La Couronne de Cuivre

Hubert sourit en entendant Ruth malmener le baron. Il était soulagé que la gamine n'en développe pas un complexe d'infériorité. Le paladin leva ensuite les yeux au ciel, constatant que leurs interactions étaient aussi peu constructives que d'ordinaire. Il était tentant de les pousser à l'eau, mais ils n'étaient pas encore nus et leurs vêtements n'avaient pas besoin d'être complètement trempés. D'autant que Ruth allait devoir survivre avec sa tunique de nuit et la veste du paladin (qui lui tomberait sur les genoux, mais elle se débrouillerait en retroussant les manches et le but était d'avoir chaud, pas d'être élégante).
Il se garda bien d'intervenir mais manifesta son agacement avec leurs querelles en s'éloignant de quelques pas, bras croisés, et laissa son regard courir sur les fresques qui couvraient les murs. Il se demanda ce qui avait mené à la destruction de cette civilisation. Que personne n'en sache rien était étrange et inquiétant, même s'il ne parvenait pas à avoir réellement peur. C'était autrefois et le monde avait changé, depuis lors. Les menaces s'étaient métamorphosées... avaient peut-être disparu... Il ne servait à rien de s'en émouvoir alors qu'ils avaient des soucis autrement plus pressants et nettement plus tangibles.

Contrairement à ce qui s'était produit la dernière fois où cette scène s'était déroulée, il n'eut pas besoin d'intervenir. Qu'ils aient été sensibles à son agacement ou qu'ils soient simplement pressés de découvrir le complexe souterrain, ses écuyers parvinrent somme toute rapidement à un accord : ils ôtèrent chacune de leurs frusques scrupuleusement en même temps puis plongèrent de concert dans le bassin. Ainsi nul ne perdit la face dans ce conflit sans doute en partie factice.
Ils s'attardèrent quelques minutes dans l'eau, ressortant au moment où les autres sentinelles firent leur apparition. Puis ils gagnèrent la salle voisine où l'intendance avait allumé un feu près duquel, après avoir suspendu leurs vêtements trempés, ils passèrent un moment à se sécher. La "querelle" lancée par Ruth avait au moins eu un mérite : Alban était d'humeur moins chagrine. D'ailleurs, c'était peut-être là l'effet recherchée par la gamine.

Hubert donna à chaque enfant les vêtements qu'il avait apportés, et confia d'autorité sa veste à Ruth. Son manteau avait survécu à la tempête et il le sécha superficiellement devant la flamme en attendant que les enfants soient parés pour la suite de leur journée. Il se souvint qu'il devait toucher un mot de leur instruction à Agathe ou Rebecca, chose qui lui était complètement sortie de la tête, et se fit une note mentale d'y songer en remontant des profondeurs. Les écuyers étaient en manque de bottes, ils devraient donc remettre celles qui avaient souffert, et Hubert les aida à sécher au mieux ce qui pouvait l'être. Il était soulagé de retrouver Alban un peu moins tendu, grâce à Ruth. Décidément, il n'était pas doué avec les gosses.

Les gosses ne tardèrent pas à être prêts. Tous trois purent donc gagner la pièce du passage secret, où un duo de gardes était en faction, puis descendre la rampe et, ce faisant, atteindre l'immense salle aux piliers. Là se trouvaient d'autres soldats placés sous le commandement du sieur d'Argencourt, lequel vint spontanément faire son rapport à Hubert.
Les découvertes des éclaireurs paraissaient combler toutes leurs attentes. D'abord, les passages est et nord conduisaient bien à des portes dérobées donnant sur l'extérieur et situées à près de deux lieues de distance. Ensuite, le couloir ouest menait à une nef similaire à celle-ci s'étendant sous le fort occidental : la configuration y était exactement la même, ce qui impliquait deux issues supplémentaires ainsi qu'un autre souterrain méridional qui, après peut-être une lieue, rejoignait son homologue partant de la pièce où Hubert venait d'entrer, formant une unique voie poursuivant droit vers le sud - droit vers la cité, peut-être. Enfin, l'ensemble du complexe était désert : point de monstres, poins de cannibales.

Hubert laissa les enfants circuler, tout en leur recommandant de ne pas s'engager trop loin dans les tunnels. Il ne craignait plus qu'il leur arrive immédiatement quelque chose, mais il ne voulait pas devoir marcher cinq lieues pour les retrouver. Avec un peu de chance, Tymora gratifierait Ruth d'une autre découverte imprévue.
Le paladin avait un peu du mal à mesurer d'emblée ce que signifiait tout ce complexe souterrain et la manière dont ils pourraient l'exploiter. Dans un premier temps, il fallait probablement se contenter d'en user pour permettre à leurs missions diplomatiques de fuir. Les Ecorcheurs étaient en train de se regrouper, ils devaient donc choisir leur issue de manière à s'assurer de ne pas tomber sur leur train de bagages. Hubert voulait aussi savoir si un cheval pouvait passer dans ce dédale et franchir les portes. Même si Varamyr aimait marcher, même si le marais était traître, des montures aux fers crantés avanceraient plus vite et soulageraient Marthe et Louis, a minima. Il devait en parler aux éclaireurs.
Il voulait savoir aussi si on avait réussi à ouvrir ces coffres de fer, qui jouxtaient l'entrée des souterrains.
Ensuite, il demeurait convaincu que le placement de glyphes était nécessaire. Frida avait raison de se défier du coeur de certains et il ne voulait pas créer d'incident diplomatique (même si ça aurait été une bonne manière d'obtenir les informations dont le conseil l'avait privé), aussi la meilleure solution était sans doute de les placer dans le couloir menant au fort voisin, voire directement dans l'escalier menant à la surface. Si un traître voulait prévenir les Ecorcheurs de leur présence, il serait forcé de le traverser. Mais Hubert ne se leurrait pas. Tout responsable des aspects militaires qu'il était, il devrait passer par le conseil, qui grognerait à l'idée. Aussi décida-t-il d'attendre le départ de Marthe... Cela augmentait sensiblement ses chances d'obtenir gain de cause.

Il fut au moins un point sur lequel il n'eut pas besoin d'attendre le retour des éclaireurs pour être fixé : Louis lui signala que les tunnels, quels qu'ils soient, étaient assez larges et hauts pour que des cavaliers puissent y circuler. La tâche serait donc facilitée pour leurs diplomates, mais aussi pour ceux que le Conseil chargerait peut-être d'explorer le tunnel sud.
Ruth et Alban, pour leur part, furetèrent de ci, de là, sans jamais réellement s'éloigner. Puis ils s'immobilisèrent près du pilier situé sous les thermes, soit que la chaleur qui en émanait leur fasse du bien, soit simplement qu'il les intrigue.

Hubert remercia le chevalier puis retourna vers les enfants. Il avait déjà de nouvelles tâches à leur confier mais il voulait s'assurer qu'ils ne soient pas frustrés de leur exploration.
" Alors ? On se chauffe ?" leur demanda-t-il simplement.

-C'est sûr qu'un peu de chaleur, ça fait pas de mal, murmura Alban.
-Oui. Mais on fait aussi de l'arché... archélo...
-Archéologie, compléta le garçon.
-Voilà ! Je suis sûre qu'il y a quelque chose là-dedans. Quelque chose qui chauffe et qui vibre. Faut juste trouver un bouton ou un mécanisme...
-Enfin, si vous nous autorisez à chercher... Pour l'instant, on n'a rien touché.

Hubert grimaça.
" Disons que si vous trouvez quelque chose, je veux bien y jeter un œil avant que vous n'appuyiez... Imaginez que vous coupiez définitivement notre source d'eau chaude, ce serait une catastrophe... Mais d'un autre côté, je serais curieux d'avoir un meilleur accès aux pouvoirs de ce tuyau... Qu'est-ce qui te fait penser qu'il s'agit d'une vibration ?"
Il posa les mains sur le conduit.
" J'avais imaginé que cela pouvait fonctionner par un passage près d'une source volcanique, mais c'est peut-être purement magique en effet. Si nous pouvions régler la température, ce serait formidable... L'eau bouillante a toujours été efficace pour repousser des envahisseurs. Bien sûr, il faudrait la transporter jusqu'en haut des remparts et nous assurer que personne ne va faire trempette..."
Sur un soupir, il sourit.
" Je pense que ça veut dire que je vous donne l'autorisation de farfouiller. Mais je reste à proximité. Et pas toute la journée : j'ai des missions à vous confier."

Alban se désintéressa aussitôt de la colonne - laquelle émettait effectivement, outre de la chaleur, une légère vibration.
-En quoi pouvons-nous vous être utiles, messire ? s'enquit-il, non sans un soupçon de timidité.
-Hé, on est pas à la pièce, m'sire Hubert a dit qu'on pouvait terminer ici ! protesta Ruth, qui craignait peut-être que les missions en question consistent à retourner à la bibliothèque ou, pire encore, à lire des livres.
L'instant suivant, elle se replongeait dans l'observation minutieuse du pilier.

Hubert hésita. Mais c'était peut-être l'opportunité rêvée pour avoir une petite conversation avec Ruth en l'absence de l'écuyer, ce qui lui permettrait de sonder la gamine sur d'éventuelles bizarreries dans le comportement de son camarade. Si un esprit maléfique était tapi dans le gosse, il n'était pas interdit de penser qu'il se tenait à carreau en présence du paladin.
" J'aimerais que tu ailles prévenir Ulrich que nous allons avoir besoin de ferrer des chevaux pour l'hiver. Des fers à crampons seraient bienvenus, j'imagine qu'il y a déjà songé. Il faut demander son accord à Louis pour ferrer une de ses bêtes. Je ne sais pas s'il avait l'intention d'embarquer son écuyer avec lui, pose-lui également la question. Il faudrait également que tu trouves Marthe et que tu lui demandes quel animal elle entend monter. Je ne sais pas si elle a un cheval à elle. Dans le cas contraire, elle peut prendre un des miens. Le hongre noir est une bonne bête robuste qui fera l'affaire."

Le petit garçon s'empourpra quelque peu lorsqu'il comprit qu'il lui faudrait discuter avec Marthe. Il n'en acquiesça pas moins et s'en fut avec diligence, se dirigeant en premier lieu vers le sieur d'Argencourt, histoire de limiter les allers-retours.
-Alban est votre émissaire, et moi, votre archéologue, commenta Ruth en le regardant s'éloigner. Les autres chevaliers vont finir par être jaloux, leurs écuyers font pas autant de trucs utiles !
Elle sourit au paladin puis retourna à sa colonne.

Hubert laissa passer quelques minutes, voulant s'assurer qu'Alban ne reviendrait pas dans l'instant lui demander des précisions, avant de reprendre la parole.
" Ruth, dis-moi... Je... me demandais comment se portait Alban... Je sais que tu ne le trahiras pas mais... tu es la plus proche de lui et tu es celle qui peut le mieux juger de son état... Je voudrais pouvoir... aider au besoin. N'as-tu rien noté d'inquiétant dans son comportement ?"
Rien de ce qu'il n'avait dit était mensonger, même si ses intentions étaient un peu différentes... ou pas vraiment. Il avait réellement à cœur de protéger l'écuyer au mieux, quelle que soit la source de sa détresse.

La petite fille se tourna vers lui, sourcils froncés.
-D'inquiétant ?
Elle secoua la tête.
-Non, m'sire. Enfin... Bien sûr que je m'inquiète. Ça se voit qu'il est pas en forme et qu'il en a vraiment gros sur la patate. Ça se voit d'autant plus qu'il fait moins semblant qu'avant. Moins semblant que tout va bien, je veux dire. Puis il est aussi plus... affectueux, disons. Mais c'est normal qu'il soit comme ça après ce qui lui est arrivé, non ?

Hubert grimaça.
" Je pense, oui. Enfin... J'imagine que ça dépend ce que tu veux dire par affectueux."
Il avait du mal à imaginer ce qualificatif associé à Alban.
" Je voudrais que... si tu as le moindre doute, même si tu n'es pas certaine de ce que tu as vu ou perçu, tu viennes m'en parler, d'accord ? Je sais que lui et toi vous promettez des tas de choses, et je ne veux surtout pas que votre amitié pâtisse de mon inquiétude, mais... Alban n'est peut-être pas toujours le meilleur juge de ce qui est bon pour lui."
C'était un gosse potentiellement possédé. Marthe était une adulte saine d'esprit. Le raisonnement se tenait. Plus ou moins.

Elle demeura un instant silencieuse.
-Ce que je voulais dire par affectueux, ben... C'est que ça lui arrive de me donner la main quand il en a vraiment gros. Des petites choses comme ça qu'il faisait pas avant... Et je trouve ça plutôt rassurant moi, qu'il s'ouvre un peu plus...
Elle le dévisagea, perplexe, puis grimaça à son tour.
-En fait... En fait vous avez peur qu'il devienne un peu fou avec tout ce qui est arrivé ? C'est pour ça qu'il est allé au dispensaire sans que personne veuille m'expliquer pourquoi ?

" Fou, non, mais... Alban aurait mille raisons d'être troublé, vu les événements des derniers jours. La mort de Robert, bien sûr, mais il y a eu la liche et le tumulus juste avant... C'est davantage la conjonction de ces deux drames qui m'inquiète. Je sais que c'est un garçon solide mais... il reste humain."
Il haussa les épaules.
" Et tu as raison de ne pas t'inquiéter de ces petits signes d'affection. Ils sont rassurants, effectivement."
Il sourit à la fillette.
" Tu dois aussi te sentir à l'aise de me prévenir si le soutenir devient trop fatiguant pour toi. Cela n'aurait rien de honteux ou de traître envers lui... Mais je te l'ai déjà dit. Je te fais confiance."

-Vous savez, moi, quand ça va pas, je peux me réfugier auprès de ma maman... avoua-t-elle spontanément.
L'instant suivant, elle rougissait et jetait des regards inquiets aux alentours.
-Répétez pas ce que je viens de dire, souffla-t-elle. Sinon, la réputation de Ruth la Terrible serait à jamais foutue.
Elle lui refit face, sourit.
-Mais honnêtement... C'est pas dur d'aider Alban. Il est gentil même quand ça va pas. A mon avis, il a juste besoin de se rendre utile et d'être consolé quand il a trop de chagrin... Et ça lui fait beaucoup de bien de vous avoir, vous. J'ose pas imaginé ce que ça aurait donné s'il avait pas pu continuer à être écuyer... Enfin, si je trouve que quelque chose cloche, je vous le dirai, promis. Ce serait pas une trahison non plus vu que ce serait pour son bien.

" Alors ça va." dit-il en posant une main amicale sur son épaule.
Il plissa les yeux.
" Bon, et ce conduit, mademoiselle Ruth la Terrible ? Si tu veux te gagner un nouveau surnom, il va falloir faire mieux ! D'autant que je ne vais pas pouvoir te laisser dans les caves toute la journée. Techniquement, ni toi ni moi n'avons rien à y faire. Notre récréation va bientôt toucher à son terme."

Elle prit un air paniqué.
-M'sire, on peut pas partir avant d'avoir trouvé le secret du pilier ! Ce serait trop la honte !
Elle reprit aussitôt son inspection. Cela dura cinq bonnes minutes... et n'aboutit à rien.
-Je suis pourtant sûre qu'il y a un truc... grommela-t-elle, de mauvaise humeur.
Elle tapa du pied, agacée.
Il y eut un déclic. Un grondement léger.
Les contours d'une sorte de panneau rectangulaire se dessinèrent sur la colonne. S'illuminèrent. Puis le pan de pierre se mit à glisser de côté, laissant s'échapper une lumière si vive qu'elle les aveugla tous deux.
-Je commence à avoir peur de moi... lâcha Ruth.

" Ruth la Découvreuse, ça pourrait le faire, souffla le paladin en attendant que ses yeux s'habituent à la vive lumière émise par le tuyau. On ne touche à rien d'autre, en tout cas... Peut-être qu'un barde pourra décrypter les inscriptions... C'est leur créneau..."
Il avait l'intention d'examiner la trouvaille de la gamine puis de faire mander Giovanni et ses collègues. Il était temps qu'ils puissent à leur tour profiter des merveilles de l'endroit.
" Ou Ruth bénie de Tymora... Je vais devoir me battre pour te garder à mon service."

Elle éclata de rire.
-Vous battre avec moi, pour commencer ! Vous avez intérêt à être hyper gentil si vous voulez que je vous porte chance ! Sinon, je me trouverai un maître ou une maîtresse plus sympa !
Elle eut une légère grimace.
-Je plaisante, hein...
La vue du paladin commençait à s'habituer à l'éblouissante clarté. Celle-ci émanait d'une superbe gemme taillée grosse comme un poing d'enfant, qui semblait renfermer un énergie d'un blanc doré, aux pulsations régulières. Elle était placée dans une sorte de réceptacle.
C'est tout ce que contenait la niche secrète.

Une source d'énergie magique, assurément. Y toucher semblait dangereux et il lui paraissait clair que s'ils la retiraient de son réceptacle, ils couperaient leur approvisionnement en eau chaude. Et ils n'avaient aucune garantie de pouvoir l'y replacer : peut-être fallait-il une incantation oubliée pour activer son pouvoir.
Il ne releva pas les plaisanteries de Ruth, se contentant de baisser les yeux sur elle.
" Si tu allais chercher Giovanni pour lui présenter ta trouvaille ?"

-C'est comme si c'était fait ! s'exclama la gamine.
Elle partit à fond de train et gravit la rampe sans ralentir malgré la déclivité, laissant Hubert seul au milieu du halo de clarté surnaturelle. Au milieu de la chaleur qui émanait de la pierre, aussi.
Louis et ses hommes jetaient des regards dans sa direction, intrigués. Mais ils demeurèrent où ils se trouvaient et poursuivirent leur garde vigilante.

Hubert chercha du regard le mécanisme sur lequel avait marché la gamine. Peut-être serait-il opportun de refermer le panneau en attendant la venue de Giovanni. Il ne savait pas si l'eau était encore chaude, en haut : l'ouverture du mécanisme avait sans doute interrompu le système. Il se demanda si cette gemme avait rayonné de la sorte depuis des siècles, sans s'épuiser. Il songea aux prodiges dont étaient capables les mages néthérisses, près de deux mille ans plus tôt, à leurs cités volantes, imbues de pouvoir grâce à des artefacts puissants. Cet objet était manifestement doté d'une puissance peu commune, pour avoir survécu si longtemps.

S'il n'avait pas vu où Ruth avait tapé du pied, sans doute aurait-il eu énormément de mal à localiser le mécanisme, car il était très discret, sans compter que le temps avait peut-être effacé des marques plus visibles. Mais, en la circonstance, il le repéra rapidement : c'était l'une des dalles de petite taille entourant le pied de la colonne. Marcher dessus ne suffit pas à l'activer : il lui fallut appuyer. Alors, le panneau se referma, le plongeant à nouveau dans les ténèbres.

C'était aussi simple que c'était pratique. Le paladin était cependant conscient qu'il était en train de passer un temps beaucoup trop long à s'émerveiller des réalisations de ces Anciens. Ce n'était pas son rôle : il aurait dû se trouver en surface, sur la brèche. Dès que Giovanni arriverait, il lui cèderait la place et retournerait à des activités plus martiales. Comme lire des bouquins sur les sièges, ô joie.

Giovanni apparut moins de cinq minutes plus tard - apparemment, il avait attendu la première opportunité venue de s'arracher à l'oisiveté que lui imposait son rôle de chef des archers et ses compétences de lanceur de sorts. Après avoir appris au paladin que Ruth s'en était allée s'occuper du harnachement des chevaux, il se fit expliquer le fonctionnement du mécanisme puis se mit à l’œuvre.
Au fil de sa progression vers la surface, Hubert se rendit compte d'abord que la consultation battait toujours son plein, ensuite que les termes n'avaient manifestement pas cessé de fonctionner - sans quoi, il l'aurait compris aux remarques des jeunes baigneurs qui s'y pressaient -, enfin que le soir s'approchait.

Le paladin fit un tour des remparts, s'entretint avec Edgar un moment pour prendre des nouvelles de la reprise des entraînements, puis se mit en quête de sa paire d'écuyers. Ruth était sans doute dans la tente qui servait de sellerie, près des écuries de fortune, et peut-être Alban l'avait-il rejointe après avoir mené sa tâche à bien. Hubert espérait que tout s'était déroulé sans heurts. Vu la luminosité, il fallait qu'il les entraîne rapidement s'ils ne voulaient pas combattre dans le noir. Avec la neige piétinée qui couvrait désormais le sol de la cour, la séance serait probablement épique.

Ruth était bien aux écuries, mais non Alban, et la fillette avoua qu'elle ne l'avait pas revu. Toutefois, le gamin les rejoignit peu après. Il avait la mine un peu chiffonné, le regard un peu humide, et lorsqu'il parla, ce fut toujours avec cette touche de timidité. Il parla néanmoins, s'empressant de faire son rapport.
-J'ai parlé avec messire d'Argencourt, qui partira en compagnie de son écuyer, et avec dame Marthe, qui accepte la monture que vous lui proposez et qui vous en remercie. Je me suis également entretenu avec messire Ulrich : il n'y aura pas besoin de fabriquer des fers a crampons, car les réserves en comptent déjà, et les huit chevaux utilisés pour les missions diplomatiques en seront tous équipés ce soir.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] Une route oubliée