La Couronne de Cuivre

Kasumi a écrit :Pour Dorian et Zaiu :

Après que Zaiu ait fait la connaissance des autres membres de la garde rapprochée du conseil en partance pour Dorrandin, Dorian put quant à lui échanger avec les officiers du bord. La femme avec qui il avait déjà échangé plus tôt se montra curieuse des circonstances qui l'amenaient à connaître un des gardes assignés à la protection de l'amiral.

Dorian remarqua le regard interrogateur de sa jeune voisine lorsque il héla -modérément- Zaïu. Il s' expliqua :

"Cet homme là -bas est Sire Zaïu mon nouvel ami. Nous avons déjà partagé quelques aventures ensembles. Sa présence parmi nous est de bon augure : il est des plus compétents en effet."

Dorian regarda à nouveau en direction de Zaïu, leva sa chopine en son honneur puis attendit la suite des évènements.

Galariel trouva sans mal sa cabine dans laquelle elle se contenta seulement de lancer son sac sur le lit. Elle allait refermer la porte quand elle fut prit d'une subite inspiration, elle alla jusqu'à son sac, l'ouvrit et fouilla dedans à la recherche de quelque chose qu'elle finit par trouver. Elle sortit une clé en laiton qu'elle introduisit dans la serrure en sortant et qui, chose surprenante, tourna sans difficulté verrouillant ainsi la porte. Un léger sourire aux lèvres, la jeune femme glissa l'objet bien utile dans sa poche pour se diriger ensuite vers le mess, cela faisait presque un jour qu'elle n'avait rien avalé et même pour elle c'était long.
Elle s'arrêta pour observer l'armada amassée dans le port, et ne put s'empêcher de ressentir une pointe d'humilité devant les forces en présence. C'était sa première grande guerre et dans son insousciance juvénile espérait bien que ce ne serait pas la dernière.

Pour Arthur :

Le paladin ne pouvait pas vraiment faire abstraction des exercices se déroulant de l'autre côté de la cloison de bois. Sur le navire, le moindre son se répercutait et prenait de l'ampleur, malgré l'épaisseur des "murs". Le son de dizaines d'hommes ferraillant juste au-dessus de sa tête l'empêchait de se concentrer sur sa digestion. Il pouvait néanmoins continuer à les ignorer et ressasser la leçon reçue par l'officier plus expérimenté qu'il n'y paraissait ou au contraire, tenter de tirer les fruits d'un autre exercice. En tous cas, l'après-midi allait être encore longue et la soirée aussi jusqu'au lendemain matin qui les verrait enfin prendre la mer vers la bataille.

Pour tous les autres :

Galariel trouva sans peine le réfectoire destiné aux officiers et invités de marque. Il était déjà bien rempli mais on lui fit néanmoins une place à la seconde table, occupée par un groupe hétéroclite composé de trois elfes, trois humains et un halfelin. La profession de certains était évidente : guerriers comme elle. La jeune femme arriva à point nommé pour le dernier plat, un peu trop copieux pour les convives déjà rassasiés mais certainement pas pour elle.

La jeune femme n'eut cependant guère le temps d'y gouter, avant qu'un homme fasse son apparition sur le seuil de la porte. Immédiatement, un concert de chaises accompagna les officiers et ses compagnons de tablée qui s'étaient tous levés pour accueillir l'amiral Longuehune. L'officier supérieur prit le temps de les saluer tous avant de partager la fin de leur repas. Quand ils eurent enfin englouti le dernier plat du festin, les officiers prirent tous congés pour aller superviser leurs hommes tandis que Théobald Longuehune faisait signe à Dorian, Galariel et Zaiu de rester. "La Princesse" posa une main sur l'épaule de ce dernier et lui souffla à l'oreille :

- On se revoit plus tard, sur le pont principal.

Une fois que les aventuriers furent seuls avec le conseiller, celui-ci reprit la parole :

- Merci à tous d'être venus. Vous avez tous été choisis pour vos prouesses dans de précédents services rendus à la ville. Je me réjouis que Luménis puisse s'appuyer sur de telles forces vives quand la situation l'exige. Dorian, Zaiu, vous avez déjà fait équipe ensemble notamment pour résoudre les problèmes des l'Île Mouvante et cette affaire de sabotage du fer. Quant à vous, Galariel, votre aide nous a été très précieuse pour démasquer et interpeler un des espions qui mettait le plus Luménis en danger. J'espère que vous formerez une bonne équipe car nous aurons besoin de tous vos talents réunis. Vous n'êtes pas tenus par obligation de participer aux exercices de bord mais je vous encourage néanmoins à y participer et à faire la connaissance avec les membres d'équipage durant la traversée. Je vais devoir vous laisser prendre vos marques mais nous pourrons nous reparler après le départ, demain matin. Vous avez quartier libre jusque là.

Mais Arthur avait tout envie sauf d'aller à nouveau croiser le fer avec quelqu'un. Il savait bien qu'il serait forcé de s'y coller tôt ou tard mais il préférait repousser l'inévitable à un autre moment, quand il se sentirait moins lourd et qu'il aurait recouvré un peu de sa confiance en lui-même (ce qui n'avait jamais été son fort). De toute façon, on l'avait affecté au quart du matin, et on était en début d'après-midi : il n'était pas obligé de s'entraîner. En bon Lathandrite, il était au meilleur de sa forme juste après l'aube. Donc demain.
Il n'avait pas non plus la moindre envie de ruminer les derniers événements et le boucan qui résonnait autour de lui l'empêcherait de dormir. Il décida d'aller voir Filu dans l'écurie et de voir s'il pouvait s'y rendre utile. Il y avait sûrement un demi-million de palefreniers à bord mais sans doute le double de chevaux, alors... Au pire, il irait arpenter le bateau. C'était un navire gigantesque et Arthur était de nature curieuse : il avait bien l'intention, en cours de traversée, d'en explorer le moindre recoin.

La monture du paladin caracola en sentant la présence toute proche de son cavalier. Filu manifesta son plaisir de voir une tête connue en poussant un hennissement qui se répercuta fort peu discrètement dans toute l'écurie, faisant des émules chez les autres animaux proches qui entendaient eux aussi bénéficier d'une attention toute personnelle. Un palefrenier vint prendre des nouvelles de ce qui avait provoqué cette soudaine manifestation sonore et avisa Arthur :

- Ah, c'est votre monture je suppose ? Un animal singulier ! Les autres chevaux qu'on nous a amenés sont destinés à la cavalerie légère des Dragons Rohanais mais ce n'est pas le cas de celui-ci, ça se voit tout de suite.

Comme s'il avait deviné qu'on parlait de lui, Filu redressa fièrement la tête et piaffa des antérieurs.

- N'ayez crainte, mon équipe a l'habitude de prendre soin des animaux malgré les conditions stressantes qu'ils vont endurer pendant la traversée. Celui-ci a-t-il déjà connu le combat ?

La jeune femme se retrouva seule dans la salle avec les dénommés Dorian et Zaiu, le premier devait être un demi-elfe bien que cela ne se voyait pas trop en raison de sa carrure imposante. Quand au second, il ne faisait aucun doute que le sang du Beau Peuple coulait dans ses veines, un "teu-tel-quessir" à en juger ses cheveux noirs et ses yeux verts. Comme elle allait devoir certainement avoir à se battre à leurs côtés prochainement, elle décida de faire plus connaissance:

- Bonjour, je me présente, Galariel de la Confrérie des Soeurs du Premier Sang et depuis peu citoyenne d'honneur de la belle Luménis

Curieusement le demi-elfe éveillait un sentiment de malaise dans son esprit sans qu'elle ne puisse en identifier la raison.

Arthur sourit au nouveau venu tout en flattant le chanfrein de son cheval. Filu nicha sa grosse tête rouanne dans sa main et souffla.
"C'est un destrier aguerri. Plus tout jeune, mais il a encore du coffre. Je suis son troisième cavalier. Ce qui pourrait paraître inquiétant, j'en conviens, mais aucun des deux précédents n'est mort au combat. Il a été débourré par Sire Eustache de Respelm, il y a une dizaine d'années maintenant, et puis Sire Eustache a pris sa retraite, car il avait de la goutte et je crois qu'il vit à Antelucas aujourd'hui, dans une jolie villa qui surplombe les plages... Alors Filu est devenu la monture de Sire Deverell, l'instructeur de cavalerie de la commanderie, jusqu'à la dictature... A ce moment-là, Sire Deverell a disparu avec pas mal d'autres paladins, et quand nous sommes revenus à la commanderie, qu'on a pu rassembler les destriers... Nwalk les avait distribués à ses amis mais on les reconnait parce qu'ils ont la marque d'un soleil sur la croupe, à gauche. Et bien plusieurs d'entre eux n'avaient plus de cavaliers. Alors moi on m'a prêté Filu. Il n'est pas à moi, mais je peux l'utiliser jusqu'à ce que j'ai mon propre cheval. Ce n'est pas pour tout de suite, cependant, et... et voilà. Mais donc, heu, pour répondre à votre question... Il a déjà pas mal guerroyé, oui. C'est lui le vétéran, entre nous deux. J'imagine que ça se voit."

HRP : le personnage de Bat s'appelle Dorian et voici sa biographie.

Pour Arthur :

Le palefrenier s'approcha de la monture et l'admira de plus près avant de répondre à son propriétaire :

- Quel gâchis à tous les niveaux ce qu'a commis Nwalk. Des lignées pures se sont perdues ou se sont dispersées. Pour un admirateur des animaux comme moi, c'est un crime impardonnable. un de plus à ajouter à sa longue série de méfaits innommables. Vous pouvez dire ce que vous voulez, cet animal vous a choisi comme son maître, cela se voit. C'est plutôt bon signe : en bon vétéran, il a détecté votre potentiel. Les chevaux ont le regard plus sûr que les humains. Ils ne mentent pas et ne se fient pas aux apparences. C'est louable à vous de venir lui rendre visite : il est important d'entretenir le lien avec sa monture, votre plus fidèle allié au combat comme dans la vie. A mon sens, c'est plus important encore que de s'entraîner à l'épée.

"C'est sûr qu'il fera sans doute plus de dégâts que moi sur le champ de bataille." fit le jeune homme. "J'espère que nous aurons le temps de les ré-entraîner un peu quand nous débarquerons, cela dit. Comme je vous le disais, Filu a toute l'expérience requise, mais ce n'est plus un jeune cheval. Quand nous reviendrons de Dorrandin, si nous revenons de Dorrandin, je pense qu'il sera l'heure de lui offrir une retraite bien méritée..."
Il lui tapota affectueusement l'encolure.
"Mais je ne néglige pas son amitié. Pas du tout, vous pouvez me croire."
Il faillit ajouter qu'il n'était pas loin de considérer Filu comme son seul véritable ami, mais il se retint au dernier moment.

Pour Arthur :

Le discours modeste du jeune homme pouvait paraître pessimiste aussi le palefrenier chercha à tenir un discours rassurant :

- Si les plans ne changent pas d'ici là, nous débarquerons à Graëlon. Si les Manostiens tiennent leurs lignes, vous aurez plusieurs jour de marche avant d'affronter l'armée ennemie, donc vous aurez largement de quoi délier les jambes de vos chevaux. D'ici au débarquement, nous les ferons marcher au pas tout à tour tous les jours. Autant pour leur physique que pour leur moral. Vous pourrez venir le faire vous-même en dehors de vos temps de service si vous le souhaitez. Mais d'ici là, vous devriez peut être remonter sur le pont : rester enfermé dans l'ombre n'est pas meilleur pour les hommes que pour les chevaux.

Arthur remercia le palefrenier, gratifia Filu d'une dernière caresse, puis s'esquiva vers les hauteurs en promettant de revenir. Il n'avait pourtant aucune envie de remonter sur le pont, lieu qu'il associait immanquablement à sa récente déconvenue. Il hésita, emprunta une coursive, une seconde, fit mine de se perdre, fouina un peu dans l'ombre, puis finit par repointer son nez à l'extérieur. Il était cependant extrêmement circonspect et il se rendit le plus loin possible de tout lieu fréquenté par des soldats de l'armée régulière. Après tout, ils avaient un uniforme reconnaissable, il lui suffisait d'aller se perdre au milieu des nains.
Non, mauvaise idée. Vu son gabarit, il serait repérable comme un ogre dans un nid de xvarts.
Mieux valait se mêler aux cavaliers de Rohan, ce serait beaucoup plus discret...

Sans en avoir vraiment l'intention, Arthur surprit une conversation entre deux des cavaliers. De jeunes gens qui ne devaient certainement pas avoir plus que son âges.

- Non mais tu as vu la taille de ce truc ? C'est plus grand que le hall des fêtes.
- Ouais mais les dortoirs sont tout petit. Tu peux m'expliquer comment ils espèrent qu'on se tienne allongé ? Si quelqu'un a une envie pressante pendant la nuit, il devra m'enjamber ou se prendre les pieds dans les miens.
- On ferait peut être mieux de dormir dans les stalles avec les chevaux.
- T'es pas malade ? Fou de terreurs comme ils vont être quand ça va tanguer, c'est un coup à se faire piétiner.
- Bon alors, sur le pont ?
- Bof, il y a tout juste assez de paille pour les chevaux alors dormir à même le plancher, non merci.

Les jeunes gens semblèrent enfin prendre conscience de la présence du paladin et le prirent visiblement pour un officier :

- Oh, on ne vous avez pas vu monsieur ! On faisait juste une petite pause.
- Oui, on retourne tout de suite s'entraîner.

"Je ne suis pas un monsieur..." s'étonna Arthur.
Il se demandait bien comment on pouvait le prendre pour ce qu'il n'était pas, avec ses cheveux qui rebiquaient dans tous les sens, son absence de poil au menton et ses vêtements élégamment tachés de sueur.
Cela dit, le contenu de la conversation des deux hommes ne le surprenait pas : les conditions de la traversée allaient être rudes et il y avait tout lieu de s'inquiéter. Il espérait simplement qu'ils finiraient par s'habituer et que cela ne causerait pas trop de frictions dans le groupe. Les officiers devaient y avoir songé. Sûrement. Non ?

Les deux jeunes gens parurent grandement soulagé de n'avoir pas été surpris en pleine inactivité par un des officiers.

- Vous êtes cavalier, vous aussi ? Ou vous êtes un des marins ?
- Ouais, parce qu'on vous a pas vu jusqu'ici...
- Pourtant on pensait avoir rencontré tout le monde ce matin.
- Oui, une tête comme la vôtre, on l'aurait pas oubliée. J'ai trouvé : vous êtes un paladin !
- Ah oui, tu as raison ! Ça se voit tout de suite.
- Alors ? On a raison ?
- Hey, laisse-lui le temps de respirer !

Zaîu n'avait pas eu le temps de riposter à la rebuffade d'Helmut (ou Helmet) que l'Amiral faisait son entrée. La contrariété qu'il éprouva fut supplanter par sa bonne humeur habituelle : après tout, ils allaient faire la traverser durant plusieurs jours alors autant ne pas s'offusquer du verbiage humain. Resta gravé dans un coin de son crâne le rendez-vous donner par la princesse sur le pont. Sacrebleu ! Un rendez-vous vespéral sur un navire ... à quais, certes, mais sur un navire quand même !

Il "revint à lui" pendant le discours de l'Amiral à la fin duquel il ne préfera rien ajouter pusiqu'il en avait zappé la moitié. Il se contenta de la technique universelle du hochement de tête avec émotion neutre en espérant que ça passe. Heureusement que l'aventurière qu'il ne connaissait point prit la parole : une phrase efficace sans froufrous ni fariboles inutiles.

Et Zaïu est Zaïu ! Ravi de vous connaître !
Heu ... QU'est-ce que la confrérie des Sœurs de Premiers Sang ? Ca sonne bizarrement à l'oreille...

Qui a dit que les jeunes ont l'esprit mal placé ?

Arthur les dévisagea avec une grimace.
"Oui, je suis paladin... Heu, vous pouvez me dire pourquoi est-ce que ça se voit tout de suite ? J'espérais rester relativement incognito dans votre groupe. Bon, je n'ai pas l'accent de la Trouée, mais je ne suis sûrement pas le seul, si ? Des cavaliers émérites viennent des quatre coins d'Hélonna pour rejoindre vos rangs... Donc... A quoi cela tient-il ? Si ça ne vous dérange pas de m'expliquer..."

Après le départ des officiers -dont le lieutenant Clydas avec qui il avait échangé quelques propos-, Dorian resta quelques minutes avec l' amiral Longuehunes, écoutant de toutes ses oreilles. Finalement il n' allait pas se passer grand chose à priori jusque au lendemain matin. Dorian pouvait en profiter pour visiter le navire...si l' envie lui prenait de faire ça. Dans l' immédiat toutefois, le bon vampire salu Zaïu de près.

" Content de te revoir Zaïu. Ainsi allons-nous continuer cette aventure que nous avons commencé...à terre. As-tu des projets pour les jours prochains ? " s' enquit aimablement le forgeron sharessien.

Pour Arthur :

Les deux jeunes gens parurent un peu gênés et hésitèrent à répondre avant que l'un d'eux se lance :

- Ben, ça se voit tout de suite : vous avez comme une aura.
- Ouais, ce truc qui invite les autres à vous suivre.
- Le Cariste ! Oui, c'est ça : il parait que ça permet de soulever les trucs lourds ou les montagnes.
- Ouais donc, ça se voit que vous êtes paladin. Enfin, même sans l'armure et tout l'équipement.
- Mais on dira rien si vous préférez.

Pour les autres :

Deux hommes vinrent débarrasser la table annonçant et commencèrent à les nettoyer, invitant les aventuriers à quitter les lieux. Restait à décider s'il préféraient rejoindre le pont pour continuer leur discussion et leur découverte du navire et de son équipage ou regagner leurs cabines respectives.

Personne n'avait jamais dit à Arthur que son aura était perceptible, aussi en fut-il très surpris. Il savait que les paladins confirmés dégageaient quelque chose d'irrésistible, un halo qui inspirait confiance et loyauté, qui les révélait aussi, malheureusement peut-être, à leurs ennemis. Mais à son échelle, une telle chose n'était jamais arrivée. Peut-être les deux cavaliers se moquaient-ils de lui. Ils avaient même peut-être assisté à sa tentative de combat, un peu plus tôt.
Embarrassé, il remercia et salua les deux hommes, puis s'esquiva. Il musarda encore quelque peu sur le pont, puis décida d'entreprendre sa grande exploration, tâchant d'établir, au fur et à mesure de sa progression, une carte mentale du navire. Après tout, si celui-ci venait à couler (sait-on jamais), il était plutôt utile d'avoir une idée précise de sa configuration.

Pour Arthur :

Le jeune homme put faire le tour du navire et ses différents ponts lui furent bientôt familiers. S'il avait d'abord jugé la caraque immense, en faire trois fois le tour lui suffit à comprendre qu'après dix jours de traversée, il se sentirait vite enfermé. Le paladin parvint à éviter les officiers de la marine tout l'après-midi. Il rencontra néanmoins d'autres jeunes gens qui insistèrent pour qu'il leur montre quelques techniques propres à son ordre. Un autre repas en compagnie des nains marqua la fin de la journée et bientôt vint l'heure plutôt redoutée de rejoindre les dortoirs étriqués. La nuit du paladin se révéla comme prévue marquée du sceau de l'insomnie, en partie à cause des ronflements sonores de ses voisins mais aussi à cause de l'étroitesse des couches. Dans ces conditions, le matin et l'heure de se lever arriva bien trop vite. Arthur était appelé à gagner le pont mais de nombreux autres passagers en firent de même pour ne pas manquer le départ.

Pour les autres :

Les trois aventuriers eurent amplement le temps de lier connaissance en poursuivant leurs conversations et leur visite de la Vague Déferlante. Dorian montra aux autres la forge qui lui était destinée. Galariel put récupérer de ses jours d'aventure mouvementée. Zaiu obtint le rendez-vous qu'il avait espéré mais constata avec déception que la Princesse était accompagnée d'une partie des gardes du conseil. A la nuit tombée, ils regagnèrent le mess pour un nouveau repas marqué par une ambiance impatiente mais joyeuse. Enfin vint le moment de regagner leurs cabines respectives pour une nuit qui serait elle aussi trop courte. Tous furent invités à assister au départ sur le château arrière du navire amiral, aux côté de l'amiral.

Pour tous :

- Le soleil se lève, amiral.

Sans quitter sa chère cité des yeux, le conseiller Longuehune répondit aux officiers se tenant à ses côtés sur le château de poupe de la Vague Déferlante :

- En effet, capitaine. Tenez vous fièrement car aujourd'hui, avec l'aube, se lève tout Luménis. Nous ne laisserons pas Manost affronter seule la nuit et la tempête. Transmettez les ordres : larguez les amarres, haussez nos couleurs, donnez toute la voile.

Un claquement sonore annonça que les vents soutenaient la manœuvre. Immédiatement, la fière caraque s'arracha à son immobilisme et se mit à glisser sur l'eau de la rade. Le brutal déplacement du vaisseau souleva un paquet de mer qui s'écrasa contre le quai le plus proche.

Le vent porta les clameurs enthousiastes de la foule des citoyens matinaux qui avait envahie le front de mer pour assister au grand départ de la flotte. Alors que de ponts en ponts, de vaisseaux en vaisseaux, les sifflets, les tambours et les voix des officiers relayaient les ordres de l'amiral, toute la flotte se mit en branle grâce à la force réunie des marins déployant les voiles, de la marée et du vent qui s'était levé.

Ce dernier faisait porter le son tonitruant de toutes les cloches de la cité et des trompettistes formant une haie d'honneur sur la digue pour les navires en partance. Alors que la Vague Déferlante passait la digue pour quitter le port militaire en tête de la flotte, le cor du vieux phare entra en action, sonnant une longue note d'encouragement aux braves partis affronter le chaos. Le son grave semblait aussi saluer les premiers rayons du matin comme un bon présage.

Derrière le navire de tête, les autres caraques composant la flotte se glissèrent dans son sillage en rang impeccable, deux par deux, faisant face à l'inconnu qui les attendait au-delà de la mer, loin de leur berceau natal, loin des forêts qui avaient donné leur bois, loin des montagnes qui avaient fourni de quoi équiper les filles et les fils de Luménis, loin des proches de ces derniers, restés à terre à les observer, espérant les revoir bientôt sains et saufs et auréolés de gloire.

La fierté se disputait à la mélancolie jusqu'à l'amiral qui n'était pas dupe sur le fait que tous ne reverraient pas les lumières scintillantes de la capitale hélonnienne. Pourtant, sa voix ne trahit aucune émotion lorsque la côte et les clameurs s'éloignèrent enfin :

- Bien, formez les escouades ! Cap à l'ouest !

HRP : passage éclair dans la rade, mon amiral Kasumi ! Si ça pose problème, on déplace

Quête : Les Squelettes du Placard
Chapitre 14 : Le retour (suite)

Quittant la pleine mer, la Polissonne se fraya un passage discret entre les navires imposants de la flotte luménienne, pilotée par son capitaine. Les voyageurs, massés à l'arrière du bateau, découvrirent la rade à l'envers. Quelques secondes plus tard, la frégate glissait contre le quai et l'amarrage débuta. Guéric avait beaucoup de mal à ne pas se joindre aux manoeuvres, mais il se tint coi pendant toute leur durée. La frénésie des allers et venues fit pleurer Tristan et Galathée entreprit de le bercer sans gêner personne. Puis ils furent arrivés.
Un grand silence était tombé sur le groupe, que personne ne semblait vouloir briser.

Il ne le brisa pas davantage que les autres, même quand ce silence vint à se prolonger : il tenait à respecter la solennité de l'instant, les vifs sentiments qui devaient habiter chacun de ses compagnons. Pour l'heure, en ce qui le concernait, c'était l'angoisse qui avait pris le dessus, petite boule dans sa gorge : revenir sereinement dans cette cité qu'il avait cruellement blessée bien malgré lui et où il avait perpétré des actes odieux, cette cité où il était à la fois recherché par les autorités et promis à un grand procès... Cela lui était tout bonnement impossible. Toutefois, il prit grand soin de ne rien montrer de son trouble, d'afficher un visage sérieux mais avenant. Et de se tenir prêt à réconforter ceux que l'émotion pourrait submerger.

Une fois le bateau bien arrimé au quai, la passerelle fut jetée et un comité d'accueil s'approcha. Il était composé de militaires uniquement, dans leurs uniformes bleus ou gris, et le capitaine Ventepont se porta à leur rencontre, suivi de Kerun. Des mains furent serrées puis l'elfe des bois jeta un dernier coup d'oeil vers le château arrière et s'en fut, seul, vers les bâtiments.
" Il va venir me chercher, murmura Hippolyte à voix basse. Il me l'a dit, qu'il viendrait."
Cela sonnait davantage comme un souhait qu'une certitude et Guéric poussa un léger soupir.
" Bon. Je pense que je vais y aller, moi aussi, dit-il. Poly, tu devrais venir avec moi."
La jeune fille acquiesça et les gamines autour d'elle se mirent à pleurer de concert en s'accrochant à ses jambes. Le halfelin grimaça.
" Ah bouse..." souffla-t-il.

Cette fois, il eut bien du mal à ne pas laisser transparaître ses émotions. Il détestait les séparations et savait que celles à venir seraient difficiles pour lui. Alors il n'osait imaginer ce que ressentaient les gamins, surtout ceux qui devraient aller chez le seigneur Artwin : c'était un orphelinat extraordinairement accueillant, certes, mais un orphelinat tout de même.
-Courage, les enfants, tenta-t-il d'un ton réconfortant. Ce ne sont pas des adieux mais de simples au revoir.
Il se tourna vers le halfelin.
-C'est valable pour toi aussi, évidemment. Si tu ne te montres pas très, très rapidement à la ferme, j'envoie Victor et les petits Merlus te chercher. Tu sais ce dont ils sont capables... Bref, te voilà prévenu.

Guéric sourit et l'entraîna un peu à l'écart, tandis que Polyanna consolait les petites filles.
" J'avais bien l'intention de venir vous rejoindre assez vite... mais je dois retrouver les gens de la Réunion d'abord. Chacun sa famille, pas vrai ?"
Il posa une main amicale sur le bras du barde.
" Je viendrai vous voir avant de reprendre la mer, c'est promis. D'ici là, j'espère que tu auras trouvé d'autres nounous pour tes marmots..."
Pendant qu'il parlait, un homme avait fait son apparition sur le pont. Il portait une aube jaune frappée du disque rose du Temple de Lathandre. Taliesin ne le connaissait pas mais il lui sourit, avant de reporter son attention sur les enfants. Gurvan fusa du groupe et se jeta sur le clerc, qui le prit dans ses bras.
" Bonjour Gurvan." dit simplement le prêtre, un peu ému, tandis que le gosse pleurait sur son épaule.

En voilà au moins un qui a droit à des retrouvailles, songea-t-il en se fendant d'un sourire ému.
Et de croiser mentalement les doigts pour que Kerun vienne rapidement chercher Hippolyte et pour que les fillettes que demeureraient chez Artwin ne tardent pas à être adoptées.
-On tentera tant bien que mal de pallier à ton absence... glissa-t-il à Guéric.
Heureusement que celui-ci avait promis de venir les voir sous peu. Non parce que le barde craignait de manquer de nounous : non, c'était juste que son ami lui manquait déjà.

Gurvan avait quitté les bras du clerc pour venir saluer ses amis. Il étreignit Hippolyte et Baptiste sans faire de manières, ils se promirent des tas de choses à voix basse, puis il salua les petites filles une à une, passa d'adulte en adulte. Il avait l'air embarrassé, sans savoir quoi dire, mais il remercia Taliesin avec des mots maladroits, avant de rougir. Il courut ensuite rejoindre le clerc qui salua les passagers de loin puis repartit vers la passerelle. De son côté, Polyanna pleura un peu, s'engagea à passer voir les enfants chez Artwin et serra longuement Galathée dans ses bras. Guéric prit le temps de souhaiter bon vent à chacun des enfants avant de l'entraîner vers la sortie. Ils les virent descendre de la passerelle et être escortés par une paire de soldats, vers la ville. Une calèche élégante s'était avancée sur le quai, détonnant parmi l'austérité militaire, et un vieil homme richement vêtu en descendit.
" Artwin s'est déplacé en personne, le brave homme, murmura Galathée. Mais il ne va jamais savoir grimper jusque ici..."
C'est pourtant ce qu'il s'efforça de faire, pas à pas, sous les yeux un peu médusés des enfants. Il était suivi par une femme plus jeune, qui semblait lui parler avec animation.

Il salua amicalement le nouveau venu puis se teint coi, convaincu que Galathée aurait davantage à lui dire : après tout, elle le connaissait beaucoup mieux que lui... Et puis, il avait la gorge trop nouée pour se fendre de longs discours. Entre le départ de Kerun, de Guéric, de Polyanna et de Gurvan et celui, tout proche, d'Hippolyte et des fillettes, il se sentait étrangement esseulé et, sans réellement en avoir conscience, s'était rapproché de sa compagne.
Il haïssait les séparations. Surtout quand elles concernaient des personnes auxquelles il s'était beaucoup attaché, des gens auprès de qui il avait passé de longs mois, vécu bien des épreuves et maints moments de lumière...
A présent, en son for intérieur, c'était l'impatience qui avait pris le dessus. Il avait hâte que les adieux soient terminés, hâte de se retrouver à la ferme, au milieu des siens, auprès de ceux auxquels il n'aurait pas à dire au revoir avant un certain temps.

Taliesin put tromper sa tension dans la proximité de Baptiste, que les adieux rendaient extrêmement nerveux. Il hésitait à s'approcher du couple, mais quand Galathée se porta à la rencontre du vieux seigneur luménien, le petit garçon rejoignit le barde, hésitant, comme s'il redoutait que ce dernier ne change brusquement d'avis et ne décide de l'envoyer à l'orphelinat avec les autres. Durant la traversée, ils avaient de temps à autre mentionné le futur et jamais l'elfe n'avait remis en question le fait qu'il les accompagne à la ferme. Pourtant, soudain, le petit garçon avait l'air complètement perturbé. Il attrapa la main de Taliesin et la serra, avant de lui lancer un regard angoissé.

Surpris, embarrassé de ne pas avoir su prévoir le trouble de l'enfant, l'elfe se reprit en un instant et serra un peu plus fort la main glissée dans la sienne.
-Tout va bien, mon grand, lui souffla-t-il en lui adressant un sourire réconfortant. Il va nous falloir patienter encore un peu sur le bateau, mais nous serons à la ferme cette nuit.
Il jeta un regard à leurs compagnons.
-Oh, et j'ai discuté avec Kerun... Si tu as envie de revoir Gurvan, Hippolyte, Prudence et les autres, cela se fera sans souci. Rien ne s'opposera à ce que Galathée t'amène les voir, et il n'est pas impossible que nous puissions, à l'occasion, les inviter chez nous...

La Couronne de Cuivre

[Structure] Les quais militaires