La Couronne de Cuivre

Eärundra afficha un large sourire. Tilmandil, quant à lui, tira la langue.
- Mon demi-frère oublie de vous dire qu'il a promis de se charger lui-même de maintenir Léo pendant la téléportation...
- Oh, mais c'est une bonne idée, répliqua la druidesse ingénument, sur un ton un peu taquin. Je suis certaine qu'il ne bougera pas d'un pouce pour peu que vous ne le quittiez pas du regard. N'oubliez pas qu'il a une double dette envers vous. Il vous doit sa blessure, mais aussi la vie, et vous considère comme un dominant.
Elle caressa la crinière du lion comme s'il se fut agi de celle d'un cheval, et poursuivit, d'une voix douce et grave.
- Et vous avez vous aussi un devoir de réparation envers lui, en quelque sorte, puisque vous avez à la fois attenté à sa vie et sauvé sa vie. Vous êtes en quelque sorte responsable de lui désormais, d'une façon différente de moi. Ne l'oubliez pas...
Cinia observait l'animal en clignant des yeux, l'air un peu affolée.
- Je... je suis sensée être en contact avec tout ce que je dois téléporter, mais...

Sans savoir ce qui le motivait exactement entre la volonté de rassurer la mage, de se prouver qu’il était capable de le faire ou peut-être même d’impressionner l’un ou l’autre des jeunes elfes, Kasumi s’avança, lentement, une main ouverte devant lui en signe de paix. Mais sans quitter l’animal du regard, chercher à capter son attention, d’anticiper une réaction hostile ou affolée, de la prévenir. Si Léo lui en laissait l’opportunité, il poserait une main sur sa crinière pour l’y habituer, pour préparer le contact nécessaire entre lui et dame Cinia.

Le lion, sans doute dûment briefé par la druidesse, se contenta de balancer lentement sa queue, sans donner le moindre signe d'hostilité, juste une certaine méfiance qui le fit reculer d'un pas. Eärundra saisit sa crinière d'une main, l'obligeant à s'immobiliser. Elle prit elle-même la main du rôdeur pour la poser sur le dos du fauve, juste sous la sienne. Le lion les regarda l'un et l'autre... et se contenta d'un baillement.
- Nous conclurons cette phase d'approche un peu plus tard, fit-elle avec un sourire. Nous ne pouvons pas nous téléporter d'ici, il faut marcher encore une heure ou deux je pense.
Cinia confirma d'un signe de tête.
- Le champ de protection magique est moins fort, mais je le ressens encore trop présent... Deux petites heures de marche au maximum.
- Je vais convaincre Léo de marcher près de nous durant ces deux heures, pour qu'il s'habitue à vos odeurs. Ce sera ensuite plus facile de le convaincre de vous laisser le toucher. Kasumi, vous allez prendre la tête, et je fermerai la marche avec Léo. Il faut avancer jusqu'à mi-hauteur de ce col, là, peut-être un peu plus...

La sensation d’euphorie teintée de soulagement était grisante. Le lion ne s’était pas défié de lui comme lors de leur première rencontre. Mieux, il semblait sur le point d’accepter sa présence, leur présence à tous. Sur un sourire motivé par cette bonne nouvelle, le rôdeur s’inclina ostensiblement devant la druidesse avant de lui adresser d’un ton composé :

- J’obéis à vos ordres dame. Je me ferai donc éclaireur en plus de garde du corps personnel de Tilmandil. Que de responsabilités m’incombent !

Il fallut presque deux heures encore de marche avant que la mage s'arrête subitement.
- Nous pouvons partir d'ici, ce sera parfait. Je ne ressens plus le champ protecteur...
Deux aigles géants les survolèrent, sans doute sans prêter attention à eux.
- Les gardes veillent, fit remarquer Eärundra avec un haussement d'épaule. Bon voyons un peu comment nous organiser...
- Il faut que tout le monde soit en contact avec moi, pour les humains c'est simple, mais pour votre... animal...
- Je vais vous prendre la main et la placer sur sa crinière... N'ayez pas peur, si votre main est dans la mienne, il l'acceptera et ne dira rien. Vous avez bien vu tout à l'heure.
- Oui mais...
- Léo va rester entre Kasumi et moi. Pour éviter qu'il ne panique et se sauve à l'arrivée. Vous, Dame Cinia, vous vous placez devant moi, ici... Là, oui, à cinquante centimètres de Léo. Pas plus loin sinon Kasumi ne pourra pas toucher votre main ! Timmandil, vous vous mettez ou vous voulez mais vous touchez Dame Cinia... à un endroit que la morale ne réprouve pas bien sûr !
- Oh !
- Bon... Dame Cinia, je vais pendre votre main et la placer sur la crinière de Léo... Vous voyez, il ne bouge pas ! Kasumi, prenez le poignet de Dame Cinia. Voilà. Vous allez réussir à incanter ?
Mais déjà la mage incantait, pressée sans doute d'être débarrassée de ce contact fort inquiétant avec le fauve.

Une lumière dorée les enveloppa, escamotant les montagnes alentours. Et quelques instants plus tard, ils se retrouvèrent dans un tout autre paysage.

Quête : Racines

Chapitre 3 : Everaska

Le brouillard lumineux se dissipa presque instantanément, révélant un paysage magnifique : des cimes enneigées à perte de vue, un sentier rocailleux à flanc de montagne, un paysage magnifique sous un soleil radieux. Sylvia tituba, éblouie.
- Ouah...
Il était difficile de savoir si c'était seulement à cause de leur mode de voyage, ou si elle admirait également le paysage qu'elle avait sous les yeux.
Léo, complètement affolé, s'échappa aussitôt, se ruant loin de la magicienne.

Kasumi passa son bras autour de la taille de sa compagne dans un réflexe pour la rattraper quand il la vit tituber. Mais il ne fit aucun geste pour le retirer même après s’être assuré qu’elle avait repris son aplomb. Léo venait de s’éloigner mais ça ne l’inquiéta pas outre mesure : il était arrivé à destination sans anicroche et même s’il s’éloignait un peu, il retrouverait très vite son chemin d’autant que le demi-elfe soupçonnait la présence d’Eärundra dans les parages. Peut-être le lion se dirigeait-il d’ailleurs droit vers sa maîtresse. Admirant à son tour le paysage enchanteur qui les entourait de sa splendeur glacée et notant l’étonnement de la rôdeuse devant ce paysage d’altitude, le demi-elfe déclara avec douceur :

- Bienvenue au pays des elfes de lune. La cité se trouve après le col. Les bois sont très paisibles en cette saison, tu verras.

Sylvia ne répondit pas, se contentant de se lover dans ses bras, les yeux embrassant le paysage.
- C'est beau..., finit-elle par dire.
Un renâclement, derrière eux, les poussa à se retourner : trois chevaux les attendaient, parmi lesquels il reconnut celui qu'il avait monté plusieurs jours auparavant. Eärundra était un peu plus loin, sur le sentier, et Léo était bien sûr auprès d'elle.
- On ferait bien de se mettre en selle assez vite, fit remarquer Galawen. La route est longue, et je ne suis pas sûre qu'on puisse atteindre la cité avant ce soir...
Elle prit par la bride la plus petite des montures, les laissant se répartir les deux autres. Il n'y en avait aucune de prévue pour la druidesse, apparemment...

Le rôdeur restait silencieux, respectant l’instant de découverte de Sylvia pour le paysage qui avait servi de cadre à une partie de son enfance. En voyant la jeune femme l’admirer, il ressentit un étrange élan de fierté d’autant plus surprenant qu’il ne s’était alors jamais considéré comme chez lui en ces lieux. Il avait fallu qu’il devienne adulte et voyage au loin pour se rendre compte à quel point c’était un cadre sublime et paisible. Evidemment, tout serait à nouveau différent en ville avec son lot d’elfes méprisants pour sa race mais c’était comme si tout lui apparaissait sous un autre jour depuis son retour, comme si ses yeux s’étaient ouverts. Il mena Sylvia vers les chevaux sans hâte, lui désignant le cheval qu’il n’avait pas monté, se réservant l’autre avec qui il avait déjà quelque affinité.

- Nous allons les mener jusqu’à la route. Ensuite nous monterons, tu verras, c’est facile : même les citadins y arrivent !

Cette dernière petite phrase lui valut un regard noir de Galawen. Il put rapidement constater que la magicienne, citadine, n'était guère à l'aise sur un cheval. Elle savait se mettre en selle, et parvenait à s'en faire obéir, mais il semblait évident que le trot ou, pire, le galop, lui étaient peu connus.
Sylvia, quant à elle, s'approcha sans crainte de sa monture, et la caressa un moment en lui parlant doucement. Elle eût besoin des conseils techniques du rôdeur pour se hisser sur la selle, ce qu'elle parvint à faire avec une certaine grâce. Mais trouver la façon de tirer sur les rênes ou de claquer des talons pour diriger l'animal était moins évident. En désespoir de cause, elle se contenta d'ordonner mentalement à l'animal de suivre la monture de Kasumi, et ils se mirent en route. Au pas, compte tenu du manque d'expérience de la magicienne.
- Je vous attendrai par ici, fit Eärundra d'un ton tranquille en les saluant de la main. Dans deux à trois jours, j'imagine. Avec ou sans les aigles...

Kasumi détacha son regard des deux cavalières pendant un instant pour prendre le temps de saluer la druidesse. Il constata qu’elle ne les accompagnait pas. C’était évident à bien y penser : c’est déjà hors de la ville qu’ils s’étaient donné rendez-vous à peine quelques jours plus tôt au début de leur périple. Une éternité renversante quand on tentait d’appréhender tout ce qui s’était passé depuis lors.

- Merci Eärundra, portez-vous bien d’ici là. J’imagine que Léo n’est pas le seul à avoir un peu le mal du pays.

Après des adieux sans effusions, le rôdeur concentra à nouveau toute son attention sur ses deux compagnes de route.

- Tu te débrouilles très bien, Sylvia. Essaie juste d’accompagner un tout petit peu plus le mouvement du cheval. Ton assiette sera bien meilleure et tu ressentiras moins les courbatures en fin de parcours. Crois-en mon expérience ! Je vais ouvrir la marche si vous n’y voyez pas d’inconvénient l’une et l’autre. Nous allons continuer au pas tant que la route ne sera pas meilleure : inutile de prendre des risques sur un sol aussi glissant. Je connais en outre une très jolie cabane que Tilmandil a jugé tout à fait confortable si jamais nous devions passer la nuit près du col !

Avançant à une allure lente mais régulière, ils arrivèrent en milieu d'après-midi près de la cabane où Kasumi et Tilmandil avaient passé la nuit. Ils avaient vu, un peu avant, les traces du bivouac de la nuit précédente, et suivaient désormais les traces de plusieurs chevaux. Le chemin, toujours escarpé, montait en pente régulière, et il leur faudrait sans doute encore deux ou trois heures pour atteindre la frontière, au col. Et peut-être autant pour atteindre, ensuite, le village. S'ils persistaient à avancer jusque-là, ils arriveraient probablement quelque part au milieu de la nuit.
Galawen prit l'initiative de sortir quelques provisions, apportées sans doute par les cavaliers qui les avaient rejoints.
- Si ça ne vous dérange pas... On devrait faire une pause. Surtout si vous voulez qu'on fasse tout le chemin d'une traite.
Elle avait l'air passablement fatiguée, mais s'efforçait, de son mieux, de tenir bon.

Passer la nuit dans la cabane les aurait trop retardé tout compte fait aussi les rôdeurs et la mage avaient poursuivi sans avoir à se consulter pour en décider. Kasumi se repérait un peu mieux maintenant qu’il se trouvait en des terres un peu plus familières : s’ils accéléraient l’allure, ils pourraient espérer atteindre les portes de la ville vers la minuit mais presser le pas alors que la lumière déclinait et avec deux cavalières débutantes était de la folie sur des chemins de montagne. Que la mage demande une pause en disait long sur son état de fatigue aussi le demi-elfe ne rechigna pas une seconde à la lui accorder.

- Prenons le temps de manger en effet. Nous avons bien progressé. Je pense que nous aurons atteint le col juste avant la tombée de la nuit. Nous y bivouaquerons dans la forêt avoisinante si nous ne sommes pas admis dans une des cabanes des gardes frontaliers. Je ne veux pas poursuivre dans le noir sur ces routes : les chevaux risqueraient de se blesser et nous avec.

Inutile de préciser que les chevaux ne seraient pas les seuls à n’y rien voir dans cette éventualité.

HRP : les chevaux y voient un peu la nuit (en tout cas c'est ce qu'on a compris, avec Gal, en lisant les pages wikipédia sur les chevaux et les écureuils)

Ils s'arrêtèrent un bon quart d'heure. Davantage n'aurait pas été prudent compte tenu du froid qui régnait à cette altitude. Un repas chaud les aurait davantage revigorés, mais ils n'avaient pas le temps de faire un feu. Ils se remirent en route sous un ciel de plus en plus voilé, annonciateur, peut-être, de pluie. Ou de neige, plus probablement, à cette altitude.
Ils parvinrent au col au moment où le soleil jetait ses derniers feux, embrasant les nuages, de plus en plus nombreux, de couleurs chatoyantes. Peu avant, ils avaient aperçu un aigle géant et son "cavalier", laissant Sylvia béate d'admiration... et un brin contrariée, sans doute, de se voir rappeler ainsi leur séparation prochaine.
Deux gardes vinrent à leur rencontre. Inconnus de Kasumi.
- Bonjour, voyageurs. Veuillez décliner votre identité.
- je suis Galawen Filànd, citoyenne d'Everaska...
L'elfe hésita, puis se tourna vers Kasumi pour le laisser se présenter, ainsi que sa compagne.

Kasumi s’approcha tranquillement des deux gardes, quelque peu soulagé de n’avoir pas affaire avec le même arrogant de son dernier passage. Pour prévenir tout risque avec ces deux-là, il se remémora le protocole que lui avait enseigné son père autrefois et tenta de se montrer le plus avenant possible, commençant par annoncer sa compagne ce qui la plaçait comme plus importante que lui-même :

- Voici, Sylvia, compagnon du peuple de la Haute-Forêt orientale. Et je suis Kasumi, citoyen de Luménis et fils d’Elryndel, haut diplomate d’Evereska. Nous requerrons le passage par le col pour rendre visite et assistance à mon père.

Le rôdeur prit ensuite soin de présenter le laisser-passer que lui avaient octroyés les deux précédents gardes.

L'un des gardes jeta un coup d'oeil au laisser-passer et hocha la tête. Puis, l'examinant plus attentivement, il fronça les sourcils.
- Ce papier ne mentionne pas votre compagne...
Son camarade y jeta un oeil à son tour.
- C'est vrai ça... Elle n'était pas avec vous la dernière fois, c'est bien ça ?
- Il nous faut remplir le registre des nouveaux entrants, dans ce cas... Et il faudra dès demain matin aller vous présenter aux services de l'immigration, pour remplir un certain nombre de documents. Combien de temps doit-elle rester ?

Kasumi récupéra le papier et répondit d’un ton un peu plus froid que précédemment après l’avoir rangé dans son sac :

- Nous passerons quelques jours en ville. Je ne suis pas capable de vous préciser combien de temps dureront nos affaires cependant. Et nous remplirons les obligations nécessaires à notre séjour mais je ne doute pas que l’information de notre venue a déjà été transmise aux autorités compétentes dans le respect de la loi everaskane. Pouvez-vous nous montrer ce registre que nous puissions déclarer notre passage ?

On lui tendit une liasse de parchemins, où Sylvia dut écrire elle-même son identité et la raison de sa présence en ville, question qui lui causa quelque hésitation. Elle finit par indiquer qu'elle rendait visite à la famille de son compagnon. La stricte vérité. Les parchemins furent ensuite soigneusement roulés, et ramenés dans une espèce de guérite toute proche.
On les laissa passer sans plus de formalité. Néanmoins, au moment où ils le dépassaient, l'un des gardes les interpella à nouveau.
- Vous comptez descendre directement, j'imagine ? Il semblerait qu'ils annoncent de la neige pour dans quelques heures, vous auriez intérêt à être à l'abri avant. Si vous le souhaitez, nous avons quelques pierres de lumière dont nous pouvons vous faire profiter.
Il tenait à la main une pierre d'où émanait une douce lumière blanche, certainement suffisante pour percer les ténèbres sur quelques mètres autour d'eux.

Kasumi hésita un petit moment. Il n’avait pas voulu faire preuve d’indiscrétion en tentant de lire ce que Sylvia avait inscrit sur le parchemin. Du reste, cela sembla satisfaire les gardes qui mirent fin aux formalités. Mais même s’ils ne s’étaient guère attardés sur le col, la nuit était déjà sur le point de tomber. Certes la route était maintenant bien plus praticable mais la température baissait rapidement et le temps pouvait s’avérer problématique s’ils tardaient trop à se mettre à l’abri. Dans ces conditions, bénéficier d’une source de lumière pouvait être une bonne idée et il se maudit de ne pas y avoir pensé plus tôt. Et deux sources vaudraient mieux qu’une seule à bien y penser.

- Je vous remercie. Pourrons-nous la déposer au poste de garde des portes ?

Après avoir obtenu sa réponse et la dite pierre, il donna quelques précisions et instructions à ses deux compagnes :

- Nous en avons encore pour deux voire trois heures de route. Mais un bon lit nous attend au bout du chemin et nous pourrons presser un peu le pas sur la route au-delà du col : elle est plus régulière et nos chevaux y verront mieux désormais. Je vais rester en tête avec mon épée. Sylvia, Tu veux bien fermer la marche avec la pierre de lumière ?

Sylvia hésita.
- Si tu veux... mais tu es sûr que vous allez y voir assez, devant, sans la lumière ? Enfin, je sais bien que vous avez des capacités d'infravision, vous autres elfes... mais peut-être qu'il faut plutôt que je passe en deuxième position... Enfin, surtout quand il fera complètement noir.
Elle haussa les épaules.
- mais on verra bien d'ici là.
- Ca ne me dérange pas du tout de fermer la marche, opina Galawen. Quand il fera nuit noire.
Ce qui, d'après la couleur du ciel, serait le cas dans une bonne demi-heure.
Les gardes les saluèrent en leur demandant de rendre leur pierre de lumière au poste de garde à l'entrée de la cité, et ne se préoccupèrent plus d'eux, concentrés sur la surveillance de leur portion de route.

Kasumi répondit à Sylvia d’un sourire et fit aussitôt appel aux pouvoirs de la pierre de Belenn pour leur conférer une seconde source de lumière. Ainsi, ils disposeraient d’une zone éclairée qui les couvrirait tous les trois.

- Désolé, j’ai tendance à oublier ce petit truc pourtant bien pratique. La lumière d’Etincelle durera environ une heure mais je pourrai y refaire appel quand elle s’éteindra. Avec de la chance, nous serons ensuite arrivé aux portes.

Se tournant vers Sylvia pour observer sa position, il ajouta d’un ton chaleureux :

- Tu commences déjà à vraiment bien te débrouiller en selle on dirait ! Je savais que tu t’y ferais vite : tu as toujours été douée avec les animaux.

Evidemment ce n’était pas une raison pour presser encore l’allure d’autant que Galawen semblait bien plus circonspecte sur sa propre monture. Le rôdeur s’engagea donc au petit trop sur la route en lacet descendant vers la cité.

- Nous atteindrons bientôt un petit promontoire d’où nous pourrons apercevoir la cité : la vue y est magnifique, surtout de nuit.

La cité, vue depuis le promontoire, était en effet féérique. Des multitudes de petites lampes à huile disposées le long des artères éclairaient son architecture étrange, légère et aérienne, rappelant les branches élancées des arbres que les elfes affectionnaient tant. Les arbres, d'ailleurs, étaient omniprésents, tâches sombres au milieu des lumières. Certains servaient même de support à des habitations, reliées entre elles par des passerelles de bois illuminées.
Sylvia, ébahie, resta un moment immobile, admirant sans rien dire la vue qui s'offrait à elle. Elle sourit avec douceur à Kasumi, sans un mot. Et ils reprirent leur route.

Seul le poste de garde, à l'entrée, semblait animé d'un soupçon de vie, et on prit leur pierre de lumière avec un remerciement. Les rues étaient complètement désertes, les maisons silencieuses : visiblement, tout le monde dormait.

Kasumi s’amusa à haute voix que la cité des elfes de lune soit si calme une fois la nuit tombée mais on percevait sa propre impatience de rentrer se mettre au chaud. S’il ne neigeait pas à cette altitude, c’était le cas plus haut dans la montagne et le froid s’en ressentait jusqu’ici.

- Nous serons arrivé dans vingt minutes à peine. Nos chevaux auront bien mérité leur fourrage ce soir. Galawen, vous voulez bien prendre la tête ? Non pas que je risquerai de me perdre mais presque !

Le demi-elfe fit faire une volte parfaite à sa monture et vint se placer juste à côté de Sylvia en lui adressant un tendre sourire.

- Surtout il ne faudra rien croire de ce que pourront dire ma tante ou ma grand-mère à mon sujet. Rien du tout, ce ne seront que des mensonges !

Sylvia lui rendit un sourire légèrement tendu, et tendit la main pour prendre la sienne. Pour se rassurer, peut-être.
La maison de son père, contrairement aux autres, n'était pas totalement plongée dans l'obscurité. Une lampe à huile, dehors, éclairait le porche, et une fenêtre, à l'étage, était éclairée. La cour était cependant déserte.
- Je vais prévenir de notre arrivée, fit Galawen. Je vous laisse vous occuper des chevaux ? Vous savez sûrement mieux que moi...
Elle mit pied à terre, un peu maladroitement, et s'avança en direction de la maison, laissant le soin aux rôdeurs de mener les montures à l'écurie.

Kasumi n’avait pas lâché la main de Sylvia jusqu’à ce qu’ils parviennent devant la maison imposante de son père. Quand Galawen, prit congé, le rôdeur sauta à terre avec une certaine grâce due à l’habitude et réceptionna sa compagne en profitant pour la serrer dans ses bras juste quelques instants de plus que nécessaire. Il lui dédia un nouveau sourire avant de prendre le cheval de la mage et le sien par la bride.

- Viens, je vais te montrer où se trouve l’écurie. D’ordinaire il y a un palefrenier mais j’ai toujours aimé m’occuper moi-même de prendre soin de ma monture. Ils ont bien mérité un peu de fourrage et qu’on les bouchonne avant d’aller au lit. Peut-être que toi aussi… Enfin, je veux dire que tu auras peut-être envie d’un massage tout à l’heure !

Le rôdeur souriait de toutes ses dents en s’engageant dans la petite allée bordée de buissons et d’arbustes menant à l’arrière de la maison et à sa dépendance servant d’écurie.

Sylvia se contenta de sourire. Elle avait un peu le trac, Kasumi le sentait à se façon de serrer sa main, un peu trop nerveusement.
Ils trouvèrent les chevaux de l'écurie tous endormis, bien sûr. Ils réagirent à peine en voyant passer leurs congénères. Ceux-ci, passablement fatigués après plus d'une journée de marche, avalèrent en un rien de temps leur ration de fourrage, mais ils faillirent s'endormir tandis que Kasumi brossait leur poil lustrant. Sylvia observait ses gestes, s'efforçant de les reproduire, parlant à sa monture avec douceur. Elle n'avait bien sûr pas l'appréhension de Galawen face à des bêtes.

Lorsqu'ils revinrent vers la maison, de la lumière brillait désormais au rez-de-chaussée. Ils trouvèrent Tilmandil et leur grand-mère, assis dans le petit salon, qui les attendaient en écoutant le sifflement de la bouilloire.
- Enfin ! Vous en avez mis du temps...
- Avez-vous fait bonne route ? questionna la grand-mère, interrompant Tilmandil avec un regard un brin autoritaire.

Kasumi ne fut pas étonné de la présence de sa grand-mère même à cette heure tardive. De celle de Tilmandil encore moins à dire vrai : le barde était sans doute bien trop curieux pour manquer le moment de leur retour et tout ce qui pourrait être échangé à cette occasion. Il n’était pas non plus exclu qu’ils se soient inquiété l’un et l’autre aussi s’empressa-t-il de les rassurer sur ce point :

- Bonsoir grand-mère. Nous avons fait très bonne route : la neige n’a pas encore atteint le col mais c’était juste. Je me dois de vous remercier d’autant plus pour les chevaux que vous avez envoyés à notre rencontre. Est-ce que père est bien arrivé lui aussi ? A-t-il vu les clercs ?

La grand-mère hocha la tête.
- Oui, bien sûr, je les avais prévenus. Bon, on ne peut pas dire qu'il était ravi de devoir se retrouver à nouveau entre leurs mains... mais son état est à nouveau stabilisé, c'est l'essentiel. Stabilisé à un niveau plus bas encore qu'avant son départ, c'est certain. Mais tant qu'il reste ici, bénéficiant des soins des clercs, il ne s'aggravera pas.
- Je crois qu'il préférerait, encore, tenter n'importe quoi que se résigner à rester dans cet état... mais il a compris qu'il ne pouvait pas agir par lui-même, il me semble. Qu'il devait nous faire confiance. Enfin, te faire confiance, Kasumi, puisque c'est toi qui ira...
- Mwouais... Il n'y croit pas vraiment, au fond.
- Parce qu'il n'ose plus y croire, plus espérer. Mais on va réussir.
La grand-mère soupira, et se tourna enfin vers Sylvia, restée silencieuse.
- Alors vous êtes Sylvia, si je ne me trompe... Tilmandil m'a parlé de vous..
- Oui... Enchantée de vous connaître, madame,[I] répondit-elle d'une voix timide.[/I]
- Asseyez-vous donc, tous les deux, au lieu de rester plantés comme des piquets. Tilmandil, va chercher le thé.
Le barde obéit sans discuter, leur servant à chacun une bonne tasse, tandis que sa grand-mère sortait quelques petits gâteaux.
Elle les laissa se sustenter quelques instants avant de se tourner vers Kasumi.
- On a rendez-vous demain avec le commandant de la garde ailée. Toi, Tilmandil et moi.

Se voir confirmer que l’escapade sylvestre de son père avait laissé de nouvelles séquelles n’était guère étonnant mais cela n’avait rien d’une nouvelle réjouissante. Le rôdeur pouvait néanmoins se rassurer de savoir qu’il était à nouveau entre de bonnes mains et surtout qu’ils avaient maintenant une piste à suivre. Et apparemment sa famille avait déjà œuvré pour accélérer les choses. Etait-il possible qu’un accord soit trouvé dès le lendemain ? Alors que Sylvia arrivait à peine dans une maison et une ville qui lui étaient tout à fait étrangères… Il se tourna vers elle et posa à nouveau discrètement une main sur la sienne avant de répondre à sa grand-mère :

- A-t-il déjà une idée de la raison de cet entretien ? Et à quelle heure devons-nous le rencontrer ? Sylvia et moi devons nous rendre au bureau des douanes.

Il n’osait pas avouer qu’il avait aussi espéré l’emmener au marché et peut-être certain voir certains monuments de la cité : le bien d’Elryndel passait évidemment avant ces considérations personnelles. En tous cas il comprenait que sa grand-mère n'ait pas souhaité que Sylvia participe à la rencontre avec le capitaine : étant donné la façon dont la garde se réservait jalousement l'usage des aigles géants, la présence d'une étrangère humaine ne pourrait que refroidir davantage les elfes. C'était triste mais c'était ainsi que fonctionnait Everaska, bien loin du fonctionnement plus libéral et moins communautaire qu'il avait appris à apprécier à Luménis.

Sylvia avait réprimé une grimace en comprenant qu'elle serait exclue de l'entretien. Kasumi devina qu'elle n'en comprenait pas vraiment la raison, qu'il devrait lui expliquer. Mais elle ne fit aucun commentaire. Peut-être tout simplement qu'elle n'osait pas, intimidée.
- Nous avons rendez-vous en fin de matinée, répondait la grand-mère de Kasumi. Vous aurez le temps de passer à la douane avant, ne vous en faites pas. Je vais vous accompagner, pour attester que cette jeune demoiselle dort bien sous mon toit, elle aussi.
Elle eût une ébauche de sourire à l'adresse de Sylvia, mais déjà, son esprit revenait à leur préoccupation essentielle du moment. Elle soupira en se tournant à nouveau vers Kasumi.
- Je ne vois vraiment pas comment on pourra les convaincre de nous prêter un ou deux de leurs aigles... mais il faut bien essayer, de toute façon.

La Couronne de Cuivre

[Everaska] Quête: Racines