La Couronne de Cuivre

Pour en avoir le coeur net, il sonda l'ensemble de la cour, se déplaçant au besoin le long de la galerie.
Mais rien, il ne décela rien de malfaisant en ces lieux.
Lorsqu'il en eut acquis l'intime conviction, il réalisa qu'Albérich venait d'arriver.
Celui-ci, pressé par Ruth, n'avait pas pu s'attarder dans les méandres du palais. Il en avait obtenu, néanmoins, un aperçu suffisamment saisissant...

" Qu'est-ce que c'est que cet endroit ? lâcha le Luménien, éberlué, et il ne parlait manifestement pas que de la cour sous son dôme de verre.
— Je n'en sais rien." répondit le paladin en secouant la tête.
Le clerc lorgnait ce morceau d'été avec un ravissement un peu hésitant, sans oser en franchir les limites. Il finit par incanter à son tour.

Albérich -> Détection de la magie

Il ne détecta aucune aura magique dans le jardin proprement dit. Pour autant, cela ne signifiait pas qu'aucune magie ne soit à l’œuvre : à en juger par ce qu'ils avaient découvert au fort - des gemmes enchâssées dans des piliers permettant à l'eau des thermes de rester propre et chaude -, un système approchant pouvait fort bien exister ici, dans le sol, les murs ou la verrière...
-Vous auriez pu procéder à ces vérifications avant de me faire venir, lâcha Giovanni. Non, parce que là, ça tient du supplice. C'est comme si vous narguiez un assoiffé avec une coupe de vin ou un affamé avec une part de gâteau...

" Tu peux déjà admirer, Giovanni. Je pensais qu'un peintre y serait sensible, lui dit Albérich avec un calme sourire. Mais vas-y. Reste dans les allées, cependant. C'est plus prudent pour commencer..."
Le clerc demeurait incertain. Une telle magnificence... Et le jardin paraissait entretenu... Peut-être quelqu'un avait-il survécu... Une entité, un gardien... Ils ne pouvaient pas considérer que les lieux étaient vides, pas avant d'en avoir la preuve. Il se tourna vers Hubert.
" Je vais faire monter les gens... mais il faudra... gérer leurs mouvements, je suppose..."
Le paladin acquiesça. Si 280 personnes déferlaient dans ce jardin, il serait ravagé en moins de dix minutes...
" Nous devrions organiser une assemblée. Je ne nous sens pas capables de gérer tout ceci seuls."
Restait à savoir s'ils avaient trouvé une salle s'y prêtant au cours de leur exploration préliminaire...

Les vastes salles, ce n'était pas cela qui manquait, et ils finirent par opter pour l'une des premières qu'ils avaient découvertes, que les rayons du soleil se faufilant a travers des vitraux chamarrés nimbaient de chaudes couleurs. Les réfugiés s'y réunirent sans protester, sans chercher à explorer l'édifice de leur propre côté : sans doute le choc de ce qui s'était produit la nuit précédente était-il encore trop vif pour les conduire à tant d'insouciance. Et le moins que l'on puisse dire, c'était que le contraste entre la splendeur du décor et le tableau misérable qu'ils offraient était saisissant : avec leurs mines épuisées, leurs mises usées, souvent sales et déchirées, ils avaient presque l'allure de mendiants ayant pénétré de force dans le palais de leur souverain...

Albérich regrettait que le groupe de la bibliothèque ne soit pas encore revenu. Il aurait aimé que Thibault et Gaspard, notamment, soient présents pour écouter ce qu'il avait à dire. Mais dans le même temps, ils ne pouvaient plus attendre. Il hésita à préparer son intervention avec Hubert, mais le paladin l'assura de sa plus totale confiance, ce qui ne le rassura pas. Son ami était en train de se retrancher derrière son épaule, abandonnant toute prise de décision. L'assemblée n'en était que plus nécessaire.
" Par la grâce de Tymora, nos pas nous ont menés en ces lieux préservés, commença-t-il. Vous êtes tous fatigués, je le comprends, la nuit a été longue et la matinée pénible. Je vous demande cependant encore un peu de patience. Comme vous le voyez, nous sommes arrivés... dans un endroit qui recèle de nombreuses merveilles. Nous devons en prendre la mesure avant de pouvoir l'investir. Nos éclaireurs et soldats vont continuer à l'explorer, et dès que nous aurons trouvé des salles à même d'accueillir nos activités quotidiennes, vous en serez informés."
Il scruta un instant les visages.
" Pour l'instant, nous en sommes encore à des éléments de survie, et je suis conscient que vous en attendez davantage. C'est la raison de cette assemblée. Les événements de la nuit nous ont privés d'amis, de compagnons, de pairs... et nous allons devoir décider de la suite. Vous devez avoir beaucoup de questions, des suggestions, de la révolte en vous, aussi. Nous sommes là pour vous écouter."
Il aurait aimé élargir le conseil, mais il ne voyait pas comment amener la chose sans faire aveu d'impuissance, et ce n'était pas le bon moment.

Si on l'écouta avec attention, les réactions autres que des acquiescements aux mesures annoncées furent longues à venir. Et cela n'avait rien d'étonnant : la plupart des colons avaient à peine dormi, réalisaient à peine tout ce qu'ils avaient perdu et l'ampleur du drame qui s'était joué... Plusieurs personnes finirent toutefois par s'exprimer, la plupart pour dire qu'achever d'explorer le palais avant de s'y installer de manière plus viable était une bonne idée, quelques-unes pour demander si l'on avait des informations quant aux intentions des Ithiliens.

Les colons n'avaient pas eu beaucoup d'informations sur les tenants et les aboutissants de la nuit, aussi Albérich décida-t-il d'y remédier. Il prit sur lui, cependant, de ne pas révéler tout ce qu'il savait. Il ne servait à rien de parler de la trahison de Louis avant d'en savoir davantage sur la question.
" D'après ce que nous avons pu comprendre... Une partie des mercenaires avait convenu avec Ithilion, sans doute il y a déjà longtemps, de leur livrer la ville... et la communauté... une fois que nous aurions triomphé des principaux obstacles. Lothar a tenté de se débarrasser de Guillermo — leur chef — mais celui-ci a pu prévenir Hubert que quelque chose se tramait... Malheureusement trop tard. Les troupes ithiliennes se sont glissées jusqu'à la ville et sont entrées via les souterrains que nous avions découverts dans les forts extérieurs. Lothar a parlé de deux cent hommes, mais je pense qu'ils étaient davantage que ça. Je n'ai pas obtenu de détails quant à leurs intentions, mais je crois que l'idée était... de récupérer notre projet à leur compte, en... invitant les gens à travailler pour eux. Mon impression est qu'ils entendent soit piller la ville de ses trésors, soit lui rendre vie comme nous en avions l'intention... mais sous leur coupe."

Un lourd silence s'était abattu sur l'assemblée.
Il se prolongea une longue minute puis fut troublé par des murmures indignés. Albérich vit plus d'un poing menaçant se serrer.
Quelqu'un intervint alors pour demander que l'on prévienne Luménis. D'autres voix s'élevèrent en ce sens, mais plusieurs personnes leur répondirent que si l'idée était bonne, l'on ne pouvait se contenter d'attendre des secours qui mettraient des veilles, voire des voix à arriver : peut-être ce palais ou le reste de la cité abritaient-ils de quoi rendre la monnaie de leur pièce aux Ithilien. Ces interventions provoquèrent une vague d'assentiment.
Aussi diminuée soit-elle, la Communauté n'avait pas perdu son esprit combatif...

Albérich s'était attendu à cette réaction de la part des colons, mais il se garda bien de l'encourager. Il avait la conviction que la seule voie possible était diplomatique, qu'ils n'avaient absolument aucune chance de parvenir à bouter les Ithiliens hors de la cité sans qu'ils y soient contraints par une pression extérieure. Mais il était bien conscient que verbaliser ce qui était pour lui une certitude lui aliénerait la majorité de son auditoire, or ils avaient besoin de se reconnaître dans ceux qui les dirigeaient.
" Nous allons tâcher d'examiner nos options dans les jours qui viennent, dit-il finalement. Et l'assemblée sera bien sûr mise à contribution pour dessiner nos prochaines actions. Mais si certains d'entre vous... désirent prendre une part plus active dans ce processus..."
Du coin de l'oeil, il vit Hubert écarquiller les yeux de stupeur et réalisa qu'il aurait peut-être quand même dû discuter la chose avec lui auparavant.
" Le conseil cherchera très certainement... à se doter d'atouts supplémentaires."

Quelques acquiescements lui signalèrent qu'on avait saisi le message. Mais il n'y eut aucune candidature spontanée, ce qui était sans doute logique : semblable démarche se devait d'être réfléchie... Il nota toutefois que bien des regards convergeaient en direction des membres les plus connus de l'assemblée, en particulier vers Giovannie. lequel, s'en rendant compte, prit un air dégagé.
Quoiqu'il en soit, personne ne semblait plus avoir de question. Albérich pouvait donc lever la réunion, à moins qu'il n'ait d'autres points à aborder.

Albérich remercia les gens pour leur attention, et pour leur patience, et leur promit de les informer dès qu'ils auraient déterminé les meilleurs endroits pour s'installer. Si le repas du midi devait s'organiser, peut-être pouvaient-ils le faire au sous-sol, dans l'attente de la découverte d'une salle à manger plus propice. De toute façon, il demeurait à leur disposition. Avant qu'ils ne se dispersent, il leur demanda aussi, embarrassé, de venir trouver les instituteurs s'ils disposaient d'informations sur certaines des personnes manquantes.
Hubert lui mit le grappin dessus dès que les conversations recommencèrent à bourgeonner.
" Tu veux élargir le conseil ?
— Je ne me sens pas de taille, Hubert. Et j'ai l'impression que toi non plus. Tu donnes le change mais je ne suis pas dupe."
Le paladin soupira, contenant un geste d'humeur.
" D'autres personnes pourraient avoir des idées... Giovanni, Thibault, Gaspard, peut-être l'un des enseignants...
— Tu es conscient que s'ils obtiennent de la légitimité, nous ne pourrons plus contrer leurs initiatives ?
— Ils sont la voix de la communauté.
— Pas plus que toi ou moi.
— Si. Certains avaient prévu de tout recommencer, ici. Nous ne pouvons pas faire fi de leurs élans. En temps de crise, il est tentant de se reposer sur un seul homme, un leader fort qui cadre et contrôle mais… d’abord, je ne serai jamais ce leader fort. Ensuite, ce serait faire injure à la démocratie que ces gens ont voulu. Ils ont le droit de se faire entendre.
— Les gens sont paniqués, Albérich, leurs décisions risquent d’être fort peu rationnelles. Leurs amis, leurs familles sont restées prisonnières. Les Ithiliens en ont tué. Etienne a disparu. Ils ont besoin de guidance.
— Je sais. Qu’ils aient la possibilité de se faire entendre ne signifie pas que tout ce qu’ils diront sera adopté. Mais moi j'ai besoin d'aide. Et de contradiction. Si quelqu'un peut tenir ce rôle, cela ne veut pas dire que je vais m'écraser. Mais au moins... Nous aurons réfléchi aux choses dans tous les détails. Et dans l'état dans lequel tu es en ce moment, pardonne-moi mais... je ne te sens pas capable de m'opposer grand chose. »
Le paladin s'empourpra et se détourna une seconde. Albérich s'en voulut de la violence de ses propos, mais il était à cran, lui aussi, et Hubert avait le malheur d'être la personne avec laquelle il pouvait se relâcher.
" Je suis désolé, souffla-t-il.
— Non, je comprends. Et je le mérite. Je nous ai mis dans cette bouse, après tout.
— Tu sais que ce n'est pas vrai."
Mais Hubert ne répondit rien et s'écarta, rejoignant les soldats et les éclaireurs qui s'apprêtaient à repartir en exploration.

Tandis qu'on s'en allait préparer une manière de repas dans les caves - l'on devait penser, inconsciemment, que le lieu splendide où l'on s'était réuni ne pouvait convenir à tâches si triviales -, Hubert, ses écuyers et leurs compagnons reprirent l'exploration des lieux, allant de découverte merveilleuse en extraordinaire trouvaille.
Ils visitèrent des pièces de tous types : d'intimes petits salons et de vastes salles de banquet, des chapelles et des bibliothèques, des halls d'exposition présentant divers genre d'objets, depuis les armes et les armures jusqu'aux antiquités, en passant par des instruments dont l'usage demeurait mystérieux. Ils en traversèrent d'autres qui, regroupées, étaient dévolues à des activités quotidiennes - dont la cuisine, évidemment. Les thermes non plus ne faisaient pas défaut, loin s'en fallait : ils s'avéraient plus grands, plus beaux... et plus impeccables que ceux de la forteresse. En réalité, ne manquaient que des chambres, mais peut-être étaient-elles installées à l'étage...
Ils virent d'autres cours intérieures, enfin, un peu plus petites que la précédente : l'une constituant un véritable verger, l'autre oscillant entre le jardin potager et le jardin médicinal, quoique si artistement agencée qu'elle avait des allures de lieu d'agrément.
Et pour entretenir ce palais... Nul être intelligent.

Hubert était de plus en plus émerveillé... et de plus en plus perplexe. Il ne s'agissait pas d'un bâtiment mais bien... de toute une petite ville à l'intérieur de la cité. La vastitude des lieux lui paraissait presque irréelle, de jardins en thermes, et de bibliothèques en salles d'exposition, et il commença à se demander s'il ne s'agissait pas là d'une illusion complexe. Il finit par décider, avec son groupe, de dessiner un plan au fur et à mesure qu'ils progressaient. Il avait du mal à réconcilier ce qu'il avait entrevu sur la carte avec ce qu'ils étaient en train de découvrir...

Même si leurs réserves de papier, de parchemin et d'encre étaient très limitées, ils purent se procurer auprès d'instituteurs toujours aussi abattus de quoi tracer un plan et s'y employèrent. Ils étaient encore loin, cependant, d'avoir recensé toutes les salles du rez-de-chaussée lorsque leurs estomacs leur rappelèrent que midi était passé depuis longtemps et qu'ils n'avaient toujours pas mangé...
-C'est dommage que les étoffes n'aient pas survécu et qu'il n'y ait pas de pièce présentant leurs costumes, souffla Alban à Ruth. Ça nous aurait bien arrangés...
-Je crois qu'ils en portaient pas, de costumes.
-Heu...
-Il n'y a qu'à regarder leurs statues ! Leurs peintures ! A mon avis, c'étaient des Sunites. Peut-être même que ce sont eux qui ont fondé Antelucas !
-Les Sunites portent des vêtements.
-Seulement quand ils ont pas le choix.
-J'ai tout entendu ! lança Giovanni.

Hubert aurait aimé trouver un peu de réconfort dans leurs échanges animés, mais sa conversation avec Albérich l'avait secoué, et il eut peine à sourire. Il rassembla sagement le groupe et leur proposa de remettre la suite de leurs investigations à plus tard. Ils avaient faim et ils n'avaient pas dormi plus que les autres colons : une pause semblait bienvenue, peut-être une sieste pour certains.
Tout en rebroussant chemin, il se demanda par quel miracle cet endroit demeurait dans cet état si parfait, et si leur présence allait gripper ce mécanisme. Il se demanda aussi comment ils allaient faire pour l'occuper... Chaque colon aurait pu disposer de sa pièce personnelle sans qu'ils en aient épuisé les recoins.

Ils regagnèrent les caves où, ils le savaient, avait été installée leur cuisine provisoire, et on leur servit un repas froid mais roboratif.
Giovanni fut aussitôt assailli par ceux qui prenaient de plus en plus des allures d'apprentis et, après un soupir spectaculaire, il entreprit non sans entrain de narrer leur exploration, leurs découvertes. Les écuyers, eux, écoutaient tout en mangeant silencieusement.
Ailleurs, on s'occupait comme l'on pouvait, en attendant l'autorisation de regagner l'étage pour s'y installer.

Après avoir mangé, Hubert conseilla à son équipe de prendre un peu de repos, et se remit en quête du Luménien. Il le trouva au chevet de colons qui avaient pris froid pendant la nuit et ils s'écartèrent un moment dans le couloir.
" Nous avons trouvé des thermes et une cuisine. Peut-être pourrions-nous rayonner à partir de là ? Il y a tant d'espace dans ce palais, Albérich, tu n'imagines pas... On pourrait y perdre quelqu'un et le chercher pendant des semaines...
— Je sais que c'est tentant, mais a priori, je ne serais pas pour nous disperser... S'il y a des salles à même d'accueillir le groupe près de cette cuisine, c'est une bonne idée.
— Il y a plusieurs salles de banquet, oui. Dès que mes hommes se seront un peu reposés, j'organiserai le mouvement. Nous chercherons des chambres à l'étage ensuite.
— Très bien." dit le Luménien avec un sourire.
Ils s'étaient déplacés tout en devisant.
" Ça me fait penser qu'il reste une porte de métal dans ces caves... ajouta Hubert.
— Allons jeter un oeil, si tu veux."
Le paladin acquiesça et précéda son ami dans le couloir. Les paroles se bousculaient dans sa tête mais il ne parvint à rien articuler, et ils cheminèrent en silence jusqu'à destination.

Quand Hubert appuya sa main contre la porte, le même phénomène se reproduisit : l'apparition de symboles puis d'une ligne verticale, la séparation de l'huis s'ouvrant en deux battants...
Au-delà, ils découvrirent une salle de dimensions modestes mais d'allure plus qu'étrange.
En son centre, un piédestal supportant un coffre de métal.
Sur les murs, de minuscules niches ; au-dessus de chacune d'entre elles, un symbole et, en dessous, un bouton ou un commutateur.
Si la plupart desdites niches étaient vides, plusieurs étaient occupées par des gemmes luisantes similaires à celles qu'ils avaient découvertes dans les sous-sols du fort...

Les deux hommes demeurèrent un instant interdits, avant de pénétrer dans la salle.
" Tu crois que... c'est ici qu'on peut contrôler... l'eau chaude ? commença Hubert.
— C'est possible... Mais ça m'étonnerait que ce soit la seule chose qu'on puisse maîtriser."
Le Luménien s'était approché des niches et observait attentivement les symboles qui étaient dessinés au-dessus de chacune d'elles. En particulier de celles qui contenaient encore une gemme... Hubert préféra rester immobile au centre de la pièce et surtout, ne toucher à rien.

Malheureusement, il ne s'agissait pas de pictogrammes explicites mais de symboles similaires à ceux apparus sur les portes et lui étant complètement inconnus. Il put juste noter qu'ils ne manquaient ni de complexité, ni d'élégance... Pour le reste, impossible de déduire ce qu'activait chacune de ces gemmes. Il pouvait s'agir des thermes, des jardins, du verrouillage des portes, voire du nettoyage des lieux ou de tant d'autres prodiges qu'ils ignoraient encore, n'étant qu'au début de leur exploration...

" Ce serait plus simple s'il y avait un mode d'emploi." remarqua le Luménien en reculant.
Hubert opina du chef tandis que le clerc revenait vers lui. Albérich sourit doucement en le regardant droit dans les yeux.
" Je crois qu'on fait mieux de ne toucher à rien avant de trouver... un lexique, ou quelque chose comme ça."
A nouveau, le paladin acquiesça, vaguement mal à l'aise. Le Luménien soupira en le dévisageant, puis fit mine de regagner la sortie. Hubert hésita, mais n'osa finalement pas faire de geste vers lui. Il lui emboîta le pas et ils regagnèrent les pièces où se trouvaient les rescapés. Ils se séparèrent sur le pas d'une porte, Hubert rejoignant ses hommes, Albérich s'apprêtant à avertir les colons de leur prochain déménagement.

L'exploration reprit, permettant de compléter le plan.
Quant au déménagement - du moins, à sa première étape, à savoir l'installation dans une vaste salle proche des cuisines -, elle ne fut pas longue à débuter. Les thermes n'étaient pas tout à fait dans le même secteur, mais ils n'étaient pas très loin non plus, ce qui faciliterait les choses.
Bientôt, la lumière provenant de l'extérieur commença à décliner. Le soir approchait.
Et ils n'avaient toujorus pas reçu la moindre nouvelle de Thibault.

Malgré lui, Albérich commençait à se sentir nerveux. La bibliothèque n'était pas si éloignée et le Sunite avait promis de le contacter pour qu'ils organisent leur retour. Bien sûr, Thibault était moins anxieux que lui et il se moquerait sans doute de son inquiétude lorsqu'il reparaitrait. Mais il avait peut-être pris une initiative dangereuse. Ou les Ithiliens leur étaient tombés dessus. Ou ils ne parvenaient pas à communiquer au travers des protections du palais. Ce n'était pas impossible. Ce métal étrange avait peut-être ce genre de propriétés.
Il partit donc à la recherche d'Hubert, qu'il trouva alors qu'il s'apprêtait à déplacer son équipe vers les étages et, ils l'espéraient, des chambres pour accueillir tout le monde.
" J'ai besoin de toi pour regagner les tunnels.
— Les tunnels ? Pourquoi ?
— Je vais essayer de contacter Thibault mais je veux mettre toutes les chances de mon côté. Je crains... les propriétés de cet endroit.
— D'accord. Je donne mes instructions et je suis à toi."
Le paladin retourna vers son escouade, s'ensuivit un court conciliabule, puis il rejoignit le clerc. Celui-ci prévint une ou deux personnes de leurs intentions, puis ils descendirent vers les caves et les fameuses portes en métal. Albérich devinait la tension chez son compagnon, reflet de la sienne. Il fallait que le retard de leurs amis trouve une explication simple...
" Ça va être contraignant, si je dois ouvrir toutes ces parois chaque fois que quelqu'un veut entrer ou sortir, dit le paladin.
— Nous trouverons peut-être d'autres solutions..."
Albérich avait l'intention d'incanter dès qu'ils auraient atteint les tunnels... En espérant que ceux-ci soient exempts de toute menace.

Exempts de toute menace, oui.
Déserts, non.
A peine la deuxième porte s'ouvrait-elle qu'ils aperçurent Thibault, Gaspard et le reste de leur équipe, en train de se relever.
-Ah, c'est pas trop tôt !
Le Sunite semblait littéralement hors de lui, et s'il tentait de donner le change, s'il s'exprimait sur le ton de la plaisanterie, cela sonnait faux.
-Comme cela fait quoi, trois heures qu'on tambourine en vain sur ces portes, on commençait à croire que vous nous aviez oubliés... Mais peut-être était-ce le cas, peut-être sortiez-vous pour quelque promenade d'agrément ?

Stupéfait, Albérich demeura un instant muet.
" La magie ne passe pas... Ça alors..."
Il sourit, ravi.
" Au moins, tu n'as pas cru que nous étions tous morts, c'est déjà ça. Mais venez, entrez. Je suis vraiment désolé et... je commençais à sérieusement m'inquiéter, moi aussi."
Thibault avait dû user d'un sortilège d'orientation afin de les retrouver... ou alors il avait trouvé le nécessaire dans la bibliothèque. Après tout, ils disposaient désormais du précieux plan des souterrains. Albérich se sentait presque euphorique, contrecoup d'une angoisse qui s'était peu à peu formée en lui, pendant toute l'après-midi, à son insu.
" Il n'y a qu'Hubert qui arrive à ouvrir les portes."
Le paladin eut un sourire embarrassé.

Le Sunite ouvrit la bouche, regarda autour de lui, la referma et parut réfléchir.
-Et bien au moins, comme ça, aucun risque que quelqu'un laisse entrer des Ithiliens, dit-il finalement.
Ils entrèrent dans le couloir. Déjà, la porte se refermaient derrière eux.
-Bon, et vaut-il le coup, ce palais ? Parce que c'est pas pour dire, mais les tunnels lugubres et glacés, j'en ai eu ma dose.

" Tu ne seras pas déçu, je te le promets. Giovanni ne se tient plus, dit Albérich, avant de se tourner vers Hubert. Attends. Je voudrais vérifier quelque chose..."
Le paladin haussa les épaules et rouvrit le passage. Le clerc regagna aussitôt les tunnels que Thibault était si heureux de quitter et se mit à incanter à mi-voix.

Albérich -> Communication à distance -> Marthe

Il incanta.
Lança son appel.
Et puis...
Albérich ? Dieux, je m'inquiétais.

Le soulagement le frappa avec tant de force qu'il faillit en tomber à genoux.
Trente mots. Pas un de plus.
Les Ithiliens ont pris notre forteresse. Nous avons fui avec la moitié des colons mais les autres sont prisonniers. Pouvez-vous regagner Grand Estuaire ?
Il ne lui restait que six mots, et pas d'autre sortilège... Il aurait eu tant de choses à lui dire, pourtant...

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Une cité perdue