La Couronne de Cuivre

Le demi-elfe jeta un coup d'oeil sur la salle, croisant un instant le regard du drow comme celui-ci faisait sa réapparition, puis se concentra à nouveau sur son assiette.
"En général, ils se contentent de rouler des mécaniques. Même si leur navire a mauvaise réputation, ils savent que les rixes entre marins ne sont pas très appréciées de Squale. Surtout, effectivement, dans ce genre de circonstances. Je ne m'inquiéterais pas outre mesure de sa présence. D'autant qu'Aigéan a des yeux partout et qu'il tolère tout juste la présence des hommes de la Peste Noire."
Il finit par jeter un oeil sur Taliesin.
"Tu es un p'tit nouveau, n'est-ce pas ? Où t'es-tu embarqué ? Virziw ? Le Gouffre des Hydres ?"

La question était embarrassante, puisqu'il ne savait rien - ou peu s'en fallait - de Finn. Mais il ne pouvait s'abstenir de répondre... Il opta donc pour le premier choix : au moins, il croyait savoir qu'il s'agissait d'une petite ville située sur la côte nord de Dorrandin.
-Virziw. Et justement, comme je suis un nouveau, j'ai d'autant plus hâte de faire mes preuves. Bon, c'est vrai aussi que le séjour sur cette île n'est pas des plus palpitants... Mais apparemment, cela va changer sous peu. Et comme on dit que l'attente est le début du plaisir, je prends mon mal en patience !

L'autre eut un sourire un peu interdit et secoua la tête.
"Je ne vous comprendrai jamais." fit-il. "Mais j'en déduis donc que tu n'étais pas parmi ceux qui ont donné l'assaut sur la plage. Certains en ont encore des cauchemars."
Il rit pour lui-même.
"Mais effectivement, tu ne dois pas t'en faire. Profite plutôt de ce semblant de répit pour emmagasiner expérience et énergie. La vie n'est pas de tout repos, sous l'étendard de Squale. Quand la vie s'accroche, j'entends, ce qui n'est que rarement le cas."
Son regard s'arrêta, plein d'ironie, sur le visage de l'elfe.
"D'autant qu'un jeunot plein de fougue dans ton genre ne manquera, j'en suis certain, pas une occasion de se faire remarquer de nos vaillants capitaines. Ça promet."

Si Taliesin ne sut que penser des premiers mots de son interlocuteur, la mention de la bataille et surtout de l'effet qu'elle avait eu sur certains pirates le réjouit au plus haut point.
-Tout dépend de ce que tu entends par "se faire remarquer", répondit-il. Si tu veux dire me lancer dans des actions d'éclat aussi imprévues qu'inconsidérées, non. En revanche, s'il s'agit de mettre toute mon ardeur et toute ma détermination dans l'accomplissement des tâches qu'on me confiera... C'est effectivement ce que je compte faire.
Il avala une gorgée de bière.
-Je n'ai pas peur de mourir, mais je n'y tiens pas particulièrement. Alors agir comme une tête brûlée, c'est hors de question !

Le demi-elfe le dévisagea une seconde, un léger sourire sur les traits. C'était encore un très jeune homme, sans doute plus que l'elfe, encore, même si leurs années n'étaient pas comparables.
"Je peux te demander pourquoi ? Pourquoi mettre de l'ardeur et de la détermination dans des tâches que te confient des énergumènes qui n'ont jamais lu un livre de couverture à couverture, qui pètent plus souvent qu'ils ne pensent ? Dont toute l'ambition se résume à claquer l'or violemment volé à d'autres en putes et en rhum ?"
Il but une gorgée de sa propre boisson, grimaça et lui lança un regard mauvais.
"Sérieusement. Si tu as compris la question, cela s'entend."

L'elfe fit mine de s'accorder le temps de la réflexion et en profita pour questionner Rumoc :
Est-ce que ses questions te paraissent sincères ? Est-ce qu'il te semble plutôt vouloir me tester ? Bon, il n'a pas encore dit grand chose, je te l'accorde... Mais je vais essayer de le faire parler. Avec tes indications, j'arriverai peut-être à mieux le cerner.
Puis, à voix haute :
-Pourquoi ? Mais parce qu'il y a des chances d'être reconnu à sa vraie valeur, ici. On ne te juge pas selon ta race, ton origine sociale ou que sais-je encore, mais sur tes actes, ce qui n'est pas le cas de partout... En revanche, de partout, on trouve des gens comme tu les décris, et il n'est pas rare qu'on doive leur obéir. D'accord, parfois, ils sont plus éduqués, ont des manières plus policées... mais sans que ça change réellement leurs aspirations profondes. Ici, au moins, nos chefs ne font pas semblant. Et puis, ils ne sont pas tous pareil : il y a de la diversité, parmi eux. Comme parmi tous les hommes du Squale, d'ailleurs.
Il adressa au demi-elfe un sourire chaleureux.
-Tu en es bien la preuve, non ? Tu ne correspond pas vraiment au stéréotype du pirate !

Il a l'air... ironie et curieux. Peut-être surtout ironique, commença Rumoc avant que Taliesin n'entame sa réponse.
Lorsque l'elfe eut fini, son vis à vis rit de bon coeur.
Je ne sais pas exactement quel type de personnage tu escomptes incarner avec ce type de vocabulaire...
"Quelle vision romantique de la piraterie !" s'exclama son compagnon. "Je dois dire que je suis surpris qu'un elfe avec autant d'éducation que toi puisse venir de Virziw. Mais je suis encore plus surpris qu'en dépit de cette éducation, tu puisses croire que ce cadre est plus propice à faire ses preuves que n'importe quel autre. A moins bien sûr que par "actes", tu n'entendes la triche aux dés, les concours de boissons et la capacité de décapiter un pauvre hère sans vomir. C'est sûr que si ce sont là tes capacités, tu gagneras en respect parmi cette populace."
Il haussa les épaules.
"Je pensais qu'il fallait moins de deux mois à une cervelle bien faite pour s'en rendre compte ! A moins que ce ne soit une tentative désespérée de justifier un choix stupide."
Il dévisagea un instant le barde, comme s'il le mettait au défi de lui flanquer un coup.
"Et je ne suis absolument pas pirate. Je suis un otage. J'étais un otage. Mais comme je ne vaux rien, je suis désormais un... une sorte de... d'observateur, je suppose."

Je compose le personnage au fur et à mesure, répondit-il à Rumoc. Mon but est de piquer sa curiosité et de l'amener à bavarder. Et peu importe si ça ne colle pas avec ce qu'est - ou était ? - Finn : lui ne le connaît pas, et ceux qui le connaissent, en dehors de Corentin, ne nous confondront pas. Tu as déjà pu le constater...
Face aux propos agressifs du demi-elfe, il s'était contenté de hausser les épaules, sans se départir de son sourire amical.
-Un observateur, hein ? Alors tu dois t'ennuyer, ici. Parce que c'est monotone à mourir, si on aime pas les beuveries ou les bagarres. Les distractions - ou les choses méritant une observation - ne sont pas légion, c'est le moins que l'on puisse dire...

"Bien sûr que je m'ennuie à mourir !" s'exclama le demi-elfe. "Mais vois-tu, ne pas avoir le choix fait partie de la fonction d'otage. Je dois m'estimer heureux : si j'avais été l'otage personnel du Feu Grégeois ou de Peste Noire, je mangerais déjà les algues. Non, j'attends effectivement que nous repartions en espérant que notre prochaine étape me permettra de gagner la terre ferme... ailleurs que sur un microscopique morceau de caillou."
Tout ça me semble être la vérité, fit Rumoc, tranquille.

-Je te le souhaite ! répondit-il, toujours affable. Mais... Crois-tu qu'on te laissera partir ? Je veux dire, tu as pu observer nombre de choses sur nos forces, notre organisation, nos chefs, bref, nombre de choses qui pourraient être utiles à nos adversaires. Alors, celui dont tu es l'otage pourrait juger préférable que tu continues à nous accompagner... D'ailleurs, si ce n'est pas indiscret, de qui s'agit-il ?

"Je pense que si je survis jusque là, on me laissera partir, oui. Déjà, je ne suis pas certain qu'on vérifiera que j'embarque à nouveau lorsque nous quitterons cette île. Evidemment, si on a besoin de chair à pâté, et qu'on songe à moi, je serai sans doute dans le pétrin, mais jusqu'ici, aucun plan concernant ma petite personne n'a émergé. Et soyons sérieux... Il est impossible de glaner quoi que ce soit de vraiment utile en errant sur le port. Oui, on peut compter les bateaux. Mais comme la flotte est sans cesse en mouvements, trois navires ici, quatre ici, deux là... Je pense que personne ne sait exactement combien nous sommes. A part Squale et Aigéan, sans doute. Quant à leurs plans, on ne les découvre qu'au moment où le clairon sonne. Honnêtement, je n'ai pas grand chose à raconter. Sans compter que nous n'avons pas d'ennemis. Personne n'a le temps ni l'intérêt de nous poursuivre. Et nous sommes trop mobiles pour nous attirer de grandes haines. Comme dirait un philosophe corsaire du cru, soyons la guêpe, pas la sauterelle."
Il sourit.
"Et je suis l'otage du Blanc."

Il acquiesça, comme si le nom lui était familier.
-Sauf qu'en l'occurrence, une belle flotte hélonnienne nous est tombée sur le paletot, et risque de nous causer quelques soucis, au bas mot. Etant nouveau, je ne sais pas si un cas de figure similaire s'est déjà présenté, mais malgré tout, il me semble que s'en débarrasser ou lui fausser compagnie ne sera pas tout à fait évident...

Le demi-elfe haussa les épaules avec une grimace.
"Je ne sais pas si c'est une grosse flotte. Sans doute. Je dois avouer que je n'ai pas été me les geler sur la lande. Il pleut tout le temps, sur ce caillou."
Il soupira.
"Mais de toute façon, d'après ce que j'ai compris, quand on aura trouvé ce que Squale cherche... Enfin... Ce qu'Aigéan cherche, devrais-je dire, ça n'aura plus aucune espèce d'importance. La puiiiiiisssance..."
Son ton était devenu mélodramatique.
"...sera entre nos mains et ce ne sont pas cinq rafiots luméniens qui nous poseront des soucis."

Voilà qui était intéressant. Très intéressant, même. Ainsi le Squale ne serait pas venu chercher des richesses, mais un artefact aux incommensurables pouvoirs... Restait à espérer que le demi-elfe pourrait - et voudrait - lui en dire davantage.
-Et tu sais de quoi il retourne exactement ? s'enquit-il d'un ton badin. Je demande ça parce que j'ai entendu bien des rumeurs à ce sujet, assez abracadabrantes pour la plupart. Par exemple, il était question d'un trésor de dragon... Bon, après, je dois admettre que je n'ai pas la chance de côtoyer les personnes les mieux informées. Et je n'ai pas forcément tout écouté non plus : à force d'entendre des racontars plus incroyables les uns que les autres, on finit par ne plus croire à rien.

"Honnêtement, c'est une question à laquelle personne ne pourra répondre. C'est peut-être même du pipeau, qui sait. J'imagine que des histoires de trésors enfouis, il doit y en avoir plus que des trésors, non ? Enfin, c'est vrai qu'il y aurait eu un dragon. Et qu'il serait même mort. Ce qui est mieux. Mais ce qu'ils cherchent exactement dans sa montagne de richesses..."
Le demi-elfe sourit, malicieux.
"Peut-être suffisamment d'or pour acheter les Luméniens ?"
Il haussa les épaules.
"Les capitaines n'en savent rien, c'est mon impression. C'est sur le navire amiral que les choses s'échangent. Et encore... Sans doute le capitaine et son second sont-ils les seuls à connaître le fin mot de l'histoire. S'ils le savent."

Il hocha la tête.
-Je vois... Mais dans tous les cas, j'espère qu'ils recherchent bien un puissant artefact, et qu'ils le trouveront avant peu. Parce que je ne sais pas si les Luméniens continueront à patienter tranquillement : nous avons certes des prisonniers, mais cela suffira-t-il à les retenir ?

"Je ne vois pas comment les Luméniens sauraient que nous avons des prisonniers. Et je ne suis pas certain non plus que cela les empêcherait d'attaquer. Je pense que ce qu'on raconte sur la bienveillance des Hélonniens est largement exagéré, cela permet d'entretenir les antagonismes. A mon avis, s'ils ne bougent pas, c'est qu'ils espèrent que nous sortirons les premiers... L'île est trop facile à protéger quand on a une force nombreuse, et prête à jouer les chairs à arbalète..."
Il décocha un clin d'oeil à Taliesin.
"Mais tu as sans doute raison... L'île est minuscule, j'imagine que les souterrains de son sol ne peuvent pas être très étendus..."
Il sourit à nouveau.
"Maintenant, si cet artefact est si puissant, il est possible que Squale puisse se passer du reste de la flotte... Enfin, j'imagine que ça dépend de ses objectifs, et comme personne ne les connait vraiment..."

Il se fendit d'une grimace.
-Même avec un artefact d'une incroyable puissance, ça ne fait jamais de mal d'avoir une flotte et une armée, non ? Enfin j'espère, parce que franchement, si j'étais licencié avant d'avoir accompli quelques exploits et gagné quelques galons, je serais Gros-Jean comme devant...
Même si son interlocuteur ne pouvait pas lui donner d'informations supplémentaires, leur entretien avait déjà été fructueux, et Taliesin envisageait deux possibilités d'action qui ne s'excluaient pas l'une l'autre : mettre la main avant le Squale sur ce mystérieux objet, et semer le trouble parmi ses hommes en lançant des rumeurs à propos du sort funeste que pourrait leur réserver leur chef une fois muni de l'incommensurable pouvoir de l'artefact.

Le demi-elfe se pencha vers Taliesin.
"Je ne sais pas. Ça dépend. Pourquoi devient-on pirate, hein ? Bon, évidemment, quand on est un petit moins que rien dans ton genre, avec la cervelle farcie de romantisme à deux couronnes, on imagine quoi... Les femmes ? L'or ? L'alcool ? L'aventure ? A toi de me le dire. Mais quand on est déjà capitaine de bateau... Qu'on a remporté plusieurs batailles... Est-ce qu'on aspire pas à autre chose ? Je n'en sais rien. Imagine un artefact qui pourrait réaliser tes rêves les plus fous... Peut-être que même en étant Squale, tu prendrais ta retraite !"

Il haussa les épaules.
-C'est envisageable. Mais le pourrait-il ? Vu son passé, il y en aura toujours pour lui chercher des noises, et même dans le cas où l'artefact serait assez puissant pour lui permettre d'abandonner complètement son identité actuelle, le pouvoir qu'il en tirerait serait susceptible de susciter la jalousie, de lui valoir de nouveaux ennemis. Bon, allez, admettons que cela non plus n'arrive pas. L'oisiveté ne lui pèserait-elle pas, au bout d'un certain temps ? Il en est que le goût de l'aventure n'abandonne jamais, que les victoires, aussi importantes soient-elles, ne satisfont que momentanément et en appellent d'autres, plus grandioses encore... Je ne sais pas pourquoi, mais c'est plutôt parmi ceux-là que je classerais Squale. Avec l'artefact, je le vois bien entreprendre des projets d'une envergure sans précédent...

Le demi-elfe rit.
"Pour un p'tit nouveau, tu prétends déjà bien connaître notre grand chef ! L'as-tu seulement déjà aperçu ? Certains prétendent que Squale est mort depuis l'assaut sur Briselames et que la Citronnelle navigue désormais sous les ordres de son second."
Il jeta un regard circulaire autour de lui.
"Bien évidemment, il est interdit d'oser dire des choses pareilles !"
Il se carra sur son siège.
"Je ne jurerais de rien, en ce qui concerne Squale. Entre ce qu'on raconte et la réalité... Ce sont toujours les vainqueurs qui écrivent l'histoire, tu sais ça."

Taliesin acquiesça.
-Oui... Et pour le reste, franchement, je ne faisais qu'émettre des hypothèses. Optimistes, d'accord, mais il le faut bien, vu l'angle peu engageant sous lequel tu présentes les choses !
En réalité, il se sentait on ne peut plus satisfait. D'aucuns affirmaient que le Squale avait trépassé ? Voilà une nouvelle rumeur qu'il pourrait potentiellement exploiter pour tenter de faire monter la tension parmi les pirates, pour essayer de les désorganiser, de les monter les uns contre les autres !

Son interlocuteur haussa les épaules et se pencha à nouveau sur son assiette.
"Je parle trop. C'est cette piquette détestable. Les officiers sont passés les premiers, puis les cuistots, et ils n'ont rien laissé que la bouse qu'ils n'oseraient pas servir à bord de peur d'être jetés aux krakens. Du saucisson à s'en casser les dents, des pommes blettes, de la vinasse spéciale maux de tête ! Bordel de chiure ! La vie au grand air ! Je te dis, mon gars, t'étais sans doute mieux loti dans ton bledouille. Pour moi, c'est pire ! J'avais une existence mirifique ! Enfin soit."
Il soupira et lui décocha un sourire ravi.
"Me reste plus qu'à espérer que t'es pas un espion d'Aigéan, pas vrai ? Enfin, comme ça, il saura ce qui se dit !"
Il le gratifia d'un clin d'oeil, puis recommença à manger, alternant bouchées et grimaces de dégoût.

Un espion... C'était bien la possibilité que son interlocuteur en soit un qui l'empêchait de se montrer plus hardi dans la discussion. Pourtant, il éprouvait de la sympathie pour cet otage qui, dans l'absolu, pourrait se révéler un allié utile et qui, plus encore, risquait de pâtir des événements à venir.
-Qu'étais-tu, avant d'être capturé ? s'enquit-il, toujours amical. Enfin, tu n'es pas obligé de répondre, la question est sans doute indiscrète. Mais... j'avoue que cela m'intrigue.
Peut-être qu'amener le demi-elfe à s'exprimer sur lui-même l'aiderait à mieux le cerner, aiderait Rumoc a détecter chez lui une éventuelle duplicité ou, à l'inverse, à confirmer sa sincérité apparente.

"Pour l'importance que ça a..." rétorqua son compagnon en faisant descendre une bouchée de nourriture avec de l'eau, cette fois. "Fiente, cette marmelade est plus qu'infecte. Je parie qu'en fait, ce machin n'est pas comestible. C'est sans doute un lubrifiant quelconque, qu'on n'est pas censé ingurgiter !"
Il sourit à Taliesin puis eut un léger haut le coeur.
"Mais donc. Je suis le fils bâtard du Seigneur Régis de ValTerreur. Dans les Vaux, très cher, exactement. Tu sais où sont les Vaux ? Bref. Je n'y ai plus mis les pieds depuis près de vingt ans, entre nous. Je vivais bien tranquillement dans un petit village sur la côte de Dorrandin, dans un manoir somptueux, je servais de... de quoi, au juste ?, de bras droit, dirons-nous, à mon jeune frère, né de la bonne couche, lui, qui y passait des "vacances". Puis il y a eu ce raid stupide. Evidemment, Duncan, c'est mon jeune frère, s'en fiche comme de l'an quarante. Mon père, lui, n'en parlons pas. Les lettres de rançon, honnêtement, je pense qu'ils les ont mises aux latrines..."
Il haussa les épaules.
"Tu vois, rien de bien folichon. Mais j'étais tranquille, jusque là. Maudits pirates à la noix."
Il se redressa et haussa la voix, juste assez fort pour être entendu de tous.
"MAUDITS PIRATES A LA NOIX !"
Il est saoul, fit simplement Rumoc.

On va voir si on peut profiter de la situation... répondit-il.
Il se leva rapidement et contourna la table. S'il n'avait pas craint sa réaction, il aurait même posé une main sur l'épaule de son interlocuteur.
-Pas si fort ! lui dit-il à mi-voix. Certains, ici, ont le sang chaud et n'aiment pas les provocations... S'ils veulent en découdre avec toi, je ne pourrai pas les en empêcher, vu que je ne suis qu'un petit nouveau et que je n'ai pas exactement une stature de colosse. Mais j'aimerais autant qu'il ne t'arrive rien. D'abord parce que la solidarité elfique veut dire quelque chose, surtout quand il y a de fichus drows dans les parages ; et puis, je ne suis pas du genre à mépriser ceux qui sont nés d'unions mixtes. Ensuite, parce que j'ai bien connu une personne originaire des Vaux, elle aussi, et... que je l'aimais bien, disons. Bref : ne crois-tu pas que prendre l'air serait une bonne idée ?

L'intervention de Taliesin prit le jeune homme au dépourvu, mais il haussa les épaules et se leva. Il était encore stable sur ses jambes, malgré son coup d'éclat.
"Tu sais, l'air frais, y'a rien de pire quand on a une chope dans le nez. Mais tu as raison... J'ai comme l'impression qu'on nous regarde bizarrement..."
Il eut un sourire désolé.
"Tu sais, pour un p'tit nouveau, tu as l'art de t'acoquiner avec la mauvaise personne, toi. Tu ferais mieux d'inciter une bonne bagarre, du genre "vous avez entendu ce morveux qui nous a insultés !? On lui fait la peau !!!" Non ? Enfin, moi je dis ça..."
Il fit un pas vers la sortie.
"Je sais même pas comment tu t'appelles, en plus. On n'a pas fait les présentations. C'est pas correct. Les usages se perdent. Maudits pirates."

-Je comprends que tu sois en colère mais, sincèrement, attends que nous soyons dans un coin plus tranquille pour la laisser sortir... souffla-t-il. Sinon, je m'appelle Finn. Et toi ?
Il n'était pas impossible que le fait qu'il s'acoquine avec un otage surprenne les pirates. Mais même si c'était le cas, il estimait que cela n'aurait guère de conséquences immédiates. Or, il fallait qu'il agisse vite, tant que sa couverture tenait encore.

HRP : bon courage pour te remettre dedans...

Le demi-elfe poussa la porte et gagna la rue. Le vent soufflait plus fort et des nuages gris filaient à vive allure au-dessus de leur tête. Dans le port, les navires dansaient, torturant leurs amarres.
"Je m'appelle Jonas..." commença-t-il avant d'être interrompu par le vacarme d'une corne de brume.
Il se figea, attentif, alors que les mouettes s'égaillaient en criant de colère. Un second coup résonna, sinistre, et Taliesin nota qu'autour d'eux, tous les pirates s'étaient également arrêtés pour écouter. Puis plus rien. Un instant de silence, le ressac de la mer, les oiseaux, encore.
" Squale convoque les capitaines. M'est avis que cette belle oisiveté touche bientôt à sa fin."

HRP bis : bon, j'suis rouillée, mais ça va revenir, ça va revenir !

Le barde s'était immobilisé, se demandant ce qui avait motivé ce rassemblement. Des événements s'étaient-ils produits, ou bien le Squale avait-il fini de peaufiner ses plans ? Il n'avait évidemment aucun moyen de le savoir, mais cela ne changeait rien, au fond : les choses allaient bouger d'ici peu, comme l'avait dit l'otage, et il ne devait pas se laisser prendre de vitesse...
-Je pense aussi... Mais comme nous ne sommes pas capitaines, nous pouvons encore vaquer à notre guise. Que dirais-tu de trouver un coin tranquille, loin des oreilles indiscrètes ? Tu pourras lâcher ce que tu as sur le cœur, et peut-être pourrais-je faire de même.

HRP : Ça ne se voit pas du tout que tu es rouillée. Au contraire, on dirait que tu n'as pas perdu la main ! Par contre, n'hésite pas à me signaler si j'écris des bêtises, des choses incohérentes... Je vais essayer de me remettre tout ça en mémoire, mais il se peut que des détails m'échappent.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Mersant