La Couronne de Cuivre

Kerun eut un sourire embarrassé.
" Je te le devais, Taliesin. Je t'avais promis que je ne te laisserais pas tomber, et tu m'as fait confiance en rentrant ici, en Hélonna, avec le risque que cela représentait pour toi. Je ne voulais pas vous décevoir, toi, Galathée, les enfants, vous méritiez cette délivrance."
Son expression se fit plus légère.
" Bon, je dois avouer que j'ai un peu perdu le compte des dettes que j'ai envers toi, aussi. Je n'aime pas tellement être éternellement redevable à quelqu'un. Dans mon métier, c'est très mauvais."

-En même temps, tu aurais pu te dire que j'avais aussi accumulé pas mal de dettes à ton égard : tu m'avais déjà sauvé la mise plus d'une fois. Et avec tout ce que tu as fait récemment, je suis désormais encore plus largement ton débiteur... Du coup, s'il se présente des circonstances dans lesquelles je pourrai te rendre service, il ne faudra pas hésiter : du moment que cela se passe dans des parages aussi agréables que Vallonsec, dans des lieux où je peux amener sans risque ma famille, ce sera avec grand plaisir !

" Je crains que ce ne soit pas exactement mon créneau, Taliesin, dit Kerun avec un calme sourire. Nos routes divergent immanquablement. Tu as mérité du repos et du temps pour ta famille, et te reconstruire... Je suis un guerrier dont la lutte n'est jamais terminée. Mais si j'ai besoin que tu charmes un suspect afin qu'il révèle ses secrets, et que ce n'est pas contre tes principes... Il se pourrait que je te fasse signe, oui. Mais généralement, mon équipe s'en sort."

-Je me doute. Mais au moins l'offre est faite. Et si jamais tu as d'autres agents à requinquer, ils seront les bienvenus : on ne manque pas de trav... de place, je veux dire.
Il jeta un regard circulaire sur la salle à manger comble.
-Mais assez parlé boulot : ton défi, ce soir, sera de vraiment te détendre. On fera en sorte de t'y aider, et plutôt deux fois qu'une : c'est vraiment un plaisir de t'avoir ici. Et c'est gentil d'avoir amené Hippolyte... D'ailleurs, quelle solution as-tu trouvé, pour lui ?

" La veuve d'un de mes agents l'a pris chez elle. Il est encore petit mais il est intelligent et comme ça, je garde un oeil dessus. Ne t'inquiète pas, je ne le forme pas encore, même s'il me harcèle chaque fois qu'il me voit. Les gosses font de bons informateurs, cela dit, et je finirai sans doute par remiser mes beaux principes et lui donner de menues missions... Le problème c'est qu'avec mes problèmes d'effectifs, je n'ai plus vraiment de menues missions : je dois réserver mes gens pour les nécessités. Bref. Et je retiens ta proposition de centre de convalescence, mais je vais décliner. Tu viens de t'extirper d'un magma, crois-moi, tu dois désormais choisir tes fréquentations."

-Toutes les personnes que j'ai envie de fréquenter sont ici réunies. Et si on fait le compte, les gens ordinaires y sont quasiment sous-représentés ! Car il y a là un haut gradé des services secrets, cinq de ses hommes, dont un est un agent double appartenant également à une organisation clandestine, ainsi que deux membres de ladite organisation... Assez orientée, comme assemblée ! Et même si j'aspire pour l'heure à une vie tranquille, je ne changerai d'entourage pour rien au monde. Quand je songe au temps pas si lointain où je n'avais presque plus personne autour de moi, je me dis que j'ai vraiment eu beaucoup de chance. Et vous symbolisez la lumière qui a toujours brillé même dans les moments les plus sombres...
Il grimaça.
-Voilà que je deviens lyrique... Désolé. J'essayerai de faire moins pire lors du discours qu'on attend visiblement de moi...

Kerun ne paraissait pas suivre la répartition que Taliesin effectuait avec les personnes de l'assemblée, mais il se garda bien de corriger son compte.
" Je ne voudrais pas être à ta place, dit l'agent luménien avec une grimace. Mais je te souhaite un... bon rétablissement, je suppose. Moins de culpabilité, moins de colère."
Il sourit.
" Si tu ne veux pas discourir, tu pourrais toujours demander à ton avocat..."

Il rit.
-Tu l'as bien regardé ? Il a l'air crevé. Et pour cause : il n'a pas pu souffler un seul instant depuis le début du procès... Non, pour lui aussi, cette soirée rimera avec détente.
Il jeta un regard en direction de l'avocat.
-Je vais aller le saluer, d'ailleurs. Mais nous aurons maintes occasions de nous croiser dans les heures à venir... Alors à plus tard, Kerun !

Henri et son épouse étaient en train de bavarder avec Guillhem quand Taliesin les rejoignit. L'avocat présenta alors sa femme au barde, laquelle le salua d'un "j'ai beaucoup entendu parler de vous" malicieux.
" Comment allez-vous depuis ce matin ? Vous reprenez pied dans le réel ? Ce n'est pas toujours facile, après un procès, mais heureusement, le fait d'être en résidence surveillée plutôt qu'en détention a permis que vous ne soyez pas arraché aux vôtres trop longtemps. En même temps, la qualité de l'existence a changé, non ? C'était un beau procès. Les choses se sont passées exactement comme j'aurais pu le rêver... A part l'agression, bien sûr. Mais c'est bien, ça a motivé les troupes sur la fin, et du coup, nous avons trouvé l'exorciste. Pas de regrets à avoir."

Il préféra ne pas imaginer ce qui se serait produit s'il avait dû passer toute une année en prison. A son avis, il n'aurait tout bonnement pas tenu le coup.
-Je n'en ai aucun, l'assura-t-il, sincère. Tout ça a été rude mais ça en valait largement la peine. Et ce, grâce à vous. Je ne saurais donc jamais assez vous remercier... D'ailleurs, s'il s'avère que vous ayez un jour besoin des services d'un barde, je compte sur vous pour me faire signe.

" Je ne peux pas accepter toutes ces louanges, dit Henri. J'ai été le corps et le verbe, et Kerun a été la fourmi industrieuse dans l'ombre. Nous avons formé une bonne équipe. Je regrette de ne pas pouvoir l'employer pour mes prochaines affaires, il est diablement efficace, mais il me dit qu'il a mieux à faire... bah... Il est sûrement cher, en plus. C'est peut-être mieux. Et bon, avoir Beau-Trio comme juge, c'était vraiment l'idéal. Le type intègre, sérieux, et en plus blessé par la dictature."
Il haussa les épaules.
" Mais avant tout, vous devez votre victoire à vous-même, Taliesin. Vous avez réussi à vous faire de nombreux amis loyaux, à marquer de nombreux esprits, ici, en Féérune. Votre bonté et votre idéalisme ont touché des coeurs et des âmes. C'est ça qui a créé ce mouvement autour de vous. La conviction de vos proches que quoi que vous racontiez, vous ne pouviez pas vraiment être coupable. Ils avaient raison. Et vous êtes libre. Mais seulement parce que vous êtes qui vous êtes. Pas à cause d'un discours ou d'un témoin obscur."

-Ça a quand même un peu aidé. Souvenez-vous : au début, malgré votre optimisme légitime, vous pensiez impossible que le procès aboutisse à un acquittement pur et simple. Il était question de négociations, d'une compensation de ma part envers la cité... Alors que là, rien de rien : je suis purement et simplement innocenté. Vous me demandiez à l'instant comment je me sentais, et bien, je dois avouer que j'ai toujours du mal à réaliser.
Ce qui était la pure vérité.
-En tout cas, mon offre reste valable. Je compte bien me remettre au travail et si je puis vous rendre service... Ce sera avec grand plaisir.

" Je m'en souviendrai, dit l'avocat avec le sourire. Mais nous pêchons un peu dans les mêmes eaux, vous et moi. Hormis la magie et la musique, bien sûr, mais elles sont choses minimes dans ma vie. Mais je m'en souviendrai. Ce qui me fait penser... Est-ce que Kerun vous a parlé de l'effacement des mémoires ? Il était furieux de l'incident... Vous savez... avec le frère de la servante... Bref, histoire d'éviter les problèmes, il a obtenu que la mémoire de votre identité soit effacée de l'esprit de tous les protagonistes mineurs. C'est à dire que Beau-Trio, moi et le procureur savons, bien sûr. Mais les gardes, le greffier... Tous ces gens savent que le Monstre n'était pas coupable et possédé par un esprit... mais ils ne se souviennent plus de vous."

-Oh... lâcha-t-il, décontenancé.
Il chercha l'agent secret du regard avant de refaire face à l'avocat.
-Il ne m'en avait pas parlé, non. Et j'avoue qu'avec toutes les choses positives qui se sont produites depuis, cet incident m'était complètement sorti de la tête. Mais maintenant que j'y repense... Oui, cette précaution va me rassurer : grâce à elle, ma famille ne courra plus le moindre risque.

" C'est bien l'idée. J'imagine aussi que c'est une manière pour lui de s'assurer que vous n'avez aucune raison de quitter la région..." dit l'avocat avec le sourire.
Taliesin sentit alors qu'on glissait une main dans le creux de son coude et Galathée se pressa contre lui.
" Est-ce que tu crois que tu vas faire ce discours ? Ou bien je dis à Baptiste que le buffet peut démarrer en espérant que tout le monde oublie ce détail ?"

-Tu penses vraiment qu'ils s'attendent à un discours ?
Il observa les convives en pleine conversation.
-Bon, d'un autre côté, ce serait quand même la moindre des choses pour les remercier... Écoute, je vais dire un petit mot. Mais essaies de convaincre Baptiste de quitter la cuisine au moins à cette occasion : ce serait bête qu'il soit le seul à demeurer à l'écart.

" Si tu savais... Il est loin d'être seul ! Mais je vais aller le chercher, avec son équipe de marmitons."
Elle lui pressa l'épaule.
" Ça ne doit pas être long... tant que ça vient du coeur."
Puis elle s'éclipsa pour revenir quelques minutes plus tard, avec Baptiste, Gurvan, Hippolyte, Antoine et Callie. Le discours pouvait commencer.

Lorsque le silence se fit, il se racla la gorge, embarrassé. Il n'avait pas vraiment pu préparer son intervention et s'en inquiéta brièvement. Néanmoins, comme il était trop tard pour y songer, comme seule importait la spontanéité, il finit par se jeter à l'eau.
-Dans des circonstances ordinaires, me laisser faire un discours est une grave erreur : les bardes sont bavards par nature et les bardes émus... je ne vous dis même pas. Mais comme les circonstances sont loin d'être ordinaires... Vous êtes sauvés.
Il déglutit : l'émotion revenait traitreusement à la charge.
-Je voudrais simplement vous remercier. Vous remercier d'abord pour la confiance, le soutien, l'aide que, tous, vous m'avez apportées au cours des années, des mois, des veilles qui viennent de s'écouler : vous l'avez fait de bien des manières, dans bien des circonstances, en bien des lieux différents mais cela s'est invariablement révélé utile. Crucial, même. Sans vous, je ne serais pas là aujourd'hui, libre et heureux.
Il reprit son souffle.
-Je voulais vous remercier ensuite... et bien... pour votre présence ce soir, justement. Si je regarde en arrière, vers les trois ans qui viennent de s'écouler.. Je vois des ténèbres, certes. Mais je vois surtout de la lumière. Plus que je ne l'ai longtemps cru. Et vous la symbolisez. Il y a trois ans, j'étais complètement seul : tous mes proches, tous mes amis avaient disparu. Aujourd'hui, j'ai une famille, j'ai des amis, je vous ai tous et je suis mieux entouré que je ne l'ai jamais été. Et cela... ça n'a pas de prix.
Il ferma les yeux, une seconde.
-Alors voilà... En ce jour où pour la première fois depuis des lustres s'étend devant moi un avenir sans nuages, un avenir que vous avez rendu possible et dont vous faites partie... Je tiens à vous remercier du fond du cœur pour... Pour tout.

La petite assemblée l'avait écouté dans le recueillement, enfants comme adultes, et malgré sa propre émotion, il put voir celle qui apparaissait sur le visage des autres. Galathée, bien sûr, la larme à l'oeil et Héloïse sur la hanche ; Guéric souriant de toutes ses dents ; Kerun illisible ; Victor un peu fébrile ; Baptiste figé comme s'il avait été pétrifié par un sortilège ; Guillhem la main sur les épaules de deux de ses fils. Puis quand il eut terminé, le groupe explosa en applaudissements, il entendit certains le remercier, d'autres le féliciter, lever leur verre à sa santé, et il prit quelques tapes sur l'épaule avant que la rôdeuse ne revienne entrecroiser les doigts dans les siens tandis que Baptiste lui présentait un plateau de petits fours.
" Moi aussi j'ai un discours !" s'exclama Victor, facétieux, mais c'était probablement une boutade et il fut rapidement avalé par le tumulte.

Tenant d'une main l'un des petits fours présentés par Baptiste - qu'il n'avait pas manqué de remercier -, serrant de l'autre celle de Galathée, songeant vaguement qu'il s'amuserait à relancer Victor quant à cette histoire de discours, il demeura un moment sans bouger, sans rien dire. Le sentiment d'irréalité qui l'avait accompagné toute la journée s'était fait plus intense que jamais et il avait du mal à réaliser qu'il se trouvait là, parmi les siens. Ou plutôt si, il le réalisait vraiment pour la première fois. Comme il commençait à vraiment réaliser que les épreuves étaient terminées, qu'on l'avait jugé innocent, qu'il parviendrait sans doute à s'en convaincre lui-même, que le futur s'annonçait radieux, qu'il pourrait enfin retrouver une vie normale, faire des projets... Il y avait de quoi avoir le tournis !

Les plats commençaient à arriver de la cuisine, portés par de petites et grandes mains volontaires. Vu le manque de place pour que tout le monde s'asseye autour d'une table, on avait opté pour un buffet des plus garnis, présentant plats chauds et froids en quantités impressionnantes (mais ils étaient nombreux, aussi). Certains mangeaient debout, d'autres assis, et cela conversait dans tous les coins. Tim avait mis — comme promis — le grappin sur Victor, Judicaël discutait avec Valaellyn, Hippolyte, Gurvan et Baptiste semblaient mijoter un coup digne de leur ancienne cellule à bêtises, dans un coin derrière une table. Enfin, surtout Hippolyte, que les autres écoutaient avec les yeux agrandis de frayeur. Constance se glissa près du barde et lui sourit.
" Alors ? On ne te reverra pas sur les flots de sitôt, si j'ai bien compris ?"

-Tout dépend ce qu'on entend par "sitôt". C'est sûr que dans les prochaines veilles, j'ai surtout envie de me poser, de souffler. Mais ensuite... Avec Galathée, nous réfléchissons à la possibilité de nous offrir un petit voyage. Peut-être juste à Vallonsec, une bourgade du delta. Peut-être à Antelucas. Peut-être à Maztica, mais ça, c'est juste pour la taquiner. Et ensuite encore, il est probable que j'aille faire un tour à Loth Imarhil... Autant de destinations pour lesquelles la mer est un excellent moyen de racourcir le trajet !
Il sourit.
-Il n'est donc pas impossible que je réquisitionne la Liberté, ne serait-ce que pour avoir le plaisir de te revoir et de faire la connaissance de ton nouvel équipage.

" J'espère ne plus être réquisitionnable à ce moment-là, Taliesin ! s'exclama le capitaine. Tourteau, le jour où je deviendrai capitaine de navires de plaisance... Brrrr... J'en frissonne d'avance. Mais je te présenterai mon équipage avec plaisir. Ceux qui ont survécu à Guéric, cela s'entend."
Une ombre passa sur son visage.
" J'espère toujours récupérer Gauthier, je dois dire. Je sais que ce n'est pas très raisonnable, vu ce qu'il s'est passé, mais j'ai l'espoir... qu'il puisse se réformer. C'est mon côté lathandrite, je suppose. Les secondes chances, tout ça. J'avais pris mes habitudes, avec lui. Nous nous complétions bien. Je ne pense pas qu'on puisse être complètement mauvais... malgré ce qu'il vous a fait, à toi et à Kerun."

-J'imagine qu'il n'est effectivement pas simple de remplacer un second... répondit-il. En tout cas, tu connais ma position sur ce sujet : j'estime qu'il s'est fait manipuler tout en ayant de légitimes raisons de m'en vouloir, cette sinistre affaire a finalement débouché sur beaucoup de bien, sans compter que c'est désormais de l'histoire ancienne. Bref, j'espère qu'il aura droit à une seconde chance, qu'il saura la saisir et que vous pourrez bientôt voguer à nouveau de concert.

" Je ne suis pas certaine que Guéric sera capable de le réadmettre à bord... Il est beaucoup plus rancunier que moi... et beaucoup moins prompt aux bons sentiments. Il te dirait qu'il est plus réaliste. En même temps... peut-être son avenir n'est-il pas à bord de la Liberté, je n'en sais rien... Il est jeune, il a d'excellentes compétences, déjà, et son coeur balance... Nous verrons bien. Penser à l'avenir, voilà un travers lathandrite aussi, mais avec les événements de cette dernière année... Nous avons besoin de recommencer à savoir où nous allons."
Elle haussa les épaules.
" De toute façon, pour l'instant, nous sommes coincés. Je dois prendre mon mal en patience."

-Je pense que tu ne tarderas pas à être fixée. Certes, même si la guerre est terminée, il faut encore que chacun des belligérents en digère les conséquences, que de nouveaux rapports de force, de nouvelles relations diplomatiques s'établissent... Mais d'ici quelques veilles, quelques mois, on y verra déjà plus clair à ce niveau.
Il fit la moue.
-Ça me va bien, tiens, de parler paisiblement d'une telle durée alors que la veille qui vient de s'écouler m'a paru durer mille ans.
Il secoua la tête.
-J'espère que tu en sauras vite davantage sur la suite. Et je te souhaite bon courage d'ici là.

" Merci, dit-elle avec un léger sourire. Je survivrai."
Hippolyte surgit alors devant le barde.
" Baptiste dit que tu as été possédé par un fantôme. C'est vrai ? Ça pique ?"

En voilà un dont le caractère n'a pas changé au cours de l'année écoulée ! songea le barde, amusé.
-C'est vrai, oui, répondit-il après une infime hésitation - et s'il n'était pas encore tout aussi convaincu que les autres, il ne doutait pas que cela finirait par être le cas. Mais ça ne pique pas. En fait, je n'ai rien ressenti de particulier. C'est juste que... je n'étais pas moi-même, que je pensais et faisais des choses que je n'aurais jamais pensées ou faites normalement.
Hum, peut-être un peu trop sérieux, comme réponse...

" Je crois que moi aussi, alors, je suis possédé par un fantôme, dit le gosse sans se démonter. Je dis tout le temps des choses que je ne voulais pas dire.
— Sauf que toi, tu les penses, intervint Gurvan. Donc tu ne peux pas dire que c'est un fantôme. C'est juste que tu ne sais pas la fermer.
— Il ne veut pas la fermer, nuance." dit Baptiste qui venait de les rejoindre.
Il se tourna vers son comparse.
" Bouse, Hippo, je t'avais demandé de ne pas l'ennuyer avec ça !
— C'est pas moi, c'est mon fantôme !"

Leur complicité toujours intacte le surprit. Soit ils s'étaient revus durant les quelques jours que Baptiste avait passés à Luménis, soit les liens tissés sur Dorrandin étaient si forts qu'il faudrait plus qu'une année sans se voir pour les distendre. En tout cas, cela faisait plaisir à voir.
-Sincèrement, il n'y a pas de mal. Mais si tu es réellement possédé, Hippo, je crains qu'il ne nous faille t'exorciser. Le côté positif, c'est qu'il y a ici trois clercs pour mener l'opération. Le côté négatif, c'est qu'un exorcisme, ça pique beaucoup.

La Couronne de Cuivre

[Lieu] La ferme Desmoulins