La Couronne de Cuivre

Hubert attrapa le coffret d'Etienne et l'emmena avec lui tandis qu'il descendait les escaliers, sur les talons des enfants.
" Montrez-moi. Je vais juste déposer ça dans la tente du conseil et puis... je suis avec vous... Il y a du monde pour surveiller l'issue, j'imagine..."
C'était inespéré, formidable et dangereux. Il allait falloir commencer par explorer le souterrain avant de l'exploiter, bien sûr. Peut-être menait-il uniquement au fort voisin, ce qui serait... dommage. Mais même dans ce cas, ils ne pouvaient le négliger. L'enthousiasme du paladin se fit cependant plus amer comme il gagnait le sous-sol. Le chef militaire de la communauté ne pourrait pas se charger de l'exploration incertaine d'un passage secret, bien évidemment... C'était beaucoup trop risqué.

Les caves étaient quasiment désertes, et pour cause : c'était l'heure du repas. En fait, seuls les thermes semblaient occupés, et non par des baigneurs mais par un groupe faisant la vaisselle - il entrevit d'ailleurs Albérich s'affairant avec les autres. Quant à la pièce où l'on avait découvert le passage secret, ne s'y trouvaient que les quatre personnes de l'équipe de fouilles.
-Nous avons préféré ne prévenir personne hormis vous, pour éviter un afflux de curieux, expliqua Roxane. En cas d'alerte, nous aurions refermé.
-On descend ? demanda Ruth, surexcitée.

" Certainement pas." répondit Hubert.
Il sourit à Roxane.
" Vous avez bien fait. Bon. Ruth."
Il se tourna vers la gamine.
" Va me chercher Frida."
Descendre était trop risqué, il leur fallait quelqu'un à même de détecter la présence éventuelle de pièges. Ces Anciens leur avaient laissé des Thermes en parfait état de marche, après tout... Tout en regardant le trou qui s'ouvrait dans le sol, il se demanda soudain s'il avait les pouvoirs pour organiser des fouilles : peut-être fallait-il que le conseil lui donne son accord. Frida pourrait l'éclairer sur ces questions...
" Vous avez entendu quelque chose ? Perçu une odeur ? N'importe quoi ?"

La petite fille parut extraordinairement déçue mais elle ne protesta pas et fila, tandis que les autres secouaient la tête.
-On n'a absolument rien vu, rien entendu et rien senti, fit la barde. Enfin, si : une odeur d'humidité. Mais elle n'était en rien différente de celle des sous-sol. J'entends pas là, pas les remugles nauséabonds qui émanent ordinairement des morts vivants.
De fait, Hubert ne percevait rien de tel dans le léger courant d'air qu'il sentait effleurer sa peeau.

Ce petit vent suggérait la présence d'une issue, quelque part. Il se souvint de l'Antre du Dépeceur et de sa brise putride. Cette fois, il ne reculerait pas devant le danger.
" Nous allons devoir poster des sentinelles dans cette pièce, je le crains..."
Il s'était accroupi devant l'entrée, scrutant les ténèbres. La tentation était grande d'attraper une torche et de descendre. Il y résista aisément.
" A moins que... Alban, que s'est-il passé au juste ? Ruth a appuyé sur quelque chose ? Il y a moyen de refermer ce trou ?" demanda-t-il finalement.
Ce serait encore le plus simple.

-Pas tout à fait... fit l'écuyer. Elle commençait à en avoir marre que nous ne trouvions rien, alors elle a dit que la solution serait peut-être de démonter tous les murs, et elle s'est mise à tirer sur le premier moellon venu et... Elle a pu l'enlever. Derrière, il y avait un bouton.
-Honnêtement, on aurait pu le chercher des heures sans trouver : cette partie de la maçonnerie ne différait en rien des autres. C'était admirablement bien dissimulé, où je ne m'y connais pas.
Des pas. Ruth surgit, au trot, suivie par une Frida tout aussi pressée. La rôdeuse avait le casque de vision nocturne sous le bras.
-Jolie découverte ! lança-t-elle, souriante.

" Tu m'as déjà l'air prête à descendre, s'exclama Hubert, surpris de l'aplomb de la rôdeuse. Ne devons-nous pas... en aviser le conseil ? Il nous faudra bien une petite équipe pour nous assurer qu'il n'y a pas de dangers cachés."
Il se tourna vers Roxane.
" Avez-vous essayé d'appuyer à nouveau sur le bouton pour refermer la trappe ?"

-Oui, et ça marche.
-Hubert... Le repérage, le nettoyage du terrain, c'est mon domaine d'attribution : il n'est donc pas besoin de prévenir le Conseil. Quant à l'équipe, j'ai déjà fait mander ceux de mes éclaireurs qui ne sont pas de garde : ils ne vont pas tarder à arriver. Oh, et à moins que tu n'y voies un inconvénient, je t'embauche : ta capacité à repérer le mal nous sera d'une aide précieuse.

Le paladin faillit protester.
" Si vous me réquisitionnez, ma foi..."
Frida était compétente, il avait confiance en elle, en ses hommes. Il n'arriverait rien.
" Mais nous devons définir nos limites... Si ça se trouve, nous allons déboucher dans un dédale de galeries. Optons pour une première reconnaissance... Mais pas plus d'une heure sous terre. Alban, tu iras prévenir Etienne. Il a le pont en mon absence."
Autant pour les hésitations sur son choix de second. Mais c'était un choix naturel.
" Roxane, votre équipe devra rester dans cette salle et filtrer les entrées. Nous n'avons pas besoin de curieux. Personne ne descend."

-Très bien. Ce sera plus amusant que de rester cloitrée dans notre tour... fit l'intéressée, souriante.
Quant à Alban, il avait arboré une mine catastrophée qui n'avait rien à envier à celle affichée par Ruth quelques minutes plus tôt. Il parut sur le point de dire quelque chose, peut-être pour protester, peut-être pour poser une question, mais il referma la bouche pour finalement la rouvrir quelques instants plus tard :
-A vos ordres, lâcha-t-il..
Son amie, elle, paraissait furieuse : sans doute estimait-elle mériter un peu plus d'égards, en tant que découvreuse du passage secret. Et elle semblait devoir se prononcer sur la question quand le petit garçon la saisit par l'avant bras.
-Viens, faut qu'on aille jouer ailleurs.
Et les deux gamins s'en furent, épaules basses.

Hubert les regarda s'éloigner avec une grimace. Qu'avaient-ils espéré ? Qu'ils allaient descendre avec lui dans le souterrain ? Apparemment oui. Une seconde, il hésita à les suivre, mais il renonça, sentant la colère poindre. Maudits gosses. Il ne pouvait pas se permettre de perdre du temps à leur expliquer le pourquoi du comment. Il les avait espérés moins stupides, surtout après tout ce qui s'était produit ces derniers jours. Sans doute un chevalier à l'ancienne aurait-il embarqué son écuyer dans les sombres couloirs de la forteresse, mais c'était juste une tradition ridicule. Déjà, il demeurait mal à l'aise à l'idée d'avoir accepté d'accompagner Frida. Il fit jouer son épée dans son fourreau, pensif, mais demeura silencieux. Dès que les hommes de la rôdeuse les auraient rejoints, ils descendraient.

La troupe ne tarda pas à arriver. Elle comptait une vingtaine d'éclaireurs, dont plusieurs non-humains, tous équipés de pied en cap : lames, arcs, carquois et, bien sûr, des torches. Ils semblaient sérieux, déjà concentrés sur leur mission, mais il était évident que cette occasion inespérée de faire leur travail leur faisait grand plaisir.
-On y va ? s'enquit Frida, tout aussi motivée que ses hommes.

" Allons-y, oui."
Il se garda bien de faire le premier pas. Par acquis de conscience, il incanta pour détecter le mal dans l'escalier, mais il craignait davantage quelque chausse-trappe prête à se déclencher sous leurs pas, et c'était le genre de choses contre lesquelles il ne pouvait rien : les objets ne dégageaient nulle aura, aussi mortels soient-ils. Il avait l'intention de se conformer aux directives de Frida. Son équipe était bien rodée et il ne voulait pas gripper son fonctionnement.

Comme le paladin ne repéra rien d'inquiétant, Frida donna ses ordres et l'escouade se mit en route. La rôdeuse et plusieurs éclaireurs formèrent l'avant garde, observant non seulement ce qui leur faisait face mais également le sol, afin de repérer d'éventuelles chausses-trappes. D'autres hommes se positionnèrent bientôt sur les flancs, arcs en main, car il apparut que la rampe était bordée non de murs, mais de colonnades à travers lesquelles Hubert et les non-humains apercevaient une vaste salle dont le haut plafond voûté était soutenu par d'épais piliers.
Une fois parvenus dans celle-ci, le groupe se dispersa rapidement pour surveiller toutes les directions à la fois et procéder à un repérage global. Le verdict ne tarda pas à tomber : les environs étaient déserts, pas un seul monstre à l'horizon.

Hubert observa les environs avec attention, tâchant de repérer les lieux au mieux. Il ne s'était pas attendu à déboucher dans une pièce de cette taille. A quoi donc pouvait servir cette salle ? Etait-ce un lieu de culte, de rassemblement ? Il ne s'attendait pas à pouvoir décrypter la moindre inscription, mais peut-être y aurait-il des indices... que les éclaireurs analyseraient bien plus efficacement que lui. Il chercha aussi les éventuelles issues. Tout en laissant son regard — d'aasimar, pourquoi pas ? — percer les ténèbres, il demeura aux côtés de Frida.

Il n'y eut pas de créatures à affronter, pas de pièges à éviter ; pas d'aura maléfique à détecter, non plus - si la rôdeuse demanda à Hubert de recourir à ses pouvoirs en plusieurs occasions, sans doute par acquis de conscience, jamais il ne décela quoi que ce soit. L'exploration se déroula donc sans la moindre anicroche, et ses résultats s'avérèrent au-dessus de leurs espérances.
La salle était située exactement au centre de la forteresse et sa surface correspondait à environ la moitié de celle de la cour. Elle possédait quatre issues donnant sur des couloirs dont chacun se dirigeait exactement vers l'un des quatre points cardinaux : ceux conduisant à l'ouest, au nord et à l'est descendaient en pente rapide, tandis que celui menant au sud était plat. Par ailleurs, à leur début, ces quatre souterrains étaient flanqués par des pièces de taille modeste abritant, comme l'affirmèrent les éclaireurs, de solides coffres en métal.
Après avoir fait ces découverte, le groupe s'intéressa davantage à la grand-salle - qu'on ne tarda pas à surnommer la nef. Elle ne comportait ni mobilier, ni décoration particulière, ce qui ne l'empêchait pas d'impressionner par sa sobre majesté, par ses impressionnantes proportions, par l'élégance qui se dégageait de ses colonnes et de ses voûtes malgré leur aspect massif.
Après l'avoir parcourue de long en large, leur attention fut finalement attirée par un pilier d'où émanait un grondement ténu, une légère vibration, une douche chaleur, même. Selon Frida, il se dressait juste sous les thermes.

" Toi qui cherchais du travail pour tes éclaireurs, te voici servie, Frida, dit le paladin à la rôdeuse tout en se chauffant une seconde les mains à la colonne. Quatre chemins à reconnaître, sans compter ceux qui, peut-être, s'en échappent ça et là... Vous allez avoir du pain sur la planche. Mais peut-être, cette fois, nous faut-il en référer au conseil. Le chemin ouest mène certainement au fort adverse, mais les autres... mystère. Il nous faudrait aussi tenter d'ouvrir ces coffres. Et Ignace ne va plus se tenir quand il va découvrir que nous disposons d'un espace aussi vaste ! Je ne pense pas qu'il soit utile d'y faire descendre les gens pour l'instant, cela dit. Mais nous devons imaginer que les Paludiers vont peut-être découvrir leur propre souterrain... Ils ont davantage l'habitude des constructions de cette région que nous et savent peut-être en chercher les secrets... Tu imaginais persévérer dans tes recherches dès à présent ?"

Frida hésita un moment avant de finalement secouer la tête.
-Poursuivre est tentant, d'autant que si les anciens occupants des lieux ont pris soin de fermer toutes les issues de ce complexe souterrain, il doit être aussi désert qu'il en a l'air. Mais tu es la voix de la raison : mieux vaut revenir après en avoir parlé au Conseil et avec davantage d'hommes : ainsi mes éclaireurs pourront-ils tous se lancer dans l'exploration d'un couloir tandis que des soldats couvriront leurs arrières. Cependant, quand nous serons proches du sommet de la rampe, je vérifierai s'il n'y a pas un bouton de ce côté-ci du passage secret.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Et les recherches menées par la rôdeuse s'avérèrent concluantes : usant de la technique inaugurée par Ruth, elle tenta de retirer des moellons du mur, y parvint avec l'un deux et trouva ce qu'elle espérait. Il était donc possible d'ouvrir et de fermer la trappe dérobée de part et d'autre de celle-ci.

" Hum, fit Hubert en regagnant la surface. Cela signifie que même si nous fermons ici, le passage peut être rouvert par des invités indésirables venus d'en bas. Je crois que je vais demander aux clercs de placer un glyphe quelque part dans l'escalier. En le calibrant correctement, nous devrions nous assurer de ne pas être surpris. Nous n'avons vraiment pas assez de soldats pour en positionner de manière constante dans cette salle. S'il y avait une alerte à la surface, je n'ose imaginer le temps perdu..."
Son estomac grommela.
" Peux-tu prévenir les autres qu'une réunion du conseil serait bienvenue ? J'ai une petite chose à faire avant de vous rejoindre."
Le paladin avait l'intention, à présent que la salle avait été visitée, de la montrer rapidement à ses deux petits écuyers boudeurs.

-Pense quand même à manger, répondit la rôdeuse, qui avait du entendre les protestations de son estomac. Et ne t'en fais pas trop pour cette trappe : Varamyr dit que les tribues cannibales ne s'embêtent jamais à visiter les ruines, qu'ils se contentent de piller ce qui leur tombe sous la main. Mais effectivement, un glyphe ne coûte rien. Il faudra juste prévenir les mercenaires de ne pas trop venir par ici : il se peut que certains d'entre eux ne soient pas... très tendres, disons.
Elle s'en fut alors contacter les autres conseillers. De son côté, Hubert regagna la cour, où il fit divers constat. D'abord, l'heure du repas serait bientôt passée, à voir le nombre de colons qui sortaient de la cantine. Ensuite, la neige s'était mise à tomber, ce qui n'empêchait pas des exercices martiaux de battre leur plein sous la houlette des instructeurs, dont Ted qui, comme de coutume, s'occupait des plus jeunes bretteurs. Enfin, Ruth et Alban ne s'étaient pas joints à ces derniers : peut-être avaient-ils dû prendre leur poste sur les remparts.

La neige. Vu leur installation, Hubert avait l'impression qu'elle ferait surtout souffrir les Paludiers, eux nettement moins. Les tours étaient calfeutrées, l'eau des thermes demeurait éternellement chaude, ils avaient de quoi se nourrir... Non, ils ne craindraient pas le froid. Bien sûr, les cannibales vivaient éternellement dehors, ils étaient probablement tout aussi capables d'y survivre. Les enfants apprécieraient. C'était déjà ça.
Il passa rapidement par la cantine, attrapa une assiette de ragoût, mais l'emporta avec lui dans sa recherche de Ruth et Alban. Il voulait s'assurer qu'ils étaient bien de garde avant de reporter leur escapade. Il ne se sentait pas coupable, mais il n'avait pas envie que les gosses soient fâchés pendant toute la journée. Et si c'était l'occasion de mettre certaines choses au point avec eux, ma foi... Il fallait qu'il ose en profiter.

Cela devrait attendre, cependant, car il repéra de petites silhouettes sur le chemin de ronde, et ne tarda pas à identifier celles de ses écuyers, postés non loin l'un de l'autre. Emmitouflés dans leurs manteaux déjà blanchis, ils lorgnaient vers le sud. Cependant, que ce soit un hasard ou une décision de l'officier sous l'autorité duquel ils étaient placés, il se tenaient près de la tour sud-est et n'avaient donc guère de chance d'apercevoir le camp des Écorcheurs.

Il redescendit donc vers le chariot du conseil, mangeant toujours entre deux pas, prenant garde de ne pas glisser sur les pierres que la neige commençait à recouvrir. Son esprit vagabonda à nouveau vers l'Antre du Dépeceur et le blizzard terrible qui les avait contraints à gagner le refuge de cette grotte maudite. Il ne pouvait s'empêcher de se demander comment Béranger avait accueilli Tobias, ce qu'ils avaient décidé... sans doute d'attendre le printemps, ce qui aurait contrarié le fermier, à n'en pas douter. Il songea aussi avec une certaine nostalgie à ces premières journées de périple, à la relative insouciance qui avait alors été la sienne, cette certitude que le soleil brillerait toujours, et que l'avenir leur sourirait, à lui, à Albérich, vers Lunaros et au-delà. Jamais il n'aurait imaginé, alors, se retrouver prisonnier d'un fort et de l'hiver, avec un groupe de cinq cent personnes et une bande de sauvages à leur porte. Peut-être était-ce une punition divine pour avoir tout abandonné sur un coup de tête.
Ce n'était pas un coup de tête.
Ou alors c'était un défi à relever. Une occasion de célébrer la lumière. Sans doute.
Il repoussa la bâche et se hissa à l'intérieur. S'il avait un peu de temps, il en profiterait pour terminer rapidement son repas.

Ses collègues ne tardèrent pas à le rejoindre et la conversation alla bon train. L'idée de placer une glyphe près du passage dérobé fut adoptée à l'unanimité, de même que celle de poursuivre le plus rapidement possible l'exploration du complexe. De l'avis général - qui était aussi un espoir -, les couloirs est et nord devaient mener à des issues secrètes en pleine nature, et celui de l'ouest, au deuxième fort. Quant au souterrain sud... Se pouvait-il qu'il courre jusqu'à Cléirétoile ? La chose ne paraissaient pas tout à fait impossible, vu les prouesses dont les Anciens avaient été capables...
-Il est nécessaire de statuer sur un autre point, dit finalement Marthe d'un ton neutre. Comme je n'ai pu trouver personne pour prendre ma place au Conseil, je vais devoir rester ici. Il faut donc désigner quelqu'un d'autre pour se rendre aux Dents Grises avec Varamyr.

Hubert grimaça.
" Marthe. Si vous désirez aller aux Dents Grises... Si vous vous sentez... suffisamment forte pour le faire... Je suis prêt à retourner parler avec Albérich. Je sais qu'il était plutôt remonté ce matin, mais je pense qu'avec des garanties... et en jouant sur la nécessité... Il ne pourra pas refuser de vous remplacer. Il sera peut-être furieux de le faire, mais ça lui passera après deux jours. A Solarcis aussi, il a fallu lui forcer la main. Et les choses se sont bien passées ensuite... Il faudrait juste que nous puissions... nous arranger pour qu'elles se terminent moins mal. Est-ce que ce conseil est, par loi, composé de six membres ?"

-Oui : c'était la formule qui nous semblait la plus appropriée pour notre Communauté tant qu'elle serait itinérante, car ses constituantes majeures étaient représentées sans que le Conseil soit par trop pléthorique. Cependant, cela pourrait être modifié après notre sédentarisation. Et dans tous les cas, j'ai déjà dit à Albérich que s'il souhaitait se présenter aux élections qui se dérouleront après notre entrée dans la cité, je ne me représenterai pas et, au contraire, le soutiendrai.
La juge poussa un bref soupir.
-Cela n'a pas atténué sa colère, même si je me doute qu'il ait pu... oublier cet échange précédent. Mais quoi qu'il en soit, Hubert, au regard des circonstances, le Conseil ne peut accueillir quelqu'un de furieux ou qui traîne des pieds, même temporairement. Cet organe se doit d'être efficace et réactif... Je crois donc que le mieux est que je demeure à ma place et que nous désignions un autre ambassadeur.

" Comme vous voudrez." dit le paladin en levant les mains défensivement.
Albérich allait certainement se mordre les doigts de cette situation, une fois sa colère retombée, mais comme personne d'autre n'avait l'air de vouloir intervenir sur le sujet, Hubert se garda bien de poursuivre. Après tout, le Luménien était son ami, personne ne l'ignorait, il était donc mal placé pour ajouter quoi que ce soit.
" Qui pouvons-nous envoyer, dans ce cas ? Frida et Louis va seul à Grand Estuaire ?"

Les autres semblaient fort embarrassés, mais tous demeurèrent cois, hormis Frida.
-Si c'est nécessaire, je peux effectivement me rendre aux Dents Grises et fournir à Louis deux éclaireurs doués et dotés d'un bon sang froid : la route étant dégagée, cela devrait être largement suffisant. Mais peut-être vaudrait-il mieux, avant de faire ce choix, demander à Varamyr si un autre membre de la Communauté ne pourrait pas convenir comme émissaire ?
-On peut tenter. Cependant, si nous voulons que la consultation puisse avoir lieu aujourd'hui, et ses résultats être connus dans la soirée... Il ne faudra pas tarder à lancer le mouvement, intervint Ignace.

" Faisons-le mander tout de suite, proposa Hubert. Autant, effectivement, ne pas traîner. Nous avons trouvé les souterrains, les éclaireurs pourront probablement déjà dégager un passage vers l'extérieur aujourd'hui. L'idéal serait un départ cette nuit ou la suivante."
Il se tourna vers Etienne, n'osant pas l'interroger à nouveau sur Louis. Le jeune chevalier semblait absolument sûr de son ami. Hubert n'aurait pas été étonné de le voir déserter dès qu'il serait arrivé à Grand Estuaire. C'était un préjugé, mais Hubert attendait que le jeune d'Argencourt fasse ses preuves.

-Un instant... fit Agnès. Ce matin, Albérich est venu nous trouver, Barthélemy et moi, pour nous demander si nous pourrions rester en contact avec nos émissaires via des sortilèges de scrutation ou de communication à distance. Ce qui est le cas. Peut-être que l'avoir appris est un élément susceptible de le faire changer d'avis ? S'il s'est surtout inquiété pour la sécurité de Marthe...
-C'est possible, dit Ignace. J'en profite d'ailleurs pour signaler qu'après avoir examiné les objets magiques récupérés dans le tumulus, il m'a remis une liste de ceux qui semblaient le plus susceptibles d'aider nos diplomates dans leur mission. Entre ces objets et la possibilité d'avoir de leurs nouvelles... Je crois qu'il a de quoi être rassuré et, effectivement, revenir sur sa décision.
Marthe soupira à nouveau.
-Cela mérite d'être tenté. Seriez-vous d'accord pour aller lui en toucher un mot, Hubert ? S'il hésite encore... Dites-lui que je ne reprendrai pas mon poste à mon retour, qu'il restera en place jusqu'au prochain vote qui, je n'en doute pas, amènera son élection en bonne et due forme.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Une route oubliée