La Couronne de Cuivre

Le garde revint quelques instants plus tard avec un officier qui signifia à Claris qu’elle n’était pas censée quitter la ville :

- Désolé mais vous êtes mis en cause dans une affaire de meurtre et de fait assigné à résidence. A moins que vous ne disposiez d’un laisser-passer officiel.

L’homme qui accompagnait la noble interrompit le lieutenant avec un air calme et serein comme s’il s’était attendu à ce genre de difficultés. De fait, il sorti un parchemin que n’eut pas le loisir de détailler sa compagne mais qui sembla convenir à l’officier. A tel point qu’il s’excusa en s’écartant pour les laisser passer les portes.

Claris n'avait pas bougé d'un pouce devant la scène. C'était l'occasion de vérifier si Bouliakov était aussi influent que ce que son homme de main avait affirmé. Et cela semblait effectivement être le cas. Ce qui le rendait autrement plus dangereux… mais l'on aviserait une fois sur place.

Ne reprenant le mouvement qu'à la suite de son guide, de Corvimande attendit que tous deux se soient suffisamment éloignés des murs avant de reprendre la parole.

« Je vois que vous n'avez pas traîné pour ces papiers. »

Claris avait parlé sur le ton de la conversation, avec peut-être même un soupçon de reconnaissance dans la voix ; mais intérieurement, sans que rien d'extérieur ne le montre, la chose lui semblait tout de même quelque peu douteuse : dans la nuit, l'homme avait fait mine d'ignorer sa situation ; et la matinée n'était pas encore achevée qu'il avait déjà les papiers pour y remédier. C'était certes possible, mais le plus probable était tout de même qu'il n'était pas des plus honnêtes…

L’homme lui adressa un sourire mystérieux en notant bien la curiosité que Claris n’osait pas exprimer clairement. Il répondit d’un ton neutre mais plutôt évasivement - si Claris espérait en apprendre davantage, elle allait devoir insister :

- Oh, ce n’est qu’un document standard que Bouliakov a obtenu auprès des autorités. Bien utile pour les affaires qu’il a à mener. Et aussi dans le cas présent. Mais nous ne devrions pas traîner ici : les hommes de main de Mortesaison ne se laisseront pas distraire par un document.

Mais, eùh ! C'est quoi ce PNJ qui devine systématiquement ce que je fais attention à ne pas montrer ?

« En effet : il serait dommage que nous usions nos armes avant l'heure. »

Un document standard couvrant les cas de criminels en fuite ? L'administration impériale avait certes tout pour plaire ; mais tout de même. Cependant, cela serait traité en temps utile. Claris ne connaissait pas la route, et laissa donc son guide prendre les devants ; mais presser le pas et goûter aux joies d'une véritable chevauchée étaient une perspective qui était loin de lui déplaire.

Les deux cavaliers n'avaient pas encore tout à fait le champ libre car la route était relativement encombrée, les forçant à slalomer entre les chariots vides quittant la ville pour la campagne environnante après la livraison de quelque denrée. Il était toujours possible de quitter la route mais le sable pouvait s'avérer traître par endroit, surtout pour des montures taillées pour la vitesse. Alors qu'il tournait la tête après avoir dépassé un des nombreux chariots, l'homme qui accompagnait Claris s'approcha d'elle et annonça d'un ton calme :

- Ne vous retournez pas : je crois que nous sommes suivis. Au moins quatre cavaliers.

« Quatre contre deux ? Ils faiblissent : c'est deux fois plus facile que mon dernier combat. »

La remarque était-elle sérieuse ? Difficile à dire. Mais Claris ne se retourna pas et ne commit aucune imprudence. Du moins, pour l'instant.
La circulation était désespérante, ne laissant guère plus de liberté qu'en ville ; mais il était tout de même possible d'avancer, ce qui était déjà quelque chose. Deux chevaux, plus légers et moins encombrants que les lourds charriots qu'ils croisaient, pouvaient facilement se glisser entre eux pour les doubler, permettant ainsi de prendre un peu de distance. Le hic était que leurs adversaires pouvaient sans doute faire de même.
Silencieusement, tout en avançant, de Corvimande commença à préparer ses armes, priant pour être en état de se battre.

On continue par là, non ?

L’homme qu’elle avait rencontré à l’auberge ne tarda pas à faire son apparition. Il allait lui aussi à pied, validant ainsi le choix de la roublarde.

- Je suis soulagé de vous trouver ici : j’avais peur que vous vous ravisiez. Etes-vous prête à partir ? Nous ne sommes pas encore en retard mais il ne s’agirait pas de traîner si vous voulez commencer l’épreuve en même temps que vos concurrents. Si vous avez des questions, c’est le bon moment pour les poser : nous allons marcher jusqu’à l’extérieur de la ville puis nous emprunterons un raccourci.

La roublarde répondit de la façon la plus directe possible, en passant devant son guide pour entamer leur petit périple.

"Alors ne traînons pas. Si tu restes derrière moi, indiques moi le chemin au moins que je sache pas où aller. Et puisque nous allons cheminer un bout de chemin ensemble, as -tu un nom?"

Dit-elle, plus pour s'assurer une sympathie susceptible de lui être bénéfique que de vraiment se lier à quelqu'un dont elle se fichait comme de sa première dent.

L’homme se contenta d’abord d’emboîter le pas de Rowan mais elle était certaine qu’il avait souri suite à sa remarque directe :


-Mon nom est Duncan si tu tiens à le savoir mais nous ne pourrons pas passer très longtemps ensemble. En tous cas avant l’épreuve. Nous allons juste nous éloigner des défenses de la ville puis je nous téléporterai à proximité du manoir Bouliakov.


Après une demi-heure de marche au cours de laquelle ils n’échangèrent que peu de paroles, Duncan lui indiqua une zone entourée de cactus en bordure de la route.


-Ici ce sera parfait. Donne-moi la main.

L'homme ne fit pas aussi grand cas de ce geste qu'il jugeait certainement anodin, même après le duel qui aurait pu s'avérer mortel livré la veille. Il sortit ensuite un parchemin de sa besace, se concentra quelques instants en fermant les yeux - signe qu'il ne s'estimait pas du tout en danger - puis prononça des paroles incompréhensibles à Rowan.

Le monde devint flou, se brouilla tout à fait. Un grand éclair aveugla la roublarde et, quand elle recouvrit la vue, elle était ailleurs, non loin d'un domaine verdoyant comme elle en avait rarement vu en plein désert.

- Nous y voici : nous avons raté le banquet mais les festivités ne font que commencer !

Il ne restait plus qu'à se diriger vers la muraille enserrant la grande bâtisse principale et ses jardins luxuriants. Une dernière occasion d'assouvir quelque curiosité peut-être.

Venant d'ici

Ah. En effet, Claris avait initialement eu interdiction de quitter la ville ; forcément, cela pouvait avoir fait quelque peu désordre. Peut-être l'« affaire » Mortesaison avait-elle également évolué durant ces quelques jours.

« Je vous écoute. »

La caserne serait donc sa première destination, avant d'avoir à choisir entre aller voir au manoir si son père était de retour et retourner à la Mélandienne d'Argent.

L’officier attendit qu’elle soit descendue de cheval avant de l’entraîner à sa suite dans sa guérite. Les quatre hommes de son escorte restèrent quant à eux en selle, attentifs aux mouvements des gardes au cas où il faille défendre la noble qu’on les avait chargé d’escorter. Le mélandien piocha un feuillet sur l’unique bureau encombré et le relut rapidement avant de répondre à Claris :

- Le capitaine Braquemard souhaite s’entretenir avec vous au sujet de l’affaire Mortesaison et nous avons pour ordre de vous escorter dès votre retour en ville. La missive stipule en outre qu’il vous sera demandé de justifier certains de vos déplacements. C’est tout ce qui est écrit.

Rien que de très naturel, en somme, compte tenu des circonstances.

« Ce sera donc ma prochaine destination. J'ai déjà ma propre escorte ; mais je peux la renvoyer si vous préférez que vos hommes m'accompagnent. »

Évidemment, l'objectif de cette « escorte » serait sans doute moins de veiller à sa sécurité que de veiller à sa destination, aussi n'était-il sans doute pas la peine de tenter de décliner « l'offre ». D'un autre côté, Claris ignorait quelle était censée être la conduite à tenir vis-à-vis de la garde personnelle d'une autre maison que la sienne, aussi prendre ceci pour prétexte à écourter les adieux, et éviter de devoir éventuellement les traîner entre son domicile et la Mélandienne d'Argent, le cas échéant, n'était pas une mauvaise chose.

L’escorte octroyée par la dame Bouliakov n’avait comme mission que de raccompagner Claris en lieu sûr. Cet objectif pouvait être considéré comme atteint avec sa prise en charge par la garde de la cité. Les quatre cavaliers ne firent donc aucune difficulté pour laisser la main à deux gardes des portes. Après avoir salué la jeune noble, ils se dirigèrent vers une auberge où ils pourraient passer la nuit : retourner au domaine à présent aurait été imprudent étant donné l’heure tardive.

Les deux gardes qui l’accompagnaient à présent vers la caserne ne semblaient pas véritablement désireux d’entamer la conversation aussi Claris devrait certainement en prendre l’initiative ou alors rester seule avec ses pensées. Cependant le trajet ne serait guère long même si elle choisissait cette option.

HRP : tu peux poster à la caserne si tu ne veux pas d'une petite conversation en route.

Alexiel, "tout frais" sorti du désert

Le semi-elfe avisa les remparts de sa cité avec un soulagement bien compréhensible au terme d'une route aussi longue et aussi fastidieuse. Les murailles étaient hautes, les voyageurs, pressés et peu nombreux à présent que la voie commerciale avec Manost était coupée, mais suffisamment pour créer une file d'attente. Il força sa patience. Son cheval était à moitié mort ; il mijotait dans son armure ; sable et poussière lui irritaient le cuir - comme d'habitude. Au moins avait-il réussi à parvenir en ville avant la nuit. Il pourrait dès ce soir commencer sa tournée des tavernes, si toutefois il en trouvait l'énergie... Ce maudit soleil drainait toute force vitale aussi sûrement qu'un vampire.

Mettant son cheval au pas, il s'approcha son tour venu de la sentinelle, espérant que les formalités ne le retarderaient pas trop. Avait-on changé les mesures de sécurité en raison de la guerre, ou laissait-on circuler les espions en toute quiétude ? Il n'allait pas tarder à l'apprendre.

Il nota que les gardes habituels étaient désormais épaulés par des clercs qui, a voir leurs gestes, traquaient toute trace de bien chez les nouveaux venus. Vu l'heure, ceux-ci n'étaient pas légion, si bien qu'il n'eut guère à attendre avant que n'arrive son tour.
Le soldat qui lui fit face le toisa avec attention et son expression se modifia légèrement : la rudesse décomplexée avec laquelle il traitait sans vergogne les visiteurs modestes s'atténua pour laisser place à un soupçon de déférence. En effet, même s'il portait les stigmates de sa traversée du désert, Alexiel n'en présentait pas pour autant l'allure d'un gueux...
-Salutations, messire. Veuillez décliner vos nom, profession, état ou cité d'origine, ainsi que les raisons de votre présence à Melandis, dit-il, poli.

Alexiel hocha à son tour poliment la tête. Ça ne coûtait rien, ça flattait le quidam et ça pouvait souvent aplanir les choses, alors pourquoi s'en priver ?

« Je me nomme Alexiel et suis citoyen mélandien. Je viens de terminer un contrat de mercenaire et suis de retour en ville le temps d'en chercher un nouveau... »

Tout cela était plus ou moins vrai, à condition de ne pas être trop regardant sur les détails, faute de quoi le mercenaire se transformait en pillard et la quête de contrat en recrutement d'associés. Mais c'était le genre de détails qui n'intéressaient guère le poste de garde. Le semi-elfe sourit au clerc qui venait de lui appliquer une détection du mal et lui fit un petit signe de la main : le malheureux venait de se prendre son aura en pleine figure...

Remarquant le phénomène, Ghuldrir se fendit d'un large sourire et s'écarta aussitôt du chemin du chevalier noir.
-Et bien, messire, je vous souhaite un bon retour à Melandis et la prompte signature d'un nouveau contrat ! Vous pouvez passer.
L'avantage, avec la mise en place des nouvelles mesures de sécurité, c'est que les gardes avaient une meilleure idée de qui étaient ceux auxquels ils avaient affaire. Et, par conséquent, ils s'évitaient d'éventuels ennuis. Se montrer discourtois avec un puissant qui faisait mine de ne pas l'être, ça n'était jamais très indiqué.

Bien qu’elle ait marché vivement jusqu'ici depuis la maison de sa mère, Kahanne ralentit prudemment en apercevant les gardes. Elle leva bien la tête, se tint droite, vérifia que son épée ne dépassait point de son fourreau, s'épousseta et approcha un gardien.

Bonjour sire, je suis Kahanne, je viens des terres agricoles de Melandis et je me rends en ville ce jour. J'ai ici 10 pièces d’or pour les formalités. Comment procédons nous ?

Elle avait tenté de garder une voix claire et assurée mais elle n’avait pas fait face à un humain, et certainement pas dans une telle armure, depuis des mois. Il lui faudrait s'habituer à vivre dans un monde pensé pour les personnes de grande taille désormais. Elle fut pris d’un sentiment d’immense tristesse en pensant à toute la sueur que ces 10 pièces d’or lui avaient coûtées.

Elle énonça également son intention de trouver la bibliothèque.

En entendant la dernière remarque, le garde partit d'un grand rire moqueur.
-Et depuis quand les péquenauds, ça s'intéresse aux livres ? Et depuis quand ça sait lire, d'ailleurs ?
Kahanne n'avait pas eu de chance : elle s'était présentée aux portes au moment ou était de faction le dénommé Ghuldrir, connu pour la méchanceté dont il faisait preuve face aux gens du commun, méchanceté qui n'avait d'égale que son obligeance vis-à-vis des puissants.
-Bon, et si t'arrêtais de me raconter des salades ? Explique-moi plutôt la vraie raison de ta venue ici. Tu t'es fait virer de la ferme où tu bossais et tu t'es dit que tu trouverais du travail ici, pas vrai ? Hum, et dis-moi, ces dix pièces d'or... Tu les aurais pas volées, des fois ?

Kahanne, vexée, se dit qu'elle n'avait vraiment pas de chance de tomber sur un humain aussi raciste, classiste et mal embouché. Elle resta calme car il ne s’agissait pas d'échouer dès les portes et de repartir la queue entre les jambes à la ferme.

Non sire, je ne les aient pas volées mais gagnées au marché, en vendant les culture de la ferme familiale. J’ai bien appris à lire et je me rends en ville pour étudier la section "herboristerie et agriculture" afin de savoir comment éviter une nouvelle perte de récoltes au prochain hiver. je ne veux causer aucun ennuis sire, je ne fais que me soucier du bien être des habitants de Melandis.

Le garde rit de plus belle.
-Si tu te souciais vraiment de leur bien-être, tu serais pas venue les enquiquiner... Bigre, j'imagine déjà la tête des archivistes de la bibliothèque, quand ils te verront entrer et devront te ficher dehors pour éviter que tu salisses leurs belles salles et leurs précieux bouquins... En fait, les seuls qui vont être contents, ce sont les voleurs qui pourront te délester de ton or... D'ailleurs, je me demande si je ne devrais pas le prendre, histoire qu'il tombe pas en de mauvaises m...
Il s'interrompit, jeta un regard en direction d'un officier fraichement apparu, sans doute pour mener une inspection. La sentinelle grimaça, soupira, griffonna quelque chose dans son registre.
-Allez, passe, et plus vite que ça ! Et surtout, te fais pas remarquer. On sait comment traiter les fauteurs de troubles, à Melandis.

Assez haut pour que l’officier l'entende, Kahanne s'écrit
Merci pour votre patience sire, il en faudrait plus des comme vous.

Puis elle se dirige vers le Bureau des Nouveaux venus, suivant les pancartes le nez en l'air.

Sitôt la guerre contre Manost et Luménis terminée, les mesures de sécurité exceptionnelles temporairement instaurées à l'entrée de la Cité du Chaos avaient été levées. Ghuldrir, qui appartenait depuis des années à la brigade chargée de la surveillance des portes, avait accueilli ce retour à la normale avec soulagement : devoir travailler de concert avec des mages et des clercs prétentieux, être sans cesse surveillé par des officiers tatillons, cela ne lui avait pas plu, pas plus du tout. Non, décidément, rien ne valait la bonne vieille routine, aussi ennuyeuse soit-elle.
-Nom, prénom, cité ou État d'origine et raisons de votre venue en ville, lâcha-t-il avec son habituelle rudesse lorsque Roye se présenta devant lui.

Roy fut interloqué par la question du garde... En effet son esprit s'en était allé dans le monde des rêves pendant que ces yeux contemplaient les remparts. Il finit par sortir de ses rêveries et se prépara à répondre aux questions, il lui semblait respectable de retirer son capuchon. Sa magnifique chevelure d'argent apparu et d'un geste de main il se dégagea le visage..:

- Je me prénomme Roye, la raison de ma venue dans votre cité est que je suis à la recherche d'un endroit pour m'établir, en passant dans les parages je n'ai pu rater les remparts impressionnants..! J'aimerai entrer pour visiter et savoir si vos murs peuvent me convenir. Quand à mon nom et l'endroit d'où je viens, croyez moi ils n'ont pas d'importance puisque j'ai fait la décision d'enterrer mon passé. Quoi qu'il en soit ma visite au sein de votre cité se fera dans la plus grande discipline et ne troublera en aucun cas l'ordre.

Roye n'était pas sûr que le choix de ne pas dévoiler ses origines étaient le bon mais ainsi était la vie qu'il avait fait le choix de suivre depuis son départ de la maison de maman, si le garde n'acceptait pas ces conditions il rebrousserait chemin et chercherait un autre endroit susceptible de l'accueillir...