La Couronne de Cuivre

Quête : Equité

Astrée trouva un quartier commerçant un rien moins fréquenté et put déambuler entre les échoppes. Elle avait pourtant conscience d'attirer les regards, encore, y compris ceux des femmes, lesquelles ne se distinguaient en rien de leurs homologues masculins. En fait, à bien y réfléchir, on l'observait mais sans réelle hostilité. Tout juste discernait-elle une certaine surprise, un intérêt parfois trop appuyé... On chuchotait sur son passage. Une fois, un enfant la désigna du doigt en appelant ses camarades.

Alors qu'elle était penchée sur les fruits d'un étal, elle devina quelqu'un derrière elle et se retourna pour se trouver face à face avec un cavalier à la mine revêche. Il portait une armure de cuir bouilli usée, marquée de plusieurs lacérations. Le regard très sombre, le visage dur, il la dévisagea un moment sans rien dire. Puis il désigna Prince d'un mouvement sec du menton.
" Combien tu le vends ?" demanda-t-il.

Quête: Equité

- Non, je...
Elle inspira profondément. Bon, il ne l'agressait en rien malgré son air fort peu avenant. Donc elle n'avait pas de raison de se sentir aussi anxieuse. Il voulait juste... Prince.
- Il n'est pas à vendre ! répliqua-t-elle finalement, un peu trop sèchement peut-être.
Ainsi c'était Prince qui les intéressait, et non elle... Elle aurait dû s'en douter : ces gens-là semblaient faire passer leurs chevaux avant tout le reste, probablement même avant leurs femmes. Ce n'était donc pas simplement le fait qu'elle soit étrangère : ils étaient habitués à voir des étrangers...

Elle devait bien admettre qu'elle avait une monture exceptionnelle. Le forgeron le lui avait déjà fait remarquer. Et encore, heureusement que personne ne savait à quel point !

Quête : Equité

L'homme ne parut pas affecté par la réponse de la jeune femme. Il demeura planté devant elle, les bras croisés, le regard rétréci.
" Je t'en donne trois juments, dont une pleine et une couleur sable. Tu peux venir les essayer dans le Grand Pré Nord." dit-il sans se démonter.
Leur échange avait attiré quelques curieux.
" L'Hippogriffe en donnerait certainement quatre juments ! intervint une femme portant marmot sur la hanche.
— Balivernes. Il vaut bien deux étalons, dont un noir, fit la marchande de fruits.
— Six poulains et un étalon, ajouta un vieillard édenté. Moins que ça, c'est du vol !
— Une pouliche du Rouge et un destrier dragon, je dirais, dit un jeune cavalier d'un air pénétré.
— Ou alors un vieux yack, deux dindes et une demi-douzaine de pommes de terre !" lança un homme hilare, s'attirant des regards courroucés de toute l'assemblée.

Quête: Equité

Astrée se sentait quelque peu décontenancée. Partagée entre une légère inquiétude -ne risquait-elle pas qu'on tente de lui voler son cher étalon ?- et un certain amusement devant l'extravagance de leurs offres. L'intervention du dernier homme lui arracha un petit rire.
- Je vois bien que vous aimez marchander... mais croyez-moi, vous perdez votre temps. Vous pourriez m'en donner une fortune que je ne le vendrais pas. C'est un cadeau donné par un ami très cher. Et c'est mon compagnon de route. Mon ami. Je n'ai pas l'intention de m'en séparer, quel que soit le prix.
Elle secoua la tête.
- Et puis, vous avez vous aussi de de très belles bêtes. Pourquoi vous intéressez-vous à ce point à ma monture ?

Quête : Equité

Le premier cavalier était manifestement déçu de sa réponse et il s'éloigna sans répondre à sa question.
" Oh elle ne sait pas...
— Le cheval doré de l'Est... Tout le monde connait cette histoire !
— En plus, avec les paroles de la Cavalière...
— C'est pour l'Equinoxe Vermal... C'est la prospérité assurée !"
L'homme qui s'était moqué de leur marchandage lui adressa un sourire tranquille. Il portait lui aussi un manteau de voyage et dénotait parmi les visages rudes et tannés car il avait le teint très clair, les cheveux presque rouges, et une expression amicale.
" C'est une légende du cru, intervint-il. Assez longue. Plutôt mélodramatique. Mais en deux mots, ils pensent que votre cheval porte bonheur. Si vous avez le temps, je peux vous la raconter en entier. Mais si vous traînez un peu dans la Trouée, vous verrez que tous les bardes de Rohan à Lunaros sont plus ou moins forcés de la réciter, à cette époque de l'année."

Quête : Equité

Elle fut stupéfaite de la réaction déçue des villageois, puis amusée d'en saisir l'origine. Ainsi, ils prenaient son étalon pour un cheval de légende ? S'ils savaient... Et si le principal intéressé en avait eu conscience, nul doute qu'il se serait encore davantage pavané ! Il semblait à son aise ici. Peut-être était-il originaire de la région ?
- J'ai un peu de temps devant moi, je veux bien que vous me racontiez cette histoire, finit-elle par répondre, après quelques instants de réflexion. Enfin, si cela ne vous dérange pas. Puisque visiblement, dans toute la trouée ma monture risque d'être la cible des regards, j'aime autant savoir pourquoi...

Quête : Equité

Le voyageur lui sourit.
« Ce sera avec plaisir… mais pas au milieu de ce marché. Je connais une petite place pas loin d’ici… avec même un carré d’herbe préservé, c’est dire ! »
Astrée aurait pu hésiter à le suivre, après tout, c’était un étranger et même s’il inspirait, a priori, une certaine sympathie, elle avait de bonnes raisons d’être méfiante. Mais Prince des Frelons frotta sa grosse tête contre l’épaule de l’homme, le déséquilibrant.
« Hé ! Fais attention, toi. Je n’ai pas envie d’attirer la jalousie de mes amis de Rohan ! »
Il gratifia l’étalon d’une caresse amicale sur le chanfrein, puis prit la tête de leur équipage. A nouveau, les regards s’appesantirent sur eux, mais leur guide paraissait s’en amuser beaucoup. Comme il l’avait promis, deux ruelles plus loin, ils se retrouvèrent dans un petit carré de verdure. Avant d’y pénétrer, le voyageur expliqua à Astrée, et surtout à sa monture, qu’il était interdit d’en brouter les fleurs mais que si une touffe d’herbe paraissait un peu trop appétissante, il pouvait toujours essayer de la manger sans qu’on le remarque.
Cependant, ils avaient à peine fait trois pas dans le petit jardin qu’un clerc en aube brune déboula d’un des bâtiments voisins. C’était un homme d’une bonne cinquantaine d’années, maigre mais vif.
« Par les Champs d’Eaubrillante ! Un cheval ! Vous êtes fous, ou quoi !
— Bonjour Henri ! Je viens raconter une histoire à cette demoiselle, on va juste s’installer près de la fontaine. Son cheval est bien élevé.
— Reynald ?! Franchement… Tu sais bien que le jardin est interdit aux canassons ! C’est une règle de base ! »
Comme pour participer à la conversation, Prince en profita pour gober une jonquille qu’il mâchonna ostensiblement. Le voyageur éclata de rire tandis que le clerc virait au rouge de colère.

Quête : Equité

Astrée était terriblement gênée.
- Je suis désolée, je... Je ne savais pas.
Ainsi il y avait un endroit interdit aux chevaux, à Rohan... C'était à peine croyable. Et vu l’appétence de son étalon pour les fleurs, il serait impossible d'obtenir de lui qu'il ne touche rien.
Elle lui jeta néanmoins un regard noir avant de se tourner vers le voyageur, certainement un barde.
- Ecoutez, je vais demander à Prince de nous attendre là-bas, à distance de la pelouse. Peut-être l'attacher s'il le faut... Je crois que ce serait préférable. Je crains juste d'attirer les convoitises, surtout avec cette histoire de cheval doré. Il vaut peut-être mieux tout simplement qu'on s'installe ailleurs ?

Quête : Equité

Astrée sentit que Prince lui proposait de devenir abeille pour régler la situation. Le dénommé Henri paraissait bien décidé à les faire déguerpir. Mais Reynald ne se démonta pas. Il se mit à incanter et un brouillard violet et doré se leva un moment devant lui. Son sortilège sonnait comme une chanson complexe, aux paroles incompréhensibles, et lorsque la brume se dissipa, il y avait devant Prince un monceau de jonquilles, pissenlits, branches de colza, avoine fraîche et herbe grasse. Il se tourna vers le clerc.
" Ne fais pas cette tête. Vous autres Chauntéens faites pousser les jonquilles en pissant dans l'herbe. Alors on va détourner les yeux et ça suffira !
— Tu es infernal !
— Mais je dis vrai.
— Pas sur la manière !
— A peu de choses près, ça te demande autant d'efforts."
Henri leva les yeux au ciel.
" Le jardin a intérêt à être dans le même état quand tu t'en vas. Et si le cheval fait du crottin, tu t'en occupes.
— Je m'en occupe."
Sur ce, le prêtre s'éloigna à grands pas, tandis que le voyageur l'observait.
" Allons près de la fontaine, nous y serons mieux. Je me nomme Reynald. Puis-je savoir à qui j'ai l'honneur ?"

Quête : Equité

Astrée ouvrit des yeux ronds comme des soucoupes en voyant le résultat de l'incantation. Elle mit quelques instants à réagir à la question de l'homme, les yeux toujours fixés sur le monceau de nourriture que Prince dévorait des yeux... puis dévorait tout court.
- Je m'appelle Astrée...
Elle se tourna enfin vers lui et osa un timide sourire.
- C'est drôlement pratique, comme sortilège, fit-elle en désignant les fleurs. Et vous avez bien deviné ses goûts...
L'homme paraissait un habitué des lieux, étant donné la façon dont le clerc avait fini par accepter leur intrusion.

Quête : Equité.

" Oui, c'est un sort bien pratique. Cela dit, je ne peux pas vraiment prévoir ce qui va apparaître, juste si cela va convenir à un cheval ou à un être humain. C'est l'essence divine qui doit capter les goûts de l'animal, je suppose. Mais ça reste toujours très basique... J'ai déjà essayé mille fois d'obtenir des chapons rôtis, du saumon fumé des Vaux ou de l'hydromel de Loth Imharil, et je me tape immanquablement un gruau ou un ragoût roboratif mais dépourvu de moindre intérêt gastronomique. Du coup, je m'en sers peu souvent... Ce que je trouve stupide..."
Il jeta un oeil vers les cieux, puis reprit à voix plus basse.
" Ce que je trouve stupide, c'est de devoir choisir entre le cheval et l'homme... Là, il y a déjà de quoi nourrir trois fois le vôtre... et je me suis limité au maximum. Alors pourquoi ne pas pouvoir invoquer un peu d'avoine et une bonne quiche au passage ? Ou des pommes. Rien que des pommes, on pourrait déjà partager. Bon, à mon avis, avec de l'entraînement, il doit y avoir moyen d'influer sur la manière dont la nourriture se manifeste... Mais je dois avouer que la question ne me turlupine pas assez souvent..."
Ils étaient arrivés sur les bords d'une jolie fontaine d'albâtre, représentant une jeune femme flattant l'épaule d'un poulain. Dans l'eau profonde d'un pied, des poissons oranges et blancs nageaient tranquillement, profitant du couvert de gros nénuphars épanouis. Reynald s'assit sur le bord et invita Astrée à l'imiter.
" Comptez-vous loger à Rohan, ce soir ? Je vous le déconseille, vu l'intérêt que tout le monde porte à votre cheval... Cela dit, ça ne s'arrangera nulle part sur la Trouée. Avez-vous un groupe avec lequel voyager ?"

Quête: Equité.

Astrée nota dans un recoin de son esprt qu'il parlait d'assence divine, ce n'était donc pas un barde, ni un mage. Un prête ou un druide certainement. Elle secoua la tête en réponse à sa question.
- Non, je ne compte pas passer la nuit ici... Et je voyage seule. Je trouverai bien un coin tranquille pour bivouaquer dans la campagne, ou peut-être demanderai-je asile dans une ferme...
Y avait-il seulement des fermes au sens où elle l'entendait ?
- Mais j'imagine que chacune possède son haras, par ici, et que tous connaissent ce mythe. Vous pensez vraiment que je cours un risque ? Que raconte-t-elle donc, cette légende ?

Quête : Equité

" En fait, c'est davantage qu'une légende... On a souvent une vision d'Hélonna comme d'un endroit qui n'aurait qu'une culture, pénétrée de lathandrisme, d'un doigt de magie, d'un accent mis sur le commerce, à l'image de Luménis, mais dans les faits... La Trouée a sa mythologie, ancienne, qui tourne autour des chevaux. A la nouvelle année, un rituel obscur se déroule à Edhoras, la grande cité de la région, et un certain type de cheval est nommé Monture de la Félicité, pour toute l'année. Les gens qui possèdent un animal correspondant à ces critères sont considérés comme bénis, ils sont généralement bien accueillis partout, et leurs chevaux sont invités à tous les événements où l'on invoquerait habituellement Tymora. On trouve des Montures de la Félicité pour les mariages et les naissances, quand on signe un contrat, quand on achète une maison, quand on embauche un ouvrier... Les Montures de la Félicité montent au combat contre les orques, partent à la recherche de trésors, participent aux semailles... Certaines années, les Equitains, c'est ainsi qu'on nomme leurs... shamans, nomment les hongres bais comme Montures de la Félicité, et la Trouée toute entière se sent investie d'une énergie merveilleuse, car chaque cavalier en a au moins un ! Mais certaines années, ils nomment les juments rouannes ou les étalons couleur de miel, et les maisons nobles se mettent à traquer la bestiole en tout endroit... "
Il jeta un oeil vers Prince, qui continuait à se régaler.
" Certains types sont de plus liés à des légendes spécifiques, qui investissent l'animal d'un pouvoir plus grand encore. Le petit cheval doré de l'est en est une... C'est un passage tiré d'une complainte, en réalité, et je pourrais vous l'interpréter, mais j'ai laissé mon luth à l'auberge et ça nous prendrait l'après-midi. En gros, c'est une variation sur la célèbre romance de Lathandre et Chauntéa, et le petit cheval doré de l'est est l'animal qu'enfourche le dieu chaque matin pour galoper devant le soleil. Je ne sais pas vraiment pourquoi on s'emballe à l'idée d'aller cavaler à l'aube, personnellement, ce n'est pas mon truc, mais bon, l'idée d'aller plus vite que le soleil, c'est sans doute excitant quand on aime se pavaner sur le dos d'une bestiole."

Quête : Equité

Astrée sourit, amusée.
- C'est vrai que ça lui ressemble beaucoup, comme portrait. Il adore filer comme le vent lorsqu'on prend la route...
Elle jeta un coup d'oeil attendri à son étalon. Mieux valait taire qu'il lui avait été offert par un prêtre lathandrite après sa mort : d'aucuns auraient tôt fait d'imaginer que c'était l'essence lathandrite du prêtre qui avait agi, donc Lathandre, et qu'il était donc bien l'animal de la légende. Et s'il s'avisait de se transformer... elle n'osait imaginer les réactions.
Elle fit taire la petite voix au fond de son esprit qui se demandait, encore une fois, comment un tel don avait été possible, insinuant des choses qu'elle ne voulait pas entendre, et supplia mentalement l'étalon de ne pas se faire remarquer dans les jours à venir. Tout en sachant qu'elle ne devait guère nourrir d'espoir à ce sujet.

- Heureusement qu'il ne sait pas qu'on le prend pour le héros d'un tel mythe, il deviendrait encore plus difficile à canaliser ! Mais il faudra que j'écoute toute l'histoire, à l'occasion.
Pour savoir si le cheval de la légende peut se transformer en abeille? ironisa la petite voix. Par tous les dieux, faites que non... Mais bien sûr que ce n'était pas le cas, c'était totalement... absurde d'oser même l'envisager ! Non ?

Sa gorge s'était quelque peu desséchée, malgré elle. Elle prit un peu d'eau de la fontaine dans le creux de sa main, la porta à ses lèvres.
- Vous jouez du luth... vous êtes barde ? demanda-t-elle en guise de diversion. Pourtant vous parliez d'essence divine tout à l'heure... Je dois avouer que je ne connais pas grand-chose à tout cela.

Quête : Equité

" Je suis un sorlyn, un clerc de Milil, le Seigneur des Chants, dit Reynald avec le sourire. Je suis un peu barde, un peu prêtre. Surtout barde, dirait Henri. Pourtant, tous les clercs chantent. Nous autres, sorlyns, aimons ça un peu plus que les autres."
Il haussa les épaules.
" En vérité, je me sers exclusivement de magie divine. La plupart de mes pairs s'engagent plus activement dans une carrière bardique, mais ce n'était pas ma vocation. Je ne maîtrise que trois instruments et je ne sais pas faire de tours de magie, mais ça ne me gêne pas."
Son regard retomba sur Prince des Frelons.
" Si vous continuez vers Edhoras, je me trouverais un groupe pour voyager. Les gens de la Trouée sont honorables, et la plupart ne tenteraient rien contre vous. Mais les sommes qu'ont promis certains des nobles les plus riches sont faramineuses et feraient tourner la tête du paladin le plus honnête..."
Il pinça les lèvres.
" Mais vous montez peut-être vers Eredhun ?"

Quête : Equité

Astrée secoua la tête, subitement découragée.
- Non, hélas... Je vais en direction d'Edhoras...
Elle soupira. Mais pourquoi donc le voyage devenait-il si compliqué ? Pourquoi donc son cheval avait-il la mauvaise idée de ressembler à un cheval de légende qui semblait l'animal le plus recherché de cette région du globe ?
- Et... j'ai toujours voyagé seule, il ne m'est jamais venu à l'esprit de m'imposer dans un groupe déjà constitué...
Elle aurait détesté cela.
- Je ne sais plus que faire... Je pourrais tenter de rester hors des chemins, sur de vastes étendues désertiques où je ne croiserais personne, mais tôt ou tard je finirai par tomber sur quelqu'un, plus ou moins bien intentionné. Donc j'imagine que vous avez raison, qu'il serait plus prudent de ne pas être seule. Mais je ne connais absolument personne par ici...
Elle se sentait... terriblement anxieuse.

Quête : Equité

Le clerc parut sensible à son changement d'humeur et soupira.
" Je pourrais voyager avec vous. Moi et mon associé. Nous sommes des clercs errants, nous n'avons pas de parcours fixe... Nous venons de quitter Eredhun où nous avons passé l'hiver, et ça fait longtemps que nous ne sommes plus allés vers Lunaros, nous pourrions donc vous accompagner un bout de chemin... Mais nous n'avons que deux ânes, et je crains que votre cheval ne devienne fou à devoir suivre notre rythme... Il n'a pas l'air du genre à déambuler. Nous pourrions sérieusement vous retarder, si vous êtes pressée..."

Quête: Equité

Un élan de gratitude envahit Astrée.
- Oh, non, je ne suis pas pressée ! s'empressa-t-elle de répondre.
Tout était préférable à l'idée d'oser interpeller des inconnus pour se joindre à eux. La voix de la raison lui rappelait, goguenarde, que Reynald aussi était un inconnu, au fond : une discussion de quelques minutes ne transforme pas un étranger un personne de confiance ! Mais disons que c'était un inconnu... connu. Enfin, quelqu'un qui ne l'impressionnait pas, pour qui elle n'avait pas à affronter et vaincre l'obstacle insurmontable de sa timidité.
- Et la lenteur n'est pas un problème : je descendrai de selle aussi souvent qu'il le faudra pour laisser Prince se défouler en galopant librement à mes côtés. Mêmesi je dois faire l'essentiel du voyage à pied... cela ne me dérange pas, j'ai l'habitude de marcher.
Elle se dit qu'il lui faudrait certainement envisager de faire la totalité du voyage à pied... Ce qui, elle en était certaine, ne déplairait pas le moins du monde à sa monture, enfin libre de ses mouvements. Sauf qu'il n'apprécierait pas qu'elle lui laisse son chargement. Des heures de négociations en perspectives...
- Mais tout de même...je ne veux pas que vous vous sentiez obligés de vous mettre en route si telle n'était pas votre intention...

Quête : Equité

Reynald sourit.
" Nos voyages sont souvent faits de rencontres et de hasards... Cela fait plus de dix ans que nous sommes sur les routes, Tybert et moi. Tout prétexte est bon à prendre. C'est ça ou lancer une branche en l'air et emprunter le chemin qu'elle désigne !"
Il se leva et épousseta son manteau. Astrée vit la couleur violette d'une aube sous la toile grise.
" Je pense qu'il vaut mieux quitter Rohan avant la nuit. Je vous conseillerais de mettre une couverture sur votre cheval. Cela ne le dissimulera pas complètement, mais il attirera déjà moins le regard. Je vais aller chercher Tybert et nous nous retrouverons à la Porte Est. Il y a une sacrée file pour sortir, d'après ce que j'ai vu, autant ne pas traîner."
Il s'immobilisa avant de quitter la fontaine.
" Il y a cependant trois choses que vous devez savoir avant d'accepter fermement mon offre. La première, c'est que je suis bavard. Je donne souvent mon avis et j'aime raconter des histoires. Déformation professionnelle. La seconde, c'est que tôt ou tard, ma curiosité prendra le pas sur mes bonnes manières et je vous demanderai pourquoi vous voyagez seule dans la Trouée. La troisième, c'est qu'il n'est absolument pas question que vous marchiez tout le trajet. Si votre cheval veut faire cavalier seul, nous partagerons les ânes."

Quête : Equité

Astrée sourit.
- C'est noté ! fit-elle simplement.
C'était parfait ainsi : ses bavardages lui éviteraient d'avoir à faire la conversation, sa curiosité ne la dérangeait pas puisqu'elle n'avait rien à cacher. Enfin, à part le secret de Prince... Mais ce n'était pas là-dessus que porteraient ses questions, et il restait à espérer que l'étalon sache rester discret. Ce qui était loin d'être gagné. Quant au troisième point... et bien, cela leur promettait de longs débats houleux puisqu'elle n'avait pas l'intention de les priver de leur monture. Peut-être que Prince accepterait de suivre le rythme de temps en temps...

Elle suivit immédiatement le conseil du prêtre et utilisa sa couverture pour protéger Prince, au grand étonnement de l'étalon. Il lui restait quelques courses à faire, mais elle n'en avait plus vraiment envie, et puis elle avait de quoi tenir encore un peu. Il lui fallait pourtant au moins acheter une deuxième couverture : si jamais elle devait dissimuler sa monture par temps de pluie elle n'aurait plus rien pour se couvrir la nuit.
Évitant au maximum les regards curieux, elle fit un crochet par le quartier des échoppes. Elle n'y passerait que le temps strictement nécessaire avant de rejoindre au plus vite la porte de l'est.

Quête : Equité

Une fois ravitaillée, Astrée rejoignit la porte est par le chemin le plus court. Elle fut cependant encore importunée deux fois par des cavaliers désireux d'acquérir son cheval. Le second d'entre eux lui offrit même une somme dix fois supérieure à la valeur d'un destrier de combat, ce qui correspondait à suffisamment d'argent pour nourrir trois familles entières pendant un an. Reynald n'avait pas menti, on se pressait à la sortie comme on s'était pressé à l'entrée. Astrée repéra facilement les deux prêtres, qui s'étaient postés sous un arbre fleuri, à quelques toises de la file. Le compagnon du Sorlyn était plus grand et plus maigre, avait les cheveux gris bien que, comme son acolyte, il n'ait sans doute pas encore quarante ans, et une expression de parfaite tranquillité sur le visage. Leurs ânes étaient des bêtes vigoureuses et élancées, bien loin des petits baudets pansus qu'on imagine parfois. Reynald fit signe à Astrée en l'apercevant et ils se glissèrent tous trois dans la cohue.
" Je vous présente Tybert, mon partenaire sur les routes. Il ne fait pas la conversation mais il cuisine plutôt bien, ce qui explique en partie notre association."
L'autre clerc adressa un léger signe de tête à Astrée, un sourire amical mais furtif sur le visage.

Quête : Equité

Astrée répliqua d'un sourire tout aussi amical et tout aussi furtif. Il semblait que Reynalds devrait se charger de la conversation pour eux trois. Un zeste de politesse l'obligea tout de même à prononcer quelques mots :
- Enchantée de vous connaître.
Elle était soulagée de ne plus être seule à affronter les regards. La dernière offre l'avait laissée songeuse, réalisant qu'elle aurait pu rapporter tout cet argent à l'orphelinat de Luménis, et non seulement soigner le garçon paralysé mais nourrir tout ce petit monde pendant un bon moment. Mais il était hors de question qu'elle vende Prince. Bélenn le lui avait en quelque sorte confié, sachant très bien son secret. Elle était désormais responsable de l'étrange étalon... Et puis, tous ces mois passé ensemble avaient tissé un lien si fort entre eux qu'elle n'imaginait pas un seul instant le trahir, même pour une fortune.

Bien sûr, la présence de Prince dénotait auprès des ânes, et ils continuaient à attirer les regards. Heureusement que la sortie de la ville était toute proche. Astrée se sentait véritablement soulagée de ne plus être seule : toutes ces offres, de plus en plus extravagantes, confirmaient ce que lui avait annoncé Reynalds et finissaient par l'angoisser. Et si on tentait d'enlever son cheval ? Il saurait certainement s'échapper en utilisant ses pouvoirs, mais tout de même...

Par ici...

Quête : Equité

Quittant la campagne, Astrée entra donc dans Rohan qui, comme de coutume, était passablement encombrée. Elle en connaissait un peu la topographie, cependant, et put se frayer un passage assez aisé d'un bout à l'autre, en peu de temps. C'était, effectivement, une cité modeste, et au pas d'un cheval, il fallait peu de temps pour la traverser. Le ciel grisait, mais elle avait encore une heure ou deux de lumière acceptable devant elle. A elle de décider si elle voulait s'abandonner un moment à la contemplation de cette cité chargée de souvenirs, ou si elle préférait laisser tout ça derrière elle, au moins pour un temps...

Elle décida de ne pas s'arrêter. Elle n'en avait pas envie, craignait de réveiller trop de souvenirs. Quitter la Trouée était déjà difficile, puisque cela signifiait le retour prochain à Luménis, et une vie soudain trop vide à affronter à nouveau. Il n'était pas nécessaire d'y ajouter des réminiscences douloureuses, elle n'en avait pas la force.
Elle traversa donc la ville sans s'arrêter une seule fois, sans vraiment regarder ce qui l'entourait, concentrée sur l'itinéraire à suivre et la foule des autres chevaux et rares piétons aux alentours. Et elle poursuivit sa route vers le soleil couchant. Elle trouverait peut-être un peu de végétation, loin de la route, derrière laquelle s'abriter des regards, ou bien une grange perdue dans la campagne, ou une ferme, éventuellement, pour y passer la nuit...

RP solo : apprentie druide

Comme l'avait annoncé la sage-femme du Pont des Trois Sires, les nuages s'amoncelèrent peu à peu dans la journée du surlendemain, de plus en plus menaçants. L'orage éclata en début d'après-midi, et Astrée accéléra l'allure. Rohan n'était plus très loin. Elle n'avait pas besoin de l'avis de la matrone pour savoir qu'elle n'était pas remise de sa fausse couche, malgré les simples fournis par Isudë. Il valait mieux qu'elle perde deux jours à se reposer bien à l'abri d'une chambre d'hôtel plutôt que de risquer un refroidissement dangereux pour son organisme affaibli.

Péntrant dans la ville au pas de son cheval, elle s'efforça de faire taire ses souvenirs. Ceux de la nuit passée ici avec Kasumi un an et demi plus tôt, dans une chambre trop petite de l'auberge du Cheval Coureur, avec un lit à une seule place. Mais surtout ceux, trop récents et trop douloureux, de sa rencontre avec Reynald. Elle l'avait croisé dans le quartier marchand qu'elle apercevait là-bas, où il l'avait débarrassée des importuns qui voulaient lui acheter sa monture, puis ils avaient discuté dans ce petit jardin-ci, probablement le seul endroit de la ville à être interdit aux chevaux. Et ils avaient rejoint Tybert vers la porte est, par là-bas. Elle sentit son cœur se serrer, les larmes perler, et s'obligea à porter ses pas vers d'autres quartiers, où rien ne lui rappellerait cette aventure. Mais la ville n'était pas immense. Le seul secteur où elle n'avait jamais mis les pieds était le nord de la ville, et c'est dans cette direction qu'elle se dirigea.

Elle y trouva une petite auberge rustique, tenue par un couple de halfelins, et d'ailleurs fréquentée par un certain nombre de leurs congénères. Il y avait heureusement, parmi la clientèle, également des humains et même des elfes, et, par conséquent des tables et chaises de toute taille. On lui donna les clés d'une chambre du premier étage, le second étant réservé aux races de petite taille. Le mobilier était rustique, les draps un peu rêches, mais l'ensemble était propre et il y avait une salle d'eau commune : c'est tout ce qu'elle demandait à une auberge, aussi s'estimait-elle parfaitement comblée. Un coup d'oeil par la fenêtre lui apprit que la pluie tombait toujours à seaux. On n'était qu'au milieu de l'après-midi, mais ces quelques jours de voyage l'avaient épuisée, aussi s'octroya-t-elle le luxe de s'allonger et de passer le reste de la journée à ne rien faire. La cohabitation des différentes races dans cette auberge lui rappelait, à une toute autre échelle, le Castel des beaux Etrangers, et la ramenait, inévitablement, à sa vocation de druide. Et la perspective de commencer bientôt son apprentissage était si exaltante qu'elle parvenait, à sa grande surprise, à chasser de son esprit sa mélancolie habituellement si tenace.

Elle resta trois nuits dans l'auberge. D'abord parce que le temps était menaçant, ensuite parce qu'elle se découvrit bien plus fatiguée qu'elle ne l'aurait cru. Elle n'avait pourtant qu'une bonne demi-veille de route derrière elle, et n'avait guère dépassé le quart de son voyage. Mais elle avait tout son temps... Consciente qu'il lui fallait reprendre des forces, elle passa la moitié de ses matinées à dormir, s'accorda des siestes l'après-midi, se coucha tôt, et profita des accalmies pour aller se promener avec Prince dans la nature environnante, plutôt vers le nord - là où elle repartirait. Elle s'obligeait à manger copieusement malgré son manque d'appétit, et prenait le temps de méditer tous les matins pendant une bonne heure, grisée par cette sensation de communion avec la toute-puissance des forces de la nature. Pour passer le temps, elle cueillait des herbes, des fruits sauvages. Ça n'était pas désagréable de ne rien faire, pour peu de savoir tenir les pensées trop sombres à distance. Oh, bien sûr, il lui arrivait encore de se trouver au bord des larmes, assaillie de souvenirs douloureux, mais elle parvenait décidément de mieux en mieux à les enfouir au fond d'elle, à maîtriser son humeur.

Elle reprit la route requinquée, son sac plein de provisions fraîches, le coeur plein d'allant. La région qu'elle s'apprêtait à traverser était belle et sauvage, peu peuplée à l'exception d'Edhoras qu'elle comptait bien éviter. De vastes plateaux où Prince pourrait galoper tout son saoul et grignoter les fleurs printanières qu'il aimait tant, des fruits sauvages et du petit gibier à volonté, des bivouacs à la belle étoile, l'asile dans une ferme si le temps devenait trop mauvais. Un voyage loin de toute civilisation, exactement comme elle les aimait : il s'écoulerait une veille au moins sans traverser de ville digne de ce nom, et c'était parfait. Il fallait toutefois qu'elle garde à l'esprit qu'elle voyageait seule et qu'elle était une femme : il valait mieux qu'elle se fasse discrète et s'organise pour bivouaquer dans des endroits bien cachés pour ne pas attirer les convoitises. Même dans une région rude et peu peuplée, il pouvait y avoir des gens malhonnêtes. Mais elle était d'un naturel confiant, le soleil était de retour, la route montait peu à peu vers les hauts plateaux du nord de la Trouée, et la Nature était magnifique sous les rayons du soleil levant.
Se souvenant de la carte qu'elle avait consultée avant de partir, elle décida de bifurquer à gauche, quittant la route pour se diriger, au juger, un peu plus vers le nord : elle ne recherchait pas la compagnie de ses semblables ni le confort d'une route plane, au contraire : elle adorait cette sensation d'être seule au monde, galopant dans les steppes herbeuses à perte de vue. Togoria, c'était loin encore. Elle avait une veille de liberté devant elle et elle comptait bien en profiter.

Quête : Le Berceau

Après une demi-heure au pas, dans le flot de chariots et de cavaliers qui pénétraient dans la ville, le coche parvint enfin à bon port, au relais. Les voyageurs purent quitter l'espace confiné du véhicule dans une cour intérieure, où des porteurs vinrent prendre leurs affaires en charge et les leur restituer. Le cocher salua individuellement chacune des personnes qu'il avait transportées, félicitant les deux garçons pour leur bonne tenue, puis disparut à l'intérieur de l'un des bâtiments. Comme au Pont, une jeune femme semblait avoir leur charge et elle pourrait probablement les aider s'ils avaient besoin de renseignements. Après tout, de Rohan, Taliesin ne connaissait que le fort des Dragons et l'auberge très snob du Poulain d'Airain.

Et puis, il fallait qu'il lui demande où se trouvait leur hostellerie : il devaient choisir celle avec laquelle la compagnie de coche était en contrat et il doutait fort que ce soit le fameux Poulain d'Airain.
Il s'approcha donc de la dame, attendant qu'elle soit disponible. Il n'avait pas d'autre question à lui poser, cependant : si les garçons voulaient marcher un peu, il les mènerait explorer, au hasard, les abords de leur auberge.

La jeune femme lui apprit que la compagnie travaillait avec trois auberges différentes, en fonction du standing recherché. La première, de niveau intermédiaire, se trouvait à deux rues de là, la seconde, plus chère, n'était autre que le Poulain d'Airain, la dernière, pour les petits budgets, était plus loin, mais elle pouvait aussi la leur renseigner. De son côté, elle avait besoin de savoir s'ils entendaient poursuivre leur périple dès le lendemain matin, ou s'ils voulaient s'attarder une journée à Rohan, et repartir le surlendemain. Tout était possible, tant qu'ils l'avertissaient de leurs intentions dès à présent.

Après lui avoir demandé de bien vouloir lui accorder quelques instants, il se tourna vers ses enfants.
-Qu'est-ce que vous en pensez ? Est-ce que vous avez besoin d'une pause après deux jours de coche ? Est-ce que visiter Rohan vous tente ? Est-ce que vous avez envie de poursuivre sans tarder vers le nord ? Personnellement, je pensais repartir dès demain matin mais... N'hésitez pas si vous avez d'autres envies.

Victor ouvrit la bouche mais Baptiste le prit de vitesse.
" Moi aussi je suis pour qu'on parte dès demain." fit-il.
Victor grimaça.
" Moi j'allais dire que ça m'était égal, mais vu que vous êtes tous les deux pour qu'on s'en aille, ma foi..."

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Rohan