La Couronne de Cuivre

Chandara l'en remercia avant d'admirer l'élégance simple des lieux et aussi les petites touches qui les rendaient agréables et accueillants, bien loin des standards de bâtiments militaires qu'elle avait connus. La jeune femme fit quelques pas avant de s'approcher de la fenêtre, se plaisant à observer les novices et les combattants plus confirmés s'essayer à leurs exercices martiaux. C'était là un domaine qui lui était familier et donc rassurant, quoique les techniques semblent différer de ce côté-ci du détroit.

La jeune femme comprit rapidement qu'il n'y avait pas de novices sur le terrain, seulement des paladins déjà confirmés. Tous étaient encore jeunes, aucun n'était en armure. Ils s'affrontaient à l'épée et au bouclier, tous sans exception, et c'était Othon qui dirigeait l'exercice. Sur les dix combattants, trois étaient des femmes, sept des hommes, et la bonne humeur semblait régner sur le terrain, car la jeune femme perçut des éclats de rire. Une paire de novices les observaient, appuyés à une barrière, des pichets de ce qui devait être de l'eau, posés au sol. Dans ce grand espace à ciel ouvert, la chaleur de l'été, que Chandara avait peu perçue dans la fraîcheur du port, se manifestait avec beaucoup plus de violence. Plusieurs des paladins avaient d'ailleurs noué des étoffes sur leur tête, pour éviter l'insolation. Le soleil était triomphant, formidable, au-dessus d'eux, et le dôme doré du Temple voisin lui répondait, écho terrestre de sa magnificence.
La porte s'ouvrit derrière Chandara et une adolescente entra. Agée sans doute de treize ou quatorze ans, les cheveux noirs courts, la silhouette longiligne, elle disposa deux verres et une carafe de citronnade sur la table basse, puis jeta un coup d'oeil à leur invitée, avant d'écarquiller légèrement les yeux. Elle s'inclina ensuite précipitamment, puis s'éclipsa avant que Chandara ait pu dire quoi que ce soit.

Chandara ressentit une légère bouffée de nostalgie à la vue du groupe en train de s'exercer mais ce sentiment de tristesse fut bien vite balayé par la bonne humeur qui émanait des combattants en lice. Visiblement, la commanderie des paladins de Lathandre avait peu en commun avec sa propre expérience et, même en étant étrangère, elle ressentait la joie de vivre de tout à chacun et la volonté de progresser sans rechigner malgré la chaleur étouffante qui régnait sur le sable.

L'entrée de l'adolescente la fit légèrement sursauter et elle crut un instant qu'il s'agissait d'Arthur. Mais le second verre déposé sur la table suggérait qu'il n'allait plus tarder. Après son départ aussi précipité que son entrée, elle rajuste sa robe qui n'en avait certainement pas besoin et se tordit les mains avant de faire les cent pas puis de retourner vers la fenêtre, vraiment indécise sur la conduite à tenir, l'attitude à avoir, les mots qu'elle prononcerait après ces longs mois de séparation.

Arthur survint un peu plus tard. Il poussa la porte, déjà empourpré, et demeura interdit sur le seuil. Il n'avait pas changé d'un iota, ses cheveux clairs étaient toujours désordonnés, son expression toujours hésitante. Il portait des vêtements simples, paraissait en bonne santé. Des pas résonnèrent dans le couloir et il entra précipitamment avant de refermer la porte derrière lui.
" Ah. Hum. Bienvenue. Je suppose. Je suis désolé de ne pas avoir pu venir vous chercher. Hum."

Au cours des dernières semaines, Chandara avait rejoué dans son esprit des milliers de fois leur dernière journée et notamment les quelques minutes qui avaient précédées leur séparation. Elle avait aussi préparé de beaux discours pour exprimer ce qu'elle avait eu envie de dire au paladin si un jour ils se renvoyaient. Mais toute cette préparation ne servit à rien, tout ce qu'elle avait imaginé était comme parti en fumée. Elle se retrouva donc plantée là, devant la fenêtre et à quelques pas d'Arthur, souriant béatement sans s'en rendre compte : il n'avait pas changé, non. Et c'est bien tout ce qu'elle avait désiré : qu'il soit le même jeune-homme qu'il avait été alors. Un peu gauche peut-être, un peu maladroit et manquant d'assurance sans doute mais au grand cœur bienveillant.

Hésitante en cette situation inédite sur la conduite à tenir, Chandara s'approcha néanmoins de quelques pas, s'arrêtant devant les fauteuils d'allure confortable.

- Bonjour Arthur. Ne vous en faites pas, je sais que vous étiez occupé. Je n'ai eu aucun mal à vous trouver grâce à l'aide d'un très bon guide.

Arthur lorgna le fauteuil, hésita, grimaça, s'y assit.
" Filu. Oui. On m'a dit que vous l'aviez ramené. C'est assez... incroyable. Je pensais qu'il avait été dévoré par des zombies ou des soldats affamés. On dit qu'un vieux cheval a la viande plus tendre qu'un jeune... Une des seules espèces dont c'est le cas, je crois... Hum. Je m'égare. J'espère que vous avez fait bon voyage. J'aurais voulu venir vous accueillir mais... vous n'aviez pas été très précise et... je n'ai pas beaucoup d'occasions de m'échapper de la commanderie..."
Un sourire privé colonisa un instant ses lèvres.
" Désormais."

Arthur semblait au moins aussi perturbée qu'elle-même mais comment aurait-elle pu lui en vouloir ? Et quelque part son manque de confiance poussait Chandara à prendre les choses en main, à prendre des initiatives qui masquaient ses propres appréhensions. Elle s'assit dans le fauteuil le plus proche, à peu près en face de lui et esquissa un sourire encourageant :

- Dans ce cas, je préfère largement que vous puissiez profiter de votre rare temps de liberté pour passer du temps en ma compagnie plutôt que de l'avoir gaspillé en m'attendant sur un quai ! Et mon voyage s'est très bien passé : le temps a été magnifique durant toute la traversée et il semble que cela doive encore être le cas.

Elle se pencha pour saisir la carafe et les servir tous les deux avant même de se demander si cela se faisait :

- Oh, je ne vous ai pas demandé si vous aviez soif mais ça me parait important de trinquer à nos retrouvailles...

" Bien sûr. Vous avez bien fait."
Il leva son verre et l'entrechoqua avec celui de la paladine, en la regardant droit dans les yeux, comme le voulait la tradition. Il s'empourpra ensuite, prit une gorgée de citronnade et soupira d'aise. La fraîcheur du breuvage était une bénédiction par le temps qu'il faisait. Il demeura ensuite silencieux quelques secondes, comme s'il ne savait pas trop quoi dire.
" Comment allez-vous ? Vous m'avez dit... certaines choses dans vos lettres, bien sûr, mais... j'espère que vous avez... retrouvé vos marques... après la guerre... revu vos parents, peut-être ?"

Chandara ne l'avait pas quitté des yeux depuis qu'il avait pris l'initiative de croiser son regard mais elle dissimula son trouble derrière son verre et avala une gorgée avec délectation. Elle n'avait rien bu depuis le petit-déjeuner et il régnait une chaleur écrasante au dehors : en réalité, elle était assoiffée et la citronnade était un délice en de pareilles circonstances. D'autant qu'elle le partageait en excellente compagnie ! Elle répondit au jeune-homme d'un ton doux :

- Je vais très bien, Arthur : et toute ma famille aussi. J'avais peur qu'ils aient pu être affectés par la guerre mais ils ont tenu bon. Oh, tout n'est pas rose et il y a beaucoup de souffrances à effacer mais j'ai bon espoir que tout s'arrange pour eux et pour leur région. Ils étaient très heureux de me revoir, déjà ! J'espère y retourner l'année prochaine, peut-être...

Une pensée un peu présomptueuse lui traversa alors l'esprit, celle qu'elle n'y retournerait peut-être pas seule cette fois-ci. Heureusement qu'Arthur ne pouvait pas lire dans ses pensées sinon elle en aurait été mortifiée, probablement !

" Ils ont dû être soulagés de vous revoir, après toutes ces horreurs."
Il s'autorisa un sourire.
" Mais vous voici à Luménis. J'ai peine à le croire. Bien sûr, je sais que vous êtes une femme de parole et aussi que lorsque vous avez une idée derrière la tête, vous n'êtes pas du genre à lâcher le morceau... Est-ce que la cité vous a fait bonne impression, jusqu'ici ? Je me doute que ça doit vous paraître... bordélique... et sans doute un peu sale... quand on est habitué à Manost... C'est certain que... nous cultivons un certain laissez-aller. Mais il suffit de... prendre du recul, je suppose. Comme vous êtes en vacances... je suppose, du moins... ça doit être plus facile."

Chandara avait écarquillé les yeux, prise au dépourvu par la vision qu'Arthur livrait de sa propre ville. Mais peut-être portait-elle un regard biaisé elle aussi, toute étrangère qu'elle était à un tel environnement. Peut-être projetait-elle le bonheur inhérent à ces vacances, à ces retrouvailles sur la vision qu'elle pouvait avoir de Luménis. Dans tous les cas, elle s'empressa de démentir le paladin avec une certaine passion :

- Le peu que j'en ai vu jusqu'ici m'a époustouflé ! Il y a tant de couleurs, tant de beautés sur le port. C'est très exotique et ça a son charme. Quant aux parcs, aux fleurs : nous n'avons rien qui ressemble de près à cela à Manost. Tout y est si sévère, si utilitaire. Alors qu'ici vous semblez cultiver le goût de ce qui est beau et de ce qui est agréable. Et je ne parle pas que du temple de Sunie devant lequel je suis passé. Non, Luménis m'a fait une très bonne impression dès le premier regard. Tout comme vous !

Elle s'était peut-être un peu laissé emporter mais il était bien trop tard pour retenir ces mots... L'aurait-elle voulu !

Arthur écarquilla légèrement les yeux, puis il lâcha un léger rire.
" Dame, vous n'avez pas changé. Pourtant, la sagesse nous enseigne de ne pas nous fier aux apparences, elles sont souvent trompeuses. Enfin, pas toujours, c'est certain, vous en êtes la preuve vivante."
Il avait rougi mais il n'en poursuivit pas moins.
" Mais tant mieux si la ville ne vous a pas effrayée. Il est certain que du port à ici, la route est plutôt belle et le parc est magnifique en cette saison. Et les gens sont généralement accueillants et serviables. J'espère que personne ne vous a importunée."

Le rire d'Arthur était une bénédiction et elle serait probablement restée des heures à l'écouter avec plaisir aussi se fia-t-elle à sa bonne humeur pour ajouter d'un ton léger :

- Oh non, tout le monde a été très gentil : des officiers des douanes sur le port à votre commandant en second, Othon. En passant par ces deux jeunes sunites qui ont tenté de m'entraîner dans leur temple. D'ailleurs l'une d'elle semblait vous connaître mais elle ne m'a malheureusement pas donné son nom !

Elle était maintenant tous sourires et son regard brillait d'une certaine malice mais tout indiquait qu'elle ne faisait rien de plus que le taquiner cette fois, curieuse de sa réaction tout de même...

Arthur grimaça.
" Je ne connais aucune prêtresse sunite, vous devez faire erreur. Mais c'est sûr que ces... demoiselles... estiment assez rapidement qu'elles connaissent les gens. Il y en a toujours aux grilles du temple, à importuner les gens. A croire qu'on n'a rien de mieux à faire, dans ce temple. Heureusement que vous leur avez résisté ! Mais ça ne me surprend pas de vous : vous avez suffisamment de caractère pour vous défier de ces êtres frivoles."

La réponse du paladin ne la surprit qu’à moitié : elle avait eu un bref aperçu de la défiance qui semblait régner entre les paladins de l’Aster et les prêtres et prêtresses Sunites. Les premiers trouvant les seconds frivoles et effrayants tandis que les seconds leur rendaient joyeusement la pareille en les taquinant et en déplorant leur trop grand sérieux. Chandara trouvait dommage que les fidèles de deux dieux notoirement alliés puissent ainsi se mésestimer. Evidemment, la théocratie manostienne et la lutte larvée existant entre les cultes et ses représentants lui avaient largement démontré que la concorde entre religions était plus l’exception que la règle. Elle s’était toutefois attendue à plus d’ouverture à Luménis…

Elle avait longuement gardé le silence, cherchant comment aborder cette question épineuse sans froisser Arthur : elle ne voulait surtout pas baisser dans la haute estime qu’il semblait avoir d’elle mais pour cela, elle devait aussi se montrer franche et honnête. Elle répondit donc d’un ton doux mais beaucoup plus sérieux que précédemment :

- J’ai assisté à une petite altercation entre deux des vôtres et ces deux Sunites dont je vous parlais… Je trouve que c’est un peu dommage que vous sembliez vous défier ainsi les uns des autres. Mais vous avez parfaitement raison, comme d’habitude : les Sunites ne vous connaissent pas sinon je ne pense pas qu’ils vous importunerez de cette façon : cela ne vous les rend que détestables sans doute alors qu’être appréciés devrait être leur credo. Mais peut-être que l’inverse est un peu vrai aussi : qu’ils sont peut être un peu moins frivoles qu’ils en ont l’air. On se méfie davantage de ce que l’on ne connait pas que de ce qui nous est familier… Et je dois vous avouer que j’aimerais apprendre à un peu mieux les connaître, tout comme je voudrais vous connaître davantage vous et vos compagnons. Enfin, c'est juste ce que je pense...

Elle avait baissé les yeux, craignant que cette révélation ne déçoive Arthur ou pire, qu’elle passe pour une naïve donneuse de leçons.

Arthur ne répondit d'abord rien, puis se fendit d'un sourire.
" Il y a du passif entre nous, Chandara. Il est normal qu'aux yeux d'une étrangère, tout cela paraisse bien futile et infondé. Mais n'hésitez pas à franchir leurs portes, si cela vous taraude. Je peux comprendre qu'après des années à Manost, où ce genre de culte n'a pas droit de cité, vous soyez curieuse. Nous avons un temple de Mystra, aussi, et un temple de Tymora. Et un gros temple de Waukyne très tape à l'oeil. Mais bon... Vous n'avez pas forcément envie de faire le tour des chapelles."

Comme à chaque fois, Arthur savait trouver les mots et l'attitude pour la rassurer, pour qu'elle n'ait plus l'impression de paraître idiote et elle devait bien avouer que son sourire tranquille valait bien celui de tous les sunites en termes de charme. Elle le lui rendit d'ailleurs avant de finir son verre :

- Je suis curieuse de tout, Arthur et je sens que je n'aurais jamais trop de temps pour découvrir tout ce qui me ferait envie dans votre si belle cité. Je n'ai qu'une obligation et elle n'a rien de désagréable à vous entendre : c'est celle de me rendre au temple de Tymora pour le compte d'une amie. Pour le reste, je m'en remettrai à vos bons conseils et j'espère que vous me servirai de guide au moins dans votre commanderie. Si cela vous est permis bien sûr ! Les vôtres m'ont aussitôt ouvert leurs portes et accueilli avec bienveillance mais je ne voudrais surtout pas abuser de leur hospitalité ou de votre temps.

" A vrai dire, je... hum... j'ai gardé toutes mes heures de permission... en prévision de votre visite."
Il était devenu écarlate.
" Enfin, si cela vous est agréable, bien sûr... Je ne voudrais pas m'imposer et... je conçois que vous puissiez avoir envie de découvrir la ville sans qu'un local vous guide... on fait assurément plus de rencontres imprévues... hum..."

Le sourire rayonnant qui illumina aussitôt le visage de Chandara était la plus éloquente des réponses mais elle crut tout de même bon d'ajouter avec un grand enthousiasme :

- Evidemment que ça m'est agréable ! Enormément même : c'est très touchant. Et je ne vous échangerais pas contre toutes les rencontres imprévues ni tous les guides locaux ou non, Arthur ! Sans vous, je ne serais probablement jamais venu à Luménis. Et je l'aurais regretté, doublement.

Arthur la dévisagea puis sourit.
" Et bien... Je suis touché que vous soyez touchée... Cela dit... Je dois quand même me consacrer à mes devoirs... et corvées... pendant plusieurs heures par jour... il est donc probable que vous ayez à déambuler seule, aussi... Est-ce que... vous avez un endroit où dormir ? Je dois dire que je n'ai pas encore... parlé de vous... au commandant... Il y a une suite des invités, je pourrais lui demander... mais généralement, et bien... Je pourrais demander à une de mes collègues si elle peut vous accueillir dans sa chambre..."

Chandara le dévisagea à son tour comme si elle le regardait pour la première fois et elle recouvra en un rien de temps son ton léger et énergique, l'enthousiasme presque enfantin qui semblait la caractériser dans ses meilleurs moments :

- Je n'ai pas encore pris de dispositions non. Mais n'allez surtout pas ennuyer votre commandant avec cette suite pour invités : je suis certaine qu'elle est réservée à des notables et je ne suis rien de tel. En revanche, ce serait vraiment parfait de pouvoir loger ici : nous pourrions ainsi déjeuner ensemble le matin ! Et je pourrais interroger discrètement l'une de vos amies en plus ! Merveilleux !

Elle lui adressa un clin d'œil taquin avant d'enchaîner un peu plus sérieusement :

- Pour le reste, nous pourrons bien nous organiser en fonction de votre temps libre : j'ai bien conscience que je ne peux pas vous accaparer rien que pour moi ! Je suis un peu arrivée à l'improviste alors je ne sais pas si vous avez du temps à me consacrer aujourd'hui, déjà ?

" Il faut que je voie... avec mes supérieurs, je pense... Nous avons rarement des invités qui ne soient pas... des paladins."
Il grimaça, conscient du manque de tact de ses paroles.
" Mais vous êtes presque une paladine. Vous le serez bientôt à nouveau. Si vous ne l'êtes pas déjà."
Il soupira.
" Vous cherchez-vous encore ?"

Chandara ne releva pas la légère maladresse de sa remarque. S'en serait-elle rendu compte qu'elle ne lui en aurait certainement pas porté rigueur. Elle se contenta de répliquer d'un ton doux et optimiste :

- J'ai bien peur que oui mais en l'occurrence le voyage vaut bien la destination. J'ai progressé je crois : j'ai fait mon deuil ce qui n'était pas facile. Mais il me reste un peu de chemin à parcourir encore...

Elle esquissa un sourire et ajouta :

- Mais je m'en voudrais aussi de bénéficier d'un traitement de faveur : si je puis me rendre utile en échange du gîte, j'en serai ravie. Cela me permettrait en outre de mieux me familiariser avec votre culture et vos coutumes.

" Je ne crois pas que ça puisse s'organiser comme ça, avoua Arthur. Je ne sais pas bien. Il faut que j'aille me renseigner. Vous, vous ne bougez pas. Je reviens tout de suite."
Il se leva avec un sourire embarrassé et se dirigea vers la porte, à reculons.
" J'arrive vite."
Et il sortit précipitamment dans le couloir.

La sortie du paladin prêtait à sourire : il semblait se comporter comme s'il y avait un risque qu'elle profite de son départ pour disparaître. C'était pourtant à l'opposé de ses intentions. Elle aurait même aimé le suivre si elle n'avait craint de l'étouffer et de le gêner vis-à-vis de ses supérieurs.

Alors, elle fit ce qu'il espérait d'elle : elle resta dans le petit salon non sans retourner à la fenêtre pour observer à nouveau la cour et les paladins qui s'entraînaient. Elle n'avait pas menti à Arthur : elle avait progressé depuis son départ, se rapprochant de différents cultes pour tenter de les comprendre mais elle n'avait pas pu le faire avec les Lathandrites ou même avec les Sunites. Elle espérait sincèrement que son séjour - outre être simplement agréable puisqu'elle pourrait passer du temps avec le luménien - puisse aussi être utile en comblant ces lacunes.

Arthur reparut un quart d'heure plus tard, écarlate.
" Bon. Je crois qu'on va trouver une solution." dit-il.
Il reprit place sur un des fauteuils et attendit que son invitée en fasse de même.
" Dame Sullyan, c'est une de mes collègues, part en mission cet après-midi. Elle va vous céder sa chambre jusqu'à son retour. Il n'y a pas vraiment la place de faire autrement et je ne voudrais pas que vous soyez contrainte à partager un dortoir avec des novices..."

Chandara était tellement contente qu'elle frappa dans ses mains et se leva pour déposer un baiser sur la joue d'Arthur avant de se rendre compte de l'inconvenance de sa réaction et de piquer un fard qui valait bien celui du luménien. Elle tenta de se cacher à nouveau derrière son verre mais celui-ci le trahit, étant irrémédiablement vide. Alors, autant par sincérité que de détourner l'attention, elle répondit d'un ton enjoué :

- C'est formidable ! Me sera-t-il possible de la rencontrer avant son départ ? J'aimerais beaucoup la remercier personnellement pour ce très beau geste.

" Je ne suis pas sûr... Je veux dire... Elle est sur le départ... Mais... Enfin..."
Il paraissait un peu inquiet.
" Chandara, vous allez... Heu... Je ne suis pas certaine qu'elle soit déjà au courant, en fait."

« Oh… » Se pouvait-il qu’Arthur lui ait trouvé cette place sans vraiment en parler à qui de droit ? Non, cela dénotait trop avec l’image loyale qu'elle avait du jeune-homme. Et pourtant il semblait y avoir quelque arrangement ou compromis dont il valait mieux ne pas faire la publicité. Chandara devait cependant lui laisser le bénéfice du doute et surtout lui faire confiance aussi s’empressa-t-elle d’ajouter d'un ton apaisant destiné à clore le sujet :

- Dites-moi Arthur, est-ce que vous pensais que je pourrai laisser mes affaires dans ce salon en attendant que la chambre se libère ? J’ai un peu peur de vous causer des tracas alors que vous vous décarcassez pour bien m’accueillir chez les vôtres.

" Je crois que si vous... restez discrète... Tout se passera très bien."
Il avait l'air un peu incertain.
" Mais vous pouvez laisser vos affaires ici, bien sûr. Et j'ai obtenu ma journée, alors... Nous pouvons peut-être sortir de la commanderie, si vous en avez envie."

La Couronne de Cuivre

[Bâtiment] La Commanderie des Paladins de Lathandre