La Couronne de Cuivre

Elissa ne riait pas du tout. Elle s'était attendue à ce genre d'histoires mais la réalité une fois énoncée lui paraissait encore plus sinistre. Pas de petits déjeuner, ça elle pouvait comprendre. Mais pas de nom, ça c'était moche. Elle qui était de père inconnu se sentait déjà amputée quelque part. Mais elle avait un patronyme pour ne pas sombrer, une attache, un garde fou. Pas lui ...

Elle hocha la tête un peu décontenancée avant de se reprendre.

"Attends, laisse. Mange tout, pour le reste, on verra plus tard. Pourquoi je fais tout ça ? Peut-être que je suis cannibale et que je veux t'engraisser pour te manger après. Enfin ... je t'en pose des questions moi ? Au fait, j'aurais besoin de quelqu'un pour m'aider dans mon herboristerie ..."

Elle donna un petit coup sur son épaule encore immobilisée.

"... comme tu vois, j'ai un peu de mal. Des bocaux à ranger, des clients à renseigner, un peu de ménage. Je te paierai bien sûr. Bon, avant j'attends les rumeurs que tu me dois. Ah oui, j'oubliais, tu peux m'appeler Elissa ... "

***

Une femme est entrée dans l'auberge -apparemment une guerrière, modérément grande, mais athlétique. Humaine, aux cheveux auburn coupés courts. Passablement épuisée. Portant discrètement un emblèmes usé gravé sur le cuir de l'armure. Un faucon à ce qui semblait; elle s'est figée un instant lorsqu'elle a regardé les clients. Surtout sur une table en particulier. Elle a fait mine de rebrousser chemin avant de s'asseoir sur une table isolée, loin des éclairages.

***

Eliaëdel a frémi. Non. Elle ne l'attendait pas ici. Mais. Elle s'est ravisée avant de rebrousser chemin; son illusion ne se dissiperait pas de sitôt. Il n'y avait aucune raison que quiconque ne la reconnaisse. Celle dont elle avait pris l'image était morte depuis bien longtemps; sous d'autres cieux, dans d'autres circonstances. Elle l'avait assez bien connue pour pouvoir en reprendre ses tics et habitudes, copier sa démarche. Ce serait bien suffisant pour éviter les questions.

Elle a commandé à manger à son tour, et quand Dryade l'a servie, lui a laissé un pourboire pour éviter qu'elle ne l'assomme de questions inutiles et la forcer à discuter alors qu'elle n'en voulait rien. Elle a mangé, sans un bruit. Observant Elissa et le gamin de temps à autres. Sans rien remarquer quoi que ce soit d'anormal. Avec une pincée de déception parce que cela lui aurait tellement facilité les choses. Et un soulagement mêlé de douleur. Elle finit de manger, en sirotant la chope de bière qu'on lui avait apporté. Fidèle au rôle et à l'image qu'elle renvoyait. Et ce faisant, elle se souvint. Du message que la moinesse lui avait écrit. Il était encore dans sa poche, chiffonné.
Elle a regardé la demie elfe. A inspiré, les lèvres tremblantes. Avant de se décider à le sortir, de le défroisser; elle a sorti son encrier et sa plume de voyage. Avant de commencer à tracer une réponse, hésitante. Dessiner des mots qui lui coutaient sur le papier froissé, d'une écriture bleue pâle et fine; dont la fermeté laissait à désirer. En elfique pour dissuader d'éventuels gêneurs de déchiffrer sa réponse. Dryade en tête. Elissa la comprendrait en revanche.

Brus sourit à la boutade de l'elfe et tout en dépassant sa gène, il commença à se servir amplement. Premier repas depuis son arrivée! Autant dire qu'il avait très faim.

- Elissa ch'est un très beau prénom! Pour l'herboristerie, cha m'va, *gloups*, mais j'y connais pas grand chose en plante. Puis j'sais pas lire...

Il se saisit d'une nouvelle tranche de pain et à l'aide d'un couteau étala une épaisse couche de confiture dessus. Il regarda un moment sa tartine, et finalement croqua dedans à pleine dents. Il mâcha vigoureusement, les yeux au plafond, avant de déglutir et d'avaler sa bouchée. Visiblement satisfait il entama une bouchée deux fois plus grosse que la précédente.

- Ch'est pas mal du tout, ch'est très bon! Mmh, pour les rumeurs. Brus essuya du pouce une goutte de confiture au creux de ses lèvres avant de poursuivre. Le nain s'appelait Kürt, Kürt Brechefer, qué'qu'chose comme ça. 'Connaissez pas son affaire? L'a un cousin qui vit dans les montagnes au Nord de Manost, bah y a pas longtemps il est tombé sur un filin de... minerai, m'a pas dit quoi, mais ça d'vait valoir son prix, il avait l'air vachement content. M'en a pas mal parlé. Le truc c'est que son couz' lui refile, et lui il revend. Font 50/50. C'est un bon truc m'est avis. Brus prit un verre de lait, le but d'une traite et le reposa. Vu que j'cherchais du boulot, m'a aussi dit qu'un mage un peu bizarre cherchait un apprenti en ville, déjà que j'aime pas trop la magie, cui la en est à son 5ième apprenti, j'sais pas c'qu'il a fait des autres...

Le gamin regarda rapidement la nouvelle arrivante qui bien qu'à une table éloignée pouvait difficilement passer inaperçue étant donné que les clients étaient rares à cette heure matinale. Il reporta son attention sur le pot de miel. Il en étala sur une nouvelle tartine, renifla la surface dorée puis l'engouffra comme la précédente.

- Ch'aime moins... Guoi d'autre? chont en train d'élire un nouveau brélat, ou que'que'chose comme cha, 'fin vous d'vez mieux chavoir que moi. *Gloups*. Y en a même qui racontent que l'dieu est mort, qu'c'est pas la peine. Me souviens plus d'son nom. Bène? Blème? Helm? ... Oh vous voulez voir mon dieu? 'ttendez!

Brus reposa sa tartine, manquant de la renverser (à l'envers bien sûr ) et fourragea dans son sac. Il en sortit un petit objet en bois qu'Elissa put reconnaître comme étant une statuette. Le gamin la posa sur la table, se penchant pour que son regard suive le même plan que celui de la table il la soutint de ses deux index pour assurer sa stabilité, puis il continua ses explications:

- C'est Waukyne! J'l'ai depuis que j'suis tout p'tit, mais savez j'y connais pas grand chose là d'dans, Kürt m'a dit qu'il était mort? C'est vrai?

Elissa, concentrée sur les rumeurs sursauta quand le gamin lui proposa de voir son dieu avant de lui brandir son idole devant le nez. Elle sourit franchement amusée par l'incongruité du geste avant de se souvenir de l'endroit où ils étaient. La ville helmite était encore frileuse par rapport aux autres dieux et si le l'on murmurait que le conseiller Lothringen avait embrassé la religion Tymorite, il était une exception. Déjà, des visages s'étaient figés. Elle haussa les épaules. Un peu de diversité, ça leur ferait du bien aux helmites.

"Mort ? C'est ce qu'on dit. Mais je n'ai pas eu l'occasion de vérifier. Mais ce qui compte, c'est la foi que tu lui portes. Il ne va jamais te faire signe en te disant : "Coucou, je suis là. Crois en moi", de toute façon. Enfin, c'est ce que je pense. Pour ce qui concerne Helm ..."

Elle eut un silence dubitatif. Cette rumeur là était étrange, et plutôt de mauvaise augure. Enfin, mieux valait ne pas trop y prêter foi ...

"Dans tous les cas, tu as bien bossé. Je dirais même que je t'engage. Tu travailleras cinq jours et tu en auras deux de libres. En plus de tes tâches à l'herboristerie, je te chargerai de collecter les rumeurs. Tu auras une chambre à toi au dessus de l'herboristerie. Bien sûr, je ne vais pas t'exploiter gratuitement. Une pièce d'or par jour, ça t'irait ?"

[..]Désolée de ne pas répondre de jolis mots fleuris ou des déclarations aussi inconstantes que vides. Tu es une énigme. Tu es tout ce que je m'interdis. Tu me fais perdre prise.[...] La main avait particulièrement tremblé sur les derniers mots. Empreints d'une peur profonde et viscérale. Comme pour un aveu qu'elle avait du arracher de justesse contre sa volonté. [...]Je n'arrive pas à le regretter, Elissa. Quoi qu'il m'en coûte.[...] Elle avait replié le papier sommairement défroissé après une longue hésitation; empreinte de doutes insolubles.

Elle avait commandé ensuite une chambre à la demie orque. Et sur son trajet, elle est passée près la table d'Elissa. Son illusion ne lui faisait pas défaut; elle y veillait.
« Voici un message pour vous. » De cette voix douce, nouvelle, habituée à l'autorité sans élerver le ton. Elle lui avait déposé dans les mains, avant de s'éloigner en silence. Elle a senti un regard dans son dos alors qu'elle grimpait les escaliers. Il n'y avait pas de doutes possibles. Et même la magie ne pouvait pas dissimuler son identité; ce message était tellement reconnaissable. La moinesse ne l'a pas suivie.

Avant que l'escalier ne lui coupe entièrement la vue de la grande salle, elle s'est retournée. Observer la table. Observer la demie elfe une dernière fois. Elle a lui souri avec tristesse; a frémi; avant de poursuivre son chemin.

Elissa avait lu. Son visage une fois encore était resté sans expression. Seul son regard s'était un instant obscurci. Non pas de colère, mais une profonde tristesse. Car il n'y avait pas de doute, c'était bien elle qui avait écrit. L'avait elle suivi peut être. Et peut être s'était elle sentie trahie ...

Mais une énigme ... Eliaëdel en était aussi une variable rendant l'équation presque indéchiffrable. Volatile, insaisissable, dangereuse. Sitôt proche qu'elle s'éloignait déjà, cachée derrière une armure. Peu à peu se rapprochait le résultat. Peut être l'annulation, l'anihilation complète. Elles pouvaient mutuellement se détruire si elles n'y prêtaient pas garde. Mais il était déjà trop tard pour qu'elles s'éloignent.

Elle plia et replia le papier sentant déjà les mots lui brûler la peau. Elle sourit à Brus.

"Un autre informateur. Mais revenons en à nos moutons, veux-tu ?"

- Nos moutons? ah euh oui oui...

Brus s'était retourné pour voir l'"autre informateur" monter les marches de l'escalier. Il rangea sa statuette dans son sac tout en pensant que ça faisait un paquet d'informateurs pour quelqu'un qui s'occupait d'une herboristerie, ça cachait quelque chose. Mais Elissa n'avait pas l'air de souhaiter s'épancher aussi il ne posa pas de questions, se promettant d'y réfléchir plus tard et d'ouvrir l'œil quand il serait dans la fameuse herboristerie. D'autant que l'offre était plus qu'intéressante. Il reprit sa tartine et mordit dedans pensivement.

- Beh moi cha m'va. Il déglutit et croqua un nouveau morceau. Ch'est bizarre d'dire cha, ch'est l'matin, mais j'me chens déjà jatigué. J'pas beaucoup dormi depuis qu'chuis arrivé. Il bailla et acheva d'engloutir sa tartine. La dernière mastication fut silencieuse, Brus essayait de combler les blancs mais l'elfe semblait complètement absorbée par autre chose et ne disait mot. Une fois la dernière bouchée avalée, il suça chacun de ses doigts et les essuya négligemment sur ses hauts de chausses. Il but une dernier verre de lait et plongea les mains dans les poches de sa veste brune.

- J'ai fini! Alors, on y va? 'Fin si z'avez fini aussi, z'avez presque rien mangé...

Elissa secoua la tête, plongée dans ses pensées. Ses yeux s'étaient portés instinctivement vers l'endroit où Eliaëdel venait de disparaître. Depuis combien de temps était elle là, sous sa fausse apparence ? Et que fuyait elle de nouveau ? Elle, les autres ? Par jeu ? Pour la surprendre ? Elle ne le savait plus.

Une énigme. Elle voulait jouer aux énigmes. Entremêler sa détresse aux mots pour brouiller les pistes. Pour l'atteindre. C'était réussi. Son estomac était noué et la boule dans sa gorge lui disait que les larmes n'étaient pas loin. Mais en combat de mots, elle avait aussi quelques armes.

Elle se pencha vers Brus et lui souffla.

"On y va. Mais avant, j'aimerais que tu fasses quelque chose pour moi"

- Bah pourquoi pas, qu'est-ce que c'est?

La moinesse de pencha à son oreille et lui murmura quelques mots. Brus recula et regarda l'elfe en fronçant les sourcils.

- Quoi? dit-il dans un souffle. Pouvez répéter, j'suis pas sûr de m'souvenir. Elle se pencha à nouveau à son oreille. Z'êtes sûre? Bon... bah j'y vais alors.

Le jeune humain n'avait pas une envie folichonne de grimper à l'étage, surtout pour y faire ce qu'il avait à faire. Craignant moins de réveiller de possibles dormeurs, la perspective de tomber nez à nez avec l'"autre informateur", dont il ne savait presque rien et à qui devait sûrement s'adresser le message, n'était pas très encourageante. Mais il ne voulait pas passer pour un froussard devant sa nouvelle patronne, et puis, il lui devait bien ça, après tout même si c'était bizarre, ce n'était pas grand chose. Arrivé devant la première marche il se retourna. L'elfe hocha la tête. Il sortit les mains des poches et entama la montée des marches.

En haut, il regarda autour de lui mais ne vit personne, toutes les portes étaient closes. La gène l'envahit. Ses poings se crispèrent avant de retomber le long de ses hanches.

Bon quand faut y aller, faut y aller... Qu'est-ce que j'dois dire déjà? ah oui... Bon, personne, hem, j'pas l'air bête là... se dit-il pour lui même. Puis, au début hésitant, enfin plus fort: J'pense... J'pense qu'les gens qui pensent qu'la vengeance consume totalement les êtres, les m'nant jusqu'à leur propre mort sont des idiots! Brus fit une pause, se grattant la tempe. La suite? Voyons voir.... Qui... euh, qui fuit l'autr'? Laquelle, l'quelle danse 'vec la vengeance sous la lune?!

Brus était nerveux. Crier des mots qu'il ne comprenait pas dans un corridor d'auberge, tôt le matin, n'était pas dans ses habitudes. Il réfléchit s'il n'avait rien omis, visiblement non. Il passa une main sur sa nuque moite et jeta un regard circulaire dans le couloir rien n'avait bougé. Considérant qu'il avait passé suffisamment de temps à l'étage, il se retourna pour redescendre.

En redescendant, Brus fut accueilli par une foultitude de visages hilares pour la plupart, totalement surpris, choqués ou outrés - en minorité - pour les autres. Apparemment, sa déclamation n'était pas passée inaperçue. Certains, croyant à un spectacle l'avaient même applaudi. A l'étage, soudain, on entendit un enfant se mettre à pleurer. Titoeil tendit l'oreille et partit en courant à l'étage.

Elissa eut un petit froncement de sourcil en le regardant monter. Puis, souriant à Brus qui se rasseyait en face d'elle, elle lui souffla.

"Je crois que tu viens de réveiller la fille d'une de mes amies en sursaut. Si elle te demande quoi que ce soit à ce sujet, nie en bloc"

Son regard se refit sérieux mais Brus put voir qu'elle s'était sensiblement détendue.

"Merci en tout cas. Je te rajouterai de l'argent sur ta paye pour ça. Ah oui, si ça ne t'embête pas, j'aimerais bien rester un peu pour voir si mon destinataire a bien eu le message"

*Et ce que j'ai déclenché*, se demandait elle au fond d'elle-même.

Elle s'est appuyée sur la porte, avant de dissiper l'illusion. A fermé les yeux, le visage creusé de fatigue, de doutes. Par tous les dieux! Elle aurait pu choisir un autre messager plutôt que quelqu'un qui claironnait comme ça. Et par delà l'épuisement, une envie. De faire ravaler les dents du blondinet une à une.
Elle avait compris le message; pas de doutes. Et vu comment il avait été braillé, nul doute à défaut qu'il soit décrypté par d'autres personnes, qu'il ait réveillé tout l'étage. Elle aurait nettement préféré que ce soit la moinesse qui fasse le déplacement; même si elle n'aurait pas su comment réagir. Tandis que là...
Elissa ne manquait pas d'humour. Sourire acide et sarcastique. Et profondément triste à la fois. Même si elle croyait à sa... sincérité. D'une certaine manière.
L'elfe s'est écartée un peu de la porte. Elle s'est débarbouillé le visage avec la bassine d'eau tiède qui trainait sur une table. Elle pris soin d'effacer toute trace qui aurait pu révéler sa faiblesse.

Elle a regardé le lit. A considéré le repos qu'elle ne trouverait pas tout de suite. A secoué la tête avant de rajuster le le long manteau de laine bleu nuit qu'elle avait enfilé par dessus l'armure qu'elle portait.

Elle a quitté la chambre à pas de loups. Il n'y avait aucun risque qu'on fasse le rapprochement entre la guerrière qui venait d'entrer et l'elfe menue et sauvage qui en sortait en silence, après avoir attendu que Titoeil qui était passé en trombe se soit suffisamment éloigné. Mais personne n'était encore sorti pour protester.

La barde est descendue dans la grand-salle. Les yeux verts et étincelants ont foudroyé Elissa du regard alors qu'ils se forçaient à ne pas voir le jeune humain. La colère a tout juste était démentie par un petit sourire involontaire. Mais... elle se sentait blessée. Regrettait son message. Regret des sentiments qu'elle avait couché sur le papier. Pour la réaction que cela venait de déclencher. Elle est passée à proximité de leur table.

« Toujours le mot pour rire de tout, non? Dommage ne m'avoir fait perdre le prix d'une nuit de sommeil ici. » Désinvolte. Mordante. Aggressive aussi. Elle s'est maintenue en retrait, à quelques pas d'eux. Sans faire mine de vouloir approcher davantage. « Tu aurais du choisir un meilleur bouffon. »

Eliaëdel se trompait. Elissa était loin de rire de tout. Et ce qui se passait ne l’amusait pas du tout, bien au contraire. Si elle avait choisi l’humour, c’était pour ne pas lancer les paroles acerbes que son malaise lui inspirait. Car elle aussi avait commencé à souffrir à son tour. Parce qu’elle se sentait responsable. Quelque part, elle voulait protéger. Etre un rempart entre elle et sa folie stérile qui peu à peu l’entraînait. Elle était arrivée trop tard dans son histoire, juste assez tôt pour la voir perdre pied. Et elle ne la ramènerait jamais, elle le savait.

Elle avait confié à Brus des mots d’impuissance, emplis de désespoir qui – elle le pensait – ne rencontreraient aucun écho. Des mots de vide et d’inconfort, annonciateurs d’orage et de pluie. Mais, d’un certain coté, une sorte d’appel à l’apaisement. Un simulacre de pont entre deux rives.

Au vu de la réaction d’Eliaëdel, elle l’avait atteinte, déstabilisée peut être. Et ses mots, peut-être lui donneraient à réfléchir, ne tomberaient pas dans un désert stérile.

Elle l’avait regardée, les bras croisés, sans faire mine de la retenir. Qu’elle aille à sa guise si c’était pour réfléchir. Et même si ses ratiocinations ne charriaient que colère, elle était prête à l’accepter. Puis, se tournant vers Brus avec un petit sourire, elle dit doucement :

« Brus, je te présente Eliaëdel. Je crois qu’elle te déteste déjà, vous allez donc bien vous entendre. »

Brus regarda avec étonnement l'elfe qui venait de descendre. Il reconnut celle qui les avait croisé au marché. Il jeta un regard empli d'interrogation à Elissa, incapable de réagir, il était sûr de dire une connerie, d'autant que l'attribut "bouffon" ne lui avait pas plu. D'ailleurs il avait quelques adjectifs bien sentis pour lui apprendre les richesses du commun et dépasser les banalités, mais la vue de l'épée courte pendant à sa ceinture le retint. Il posa son coude sur la table et appuya sa tête dans sa main, en regardant la nouvelle venue de ses yeux bleus.

- Hem, b'jour. J'crois qu'la suite m'concerne pas, comme qui dirait, j'vais vous laisser... M'appelez si b'soin, j'vous attends dehors.

Le jeune humain se leva, prenant son bâton et sa sacoche il prit la direction de la sortie pour attendre dans la rue.

Elle a attendu que le gamin débarrasse le plancher avant de se rapprocher de la table. Après un court moment d'indécision, elle s'est assise sur la chaise qui venait de se libérer. Puis a dévisagé la moinesse. Son expression s'est faite sérieuse, quoi qu'encore courroucée. Elle se contrôlait; étouffait l'envie de violence irraisonnée toujours proche. Blessée plus encore qu'elle ne le laissait paraître.

« Si tu crois qu'en cessant de m'intéresser à eux, ils cesseront de s'intéresser à moi... »

Elle avait parlé à voix basse. Elle a secoué la tête. Ne croyait pas la demie elfe assez naïve pour ne pas le voir; mais ne comprenait que d'autant moins cette obstination à la voir responsable de cette situation.
« Ne me prends pas pour plus stupide que je ne suis. Je n'ai pas d'autres choix. Parce que je... ne partirai pas. Et parce que même si je le faisais, ça ne constituerait pas une sécurité pour toi; le simple prétexte de m'avoir côtoyé leur suffit. Je ne le supporterais pas. » Et par delà la colère, la voix s'est étranglée sur les derniers mots. Une peur étrange. Celle de la perdre. Ou de lui survivre. La différence était mince. Et de son point de vue, cela ne signifiait qu'une seule chose et même chose.

"Je pensais qu'ils étaient morts ..."

Le visage d'Elissa se durcit imperceptiblement. L'espace d'une seconde, l'elfe crût discerner un voile de tristesse. Un soupir. La vengeance et son cycle infernal. Le meurtre engendrait le meurtre. Naïvement, elle avait oubliait qu'il n'y en aurait pas d'autres. Maintenant, elle savait. Elle était prise à son tour dans la spirale, et comme les autres serait consumée. Il était assez probable qu'un beau jour, elle le paye de sa vie. Et curieusement, cela ne lui faisait pas peur. Non, ce n'était pas pour elle qu'elle craignait, ni pour son équilibre. De toute façon, elle avait déjà basculé de l'autre coté du miroir. Elle avait hoché gravement la tête.

"D'accord. Mais je ne te laisserai plus seule avec tes fantômes. Tu n'as pas le droit de te comporter comme si tu étais seule. Tu n'as aucune confiance en moi. Tu débarques comme ça, et tu voudrais que je comprenne tout, que je m'adapte ? Que je te laisse décider pour moi ? Parce qu'au cas où tu ne le saurais pas, je tiens à toi"

Elle marqua une pause, le temps de reprendre son souffle. Elle essuya rageusement une larme sur sa joue. Elle détestait pleurer, se montrer vulnérable.

"Bordel, j'ai l'air de quoi maintenant ?"

Quelques secondes et elle s'était ressaisie.

"Et contrairement à ce que tu peux penser, il y a aussi la guilde. C'est nous tous qui sommes mouillés. Parce que tu en fais partie au cas où tu l'aurais oublié"

Elle se leva doucement.

"Ecoute, je vais aller rejoindre le gamin. Je crois que nous allons devoir parler. Et beaucoup ... Mais pas ici. Tout à l'heure à la guilde ... D'accord ?"

Elle lui avait souri, finalement. Avait encaissé les reproches; en les acceptant à sa manière. Elle s'était levée à son tour, en reculant d'un pas. Oui, elles en reparleraient. Même si cela ne la dispenserait pas de lui raconter plus longuement son histoire.

Cela ne lui plaisait pas. Elle n'avait pas de remords pour ce qu'elle avait accompli; que d'autres la méjugent, cela ne la dérangeait pas. S'ils avaient du temps à perdre à ces broutilles. Les cartes étaient différentes cette fois. Elle s'était privée des atouts dans la manche; désarmée. De sa propre volonté; et baisser le masque l'effrayait; elle n'était pas sûre d'être prêter à encaisser froidement l'avis de la demie elfe.

"Je n'ai pas pris pour habitude d'avoir une confiance aveugle envers les autres." L'euphémisme ne manquait pas du piquant. Elle s'était tue. Pour atténuer la rudesse de ses propos. Avant de la considérer avec sérieux; avec attention. "Je ferai exception pour toi." Elle l'avait murmuré; avec gêne. Soufflant des mots sur ses sentiments propres. Sur le ton de la promesse. Laissant planer un instant de flottement.

"On se retrouve là bas." L'elfe a repris la situation en main; sur un terrain moins glissant. Ce qui a eu l'air de soulager Elissa autant qu'elle même. Elle est sortie du Loyal, sans un regard pour Brus.

Elissa avait hoché la tête mais n'avait pas souri. Seuls ses yeux avaient exprimé de la reconnaissance. Un certain soulagement aussi. De retour à la guilde, elle entendrait une partie du récit d'Eliaëdel. Il y aurait peut être certaines parties passées sous silence, d'autres peut être enjolivées. Mais elle se contenterait de ce qu'elle voudrait bien lui dire.

Ensuite, elle aviserait, aussi bien pour elle que pour la guilde. Sans vraiment le vouloir, elle avait mis tous ses compagnons en danger. Et il faudrait qu'ils sachent. Il allait y avoir des dispositions à prendre, des choix à faire. Mais ils y feraient face comme ils l'avaient toujours fait.

Se posait le soucis de l'antipathie manifeste entre Althéa et Eliaëdel. Et bien d'autres problèmes encore. Jamais elle n'avait encore protégé une personne pour qui elle avait des sentiments ...

Se levant doucement, elle sortit du Loyal. Brus l'attendait toujours, devant la porte. Elle lui tapa doucement sur l'épaule.

"Devine qui c'est !"

Par ce léger contact et le ton volontairement badin, elle espérait atténuer l'acerbité des propos d'Eliaëdel.

"Je suis désolée pour tout ça, finit-elle par dire, je n'aurais pas dû t'envoyer là haut. J'ai poussé le bouchon un peu loin."

La gêne se lisait sur son visage mais elle avait fini par sourire.

Brus, en train de curer ses ongles sales avec la pointe de sa dague, regarda l'elfe s'éloigner puis haussa les épaules et se replongea dans sa manucure. La porte s'ouvrit de nouveau et la voix d'Elissa s'éleva derrière lui. Tout en achevant son auriculaire il se retourna en souriant. Voyant la gène sur le visage de l'elfe il rangea sa dague et enfonça ses mains dans ses poches.

- Bah z'en faites pas, y a pas d'mal. Ca va bien pour vous? Qu'est-ce qu'on fait maint'nant?

Elissa avait hoché la tête pensivement. Mais non, elle n'allait plus si bien. Elle se sentait ... responsable. Quelle le veuille ou non, elle avait mis la main dans l'engrenage. Il était peut être encore temps de faire marche arrière pour protéger la guilde. Réduire ses implications. Elle pouvait demander à Eliaëdel de partir avant d'être repérée. Elle pouvait aussi se dédouaner, laisser le sort de la barde aux mains de la guilde toute entière. Un vote pouvait tout déterminer. Mais elle ne le pouvait pas. Alors que faire, que dire ? Comment se décider ?

Elle se tourna vers le gamin. Apparemment, il lui avait pardonné. Que ferait il face au danger ? Avait elle le droit de le prendre dans la guilde en sachant ce qui l'attendait ? Elle avait besoin de conseils. Et cela, une seule personne pouvait lui donner ...

"Je vais te montrer dans la boutique. Ensuite, tu pourras poser toutes les questions que tu voudras. Après, comment dire ... Vogue la galère !"

Après quelques minutes d'une marche pour le moins rapide dans les rues de Manost, les deux jeunes femmes arrivèrent en vue du Loyal Paladin. Oriane ralentit, autant pour reprendre sa respiration que pour jeter un coup d’œil vers la ruelle derrière elle, à tout hasard. Précaution inutile, la ruelle était vide. S’ils avaient tenté de les suivre, elles les avaient semés. Et elle n’était même pas certaine qu’ils aient osé quitter leur théâtre. Ils avaient du réaliser que leurs épées de bois ne leur aurait été d’aucun secours...face à des amazones mangeuses d’hommes. Elle sourit à ce souvenir, accéléra le pas pour se mettre à hauteur de la bretteuse et lui glissa, amusée :

"Et bien...le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on ne s’ennuie pas avec toi..."

Brus s'était rapidement aperçu qu'il avait un petit creux. Elissa avait de plus dit qu'il pourrait manger sur son compte s'il se rendait au Loyal Paladin, il avait donc laissé le port derrière lui et pris la direction de la dite auberge. Du moins il avait essayé. Après avoir plusieurs fois demandé la bonne direction, traversé les mêmes rues dans des sens contraires et tourné en rond dans le quartier, il avait enfin retrouvé la rue qui longeait le Loyal. Brus observa la façade avant de remarquer la pancarte qui lui confirma qu'il était bien au bon endroit. Satisfait, il poussa la porte d'une main et entra.

Le jeune humain traversa la salle jusqu'au comptoir où se tenait l'aubergiste, visiblement occupé à nettoyer sa vaisselle.

- Hem, b'jour, 'souvenez d'moi? J'm'appelle Brus. J'prendrais bien d'la confiture avec des tartines s'vous plaît. Merci bien.

Brus se retourna et choisit une table près d'une fenêtre et donnant sur la rue. Il tira une chaise et se laissa tomber dessus. Regardant deux bourgeois s'engueuler dans la rue, il se gratta pensivement la tête. Sa commande ne tarderait pas. Celui de droite avait l'air tout de même plus imposant que l'autre. Toutefois l'autre pouvait se targuer de compenser son défaut de carrure par une voix performante. Mais à dire vrai cela commençait à énerver son vis à vis. Brus se redressa sur sa chaise pour ne rien manquer de la suite.

Althéa avait rougi jusqu'au bout des oreilles et souri à son tour. Puis, elle fit passer Oriane à l'arrière de la taverne. Là, derrière des cordes à linge et un petit potager, se trouvait une entrée inconnue des clients. Althéa sortit une clé de la poche de son manteau et ouvrit discrètement. Elle fit signe à Oriane d'entrer. Puis, elle dit tout doucement.

"Maintenant, je crois que nous avons mérité de faire un petit somme. Il y a une chambre pour les amis de passage à l'étage. Moi, j'irai dormir avec ma fille."

Elle reprit avec un sourire.

"Demain, je te la présenterai. Par contre, si on te demande quoi que ce soit, nous n'avons rien vu, rien entendu. Enfin, pour l'instant. Je pense que nos chers messieurs ne vont pas aller crier leur déconvenue sur tous les toits."

Le retour au calme leur ramena des pensées moins agréables. Avec tout le chambardement, elles n'avaient pas trouvé Elissa. Si ni Althéa ni Oriane ne parlèrent d'elle, le spectre planait au dessus d'elles inexorablement. Et les accompagna jusqu'à ce qu'elles endorment.

Le matin les trouva dans la salle commune, quelque peu reposées, mais inquiètes.

Le plus petit semblait avoir dit un mot de trop. L'autre remonta ses manches. Suite à ce simple geste le petit sembla se répandre en excuses et maintes courbettes. Brus sourit. Quelqu'un toussota à côté de lui. C'était l'aubergiste qui venait lui amener sa commande, lorsque celui-ci annonça le prix, le jeune humain à la tignasse blonde sourit poliment.

- M'dame Elissa a dit d'mettre ça sur son compte, l'a dit qu'vous comprendriez.

Le tavernier hocha la tête et s'éloigna. Le gamin regarda rapidement les gens présents dans la salle puis concentra son attention sur le pot de confiture. Il nota avec plaisir que c'était la même qu'il avait goûté l'autre jour. Il huma une dernière fois le parfum fruité et saisissant une tranche de pain commença à en couvrir la surface. Dehors, les deux bonshommes avaient disparu. Dans la salle, deux femmes semblaient discuter entre elles. Il était donc seul avec son petit plaisir, qu'il mordit à pleine dents. Tout en mâchant une bouchée trop grande il essuya ses commissures d'un revers de manche.

A la table d'à coté, Althéa s'était soudain figée. Avait elle bien entendu ou était-ce le fruit de son imagination ? Là, le gamin ne venait il pas de dire qu'il fallait mettre la note sur le compte d'Elissa ? Non, sinon, elle aurait entendu le nom dans un bon nombre de phrases. Et là ...

Et il ne pouvait s'agir d'aucune autre Elissa. Non qu'il n'y en ait qu'une à Manost. Mais Titoeil n'en connaissait qu'une. Et assez bien pour qu'il hocha la tête avec un petit sourire. Non, c'était tout bonnement étrange.

Elissa n'aurait pas payé un repas à un inconnu. Surtout un inconnu qu'elle ne connaissait pas. Il y avait anguille sous roche. Et une plutôt grande.

Elle se tourna vers Oriane, pour être sûre qu'elle n'avait pas halluciné. Mais sa comparse avait l'air d'avoir entendu elle aussi. Alors, discrètement, elle essaya d'écouter la conversation ...

***

Titoeil, en tant que tavernier curieux s'était rapproché de nouveau de la table de Brus et le regardait lui aussi avec intérêt. N'étant pas au courant des tenants et aboutissants de l'affaire, il ne se méfiait en rien.

"Si cela vous dit, j'ai encore des oeufs brouillés, dit il avec son habituel air bonhomme, au fait, vous êtes au courant des événements de cette nuit, vous ? Il parait qu'une vingtaine d'amazones furieuses à envahi le théâtre."

Elle avait du mal à émerger. Un léger mal de tête lui martelait les tempes, conséquence d’une nuit trop courte peuplée de mauvais rêves, de soucis. Et de l’excès d’eau de vie de la veille. C’était supportable, mais suffisamment désagréable pour l'empêcher de répondre aux paroles de la bretteuse par plus que quelques hochements de tête. Soudain, une phrase, pourtant anodine en apparence, la tira brusquement de sa torpeur. Quelqu'un venait de prononcer le nom d'Elissa. Elle jeta un rapide coup d’œil vers celui qui avait parlé. C’était un garçon, d’une quinzaine d’années peut-être. Elle ne l’avait jamais vu encore, mais ce n’était guère surprenant. Après tout, elle n’avait pas passé énormément de temps à Manost. Pourtant elle ne pu s’empêcher de se poser la question. Le garçon connaissait-il Elissa depuis longtemps ? Un regard vers Althéa lui fit supposer que non. Alors l’avait-il rencontré récemment ? Très récemment ? En ce cas, cela voulait dire que...peut-être...elle allait bien. La jeune femme réprima un sourire à cette idée et se mit à écouter elle aussi la conversation, dans l’espoir d’en apprendre plus...
Plusieurs minutes s’écoulèrent. Son attention commençait à se relâcher lorsqu’un question, d’apparence pourtant anodine, la fit presque sursauter.

"Au fait, vous êtes au courant des événements de cette nuit, vous ? Il parait qu'une vingtaine d'amazones furieuses à envahi le théâtre."

A coup sur, si elle avait été sur le point de se servir, elle aurait tout laissé tomber. Elle croyait au fond que les acteurs garderaient cette histoire pour eux. A tort visiblement. Passé l’instant de surprise, elle leva les yeux vers la bretteuse. Elle était partagée. Entre l’envie de sourire au souvenir de ces hommes ridiculisés par quelques paroles. Et celle de grimacer devant l’ampleur que commençait déjà à prendre l’évènement. Une vingtaine d’amazones. Qu’ils exagèrent encore un tout petit peu, et bientôt, ce serait une armée d’amazones qui aurait envahit le théâtre, détruisant tout sur son passage. Et le fait qu’on en parle à l’auberge. Sous peu, tout Manost serait au courant. Elle réprima une grimace, s’efforça de se convaincre qu’il n’y avait absolument aucune raison pour que quelqu'un remonte jusqu'à elles. Quelque peu rassurée, elle tendit l’oreille une nouvelle fois pour écouter la suite de la conversation...

Les deux clowns ayant quitté la rue, Brus était heureux d'avoir quelqu'un d'autre à qui faire la discussion pendant qu'il se délectait de ses tartines. L'aubergiste était un homme affable, et les nouvelles qu'il apportait intéressèrent vivement le gamin qui ouvrit de grands yeux.

- Des amazones? Non, vraiment? C'pas une blague, z'êtes sûr? Comment l'savez? Les avez vues? Ou vous y étiez?... C'pas croyable. J'pensais pas qu'y avait des amazones en ville... 'Savez qu'j'ai d'jà vu une dryade une fois? 'fin j'crois c'en était une, l'était vachement belle, pour sûr! L'avait juste la peau d'un peu une couleur bizarre, pis l'était pas vraiment bien en point, moi non plus d'ailleurs, mais c't'une autre histoire. T'façons les amazones et les dryades c'pas la même chose.

Et au fait, non merci pour les oeufs, j'ai c'qui faut. Y a un théatre ici? C'pas croyable, j'toujours cru qu'religion et théâtre 'llait pas ensemble, m'enfin bon. Dites, connaissez bien M'dame Elissa? C'quelqu'un d'très gentil, c'sûr, mais tient vachement au s'cret aussi. Z'en pensez quoi, vous?

Titoeil s'était gratté la tête histoire de réfléchir. Le gamin avait posé beaucoup de questions. Un vrai héros répondait toujours à toutes les questions. Et comme il faisait partie de ceux-là ...

"L'Eglise et le théatre ... Oui ... je pense que tant qu'il n'y a pas trop d'effets spéciaux et d'artifices, les helmites ferment les yeux. Savez vous que je suis monté sur scène une fois ? Je m'étais perdu dans le noir. Et tout d'un coup, je me suis retrouvé sur les planches. Il y avait des gens déguisés devant moi. Et, sur des fauteuils, bien en face, des gens me regardaient en souriant. Ils ont fini par m'applaudir."

Titoeil sourit à ce souvenir.

"Pour ce qui est du théâtre. On dit qu'il s'agirait d'amazones helmites. Mais je ne les ai pas vues, heureusement. J'imagine que ça doit être terrifiant ..."

Il se tourna tout à coup vers la table d'à coté.

"Althéa, ça va ? Ne vas pas t'étouffer, hein ?"

Il se retourna vers le jeune homme.

"Excusez-moi. Ah, mais j'y pense, vous devez vous connaître. Vous connaissez tous les deux Elissa."

La jeune femme s'était tournée vers le gamin et l'observait avec intêret, les sourcils froncés.

Titoeil, inquiet s'était tourné vers Oriane.

"Vous y comprenez quelque chose vous ?"

"Je...n’en suis pas tout à fait sure."

Ce n’était qu’à moitié faux. Sa tête était encore douloureuse, et elle avait eu toutes les peines du monde à suivre toute la conversation. Toutes les paroles du garçon du moins. Tant de questions en si peu de temps...A se demander, presque, où il trouvait le temps de respirer. Elle s’accorda quelques secondes, le temps de mettre de l’ordre dans son esprit. Il avait parlé du théâtre. Peut-être serait-il bon de dévier un peu la conversation...Elle se tourna vers lui, sourit et demanda :

"Alors tu connais Elissa. Excuse ma curiosité, cela ne me regarde pas mais...ça fait longtemps que tu l’as rencontrée ?"

Elle hésita, un court instant, avant de poursuivre :

"Tu l’as croisée récemment ?"

hrp : post pour Kasu : ça se passe au même endroit au même moment, je précise.

Elles étaient arrivées toutes les deux dans la taverne. Comme à son habitude, la salle se remplissait petit à petit. Titoeil était debout entre deux tables et semblait écouter la conversation qui s'y déroulait avec attention.

Il jeta tout de même un coup d'oeil en entendant la porte s'ouvrir. Chandara, la petite paladine était revenue. Avec un grand sourire, il marcha jusqu'à elle. Les grands héros ne courent jamais.

Par coquetterie, Chandara mit quelques secondes à réajuster sa tunique et ses cheveux avant de pénétrer dans l’auberge. Elle ne couperait pas à un bain des plus poussés si elle voulait se rendre un peu plus présentable mais elle fit de son mieux pour paraître à son avantage en adressant l’un de ses sourires à Titœil qui l’avait immédiatement approché dès son entrée. En prenant Eli par la main, la jeune femme s’avança vers son ami et s’adressa à lui d’une voix chantante :

- Oh, Titœil tu m’as tellement manqué ! Laisse-moi te présenter Eliëssan, c’est une amie qui m’a accompagné depuis le village de Linceul.

La Couronne de Cuivre

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