[Bâtiment] Temple de Baine

[Taliesin]

Au moins pour l'heure n'était-il question que d'animaux : hormis les mauvais traitement infligés aux esclaves, le spectacle n'avait rien d'insupportable. Ce serait une autre paire de manches quand on enverrait des prisonniers aux monstres, et Taliesin n'était pas certain qu'il s'attarderait pour observer, ni même qu'il écouterait. Il devait se ménager, fuir autant que possible ce sentiment d'impuissance qui n'attendait qu'un moment de relâchement pour l'assaillir. Or, il doutait de pouvoir résister longtemps, s'il l'affrontait de plein fouet. Il avait peur de ce que cela pourrait éveiller en lui...
Rien de bon, assurément.
Nier le pire. Rester concentré sur sa mission.
Et protéger le gosse, pour qui ce qui se passait ici devait être particulièrement éprouvant.

[Galathée]

Pendant un moment, Taliesin n'entendit plus rien de particulier. A côté de lui, Baptiste semblait tout aussi concentré et, si son attitude reflétait une tension extrême, son visage demeurait inexpressif, comme si rien ne l'affectait réellement. Le barde était suffisamment fin pour deviner que ce n'était qu'une façade. Aux bruits et aux silhouettes qui passaient de temps en temps devant l'embrasure de la porte, ils comprirent que les esclaves, accompagné d'un Bainite, étaient en train de préparer un chargement de contenants vides à renvoyer vers les hauteurs. Ils en eurent la confirmation peu après.
" Alors, petit dépravé, c'est presque fini ?
— Oui, Maître, dit le Bainite. Encore quelques tonneaux et nous pourrons renvoyer la plateforme.
— Bien. Le petit voleur va actionner le levier pour que tu puisses monter prévenir le ciel que les nécrophages sont prêts.
— Je... je peux remonter ?
— Mais tu dois redescendre.
— Je... je me doute, Maître. Bien sûr."
Pendant toute leur conversation, des sanglots de femme avaient retenti, proches, mais aucun des deux hommes ne paraissait s'en soucier.

[Taliesin]

Il était tentant, terriblement tentant même, de sauter sur cette occasion pour fuir les lieux.
Mais voilà : le clerc étant victime d'une sanction, n'ayant pas le droit de quitter ce niveau avant que sa peine soit terminée, on ne le laisserait pas utiliser la plateforme si l'endroit où elle débouchait n'était pas sévèrement gardé. De plus, il n'était pas impossible que Guéric, Kerun, Ybarra et Arion soient tout proches, à présent...
Alors il ne foncerait pas tête baissée. Continuerait à observer, à écouter. De telles opportunités, il y en aurait d'autres.
Il fallait juste espérer qu'il saurait les saisir. Qu'il n'en viendrait pas à confondre prudence et pusillanimité.
Lorsque les pleurs retentirent, l'elfe se tourna vers le petit garçon :
-Baptiste, je crois qu'il vaut mieux que tu n'assistes pas à ce qui va suivre, que tu retournes dans notre cachette et... que tu te bouches les oreilles. Je ferai de même si je le pouvais, mais... Je dois continuer à surveiller, pour glaner des informations utiles.
Il était sincère : il n'avait qu'une envie, se replier, ne rien percevoir du traitement réservé aux futures victimes, de leurs réactions, de leurs suppliques...

[Galathée]

Le gosse parut le point de protester mais il opina finalement du chef et battit en retraite entre les bottes de foin, le plus prudemment possible. Dans le couloir, le clerc de Baine s'était éloigné et Taliesin l'entendit donner des ordres avec plus d'ardeur encore que quelques minutes plus tôt.
" Pleure pas, ribaude. Drew va te faire rencontrer un monsieur très gentil. Et si le monsieur très gentil te trouve à son goût, peut-être qu'il ne te mangera pas complètement."
La jeune femme gémit.
" Bon, il n'a pas trouvé à son goût les cent quatre précédentes, et Drew ne croit pas que tu sois assez jolie. Mais Drew n'est pas Coquelicot, et Coquelicot est un peu fêlé."
Taliesin les entendit s'éloigner, Drew claquant de la langue comme s'il encourageait un cheval récalcitrant, les pleurs de sa victime s'atténuant au fur et à mesure de la distance.

[Taliesin]

Cherchant à oublier l'échange dont il venait d'être témoin, l'elfe demeura immobile, l'oreille tendue. Il doutait que le moment soit propice pour une sortie jusqu'aux quartiers des Bainites, mais, au cas où...
Et, pour lutter contre les sentiments douloureux que faisaient naître en lui l'impuissance et l'inaction, il s'efforça d'analyser les informations récoltées, d'en déduire des ébauches de plans.
Les clercs fautifs, peu nombreux, étaient totalement soumis à Drew, seul et unique maître des lieux. A Drew qui adorait ses "chéris", faisait tout pour les satisfaire mais qui, sans être totalement idiot, n'avait rien d'une lumière.
Détail aussi important qu'intéressant.
Car, si le gosse et lui-même se faisaient repérer, peut-être y aurait-il moyen de le berner.

[Galathée]

Le silence se fit bientôt dans le couloir. Au loin, Taliesin entendait les invectives d'un clerc, puis un fracas métallique, tonitruant, retentit. Sans doute l'ascenseur s'était-il mis en mouvement. Quelques minutes plus tard, l'elfe vit passer une troupe d'esclaves, suivit par un clerc de Baine.
" Allez, bande de grouilleux, on s'magne le cul ! éructa le clerc. Personne veut fâcher Drew, ni vous, ni moi !"
Leurs pas s'éloignèrent et le silence revint. Il semblait ne plus y avoir personne dans les environs immédiats.

[Taliesin]

Après avoir attendu une minute supplémentaire, il rejoignit silencieusement leur petit repaire.
-Je vais descendre jeter un œil au dehors, annonça-t-il à Baptiste. Si la voie est libre, nous irons jusqu'à la porte voisine... Avec un peu de chance, plus personne ne se trouve derrière.
Évidemment, il écouterait pour s'en assurer...
Il aurait pu faciliter l'opération en les rendant tous deux invisibles. Cependant, la journée promettant d'être longue, nul ne sachant de quoi elle serait constituée, il préférait ne pas abattre immédiatement ses cartes maîtresses.

[Galathée]

Le couloir était désert. Les deux portes du mur opposé étaient ouvertes et Taliesin entendait les murmures de conversations étouffées, émaillées de sanglots ou de gémissements, ainsi que le gloussement de volailles, le bêlement d'un mouton, le meuglement d'une vache. La salle ronde en bout de couloir était vide et la plateforme avait disparu vers les hauteurs. Quand il écouta à la porte voisine, le barde n'entendit rien, aussi put-il revenir en arrière pour chercher Baptiste.
Derrière la porte s'étendait un espace plus vaste que ne l'avait peut-être pensé l'elfe : une pièce toute en longueur s'étirait dans la roche. Il y vit une longue table et un âtre, ainsi que quatre lits. Ceux-ci étaient tous surmontés d'un anneau de métal et d'une chaîne. Une porte s'ouvrait dans le mur du fond. Il y avait aussi une porte sur la droite, qui devait mener à l'arrière de l'étable.

[Taliesin]

Cinq Bainites en tout, dont quatre enchaînés la nuit venue. Cela signifiait que s'il parvenait à éliminer Drew durant son sommeil, il n'y aurait plus personne pour s'opposer à lui des heures durant. Plus personne pour l'empêcher de préparer une expédition vers les trous d'aisance, de libérer un monstre pour combattre l'un des golems ou d'utiliser la plateforme pour remonter vers la lumière.
Encourageant. Très, très encourageant. Surtout si les autres le rejoignaient...
Taliesin se dirigea vers la porte de droite. Puis ce serait celle du fond, qui devait donner sur la chambre du maître des lieux. Bien sûr, nulle découverte miraculeuse à espérer, ni derrière l'une, ni derrière l'autre : sinon, les clercs fautifs n'auraient pas été laissés sans surveillance. Mais autant pousser l'exploration jusqu'au bout.

[Galathée]

La porte de droite menait vers des latrines et une petite salle d'eau munie d'un âtre. On y avait entreposé plusieurs tonneaux d'eau froide, il y avait aussi un grand bain et des marmites pour chauffer l'eau. Les latrines consistaient en un trou creusé à même le sol. Il ne semblait pas s'enfoncer très profondément. Sans doute un esclave devait-il régulièrement les vider et les mener au bout des couloirs puants. La porte du fond était malheureusement fermée à clé. Comme elle était plongée dans l'obscurité, le barde ne put rien en distinguer par le trou de la serrure.

[Taliesin]

Guéric, mon vieux, on a besoin de tes talents !
Il jeta un dernier regard autour de lui. A nouveau, l'expédition avait été brève mais fructueuse, et s'il était quelque peu rageant de devoir toujours retourner se cacher, au moins avait-il de plus en plus d'éléments pour échafauder un plan digne de ce nom et préparer soigneusement son exécution.
-Rentrons à l'étable, souffla-t-il.

[Galathée]

Au moment où ils allaient franchir la porte pour regagner le couloir, ils aperçurent une petite armoire noire juste à côté. Baptiste l'ouvrit et ils découvrirent une quarantaine de crochets, sur lesquels se trouvaient des clés. Quelques uns étaient vides, d'autres portaient plus d'une clé. Au-dessus de chaque crochet se trouvait un chiffre, parfois accompagné d'une petite étoile ou d'un petit croissant de lune. Le gosse jeta un oeil en direction du barde, perplexe. Sans doute y avait-il là de quoi ouvrir toutes les portes de l'étage ou presque...

[Taliesin]

-Voilà de quoi déverrouiller les enclos... souffla-t-il. Ah, si ça n'était pas si risqué, si mes amis n'étaient pas là-haut, je serais bien tenté de libérer tous les monstres et de les orienter vers les niveaux supérieurs... Imagine la tête des Bainites !
Il sourit.
-Allez, rentrons. On ne peut pas trop s'attarder ici : quelqu'un pourrait venir...
Il aurait été utile de disposer d'un plan doté de tous les numéros. Utile, aussi, de connaître la signification des symboles, qui faisaient peut-être référence aux heures d'éveil des créatures... Bah, ils finiraient peut-être par obtenir tout cela;

[Galathée]

Ils regagnèrent l'étable in extremis car quelques minutes plus tard, à peine, les portes s'ouvraient sur quelques esclaves et leur maître. Ils entreprirent de nettoyer les stalles des boeufs, vidant la paille souillée à l'extérieur, installant les animaux dans les boxes vides, pendant qu'ils les frottaient. Un Bainite demeura dans l'embrasure de la porte, bâillant tandis que la demi-douzaine d'hommes à moitié nus travaillaient sous ses yeux. Un des esclaves monta sur la mezzanine pour chercher des bottes de paille mais, comme Taliesin l'avait espéré, il se contenta d'en jeter cinq vers le sol, parmi celles de la première rangée. Il sembla ne rien remarquer de suspicieux tandis que le barde et l'enfant l'observaient par un petit trou entre les ballots. C'était un homme encore jeune, aux muscles secs, mais qui paraissait déjà usé par le labeur. Il portait un vague pagne, un collier de fer, et des tatouages qui l'identifiaient comme propriété du temple sur la poitrine. Son dos était zébré de coups de fouet anciens et récents. A côté de lui, Taliesin sentit l'enfant frémir, puis le vit noyer son visage dans ses mains. Sans doute ne pouvait-il que voir dans cet étranger le reflet de ce qu'il serait devenu, sans l'intervention miraculeuse de la providence et d'un elfe du soleil...

[Taliesin]

Comme de coutume, il s'efforça de nier le pire, d'observer en ignorant les détails les plus éprouvants, de surveiller les gestes de l'esclave sans penser réellement à celui-ci.
C'était de plus en plus difficile, cependant. Surtout depuis leurs récentes découvertes. Car s'il pouvait prendre le contrôle de l'étage après avoir éliminé les cinq Bainites, s'il pouvait envisager de libérer les monstres... Il pouvait également le faire pour les captifs.
D'ailleurs, ses compagnons et lui-même n'avaient-ils pas évoqué cette possibilité, pour brouiller davantage les pistes ?
Il secoua la tête.
Il ne pensait pas droit. Il menaçait de retomber dans ses travers coutumiers, ceux qui, maintes fois déjà, avaient provoqué de gigantesques catastrophes.
Sauver le gosse. S'en tenir là.
Et prier pour qu'ils aient réussi à quitter les lieux avant que ses vieux démons ne se réveillent complètement.

[Galathée]

Le nettoyage était encore en cours quand le Bainite se raidit. La silhouette gigantesque de Drew se dessina bientôt dans l'embrasure de la porte.
" Trop moche. Je le savais." dit le maître des bêtes avec un haussement d'épaules.
Le clerc se contenta d'hocher servilement la tête.
" Quand le dépravé redescend, tu vas préparer le chariot magique avec lui, petit voleur. Ensuite Drew et vous irons chercher les nécrophages. Où est la petite nature ?
— Il trie toujours les esclaves, je pense, Maître.
— Il aurait dû prendre la cage. Comment va-t-il les transporter ? Hé ! Toi !
— Maître, fit l'un des esclaves en s'inclinant.
— Est-ce que vous avez été triés ?
— Oui, Maître.
—*Combien ont été choisis ?
— Quatre, Maître, dit l'esclave d'une voix vacillante, dans laquelle Taliesin reconnut les inflexions de la colère.
— Quatre ?! Il va falloir des nouveaux !"
Il se tourna vers le Bainite.
" Où est le brutal ?
— Il nourrissait les worgs, je pense.
— Il les caresse aussi, ou quoi ? Mmm. Drew va voir les worgs, puis les nécrophages. Ne tardez pas."

[Taliesin]

Un instant, le barde se demanda si le retard de la "petite nature" et surtout du "brutal" ne pouvaient pas être imputables à l'intervention de ses compagnons. Mais c'était très peu probable : ces derniers étant bien plus doués que lui en matière de discrétion, ils préféreraient de loin éviter un adversaire plutôt que de l'éliminer au risque de donner l'alerte.
A moins d'y être contraints...
De fait. Toutefois, il pensait plutôt que l'inactivité à laquelle il était pour l'heure contraint et la hâte de revoir ses les autres lui faisaient mal interpréter les choses.
Et de toute façon, dans l'immédiat, il ne pouvait rien faire, sinon rester caché, continuer à observer.

[Galathée]

Une fois les stalles nettoyées, les esclaves dégagèrent le chariot surmonté de tiges de métal et de gemmes et sortirent un des boeufs noirs qu'ils attelèrent soigneusement. Un grand grondement retentit alors, ébranlant légèrement la mezzanine et tout le monde s'immobilisa. Un son de cloche suivit, semblable à celui que le barde avait entendu la veille.
" Ravitaillement ! Tout le monde à la plateforme !" beugla le clerc, et tous les esclaves détalèrent.
Le boeuf demeura solitaire, attelé, tranquille, à son chariot étrange, dans l'étable désertée.

[Taliesin]

Si le bœuf en lui-même ne représentait aucune menace, sa présence signifiait que des gens, Bainites ou esclaves, ne tarderaient pas à revenir dans l'étable. Ajouté au remue-ménage qui allait sous peu régner au dehors, tout incitait à rester bien tranquille, à demeurer caché. En revanche, Taliesin ne manque pas d'écouter encore plus attentivement que précédemment. Car outre du ravitaillement, la plateforme ramènerait sans doute des nouvelles du Temple. S'il pouvait lui aussi en être informé, ce ne serait pas de refus...

[Galathée]

Malheureusement, s'il y eut la moindre discussion, Taliesin n'entendit guère le début. En réalité, les esclaves reparurent rapidement, accompagnés des deux clercs de Baine.
" Tripes, grouillons-nous, disait le premier, celui que le barde savait être surnommé le dépravé et qui revenait des hauteurs.
— Mais est-ce qu'on ne va pas devoir fouiller ce niveau-ci aussi ? demanda l'autre, tandis qu'ils prenaient place sur le siège du cocher.
— Ils sont sûrs qu'il est au troisième. Retranché, apparemment. Donc a priori...
— Mais il avait des complices, fatalement, non ?
— Les directives sont sans doute dans le pli... Mais sans doute va-t-on nous dépêcher des Gardes de Baine...
— Tripes. Tripes et tripes."
Le chariot s'ébranla et quitta l'étable puis le couloir, les esclaves trottinant sur sa piste.

[Taliesin]

Le barde serra les poings.
Pourquoi fallait-il toujours que, pile au moment où il commençait à envisager plus sereinement les choses, la situation prenne un tour pire qu'inquiétant ?
Lequel des membres de leur téméraire expédition avait été repéré ?
Comment s'en sortirait-il, si les Bainites décidaient de fouiller l'étage des bêtes ? En mobilisant des gardes spécialisés dans ce genre d'opération, alorsx que lui même n'avait rien d'un infiltrateur ?
Que contenait ce fameux pli ?
Il ferma les yeux, se contraignit à respirer lentement.
La peur et la panique étaient mauvaises conseillères.
Être patient, prudent. Garder les possibles à l'esprit.
Et ne pas songer au pire.
Surtout pas.

[Galathée]

HRP : C'est de la faute du MJ o

Tout était à nouveau silencieux autour d'eux. Il manquait désormais deux chariots et deux boeufs, et si un chargement de victuailles était arrivé des hauteurs, il était probable qu'il trône encore sur la plateforme : le temps d'absence des esclaves avait été très court.
" Est-ce que vous êtes certain qu'on doit attendre vos amis ? demanda alors l'enfant. Vous ne pensez pas qu'ils auront essayé de fuir par leurs propres moyens ?"

[Taliesin]

-Nous avions décidé de nous retrouver puis de fuir par les égouts, car repartir par le haut nous a d'emblée paru trop hasardeux, répondit-il, d'un ton qui se voulait calme, détendu. Je suis certain que les autres auront tout fait pour s'en tenir à ce plan. Alors oui, quand l'alerte a été donné au niveau des salles de torture, peut-être cela est-il devenu infaisable pour ceux qui étaient le plus éloignés des escaliers et du treuil. Alors, s'ils n'avaient le choix qu'entre être pris et tenter de s'échapper... Il est possible qu'ils aient choisi la seconde option, car leur capture aurait été une catastrophe. Mais ceux que tu as vus...
Il secoua la tête.
-Je suis sûr qu'ils sont descendus.
Comme il était sûr, ou presque, que c'était l'un d'entre eux qui était désormais retranché.
Condamné.
-Ils n'auraient jamais pu rebrousser chemin. De plus, comme je doute qu'il y ait des issues aux niveaux intermédiaires, ils ont dû aller toujours plus bas. Enfin... Baptiste, ce ne sont pas simplement des gens avec qui je travaille. Ce sont des amis. Des vrais. Ils ne m'auraient jamais laissé tomber.
Il soupira.
-Mais rassure-toi : notre mission étant de t'amener en lieu sûr, je ferai tout pour l'accomplir. Même si cela implique d'agir sans les attendre.
Et ce faisant, tu les abandonneras, toi.
Il frissonna.

[Galathée]

L'enfant le regarda un moment, perplexe, puis un sourire absolument ravi s'étendit sur ses traits et ses yeux se mirent à briller.
" C'est mon père, n'est-ce pas, qui vous a envoyés me chercher ? C'est lui qui vous a payés... Vous allez me ramener à Luménis, chez lui ?"
Il y avait une exaltation un peu inquiétante dans son ton.

[Taliesin]

L'elfe le dévisagea, décontenancé. Kerun n'avait-il pas dit que ces gosses n'avaient plus aucune famille, plus aucune attache ?
Le confirmer dans son erreur serait une bonne solution, au cas où les choses tourneraient mal. Toutefois, en l'instant, il n'avait pas le cœur à lui mentir.
-Je suis désolé, mais... Je n'ai aucune information sur ton père, murmura-t-il. En revanche, si toi tu sais où le trouver, il n'est pas impossible que vous finissiez par être réunis.
Il prenait des risques en disant cela. Cependant, il ne voyait pas comment faire autrement. Et puis, si les Bainites le prenaient, ils constateraient rapidement qu'il n'avait rien d'un être mauvais...

[Galathée]

Le gosse parut déçu et ce qui brillait dans ses yeux s'écoula sur ses joues. Il sécha rapidement ses larmes sur sa cape de fortune, puis opina bravement du chef.
" Tant pis, dit-il. De toute façon, j'imagine que même si c'était vrai, vous ne pourriez pas me le dire."
Il haussa les épaules, avec une grimace de mépris factice.
" Je ne sais pas où le trouver, je ne sais pas qui c'est."

[Taliesin]

Bah, ce genre d'information pouvait parfois se retrouver. Et puis, le père en question savait peut-être très bien qui était son fils, souhaiterait peut-être le récupérer...
Il ne dit rien de cela, cependant, pour ne pas donner de faux espoirs au garçon. Il ne dit rien du tout, d'ailleurs, se contentant de lui serrer brièvement l'épaule avant de reporter son attention vers l'extérieur.
Les possibles, ces chers possibles qui lui avaient permis d'être relativement optimiste venaient de se réduire considérablement.
Puisque les Bainites étaient en quête des complices de la personne qu'ils avaient repérée, remonter vers les étages supérieurs était désormais inenvisageable. Et puisqu'ils envisageaient sans doute de fouiller le niveau des bêtes, utiliser la plateforme l'était tout autant : on les guetterait à son sommet.
Ne restait donc qu'une solution : les fosses d'aisance.
Et si elles n'offraient pas d'issue, s'ils s'en rendaient compte avant qu'il ne soit trop tard, et bien, tout serait perdu.
Mais au moins auraient-ils encore l'opportunité, avant de tomber, de porter un rude coup à leurs ennemis.

[Galathée]

Baptiste semblait désormais d'humeur chagrine. Il se replia dans leur cachette et s'assit contre une botte de paille, genoux repliés contre lui, comme la veille. Son regard se perdit dans le vide et il soupira douloureusement.
Au dehors, il n'y avait plus le moindre mouvement. Tous les Bainites devaient être occupés, tout comme Drew.

[Taliesin]

Occupés dans le complexe, oui. A nourrir les monstres, à nettoyer leurs enclos... Peut-être à proximité des fosses d'aisance.
Il allait donc attendre, encore, aussi difficile cela soit-il. Comme il était à nouveau capable de se rendre invisible, il pourrait sortir plus tard, même avec des ennemis à proximité.
Et d'ici là, il devait réfléchir. Réfléchir à tous les moyens possibles et inimaginables pour affronter les émanations toxiques auxquelles ils feraient face.
Plus moyen d'y couper, puisque les trous méphitiques constituaient l'unique issue potentielle à leur disposition.

[Galathée]

Baptiste le laissa tranquille pendant un certain temps. Recroquevillé, il s'était mis à somnoler. Il finit cependant par se redresser et venir vers lui.
" Est-ce que je pourrais avoir une des deux pommes qu'on a prises hier chez les esclaves ? Je commence à avoir un peu faim." murmura-t-il.
Ce n'était sans doute pas complètement surprenant, et Taliesin était forcé de constater que lui aussi avait l'estomac dramatiquement vide.
" Est-ce qu'on va libérer des créatures, finalement ? demanda l'enfant, une fois que le barde lui ait remis le fruit. Je me disais qu'on pouvait aussi se cacher dans un tonneau vide pour remonter..."