La Couronne de Cuivre

Quête : Le hasard fait bien les choses.

Korridwen sourit comme la porte s'ouvrait sur une jeune femme en tablier blanc, accompagnée de trois marmots turbulents. La jeune femme se leva et posa une seconde une main compatissante sur l'épaule d'Angèle.
" Nous ne craignons pas les paladines, ne vous en faites pas. Vous n'êtes pas la première que nous rencontrons, souffla-t-elle avec douceur. Et surtout n'apportez rien... Nous vous recevons avec plaisir."
Elle s'approcha ensuite de sa nouvelle cliente, arrachant in extremis un chapeau de soie aux mains d'un gamin hirsute qui ne devait pas avoir plus de quatre ans.

Quête : Le hasard fait bien les choses

Angèle hocha la tête et gratifia Korridwen d'un véritable sourire.

"Merci pour tout, souffla-t-elle et à ce soir donc ..."

Et discrètement, elle quitta la boutique et parvint à regagner sans mal la taverne. Sur place, elle demanda au tavernier s'il pouvait frapper à sa porte avant la tombée du jour. Elle avait douloureusement sommeil et elle savait que sans sieste, elle piquerait du nez malgré elle avant que le souper fut entamé. Elle sortit de son paquetage une chemise blanche quelque peu défraîchie par le voyage ainsi que des hauts de chausse et des braies neuves - ses vêtements les plus élégants attendant malheureusement dans un coffre au pied de son lit à Manost - et les étendit sur une chaise. Elle s'allongea alors dans son lit, s'enroula dans sa cape et s'endormit.

Trois coups brefs à sa porte la tirèrent du sommeil. Elle se dépêcha de s'habiller après une toilette sommaire et un repeignage en règle. Et elle parcourût de nouveau le chemin jusqu'à la chapellerie.

Quête : Le hasard fait bien les choses.

La chapellerie était plongée dans les ténèbres, mais il y avait de la lumière au premier étage, et lorsqu'Angèle frappa, il ne fallut que quelques secondes avant qu'un visage n'apparaisse à la fenêtre. C'était un enfant d'une dizaine d'années, une petite fille, qui lui sourit et lui fit signe. Une lueur apparut dans la chapellerie et la porte s'ouvrit sur Corentin.
" Bonsoir, bienvenue." dit-il amicalement, avant de s'effacer pour la laisser entrer.
Il portait une lampe à huile et se fraya un passage dans la boutique encombrée, jusqu'à l'arrière-salle, derrière un rideau, d'où partait un escalier.
" Préparez-vous, ça pique les yeux." ajouta-t-il au moment de l'introduire dans la pièce qu'elle avait aperçue de la rue.
En effet, le contraste de lumière entre le couloir obscur et la salle à manger était terrible et un moment, elle dut fermer les paupières. Quand elle les rouvrit, elle découvrit une grande table en bois sombre, autour de laquelle était rassemblée toute la maisonnée : Korridwen et Gwenaëlle, bien sûr, ainsi que sept enfants de quatre à dix ans, environ, dont manifestement un groupe de triplés, et... un homme qui était manifestement le frère jumeau de Corentin. Ils n'avaient pas encore commencé à manger mais c'était déjà un joyeux capharnaüm autour de la table.
" Bienvenue à vous, Angèle. Prenez place !" dit Korridwen, à moins que ce ne soit Gwenaëlle, en lui indiquant une place libre, du côté adulte de la table.

Quête : Le hasard fait bien les choses

Compte tenu - ou peut-être plutôt grâce - au peu de temps en leur compagnie, Angèle supposait apprécier les enfants. Au Coeur Radieux, elle croisait bon nombre de novices mais qui déjà filaient doux. Avec Morgan, elles avaient toujours éludé la question d'un accord tacite sachant que leur situation, leur statut, la biologie et la morale auraient de toute façon réduit à néant toute envie. Leur couple, comme tout ceux formés par deux personnes du même sexe n'avait pas de statut, totalement clandestin. Et si Morgan avait une famille tolérante, il n'en était rien de son coté. Et quelque part, quelle vie auraient-elles offert à un enfant l'une ou l'autre ? Une ménestrelle passant sa vie entre Melandis et Manost ou une paladine n'ayant jamais vécu que pour son Ordre ? Et il y avait eu Yorven, l'écuyer dont elle s'était occupée depuis son plus jeune âge. Elle l'avait instruit et éduqué, lui avait appris à lire, à se battre, à compter, à réfléchir et à lasser ses chaussures. Puis elle l'avait vu devenir adolescent, tomber amoureux - elle s'était souvent demandée ce que devenait Chandara - et mourir.

Mais c'est un rien inquiète qu'elle avisa la ribambelle d'enfants dont elle avait écouté distraitement le nombre. Sept paladins étaient un nombre peu nombreux. Sept prêtres étaient des puissants alliés. Mais sept enfants excités à table c'était ... tout simplement redoutable ! C'est amusée qu'elle se rendit compte que Korridwen et Gwenaëlle avaient épousé des jumeaux. A vrai dire, elle aurait pu s'y attendre. D'ailleurs, Morgan ne l'avait-elle pas mentionné une fois ou l'autre quand elle parlait de sa famille, de l'autre coté des mers. Des neveux et nièces qu'elle aurait tant aimé rencontrer. Il y avait des jumeaux et des triplés. Trois ... Leur efficacité devait-être redoutable et les journées à leurs coté bien remplies.

Elle répondit par un "Bonsoir" enthousiaste et s'assit à la place désignée, soulagée malgré tout de se trouver du coté des "adultes".

Quête : Le hasard fait bien les choses.

La marmaille se révéla en fait moins tonitruante que prévu. Une fois le repas apporté sur la table, un impressionnant gigot en sauce, appartenant sans doute à quelque bovidé gigantesque, des pommes de terre en chemise et une copieuse salade, les enfants se mirent à manger en devisant tranquillement, ne prêtant plus la moindre attention aux cinq adultes. Gwenaëlle présenta son mari, Jehan, à Angèle, bien qu'elle l'eut déjà brièvement rencontré dans l'après-midi, lorsqu'il était venu la quérir dans la chapellerie. Ils s'enquirent de sa traversée, de ses premières heures à Luménis, de l'accueil à la Bienveillance, puis les deux hommes rejoignirent leur progéniture pour gérer le rangement et la vaisselle, tandis que les deux soeurs restaient aux côtés d'Angèle, sirotant une infusion.
" Nous sommes désolées si nous avons pu paraître froides, plus tôt, quand vous nous avez annoncé la mort de Morgan, mais...
— Nous savions que cela arriverait avant qu'elle nous revienne. Nous ne l'avons pas vue pendant tout ce temps. Malgré les lettres... Vingt ans... Nous n'avions pas quinze ans quand elle est partie.
— Pas quinze ans, non. Alors loin des yeux...
— Ce n'est pas que nous ne la considérions pas comme notre soeur, simplement...
— Simplement les liens du sang ne sont pas toujours aussi forts que le veulent les livres et les chants de barde.
— Vingt ans, ce n'est pas rien, non. Pas rien.
— Mais votre chagrin à vous est légitime.
— Et nous voulons le respecter."

Quête : Le hasard fait bien les choses

Angèle ne comprenait que trop bien leurs propos. Avec le temps, les liens se défaisaient, devenaient de simples boucles. Les vies continuaient. Et même si persistaient les pensées, chacun s'en allait de son coté. Et puis les souvenirs s'estompaient ... Loin des yeux, loin du coeur. Korridwen ou Gwenaëlle venait fort bien de le résumer.

"Je suis venue ici pour lui dire au revoir. Mais je suis certaine que si elle avait été encore là, elle aurait effectué le voyage avec moi. Avant son voyage à Melandis, qu'elle pressentait son dernier, elle m'a souvent reparlé du passé, de ceux qui, pour elle, avaient constitué ce qu'elle avait de plus précieux. Et vous étiez du nombre toutes les deux. Elle parlait de revenir quelque temps à Lumenis, et m'en parlait de plus en plus. Chaque fois, je crois qu'elle avait honte d'avoir laissé filer les années et chaque fois elle remettait son projet de voyage à plus tard. La dernière fois qu'elle m'en a parlé, elle était décidée. Mais Melandis ne lui en a pas laissé le temps."

Elle avait eu du mal à trouver les mots juste et beaucoup plus à les formuler. Elle ne cherchait pas à les faire changer d'avis, simplement qu'elles sachent.

"Y a-t-il quelque chose que je puisse faire, des effets personnels que vous auriez aimé voir restitués ? Ils se trouvent pour le moment dans une maison à Manost que Morgan m'a .. léguée. Mais je pourrais sans mal vous les faire parvenir ..."

Elle aurait tant aimé permettre à son amie de remonter le temps, et d'aider ses soeurs à se souvenir ...

Quête : Le hasard fait bien les choses.

Les paroles d'Angèle semblèrent toucher les deux soeurs et leur regard se fit trouble, même si aucune larme ne perla au coin de leurs paupières. Mais lorsque la paladine parla de leur restituer des traces de la disparue, Korridwen et Gwenaëlle secouèrent la tête de concert.
" Vous êtes sa famille, Angèle. C'est à vous de garder ses effets et à vous de cultiver son souvenir. Nous avons ses lettres et nous avons nos vieilles anecdotes de jeunesse. Nous avons ce qu'elle a laissé en partant, aussi.
— Il faudrait sans doute prévenir Brandon qu'elle est morte, désormais. Cela ne mettra pas son coeur en paix, mais peut-être pourra-t-il passer à autre chose ?
— Tu rêves.
— Je rêve.
— Mais nous nous en chargerons."
Elles se tournèrent vers Angèle.
" Est-il quelque chose que nous puissions faire pour vous ?"

Quête : Le hasard fait bien les choses

Elle n'avait jamais envisagé être "la famille" de Morgan. Plutôt la moitié d'un couple illégitime ou au mieux, une éternelle fiancée. Le mot la fit sourire. Elle pensa à ce Brandon dont parlaient les jumelles. Alors, lui aussi avait été marqué irrémédiablement. Il n'y avait pas d'atténuation possible à part le passage du temps. Jamais ils ne pourraient oublier, simplement se résoudre à l'absence. Laisser le souvenir les porter au présent plutôt qu'il se transforme en poids vers le passé. Continuer d'avancer même si rien ne serait jamais plus pareil.

"J'aimerais continuer d'avoir de vos nouvelles. Si vous le voulez bien, bien entendu. Ma plume est beaucoup plus aride et moins précise que celle de Morgan, mais je réponds toujours."

Quête : Le hasard fait bien les choses.

" Ah ça, la plume de Morgan ! fit l'une des jumelles, Gwenaëlle, sans doute, en levant les yeux au ciel, amusée.
— Votre requête entre dans le champ de nos compétences." ajouta l'autre avec un sourire.
La première allait renchérir lorsqu'un vent froid sembla souffler soudain dans la pièce. Les deux jumelles se raidirent, Angèle eut juste le temps de voir la première grimacer, la seconde jurer à mi-voix, et brusquement, toutes les lumières s'éteignirent, bougies et lampes soufflées de concert. La paladine sentit une main prendre la sienne et la serrer doucement.
" N'ayez pas peur, ça arrive de temps en temps..."
Il faisait désormais un noir d'encre, hormis pour les lueurs ténues qui leur provenaient de la rue endormie. Puis une clarté blanche, presque aveuglante, jaillit d'un coin de la table et Angèle découvrit qu'elle provenait d'un des enfants. C'était un petit garçon d'environ six ans, mince et blafard, les yeux bleus grands ouverts, qui luisait ainsi, assis sur sa chaise. La jeune femme entendit quelqu'un soupirer sur sa gauche, puis une petite voix maugréer de mauvaise humeur un peu plus loin.
L'enfant lumineux se leva puis joignit les mains devant lui, fermant les paupières un instant. Quand il les rouvrit, ses yeux eux-mêmes étaient éclatants, comme ouverts sur le soleil.
" Délivrance, délivrance du condamné,
Même si le coeur saigne, il peut soigner.
Car l'Ange est venu, l'Ange de générosité.
Il peut guérir et pardonner."
Puis il se rassit et poussa un profond soupir, s'éteignit, disparaissant dans l'obscurité.
Quelqu'un toussa.
Et les lumières revinrent aussi subitement qu'elles s'étaient effacées, révélant une famille qui, loin d'être stupéfaite, paraissait légèrement lassée.

Quête : Le hasard fait bien les choses

Angèle était restée totalement immobile, les yeux écarquillés gardant serrée la main dans la sienne. Elle ne put pour autant s'empêcher de trembler devant l'enfant auréolé de cette lumière surnaturelle proférant de bien étranges paroles. Elle n'avait pas crié, ni bondi de sa chaise, ne s'était pas enfuie. Comme si la surprise l'avait soudain rendue impotente et muette. Ou parce que l'une des jumelles l'avait prévenue. Lorsque revinrent les lumières, elle se rendit compte que la famille ne semblait pas plus chamboulée que cela. Au contraire, légèrement lassée, comme s'il avait s'agit d'une ... mauvaise habitude.

Elle avait rendu sa main à sa propriétaire en espérant ne pas lui avoir fait mal avec un petit sourire gêné. Ses yeux emplis de questions se posèrent tour à tour sur le petit puis sur sa famille puis de nouveau sur lui. Elle prit le temps de respirer pour retrouver ses esprits. Elle ne savait pas quoi dire, et si les questions se précipitaient dans sa tête, elle n'arrivait à en formuler aucune. Qu'était donc ce prodige ? Et que venait-il de se passer au juste ? Ce n'était pas banal, assurément. Habituel certes mais pas banal.

Elle parvint in extremis à ne pas croiser les bras en un mouvement instinctif de replis, posa simplement ses mains sur ses cuisses. Elle parvint aussi à ne pas se cramponner à ses hauts de chausse, ce qui relevait du miracle. Elle regarda seulement le petit garçon pour d'abord s'enquérir que tout allait bien. Puis elle ouvrit la bouche, ne parvint dans un premier temps qu'à émettre une sorte de coassement, toussa et se reprit.

"Est-ce que cela arrive souvent ?", fut la première question qui lui vint à l'esprit.

Quête : Le hasard fait bien les choses.

Le petit garçon paraissait parfaitement indemne et n'avait manifestement qu'une vague idée de ce qui venait de se produire : il semblait le deviner davantage à l'expression de ses proches qu'à un quelconque effet sur lui-même. Mais juste à côté de lui, une petite fille plus âgée lui souriait, tranquille, aussi fut-il relativement protégé des soupirs et des grommellements de certains autres. Corentin, à moins que ce ne fut Jehan, emmena une partie de la marmaille vers la cuisine, tandis que les autres se préparèrent à aller dormir.
" Owen a toujours été... une sorte de médium, dit finalement Gwenaëlle. Déjà quand il était bébé, il s'illuminait de temps en temps dans son berceau, de manière imprévue...
— Nous l'avons fait voir par un clerc... qui n'a rien décelé de démoniaque en lui... mais qui n'a pas pu chasser l'entité non plus... En fait, nous ne sommes pas certains qu'il y ait une entité.
— Comme cela n'a pas d'effets négatifs, hormis ces petits... spectacles imprévus, nous le laissons être ce qu'il est.
— De toute façon, il n'en a pas vraiment conscience.
— C'est ennuyeux devant les invités, c'est sûr.
— Mais c'est sans danger, absolument sans danger."

Quête : Le hasard fait bien les choses

"Les invités doivent sûrement s'habituer ...", dit-elle avec une douceur certaine.

Ou peut-être prenaient-ils peur et ne revenaient-ils plus. Ou peut-être refaisaient-ils le voyage par curiosité malsaine. Elle n'espérait ni l'un ni l'autre. Depuis qu'elle avait quitté Manost, elle avait été témoin de plusieurs prodiges notamment les rives d'un plan étrange dont elle ne soupçonnait pas l'existence. Mais curieusement, c'est ce dont elle venait d'être témoin qui la touchait le plus. Parce qu'il s'agissait d'un enfant. Et même si son entourage et lui-même avaient l'air de bien le vivre, elle ne pouvait s'empêcher de se poser des questions. Il ne lui semblait pas pouvoir rattacher ses paroles à un quelconque contexte.

"Est-ce à chaque fois la même entité qui se manifeste à travers lui ? Tient-elle toujours le même genre de propos ?"

Pas d'autres questions ... Le phénomène l'intriguait mais elle essayait de ne pas montrer d'inquiétude, et surtout ne pas le traiter comme une bête curieuse. Elle s'imagina à sa place ... Si lui ne semblait pas avoir conscience de ce qui se passait, le problème était plus dans ce que les autres lui renvoyaient. Elle s'en voulut de sa curiosité, surtout en présence du gamin. De parler de lui comme s'il n'était pas là. Elle se sentait une nouvelle fois déstabilisée et totalement maladroite.

Quête : Le hasard fait bien les choses.

Korridwen haussa les épaules avec une grimace.
" On ne sait pas vraiment... Ça semble parfois comme... prophétique.
— Certaines fois, c'est très facile à comprendre. Il prédit qu'un vase va se casser, ou qu'il y aura un accident dans la rue...
— Il a prédit que Dame Dithazir m'achèterait un chapeau.
— Bon, c'est souvent alambiqué, mais on a appris à aller chercher le dictionnaire...
— Et puis parfois son charabia reste ça... du charabia. Et tant pis.
— Mais nous ne sommes pas certaines qu'il y ait une entité. Peut-être est-il simplement en contact avec quelque chose... En tout cas, quand il est en transe, il ne nous parle jamais, il se contente de briller, de réciter trois quatre vers, puis ça s'arrête.
— Comme s'il n'y avait pas vraiment... d'intention là derrière, en fait. Et il ne nous est rien arrivé d'étrange les fois où nous n'avons rien compris."

Quête : Le hasard fait bien les choses

Pendant qu'elles parlaient, Angèle s'était une fois tournée vers Owen. Il était sans doute au courant des manifestations dont il faisait l'objet, mais comment le prenait-il ? Il lui semblait qu'il était entouré et accepté sans aucune question. L'important était manifestement qu'il ne soit pas en danger et surtout soit pris comme les autres, avec sa spécificité. L'espace d'un instant, elle se sentit proche de cette famille qui acceptait les siens sans jamais les juger. Morgan évoquait toujours sa famille avec le sourire. Parlait sans cesse de cet attachement malgré la distance. A présent, elle le comprenait. C'est Morgan qui lui avait transmis la confiance qu'elle même avait reçu. Qui lui avait permis de s'accepter quoi qu'elle fut. On avait pas honte quand on était aimé. Et c'était quelque part à sa famille qu'elle le devait.

Face au "pouvoir" de son neveu, elle se serait sûrement contentée de hocher la tête en les voyant tranquilles. Elle aurait dit que tous les mystères n'avaient pas besoin d'être résolus. Et que l'ennui guettait si on apposait à tout une explication logique. A tout détour un sentier bien calibré. Et le petit garçon s'illuminait et parlait. Parfois prédisait l'avenir et parfois non. Qu'avait-il dit cette fois ? Elle n'était pas vraiment sûre de se souvenir de ses paroles qui pouvaient à la dire tout et rien du tout.

Elle regarda le petit garçon et de nouveau les jumelles. Elle n'avait plus véritablement envie de poser des questions. Owen était ainsi et puis ... C'était tout ... Le fait qu'une des manifestations arrive en sa présence était une malchance et elle ne voulait pas les indisposer d'autant plus. A moins qu'ils n'aient besoin d'aide, cette histoire ne la regardait en rien.

"Et vous gérez tous admirablement ce pouvoir ..., dit-elle avec un sourire, j'avoue avoir trouvé cette manifestation surprenante mais aussi ... très jolie. J'espère ne pas m'être montrée trop indiscrète avec mes questions."

Quête : Le hasard fait bien les choses.

Gwenaëlle sourit.
" Non, ne vous en faites pas.
— Que vous ne posiez pas de questions, voilà qui aurait paru étrange...
— Nous aurions pu craindre que vous ne courriez dénoncer notre fils à une divinité sévère.
— A des autorités peu compréhensives.
— Mais nous ne le craignons pas."
Korridwen lui servit une tasse de thé qu'elle lui poussa entre les mains. Autour d'elles, la pièce se vidait. Corentin vint embrasser son épouse sur la tempe, à moins que ce ne soit Jehan, puis salua Angèle, et quitta la salle. Il ne restait plus désormais que les soeurs et deux enfants, dont une gamine de huit ou neuf ans qui s'approcha des trois femmes et regarda la paladine de ses yeux gris.
" Tu t'appelles Angèle, hein, c'est maman qui me l'a dit." fit-elle.
Gwenaëlle lui jeta un regard incisif mais attendri.
" Je crois que tu es l'ange d'Owen. Il aurait pas parlé d'ange si tu t'appelais pas Angèle."
Puis sur un haussement d'épaules, elle repartit vers la porte.
" Nous avons notre prophète, et une cohorte d'interprètes aussi, fit Korridwen dans un soupir.
— Si j'étais vous, je ne m'en formaliserais pas."

Quête : Le hasard fait bien les choses

Angèle secoua distraitement la tête. Il n'était pas question de dénoncer qui que ce fut. Ce qui venait de se passer était ... surprenant et incompréhensible. Mais ne dépassait en rien les limites de la loi. Pour son jumeau, il en aurait été tout autre et elle aurait craint sa réaction. Lui aurait cherché à comprendre, à savoir, quitte à traîner gamin et famille devant le Coeur Radieux. La rigidité de l'un et la flexibilité de l'autre était leur principal sujet de discorde. Un fossé qui les séparait. Tyr merci, cela n'était pas arrivé à Manost !

"Ne vous en faites pas, je garderai ce qu'il s'est passé pour moi."

La petite fille la décontenança et durant un instant, elle la regarda avec des yeux ronds avant de se reprendre. Ainsi, les paroles incompréhensibles pouvaient la concerner ? Mais guérir qui ? De quoi ? Pardonner quoi ? Elle n'était même plus sûre de tout se rappeler ...

"Peut-être vaut-il mieux ne pas s'en formaliser, en effet, dit-elle à mi-voix, tant qu'il n'y a pas de danger ni pour vous ni pour lui ..."

Elle se sentait maladroite et perplexe, ne sachant pas vraiment quelle attitude adopter. Morgan aurait sans doute trouver quoi dire et surtout que faire ... Mais elle n'était pas à ses cotés.

"A moins que vous ayez besoin d'aide à ce niveau là ..."

Quête : Le hasard fait bien les choses.

" Oh non, ne vous inquiétez pas. Nous n'avons pas besoin d'aide. Nous gérons la situation depuis longtemps. Nous avons plusieurs clercs parmi nos amis. Si les paroles d'Owen venaient à devenir plus sombres, si son comportement se modifiait... Nous aurions de bonnes ressources vers qui nous tourner."
Gwenaëlle se leva en bâillant.
" Je vais devoir me coucher. J'ai mille bottes à clouer avant l'ouverture, demain."
Sa soeur rit.
" Tu as de la chance que les chapeaux soient moins courus que les chaussures, je te le dis, grommela la première, avant de se tourner vers Angèle. Vous rencontrer a été un plaisir, Angèle. Si vous avez besoin de quoi que ce soit pendant votre séjour luménien, n'hésitez pas à venir nous trouver.

Quête : Le hasard fait bien les choses

Angèle se leva à son tour.

"Vous rencontrer à été un plaisir également. Merci pour cette bonne soirée cet excellent dîner. Et surtout courage pour vos travaux demain matin. J'espère ne pas trop vous avoir retardées. Je pense rester à la Bienveillance une petite semaine. Peut-être aurons-nous encore l'occasion de nous croiser. Et si vous aviez besoin de quoi que ce soit d'ici là, n'hésitez pas."

Sur ce, elle prit congé, après avoir remercié encore. Et retourna à la taverne de la Bienveillance.

Quête : Le hasard fait bien les choses.

Les parfums printaniers du Parc Verdoyant cédèrent brutalement le pas aux odeurs mêlées du quartier portuaire : nourriture, ordures, et plus loin, la mer. Brandon sourit à la paladine.
" Oh, mais je ne vais absolument rien changer à mon ordinaire, dit-il. J'ai mille choses à faire au Temple, comme toujours. Simplement, mon coeur est désormais léger et les soupirs feront place aux sourires. Je suis un homme enthousiaste de nature, et hormis cette malédiction, ma dame Tymora a toujours été généreuse avec moi. A présent que je suis libre, je doute qu'elle me retire ses faveurs. J'oeuvrais, j'oeuvre et j'oeuvrerai encore à son culte. En cela... Vous m'avez soulagé. Mais cela n'aura aucun impact sur mon quotidien."

Quête : le hasard fait bien les choses

Angèle avait souri en retour. L'enthousiasme de Brandon faisait plaisir à voir. Le rendait presque lumineux. Elle lui enviait presque sa légèreté, son optimisme. Elle se demanda depuis combien de temps elle n'avait pas ressenti tout cela. Depuis quelque temps ou ... Elle revit en pensée les étoiles à travers la baie vitrée et tout ce qui s'était passé ensuite. Ces moments où elle s'était sentie vivante, réveillée après un très long sommeil. Et releva la tête.

"Alors, je vous souhaite de continuer.", finit-elle par dire.

Quête : Le hasard fait bien les choses.

" Merci, répondit-il. De mon côté, je vous souhaite de vous retrouver une place dans votre cité bouleversée. Je suis certain qu'elle ne peut qu'avoir besoin de personnes dotées de votre générosité et de votre compétence."
Il s'immobilisa.
" Dame, c'est ici que nos chemins se séparent. Votre auberge est un peu plus loin, sur la gauche. Je suis sans doute bien mal élevé de ne point vous y raccompagner, mais je suis attendu, et je doute que la galanterie masculine vous impressionne."
Il la gratifia d'un clin d'oeil.
" Que la bénédiction de Tymora accompagne vos pas. Elle vous a menée jusqu'à moi, elle ne vous abandonnera pas demain. Mais je vous en prie, revenez me voir avant de regagner Manost. Ou alors j'irai vous dénicher chez les Sunites."

Quête : le hasard fait bien les choses

L'avant dernière tirade de Brandon Devlin la fit sourire et hausser les épaules. Il ne devinerait jamais. D'un autre coté, ce n'était pas si amusant. Si sa matinée bien remplie lui avait occupée l'esprit elle commençait à se sentir perdue, presque confuse. Et elle avait du mal à déterminer ce qu'il s'était passé. Pour ce qui était du concret, elle le savait parfaitement. Pour ce qu'elle ressentait, il en allait bien autrement. Elle se demanda s'il ne valait pas mieux qu'elle reste à la Bienveillance le temps de réfléchir, d'analyser. Elle présageait que si elle cédait à cette impulsion, elle ne repartirait pas au temple de Sunie.

"Je reviendrai vous voir, dit-elle pour couper court à ses ratiocinations, d'ici là, portez-vous bien. N'allez pas vous casser une jambe en tentant je ne sais quelle acrobatie."

Elle l'avait regardé partir et était restée quelques secondes sans bouger, incapable de se décider. Puis, mue par une inspiration subite, elle sortit une pièce de sa poche. Après tout, tymora ne l'avait-elle pas accompagnée tout du long ? Pile, elle restait à la Bienveillance. Face, elle retournait au temple. D'abord s'assurer que personne n'était susceptible de la voir. Elle lança. Le visage gravé la fit sourire. Elle poursuivit son chemin jusqu'à la Bienveillance.

Arrivant desrues commerçantes, Alchem et Valentine ne tardèrent pas à s'immobiliser devant une paire de maisons identiques. Toit gris ardoise, porche couvert de lierres, devantures contrastées. La demeure de gauche ne présentait que des bottes, sabots et autres chaussures. Celle de droite était envahie de chapeaux de toutes formes. Les deux boutiques étaient ouvertes et chacune portait, au-dessus de sa vitrine, le nom "Novembre - Folvent" en lettres grises.
" Nous y sommes !" s'exclama joyeusement la Sunite.

Quelle activité ! Alchem, par habitude, voulait tout voir, tout repérer. Mais il y avait trop, même pour lui. Voix, mouvements, odeurs, couleurs, ombres, lumières, l’impression d’être submergé s’ancra en lui. Hantelucas, Dargyll, Lameroy ou Ornegemme étaient sans commune mesure avec cette ville. Un monde à elle toute seule ! La prêtresse de Sunie lui rendait vraiment service. Quelle chance d’être tombé sur elle ! A présent un peu à l’écart de l’effervescence de la grande rue, le gnome observait ces deux maisons aux liens de parenté évident. Il acheva son pain au sucre, s’essuya les mains sur sa cape et déclara :
« Et bien, commençons par les chapeaux ! »

Valentine le précéda dans la boutique. Elle tenait en une seule pièce encombrée de chapeaux de toutes sortes, nobles et ordinaires, de coloris et modèles divers, adaptés aux petites têtes des halfelins comme aux larges têtes des demi-orques, probablement. Certains étaient en cuir, d'autres en feutre ou en velours, il y en avait sur les murs, sur le comptoir, dans de multiples boîtes posées ça et là, et sur des porte-manteaux à mille crochets. Une jeune femme aux cheveux châtains, yeux clairs et mine curieuse, les regarda entrer sans masquer sa surprise.
" Bienvenue à la chapellerie Folvent-Novembre." dit-elle, par habitude.

Alchem n’avait jamais vu autant de chapeaux de toute sa vie. Et il y avait fort à parié que quand il se rendrait dans la boutique d’à côté, il allait être cerné par autant de chaussures. Ses yeux embrassèrent la pièce avant de s’attacher à la tenancière.
« Bonjour Madame, dit-il avec amabilité. Je viens de commander un costume chez Maître de l’Effeuille. J’aimerais un couvre-chef assorti. Le tailleur m’a confié un échantillon du tissus qu’il va utiliser afin que je puisse vous le montrer. »

La jeune femme attrapa le morceau d'étoffe, puis observa le gnome d'un air critique.
" Il va vous faire quel genre de costume, Isidore ? Parce que la couleur, c'est une chose... La forme du crâne une autre... La taille des oreilles... Mais le style, c'est quand même crucial."
Elle recula, décrocha un premier chapeau du mur et le posa sur la table. C'était une sorte de couvre-chef conique avec un large bord, comme portaient certains mages fééruniens. Elle attrapa un bonnet de velours, un petit chapeau de paille violet, un haut de forme imposant.
" Je ne sais pas exactement ce que vous cherchez, messire. Et je ne peux pas choisir à votre place."

Alchem détailla chacun des chapeaux décrochés par la commerçante. Il se doutait que certains n’étaient pas du tout ce qu’il recherchait. Toutefois, il aurait été bien en peine de choisir précisément. Fort heureusement, Valentine était là.
« J’ai commandé un costume citadin élégant et pratique. Tels sont exactement les mots employés. Il y aura des étoiles brodées sur le pourpoint. Cette prêtresse de Sunie me... seconde dans ma quête de l’apparence convenable. »
Il désigna la ravissante blonde avec un petit sourire de circonstance.
« Ce n’est pas tellement mon domaine, je dois bien l’avouer. Je fais confiance en son jugement. »

Valentine et la chapelière échangèrent un petit signe de tête.
" Vous pouvez vous asseoir là, dit cette dernière. Ne touchez à rien."
La Sunite s'était mise à musarder dans la boutique et elle désigna plusieurs modèles à l'autre femme, qui les décrocha et revint vers le gnome. Elle les posa tour à tour sur la tête d'Alchem. Ce dernier comprit rapidement qu'elles s'intéressaient purement à la forme : ni la taille, ni la couleur ne semblaient les préoccuper pour l'instant. Sans doute faudrait-il patienter quelques jours, là aussi.
Valentine finit par choisir un chapeau à bords étroits, légèrement effilé sur le devant, dans un tissu doux mais qui paraissait solide.
" C'est le mieux pour vos oreilles." dit-elle.
La chapelière lui apporta un miroir.
" Il faut l'imaginer dans les mêmes tons que votre costume, et deux tailles plus petit. Je pense que c'est un bon choix, effectivement."

Le reflet d’Alchem ne put que le ramener à cette réflexion entre style et déguisement. Ce gnome à chapeau, était-ce lui ? D’habitude, il ne portait rien ou juste un capuchon sur la tête. Il cligna des yeux, tâcha de s’imaginer avec le costume complet. Pour sûr, cela allait le changer. C’était le but, mais c’était étrange.
« Heu, et bien... très bien. Moi ça me va. Et si en plus vous êtes toutes les deux d’accord, c’est parfait. »
En ce jour, il commençait à construire le Alchem de la surface.