied à terre, imitée par ses compagnons, et, sans hésiter, se dirigea vers la porte d'entrée. Avant même qu'elle eût frappée, celle-ci s'ouvrit à la volée : visiblement leur arrivée n'était pas passée inaperçue. La même silhouette impressionnante se découpa sur l'encadrement.
- Qui... Oh, mais je vous reconnais ! Vous êtes Astrée ! Alors vous voici de retour de Luménis?

La porte s'ouvrit largement, et le berger prit conscience de la présence de quatre autres personnes.
- Et vous n'êtes pas seule, je vois.
- Oui, en effet. j'ai amené quelques renforts.... Et je suppose qu'Alice est passée il y a peu, accompagnée par une troupe de paladins?
- Oui, bien sûr. Ils étaient là il y a cinq jours, il me semble. Et cette fois... Cette fois c'était vraiment des Lathandrites, pas de doute! Ils nous ont dédommagés pour toute la nourriture qu'on nous avait volée, et ils ont même organisé une nouvelle battue pour renouveler nos réserves. Votre amie Alice se débrouille rudement bien à l'arc, pour sûr!

Une femme parut à son tour sur le seuil.
- Vous n'allez quand même pas rester dehors par ce froid? Entrez vite vous mettre au chaud, vous serez mieux pour discuter. Et laissez vos chevaux ici, Robert et Arthur vont s'en occuper. Il y a de la place dans la grange du fond. Vous pourrez récupérer vos bagages plus tard.
Astrée ne put s'empêcher de sourire intérieurement en comparant la chaleur de cet accueil à celui, glacial, de la fois précédente. Les paladins avaient visiblement bien fait les choses...
Deux jeunes gens parurent immédiatement, sans doute les dénommés Robert et Arthur, et se dirigèrent vers les montures.

Astrée fit signe à ses compagnons de la suivre, et pénétra, à la suite de leur hôte, dans la grande pièce. Comme la dernière fois, une petite dizaine de personnes étaient déjà attablées, et une bonne odeur de soupe emplissait l'atmosphère.

Quête : un désir de crépuscule

Kasumi entra et salua leurs hôtes tout d’un simple geste polis de la tête. Il préférait laisser l’initiative des présentations à ses compagnons comme s’il avait épuisé ses réserves de sociabilité la veille ou si quelque chose le tracassait.

Il se retint pour ne pas aller prêter main forte à ceux qui s’occupaient des chevaux, sachant que cette simple tâche aurait pu contribuer à le mettre à l’aise. En réalité, il subissait le contrecoup de la baisse de tension depuis la veille. Jusqu’ici, les évènements qui s’étaient enchaînés à un rythme effréné et les tâches qu’il s’estimait seul capable d’accomplir l’avait maintenu loin de la morosité. C’était une attitude ridicule et il le savait mais il n’en ressentait pas moins une certaine gêne dans son rapport aux autres. Former un groupe dans le feu de l’action était une chose, se retrouver à boire le thé avec de presque parfaits inconnus en était une autre pas tout à fait dans ses habitudes.

Pour sa part, Taliesin gratifia d'un salut affable ceux qui semblaient destinés à devenir leurs hôtes du soir. Ses bonnes dispositions de l'aube ne l'avaient pas quitté au fil de la journée : sans cesse, lui et ses compagnons avaient progressé vers l'orée des bois, chaque pas de leurs montures les menant plus loin des spectres, plus loin des souvenirs glacés peuplant l'obscurité. Et, à présent, il se retrouvait au coeur d'un décor qui, s'il ne l'avait jamais vu, ne lui en paraissait pas moins familier. Des hameau de ce genre, il en avait croisé des centaines au cours de ses périples, en solitaire ou, auparavant, sous la conduite de son maître. Presque tout le temps, on les y avait bien accueillis et, en échange de quelques chansons, de quelques contes, on leur avait offert le gîte et le couvert... Il en serait visiblement de même cette fois-ci, à la différence près qu'on les accueillait chaleureusement sans même parler de rétribution. Mais des choses s'étaient joués ici, s'il en croyait les mots échangés entre Astrée et celui qui lui avait ouvert la porte. Les paladins leur avaient préparé le chemin, en quelque sorte, et ils s'apprêtaient à passer une nouvelle nuit, chaude et paisible, loin des frimas du dehors. Bien sûr, le terme du voyage s'approchait, avec ses périls inconnus. Mais ce n'était point temps encore d'y penser : mieux valait profiter du répit qui leur était offert, retrouver des forces, de l'allant. Pour tenir bon, le moment venu.

Entre la disparition progressive de l’oppression et le ciel qui s’annonçait enfin clément, Arya bien emmitouflée pour échapper au froid intense s’était laissée aller à des pensées positives bien qu’elle ne pouvait oublier que bientôt ils seraient face à l’inconnu et que cet inconnu serait probablement bien pire que ce qu’ils avaient vécus deux nuits auparavant.

Le repas préparé par les demi-elfes l’avait réjouit et elle y fit honneur bien que sa faim ne fut pas des plus grandes. Elle leur était surtout reconnaissante d’avoir tant d’égard pour eux, alors que pour leur offrir un tel festin, rien n’avait dû être simple.

La fin de la traversée de la forêt fut comme un soulagement et d’enfin se sentir à l’air libre, Arya ressentit comme une libération d’une étreinte qui n’avait que chercher à l’oppresser. D’autant qu’au crépuscule qui était déjà tombé, répondaient les lumières du village de bergers où ils devaient faire étape et qui permettaient déjà d’espérer de pouvoir passer une nouvelle nuit dans un lieu chaud et sans qu’ils aient à se soucier de leur sécurité.

Suivant ses compagnons, la magicienne pénétra dans la demeure le regard déjà reconnaissant qu’ils furent ainsi accueillis.

Toutes les têtes s'étaient tournées vers eux à leur arrivée. Des sourires apparurent sur certains visages : plusieurs membres de l'assemblée avaient reconnu Astrée, et elle-même reconnaissait certains des jeunes gens qui avaient participé, comme rabatteurs, à la battue qu'Alice et elle avaient organisée.
Un bon feu flambait dans l'âtre, réchauffant agréablement la pièce. Une énorme marmite y trônait, dont s'échappait un délicieux fumet.

On les invita à ôter leurs pelisses, et on leur fit rapidement place à table. Une fille d'une dizaine d'année leur apporta des couverts, tandis que la femme qui les avait accueillis remplissait à ras-bord cinq assiettes de soupe.
Astrée nota immédiatement le changement qui s'était opéré dans l'humeur des villageois. Leur air taciturne avait laissé place à des sourires joyeux. Les paladins avaient sans doute eu à cœur de restaurer l'image des Lathandrites, et y étaient visiblement parvenus.

D'autres bergers entrèrent bientôt et se joignirent à eux, dans cette immense pièce qui semblait servir de salle à manger pour tout le hameau.

Après le repas, les bergers installèrent les cinq aventuriers dans la même maison que leur prêta bien volontiers l’un d’entre eux. Si la petite chaumière était saine et qu’une flambée les y attendait, le confort était spartiate, et ils installèrent leurs propres paillasses sur le sol de terre battue. Leurs hôtes avaient l’habitude de calquer leurs activités sur le soleil, histoire de ne pas gaspiller leur bois et leurs chandelles, qu’ils avaient en maigre quantité. Il était donc encore fort tôt lorsqu’ils se couchèrent, ce qui n’était peut-être pas une si mauvaise idée, compte tenu de ce qui les attendrait dès le lendemain soir. Ils se retrouvèrent donc tous les cinq dans la pénombre, allongés au mieux dans l’espace confiné de l’abri du berger. Le silence plana entre eux pendant quelques minutes, avant que quelqu’un ne s’éclaircisse la gorge.
« Je sais que le moment va sembler saugrenu… Mais je ne sais pas si nous en aurons d’autres… » commença Belenn. « Je voulais vous dire que ça a été un plaisir de voyager avec vous tous, ces derniers jours. Nous courons derrière quelque chose de sinistre, et j’ai l’impression que nous avons omis d’en parler ces derniers jours… Bien sûr, nous disposons de peu d’informations mais… Soit. Ce n’était pas mon propos. Mon propos était que j’étais heureux d’avoir fait votre connaissance, rien de plus. »

Un nouveau silence suivit les paroles du clerc. Comme si personne ne savait ou n'osait répondre.
A sa propre surprise, Astrée s'entendit rompre la première le silence.
- Moi aussi, je suis heureuse d'avoir fait votre connaissance à tous.
Elle hésita, puis poursuivit :
- Je ne connais pas la personne à qui nous portons secours, mais j'imagine que ce doit être quelqu'un de très bien, ou de très important, pour mobiliser ainsi autant d'énergie. Moi j'étais juste venue chercher de l'aide face à cette sombre menace près de chez moi. Je ne m'attendais pas à me trouver entraînée là-dedans. Et maintenant... Maintenant, quoi qu'il puisse se passer là-bas, je voulais vous dire que je suis très heureuse d'avoir pu vous connaître. Il y a de longs mois que je vis seule, presque sans jamais voir personne. Et je me rends compte que... J'ai vraiment apprécié votre compagnie à tous.

Elle se tut, toute étonnée de l'élan qui l'avait poussé à soudain prendre la parole. A croire que l'obscurité favorisait les partages d'émotions.

Bien que la nuit fut déjà profonde, il était encore fort tôt lorsqu’ils se retrouvèrent dans la maison et bien que l’Elfe redoutait déjà que le temps lui paru long tout au long de cette nuit, elle ne rechigna pas sachant que ses compagnons avaient besoin de se plonger de nombreuses heures dans le sommeil et que plus en pourraient en profiter, meilleure serait leur forme.

Lorsque la voix de Belenn retentit, Arya sourit bien que les paroles du clerc lui donnèrent un frisson tant celles-ci en cette nuit qui serait la dernière avant d’être confrontés à cet inconnu redoutable et redouté, disaient à mots cachés que l’un ou l’autre des aventuriers, voire plusieurs ou tous, ne reviendraient pas de cette mission. Tout comme lui, elle était heureuse d’avoir fait la connaissance des rôdeurs, du barde et du clerc, mais elle se refusait de laisser ses pensées voguer vers une telle alternative.

Nous savons ce qui nous attend, nous affronterons ce qui sera sur notre route, nous avons notre foi et notre conviction, je ne connais pas plus le conseiller que toi Astrée, mais je suis là pour les mêmes raisons que vous tous, combattre le mal et l'ombre. Après demain, nous pourrons en parler car nous saurons.
Il est vrai que de cela nous n'en avons pas parler, alors sachez, que je suis également ravie d’être parmi vous, j’ai appris beaucoup et je sais que cela n’est pas terminé.

Taliesin grimaça dans l'obscurité. Il avait l'étrange impression de revivre la scène qui s'était déroulée chez lui, la veille de son départ de Luménis, alors qu'il avait dit tant de chose à Galathée, qu'il avait bordé Victor, avec le sentiment qu'il devait le faire dans l'instant, sous peine de ne plus jamais en avoir l'occasion. Et, à présent, ils commençaient à se dire ces choses, comme si... Comme s'ils ne pourraient plus le faire, bientôt. Comme si c'était la mort qui les attendait au bout du voyage. C'était peut-être vrai, bien qu'il se refusât à le croire. Mais parler ainsi... c'était donner de la réalité, de la force à cette crainte insidieuse. Pourtant, il ne se sentait pas le cœur de se taire
-Ecoutez... fit-il. Je ne jouerai pas les révisionniste : ce n'est pas de mon plein gré que je vous ai accompagnés. Je n'ai pas eu le choix... mais je ne regrette rien. Et je suis bien conscient que j'aurais pu écoper de compagnons de route bien plus désagréables. C'est un plaisir de chevaucher en votre compagnie. J'espère toutefois que les choses ne s'arrêteront pas là et que, bientôt, nous pourrons partager nos souvenir autour d'une chope, à la Bienveillance. Reparler de nos peurs et de nos tourments avec le sourire de vieux vétérans forts de mille campagnes... Je crois que c'est à cela que nous devons penser, pour l'heure. Aux belles choses qui nous attendront lorsque nous aurons réussi. Et combattre les ténèbres pour qu'elles adviennent. Pour nous, pour Luménis. Et pour le Conseiller.
Il eut un sourire amusé. Etait-ce bien lui qui parlait ainsi ? Il fallait le croire. Et ce n'étaient point là menteries. Il appréciait réellement l'entourage qui était le sien dans cette épreuve. Il se rendait compte qu'il y avait là quelque chose de bon. Tous ceux qui, autrefois, avaient formé sa famille, ses amis, ses proches étaient morts ou disparus. Qu'avait-il, à présent ? Galathée et Victor, bien sûr, et c'était immensément précieux. Cela lui suffisait largement. Mais... Mais il ne pouvait pas vivre que pour eux, cloitré dans leur petite maison, n'aspirant qu'à leur seule compagnie. Il y avait les Merlus, aussi, et Valaellyn. Ainsi que le tenancier de la Bienveillance pour qui il se sentait une profonde sympathie. Et, à présent, il y avait eux. Kasumi, le compagnon d'armes de Galathée. Belenn, qui était presque parvenu à le réconcilier avec la gente cléricale. Arya, sa congénère, si détendue en toutes circonstances, si différente pour avoir vécu parmi leur peuple et non parmi les humains. Astrée, aussi, qui avait peut-être vécu des choses similaires à ce qu'il avait connu et qui pourtant, tenait bon... Et même Albérich, au secours duquel ils volaient. Évidemment, il l'avait vu comme un ennemi, comme l'un de ceux lui imposant d'injustes contraintes, comme l'un de ceux tentant de percer ses secrets et de l'envoyer à l'échafaud. Pourtant, il ne pouvait nier la bienveillance du Conseiller. La confiance qu'il lui avait témoigné. La bonté qui émanait de lui et qui semblait presque entrer en contradiction avec les responsabilités qu'il avait envers le peuple qu'il devait protéger;.. Non, il ne regrettait pas d'être parti pour lui venir en aide. Il le lui devait.
Le barde ne s'était pas rendu compte de ce qui se tissait, dans l'adversité, et pourtant... Il devait bien admettre que, peu à peu, son univers se repeuplait de visages, de voix, de noms... Revivre.. Tout cela en faisait partie. Peu à peu, il n'était plus seul. les vivants remplaçaient les morts. Il y avait à nouveau des gens avec qui lutter, pour qui se battre...
Et face à cela, les ténèbres pesaient bien peu.
-Tu guéris... songea-t-il.

Quête : un désir de crépuscule

Kasumi se tenait étendu sur le dos, les mains croisées derrière la nuque dans le noir presque complet de leur petite cahute. Il était tôt pour dormir mais en bon soldat, il savait prendre du repos lorsque l’occasion lui en était donnée. Mais apparemment, ses compagnons, poussés par l’élan de Belenn, étaient plus d’humeur à discuter à la veille de leur épreuve la plus difficile.

Se laissant entraîner sur cette voie, le rôdeur poussa un soupir avant de s’exprimer à son tour d’un air faussement grave :

- Je suppose que j’aurais pu tomber plus mal si j’avais moi-même choisi mes compagnons de route. Grâce à vous, le voyage a été des plus agréables. J’ai pu visiter les endroits les moins recommandables de Luménis avec le meilleur des guides. Mon stratagème consistant à me lever tôt le premier jour m’a permis de faire la grasse matinée pendant tout le reste du voyage et j’ai même pu mon remettre à une rôdeuse émérite pour traverser la forêt sans me fatiguer. A dire vrai, je ne me rappelle pas d’un voyage aussi facile depuis longtemps. Aucun de vous n’a à douter de ses capacités pour les dangers que nous affronterons bientôt. Cela fait bien longtemps que je ne m’étais pas senti appartenir à un groupe et ce sera un plaisir de vous revoir à l’occasion par la suite si la possibilité s’en présente.

A nouveau un petit silence s’installa. Mais pas pour longtemps.
« Bon quand tout sera terminé... Je ne regretterai pas certaines odeurs, je dois l’avouer… » ajouta alors Belenn. « Puisque nous en sommes aux grandes déclarations … Taliesin, mon ami, il faut absolument que vous fassiez quelque chose pour vos chaussettes… Je ne sais pas si c’est elfique, ce goût pour les vieux champignons moisis, mais je parle pour vous et surtout pour votre pauvre compagne… dont je partage une partie non négligeable des caractéristiques… Si vous ne remédiez pas à ça… Vous allez aux devants de graves périls, plus graves mêmes que quelques Sharites embusqués dans un vallon obscur… D'autant qu'ils risquent de vous sentir arriver à des lieues à la ronde... »

Pris au dépourvu, Taliesin demeura d'abord bouche bée. Mais il ne tarda pas à se reprendre : l'intervention du clerc était fort bienvenue pour les tirer des considérations dangereuses qui étaient les leurs l'instant d'avant. Il se hâta donc de répondre :
-Allons, Belenn, vous me décevez : je croyais vos sens plus rafinés... Pour votre gouverne, sachez que toutes les odeurs corporelles des elfes sont considérées comme exquises et que celle de mes chaussettes n'est pas pour rien dans mon succès artistique. De plu, il est de notoriété publique que les champignons poussant sur les pieds des elfes ont de merveilleuses propriété médécinales et gustatives. Vous appreciez ma cuisine, n'est-ce pas ? Et bien, vous connaissez désormais le secret de son goût merveilleux.

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur s’esclaffa à la réponse du barde et en profita pour en ajouter à l’humeur légère :

- Dis-moi, mon cher Belenn, puisque nous en sommes aux grandes révélations, il y a une question que je me pose depuis le début à ton sujet…

Il marqua une pause mélodramatique avant de poursuivre d’un ton enjoué :

- C’est au sujet de ta vocation et d’observations que j’ai pu constater : ton attirance pour l’aube ne te viendrait-elle pas de l’obligation de fuir en vitesse un lit qui n’est pas le tien avant le retour du mari jaloux ?

La Couronne de Cuivre

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