La Couronne de Cuivre

L'elfe grimaça. Décidément, il avait tout fait rater. S'il avait attendu que les Sharites prennent pied sur le toit, peut-être qu'aucun d'entre eux n'aurait réussi à prendre la fuite. Peut-être que les dénommés Vilma et Grégor auraient attendu leurs complices, leur offrant ainsi la possibilité de les attraper, de les faire parler, révéler le lieux où avait été emmené Albérich... Peut-être. Dans tout les cas, c'était désormais impossible. Il semblait qu'ils avaient perdu leur unique chance de le retrouver.
Mais il ne fallait pas se laisser abattre, ni abandonner maintenant. Au contraire, il devait essayer d'en savoir le maximum. Espérer que le jeune homme détenait un indice, aussi infime fut-il.
-Je te crois... dit-il. Et tu nous a déjà bien aidés. Mais tu peux encore faire quelque chose pour nous. Raconte-moi tout ce qui s'est passé, depuis le début. Comment les Sharites sont entré en contact avec toi, ce qu'ils t'ont promis, ce qu'ils t'ont dit de leur plan. Leur identité, si tu la connais. Ou des signes permettant de les identifier : un accent, une habitude, un détail, n'importe quoi. La localisation de votre planque, aussi. Tout ce qui te vient à l'esprit, même si cela te paraît futile, sans intérêt. Il se peut que cela soit primordial, que cela nous permette de retrouver leur piste.
Le barde toucha doucement l'épaule du prisonnier.
-Et n'aies aucune crainte quant à ta sécurité. Shar se moque de ceux qui la servent : ce ne sont que des outils. Elle se détourne d'eux sitôt qu'ils ont cessé de lui être utiles. Et, si tu as tout de même peur pour ta vie... Nous trouverons un moyen. Nous dirons que tu es mort, que tu n'as pas parlé et que nous t'avons simplement exécuté. On ne se vange pas de ceux que l'on croit morts.

Il acquiesça. Les dernières paroles de l’elfe semblaient avoir fait mouche.
« C’était… il n’y a pas si longtemps. Je dirais… fin Marpenoth. Il y a un gros mois, peut-être. Je les ai rencontrés au Fond de la Barrique. Ils disaient que Shar pourrait… pourrait venger ceux que Luménis a… a trahis. Qu’elle obtiendrait justice pour nous. Moi je… c’était… »
Il se mit à pleurer.
« Je voulais qu’ils paient ! »
Il renifla et fut pris d’un grand frisson.
« Bien sûr, il fallait que je fasse mes preuves. Shar est exigeante et elle… elle n’accorde son aide qu’à ceux qui le méritent. Eux ils étaient onze. Leur chef s’appelle Calme Péril. Ce n’est pas son vrai nom, mais c’est comme ça qu’on s’adresse à lui. Ils sont venus du continent. Ils disaient… qu’Hélonna était une île mûre pour les ténèbres. Que Lathandre ne s’y était jamais intéressé mais que Shar pourrait s’y installer pour une nouvelle ère… Que nous avions tout à y gagner, qu’elle récompenserait ceux qui avait choisi de la soutenir. Je ne sais pas pourquoi ils ont décidé de s’attaquer au conseiller. Ils n’ont jamais expliqué leurs plans en détails. Nous, on agissait selon la volonté de Shar, pour qu’elle nous accueille parmi les rangs de ses élus. Assez vite, ils ont choisi de s’en prendre à Megrall. On a fait en sorte qu’il se rende à Dargyll pour pouvoir le jauger. On est allés à quatre, moi j’en étais parce que je connais bien le village, j’y ai de la famille… Après c’était facile : les clercs qui l’accompagnaient ont parlé de lui sans difficultés et dans les détails… Moi j’y connais rien en magie divine, mais les Sharites qui étaient avec moi ont vite été satisfaits des réponses qu’ils ont obtenues. Après… après ils ont planifié leur intervention. Je n’y ai pas participé. Moi je l’ai un peu pisté… Je connais bien Luménis, aussi, donc j’ai pu donner des conseils sur certains coins… La date n’était pas précise… Puis il est sorti un soir et on a déclenché l’opération. Je ne suis pas intervenu. Calme Péril disait qu’un petit groupe de clercs confirmés serait plus efficace qu’une grande équipe disparate. Donc je suis resté en renfort, avec Matt et Shirine. On a fait appel à nous après qu’ils soient tombés. On est restés avec quatre d’entre eux et la Sélunite. Les sept autres sont partis avec le conseiller. Mais je ne sais pas où. Je sais juste qu’ils ont quitté Luménis dès le lendemain matin. Ils avaient un chariot, je crois qu’ils comptaient faire passer le conseiller pour mort, ou quoi… Il y avait une histoire de cercueil en tout cas. Ça les faisait beaucoup rire mais… »
Il frissonna à nouveau.
« On ne plaisante pas avec la hiérarchie chez Shar. »
Il se tut alors, les épaules ébranlées par un tremblement qui semblait irrépressible.
« Vous allez me protéger, n’est-ce pas ? Vous allez me protéger ? » demanda-t-il finalement d’une voix misérable.

Lorsque Belenn avait donné son explication sur le comportement des Lathandrites pour justifier le sien, Arya n’avait pu adhérer et ne put que penser que la première leçon qui devait être donnée aux novices était de contrôler leurs humeurs. Le clerc avait déjà démontré trop de fois qu’il en était incapable.La haine et la peur n’engendraient que la misère et les erreurs et c'est cela qu'ils auraient dû savoir, de ne pas faire le mauvais choix.

Mais la vue du deuxième prisonnier et ses paroles l’affligèrent bien plus. Certes, il avait servit les Sharites et le peu qu'il savait ne leur serait que de peu d'utilité à part le nombre de leurs ennemis. Mais, elle pensa surtout à Elsa et à Podrick, les taudis engendraient des hommes et des femmes qui avaient vécu dans une telle misère qu’ils ne pouvaient voir se profiler un avenir et que cela les amenaient à devenir haineux et qu’il en fallait bien peu pour qu’ils tombent du mauvais côté, en fait celui où ils étaient déjà mais en devenant des hors-la-loi. Son petit protéger était encore bien jeune, mais si elle ne l'avait pas rencontrer que deviendrait-il une fois adulte ? Les maigres ressources de la vente des journaux, dans le cas où il aurait encore ce travail, ne lui permettrait pas de faire vivre une famille, dès lors qu'adviendrait-il de lui. La Magicienne frissonna à cette triste perspective qui était celle des habitants des taudis.

<o> </o>Ne chercher qu'à se venger des belles paroles que leur servaient les biens pensants au ventre plein et aux habits de belle facture. Mais même les événements présents ne verraient aucun regard se tourner avec compassion envers ces Lumeniens oubliés, ils seraient montrés du doigt, condamnés sans autre forme de procès. <o></o>

Le regard doux et un sourire amicale sur les lèvres Arya s’approcha du jeune homme et posa sa main sur la sienne.<o>

</o> Ce que tu as fait n’est pas bien, tu as chercher dans les ténèbres une solution pour t'en sortir et tu vois où cela t'a amené. N'aie crainte, nous te protégerons. Je n’adhère pas à la façon dont tu as voulu te venger et sortir de la misère dans laquelle tu vis, mais je peux te comprendre. Les gardes vont venir et t’emmèneront dans un endroit sûr où les Sharites ne pourront venir te chercher. Pour le reste, nous verrons lorsque tout sera terminé. Elle serra sa main un peu plus fort. Sois assuré que tu auras mon soutien, pas pour te défendre de tes actes qui me révoltent, mais pour tenter de leur expliquer les raisons qui t'y ont poussé lorsque tu sera jugé.

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur sortit de sa réserve, jugeant que ce prisonnier se montrerait peut être coopératif contrairement à son complice. Les elfes avaient apparemment réussi à le rassurer et ils l’avaient fait parler. Le premier pas le plus difficile était maintenant franchi, avec du temps, il révélerait d’autres indices utiles. Mais de temps, les enquêteurs en manquaient.

- Nous t’aiderons, mais la meilleure façon d’y parvenir est d’attraper tes complices. Tu comprendras que ton seul choix est de nous aider si tu veux t’aider toi-même. Tu en sais bien davantage que tu ne crois. Décris-nous leurs visages, leur apparence physique. Comment s’expriment-ils ? Ont-ils les manières de nobles ? Quels sont les moyens qu’ils ont mis à votre disposition ? Les armes, les équipements, les planques, les repas… Tout pourrait nous aider, n’importe quoi pourrait t’aider, petit.

Belenn choisit ce moment pour refaire son apparition. Il se glissa dans la salle sans rien dire, les bras croisés, et le prisonnier le suivit du regard.
« Ils étaient onze. Mais seulement six avaient l’air d’avoir un pouvoir au sein de leur ordre, déjà. On n’a pas beaucoup parlé. Shar, elle… elle n’encourage pas ce genre de choses. On était trois de Luménis, à avoir été recrutés récemment… Ils venaient tous du continent, mais pas du même endroit… A ce que j’ai compris, le clergé de Shar opère en cellules indépendantes, qui n’ont aucun contact les unes avec les autres. Seul Calme Péril connaissait sans doute des clercs plus haut placés, mais je suis sûr… qu’à aucun moment, il n’a référé de ce que nous faisions à autrui. C’était son plan, son idée… Vous les décrire… Je peux vous les décrire un à un, oui. Mais je ne sais pas si c’est utile… Ils n’ont pas d’identité publique, pas de désir de s’intégrer. Ils sont venus pour faire leur travail, puis ils comptaient partir. C’est leur manière de travailler. Peut-être aller à Eredhun ou à Ithilion, je ne sais pas. Ou sur Dorrandin. Ils n’ont jamais vraiment déterminé ce que nous ferions ensuite. Ou bien ils ne nous en ont pas parlé. Ils disaient de ne pas s’en inquiéter, qu’il y avait du travail pour les fidèles de Shar partout sur Toril… Que nous pourrions toujours trouver à servir la déesse. Elle va me détruire… »
« Lathandre ne la laissera pas faire. » intervint Belenn, d’une voix très calme.
Le prisonnier acquiesça.
« Lathandre ne s’est jamais soucié de Luménis. » finit-il par dire.
« Les dieux sont inconstants et distraits. Et Lathandre est loué à en mille lieux, sur Toril. Parfois sous d’autres noms, parfois sous d’autres visages. Il a sans doute été négligent. Mais il ne laissera pas Shar pervertir Luménis. Ses clercs y veilleront, s’il n’a pas de temps à nous consacrer. »
Le jeune homme le dévisagea une seconde, hésitant, puis reprit.
« Quand ils agissent en pleine lumière, ils se déguisent. Ils sont experts dans la dissimulation… Certains d’entre eux… Vilma et Gregor, par exemple… C’est sûr qu’ils ont été assassins ou je ne sais pas, avant de devenir servants de la nuit… Ils ne se contentent pas d’invoquer les ténèbres en agitant les mains. Mais donc… Par exemple, quand ils sont allés se renseigner sur l’endroit où se trouvait le conseiller, Malicia s’est faite passer pour une petite vieille. Or, c’est une femme encore jeune, grande et élancée, rien à voir avec la grand-mère qu’on a envoyée au temple… »
Il soupira et un instant, ses traits furent marqués par une lassitude extrême.
« Je pense qu’ils avaient pas mal d’argent. Ils ont loué une petite maison dans les taudis, dans le genre de quartier où toute activité est plus ou moins illicite, et où les voisins se couvrent les uns les autres. Cela dit, de l’extérieur, ils se sont juste présentés comme deux familles d’immigrants qui n’avaient pas beaucoup d’argent. Ils ont fait mine de chercher du travail… mais ils ont passé beaucoup de temps à reconnaître la ville. Pour le reste… Rien ne m’a marqué. On avait à manger. Mais la planque a toujours été provisoire. Je sais qu’ils avaient une base en dehors de la ville, mais on n’y est jamais allés. J’imagine que c’est là qu’on aurait dû se rendre si… si cette nuit s’était déroulée comme prévu. Mais… ce qui est curieux, c’est qu’on n’avait pas prévu de bagages, ni de provisions, ni de chevaux, ni rien… »

Ils n'étaient guère avancés, si ce n'est qu'ils pouvaient maintenant se douter qu'Albérich était hors des murs de Lumenis, mais où, cela était un mystère, ne restait plus que la piste qu'espérait pouvoir suivre Kasumi. Arya se tourna vers Belenn ayant déjà oublié ce qu'elle lui avait reproché par le simple fait d'avoir dit ses pensées.

Belenn quand pensez-vous que les gardes arriveront avec un chien ou un loup. Si les Sharites sont à pied, nous avons encore une chance de pouvoir les pister et plus vite nous partirons mieux cela sera. Il faudrait aussi donner une potion à l'autre Sharite avant qu'il ne soit emmené, la chute ne la pas arrangé et si nous voulons qu'il soit jugé, il faut agir maintenant, je crains que dans le cas contraire, il ne trépasse avant même d'être dans une géôle.

Belenn semblait soucieux, et il baissa les yeux sur Arya, l’écoutant avec le plus grand sérieux.
« Les gardes ne tarderont pas à arriver. Je crains cependant qu’ils n’aient pas d’animaux extrêmement entraînés… Traquer un être à l’odeur se prête mieux aux ambiances forestières qu’aux odeurs multiples d’une grande ville. En général, les chiens sont élevés pour le combat, pas pour… ce type de tâches. »
Il se pencha ensuite sur le Sharite.
« Comment vous nommez-vous ? »
« Nils, messire. »
« Nils, est-ce qu’avant votre départ, vos alliés ont parlé de la manière dont vous deviez vous vêtir ? D’un possible moyen de transport ? De la manière dont le voyage devait s’effectuer ? »
« En fait… Non. Eux, ils se sont préparés… Je veux dire les quatre Sharites, mais à nous trois, ils n’ont rien dit. Ils disaient que la seule chose qui comptait, c’était de faire vite, que le reste serait pris en charge. »
Le clerc pinça les lèvres.
« Où était le point de rendez-vous ? »
« Aux portes de la ville. Enfin, près des portes. Vilma et Grégor nous attendraient là. Mais ils n'y sont certainement pas restés... Dès que Matt et Shirine sont arrivés, ils ont dû déguerpir. »
Belenn acquiesça, puis se redressa et se massa le front de deux doigts.
« Sire Kasumi, si vous le désirez, je vous conseille d’aller attendre les chiens à l’entrée du temple. Si quelqu’un veut vous accompagner… Je superviserai le transfert de ces deux-ci jusqu’à la prison. Je vais soigner le premier, il ne lui arrivera rien. Mais je pense que nous devrons encore les interroger. J’invoquerai le fantôme d’Euryale demain dès que possible, mais je n’ai plus l’énergie de le faire ce soir. »

Quête : un désir de crépuscule

A l’audition du récit du prisonnier, Kasumi nourrissait la réflexion de plus en plu tenace que les Luméniens enrôlés par leurs ennemis étaient tenus pour quantité éminemment sacrifiables. Il était même probable que le dénommé Nils et son complice muet n’étaient pas destinés à survivre à cette nuit ou aux suivantes. Les hommes de mains maintenus dans l’ignorance ne pouvaient guère nuire en cas d’interrogatoire, les cadavres, encore moins. Il garda ses soupçons pour lui cependant et suivit la suggestion de Belenn en gagnant la sortie du temple. Il n’avait guère d’espoir de parvenir à un résultat probant mais une fois encore, l’action valait mieux que l’inactivité.

Belenn pouvait être dans la vérité comme dans l’erreur, la seule chose à faire était d’essayer. Il valait mieux que le rôdeur ne parte pas seul, non seulement par précaution, mais Arya commençait à étouffer entre les murs de la pièce. Elle se rendait compte que les dernières heures lui avaient demandé beaucoup d’énergie et elle comprenait que l’humain eut besoin de prendre du repos. Pour elle, sortir au grand air, marcher, voire courir lui permettrait de retrouver des forces.
 <o></o>
Vous avez raison Belenn, prenez quelque repos, nous ne savons pas ce qui nous attends, j’en ai si peu besoin que j’oublie parfois que pour la majorité c’est une nécessité. Je vais aller rejoindre Kasumi, il vaut mieux qu’il ne se promène pas seul en cette nuit où tous les dangers nous guettent. Elle se tourna vers Taliesin. Peut-être te joindras-tu aussi à nous ? Pour ma part, je vais déjà rejoindre Kasumi, l’air glacial me fera du bien. <o></o>
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La Magicienne prit rapidement la direction de la sortie pour rejoindre le rôdeur qui attendait l’arrivée des chiens. Dès qu’elle fut dehors, l’air froid lui balaya le visage et elle aspira une grande goulée d'air avec délice. Leur destin était face à eux, ils n’avaient guère de renseignements, mais c’est la dans l’immensité de la nuit qu’ils devaient continuer leurs recherches.<o>

</o> Je viens avec toi si cela te convient. Je pense que dès que les chiens seront là, nous devrions nous diriger directement vers les portes. Si ils avaient rendez-vous là, nous devrions retrouver leurs traces, ce que je crains le plus c’est que nous tombions rapidement sur leurs cadavres. Mais au moins, nous aurons peut-être la chance de trouver des traces ou une piste de ceux qui commandent et qui sont nos vrais ennemis. Tout ne peut être toujours négatif.

Le barde, pour sa part, demeura dans la pièce. Il ne savait que faire : au regard des indices dont ils disposaient - si ténus qu'ils paraissaient presque inexistants -, et compte tenu de ce qu'ils avaient manqué, raté, toute action supplémentaire semblait terriblement futile. Quasiment vouée d'emblée à l'échec. Il avait beau tenter de se convaincre que rien n'était perdu, que le découragement était leur pire ennemi, il avait du mal à retrouver un semblant d'allant.
La fatigue ne l'y aidait pas. La tension nerveuse non plus. Mais, par dessus tout, c'était une pensée qui le paralysait. Celle qu'il faudrait peut-être quitter Luménis à la suite des Sharites. La perspective d'être coupé des siens pour les dieux seuls savaient combien de temps l'emplissait d'effroi. Pour un peu, il aurait souhaité qu'ils ne retrouvent jamais la piste de leurs ennemis. Qu'ils abandonnent les recherches. Pensée honteuse s'il en était. Mais quitter Luménis, mettre des lieues et des lieues entre lui et ceux qu'il aimait, en sachant très bien qu'il ne les reverrait peut-être jamais... Il n'était pas sûr d'en avoir la force.
Le barde poussa un profond soupir et secoua la tête comme pour éparpiller aux quatre vents ses idées noires. Ce n'était pas le moment de s'y abandonner, sous peine de ne plus être bon à rien.
-Pendant que Kasumi et Arya tentent de retrouver leurs traces, je peux aller examiner la planque, proposa-t-il à Belenn. Je doute que nos ennemis y aient laissé un quelconque indice, mais dans notre situation, nous ne pouvons rien négliger. Sinon... Je peux demeurer ici avec vous, si vous pensez que je puisse être d'une quelconque utilité...

Belenn avait redressé le premier homme qu’ils avaient tenté d’interroger et lui avait prodigué des soins. Son visage reflétait, plus que la fatigue, une intense concentration. Il examina ensuite le Luménien fourvoyé, observa ses pupilles et la plaie qu’il avait au ventre. Enfin, il se redressa et croisa le regard de Taliesin comme celui-ci lui adressait la parole.
« Vous avez l’air éprouvé, Taliesin. Je vous conseillerais d’aller vous reposer, peut-être de profiter de la chaleur de celle que vous aimez, plutôt que de vous atteler à une tâche qui peut attendre demain. » fit-il en s’asseyant. « Nous ne savons pas où ils sont mais nous savons qu’ils n’ont pas l’intention d’aller exposer le cadavre du conseiller sur la place publique. Nous sommes bien assez grands pour semer la zizanie sans leur aide, à présent qu’ils nous ont donné le coup de pouce nécessaire… »

L’attente de Kasumi et Arya fut de courte durée. Une douzaine de gardes firent leur apparition, accompagnés de deux molosses. Tandis que la plupart s’engouffraient dans le temple, sur les indications du rôdeur, les maîtres-chiens restèrent en arrière, tenant leurs monstres mal réveillés en laisse. Kasumi put rapidement déterminer que ce n’étaient pas des animaux habitués à pister des êtres vivants. Il en eut la confirmation : c’étaient des chiens spécialisés dans la recherche du lotus noir.

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur adressa un signe de tête à Arya lorsqu’elle l’eut rejoint. Il lui était reconnaissant de souhaiter l’accompagner. Le rôdeur savait combien cela simplifierait les choses si jamais, par chance, il trouvait une piste.

Malheureusement, sa confiance en ce scénario tomba encore d’un cran en constatant que les animaux qu’on lui amenait n’étaient guère spécialisés dans la traque de fugitif. Cela n’avait rien d’étonnant dans une ville où la lutte contre la contrebande était de loin plus courante que la recherche de bandits en fuite. Le fait que Nils ait révélé d’où venaient le groupe d’assaillants rendait inutile son plan initial visant à retrouver d’où venaient les assaillants. La seule utilité aurait été de confirmer ou non son récit, un résultat qu’il serait facile d’obtenir en fouillant la planque. Kasumi s’approcha des maîtres chiens et les salua poliment avant de leur exposer son problème :

- Nous cherchons deux individus qui se sont introduits dans le temple ce soir et dont nous avons perdu la trace aux portes du parc. Nous pensons qu’ils se sont dirigés vers les portes après s’être séparés. Vos chiens peuvent-ils retrouver leur trace au parc ou aux portes si nous leur faisons sentir les lieux de l’attaque ?

A l'intérieur du temple, Taliesin hésitait. Rentrer chez lui, oublier pour un temps toute cette histoire était une perspective des plus alléchantes. Mais il ne pouvait s'y résoudre : les autres n'abandonneraient pas avant d'avoir fouillé jusqu'à la moindre esquisse de piste, quitte à ne pas dormir de la nuit. Et puis...
-Je crois que je vais quand même aller voir la planque... fit-il en s'arrachant n sourire mélancolique. Si notre destin est de quitter Luménis à la suite des ravisseurs, mieux vaut que je m'habitue à ne plus voir les miens... Et puis, étant donné que je les ai empêchés d'aller voir les festivités sur le port - lesquelles se sont finalement déroulées sans incident -, je gage qu'il vaut mieux que je reste à 'lécart... Le môme avait tellement envie d'y aller ! Il va me tuer...

Le maître-chien fit la grimace.
« Vous avez un objet qui appartient à la personne que vous cherchez ? » demanda-t-il. « Parce que nos chiens, ils ont besoin d’un référent… Sinon ils peuvent sentir n’importe quoi, n’importe qui… et nous emmener n’importe où. »
Son collègue acquiesça.
« C’est pas qu’on peut pas essayer, cela dit… » ajouta ce dernier en voyant la mine ravie d’Arya et Kasumi.

Belenn haussa les épaules.
« A votre guise. » fit-il en se levant. « J’imagine que nous nous retrouverons d’une manière ou d’une autre, un jour ou l’autre. »
A ce moment, on frappa à la porte et un homme en uniforme de la garde fit son apparition. Belenn s’effaça pour laisser l’escouade entrer.
« Messieurs, ils sont à vous. » dit-il simplement, tandis que les soldats s’approchaient des deux prisonniers.

Le barde jeta un regard aux prisonniers.
-Veillez à ce qu'il ne leur arrive rien... dit-il aux soldats. Au moins à celui qui est réveillé : nous nous sommes engagés à le protéger. Et nous pourrions avoir besoin de l'interroger à nouveau, de même que son comparse.
Puis il se tourna vers Belenn.
-Et bien, j'y vais, alors... Je repasserai ici à mon retour des Taudis, puis à l'impasse s'il n'y a personne. Et si la maison est vide aussi, je vous laisserai un message pour vous tenir informé de mes improbables découvertes. Ah, et dites aux autres où je suis allé : il ne vaudraient pas qu'il pense que j'ai simplement déserté !
Il salua le clerc, lui toucha brièvement l'épaule, puis s'en fut. La planque des Sharites l'attendait.

La magicienne ne savait exactement ce que le rôdeur avait pour permettre aux chiens de suivre la piste des Sharites, mais elle était satisfaite qu'ils puissent avoir un petit espoir d'avancer et peut-être de trouver quelque chose qui pourrait les guider vers le repaire de leurs ennemis qui semblaient s'être installés en dehors de Lumenis. D'autant que là où ils étaient maintenant, Albérich devait aussi y être retenu prisonnier.

N'ayant jamais douté qu'à un moment où un autre, ils découvriraient un indice précis qui leur offrirait l'opportunité de retrouver Albérich, Arya se dit que l'entretien avec les prisonniers, même s'il n'était pas vraiment porteur de renseignements, leur offrirait peut-être une piste sans avoir à faire le tour de Lumenis puisqu'ils pouvaient être presque certains que les Sharites ne s'y trouvaient plus pour l'heure.

Quête : un désir de crépuscule

Le rôdeur fit la moue, songeant aux maigres chances que les chiens ne flairent une piste et que celle-ci s'avère digne d'intérêt et les emmène plus proche de leurs proies.

- Je n'ai malheureusement pas d'objet appartenant aux assaillants à part les grappins qu'ils ont utilisé, eux ou leurs complices. La seule chose que nosu savons est que leur odeur s'est retrouvée en deux endroits différents et sur le trajet entre les deux. Le vent l'aura probablement dispersée ou alors leurs effluves se seront mêlées mais nous devons tenter le coup je pense. Peut être leur planque comportera-t-elle des objets personnels mais nous perdrons du temps à les trouver et il joue contre nous.

Le rôdeur soupira, las des épreuves qui s'enchaînaient sans fin et qui ne leur apportaient que guère d'espoirs.

Sur ces paroles chargées de fatigue, le petit groupe se mit néanmoins en mouvement. Les chiens commencèrent par longer le mur d’enceinte des jardins, truffe au sol, jusqu’à l’endroit où Kasumi avait trouvé le corps d’Euryale. Les animaux y devinrent très nerveux, signe qu’ils percevaient l’odeur de la mort, puis ils partirent vers le parc. Au début, il sembla qu’ils avaient trouvé la piste de l’un des visiteurs nocturnes, mais ils la perdirent au cœur de la ville, dans une rue où il y avait eu beaucoup de passage suite aux festivités du port. Après de longues minutes d'errance sans pouvoir localiser le passage du suspect, ils mirent alors le cap sur les portes.

C'est avec un soulagement certain que Taliesin gagna le parvis du temple. Son trajet depuis le repaire abandonné des Sharites s'était déroulé sans encombre, en dehors des moments où, plus qu'à moitié endormi, il avait manqué percuter des passants tout juste réveillés.
L'elfe s'immobilisa un moment sur les marches menant à la grand-porte, aspirant à plein poumons l'air glacé du matin pour tenter de s'éclaircir les idées, puis pénétra à l'intérieur du bâtiment. Il se mit alors en quête de Belenn, où d'un autre de ses compagnons. Si les Dieux avaient un peu de clémence, leur nuit aurait été plus productive que la sienne. Mais les Dieux étaient rarement cléments...

Taliesin trouva Belenn sous le porche qui donnait sur les jardins. Il regardait le ciel couvert, sur le point de crever et de les engloutir sous une nouvelle pluie froide. Il pleuvrait, puis neigerait, et c’est seulement dans trois bons mois que le ciel luménien retrouverait la tiédeur du printemps. Le clerc se tourna vers l’elfe et lui sourit doucement.
« Votre mine en dit plus que mille paroles. Mais vous êtes barde, je ne voudrais pas vous priver d’un conte, aussi sinistre soit-il. » murmura-t-il.

Taliesin haussa les épaules.
-Pas de conte, messire, sauf si vous désirez que je vous dépeigne en détail la chambre où Euryale fut suppliciée, le sang, les inscriptions sharites sur les murs... Je n'ai rien trouvé là-bas qui puisse nous être utile. A part peut-être cela...
Il tira de sa poche la b ourse contenant les pièces du Cormyr.
-Nous savons désormais d'où venait au moins l'un de nos ennemis. Brillante découverte, n'est-il pas ? Quant à leur destination actuelle... Rien.
Il soupira.
-Et de votre côté ? Des nouvelles d'Arya et de Kasumi ?

Belenn acquiesça.
« Pas encore. Mais s’ils ont trouvé une piste, s’ils l’ont suivie… Le temps a été exécrable, il est possible qu’ils se soient abrités… Ils ne tarderont pas. J’espère juste qu’ils ne se sont pas mis en tête de faire le tour d’Hélonna sans équipement, provisions, montures et idées précises de quoi faire… Mais je pense qu’en dépit d’une exaltation somme toute compréhensible, ils sont raisonnables l’un et l’autre. »
Il sourit.
« Cependant, je pense que vous voyez trop les choses en noir. Vous devez garder espoir. Ce découragement, cette lassitude, ils font partie de l’arsenal de Shar, qui tente de nous corrompre… Nous savons qui ils sont. En cela, Arya a raison. C’est parce que nous savons qui ils sont que Shar perd déjà de son influence. Nous pouvons deviner leurs intentions, leur désir de semer le trouble, la méfiance. Nous savons qu’ils ont quitté la ville. Nous savons qu’ils vénèrent les ténèbres. Ils ont fatalement des intentions envers Albérich. Lesquelles, je l’ignore. Sans doute sont-elles tortueuses et complexes. Je ne désespère pas d’en apprendre d’avantage grâce au fantôme d’Euryale, cependant. Sans doute n’aura-t-elle aucune idée de l’endroit où ils ont emmené le conseiller, mais elle aura des informations cruciales sur la force de nos adversaires. Ensuite, pour les trouver… J’imagine que nous enverrons des soldats écumer la campagne, interroger les paysans, les forestiers, les villageois, jusqu’à ce que nous trouvions une piste, un signe de leur passage. Evidemment, s’ils l’ont enlevé pour aller l’offrir à un chancelier mélandien, nous sommes moins bien armés mais… Je garde espoir. C’est mon métier. »

Taliesin eut un pâle sourire.
-J'envie votre optimisme. Et l'espoir que Lathandre sait maintenir dans le cœur de ses suivants. Sans doute vous aurais-je plu, autrefois. Les causes perdues d'avance et la perspective de renverser des montagnes ne m'effrayaient point. Mais c'est différent, aujourd'hui. Le Conseil a fait mauvaise pioche : vous avez écopé d'un pessimiste et d'un défaitiste patenté. Enfin, je fais de mon mieux pour ne pas vous corrompre avec mes mauvaises pensées...
De fait, il garda pour lui ses réflexions concernant la recherche d'Albérich - de son avis, elle équivalait à tenter de retrouver une aiguille dans une botte de foin - et préféra enchaîner sur une boutade.
-Mais permettez-moi de vous détromper : si le conseiller est remis au Chancelier de Mélandis, tous les espoirs seront permis. Il suffira de proposer à messire Mornagest de m'échanger contre Albérich, et il s'empressera d'accepter. M'est avis que m'éviscerer lui procurerait un grand contentement.

Belenn acquiesça doucement.
« Je ne pense pas que nous en arriverons là... Je vous le souhaite en tout cas. En même temps, je comprends votre lassitude… Je n’apprends pas de mes échecs, personnellement. En dépit des catastrophes dont je me suis rendu responsable par le passé, je continue à tenter ma chance, et la tenter encore. Peut-être n’ai-je pas cette gravité qui caractérise votre espèce… Je n’en sais rien. J’ai toujours le sentiment… le sentiment qu’une nouvelle tentative peut arranger les choses, rattraper les errements du passé, même les plus dramatiques… »
Il sourit, puis son visage refléta une amertume nouvelle.
« Je ne sais pas si nous réussirons. Je sens… comme une odeur de défaite dans l’air. Elle n’émane pas seulement du découragement de chacun d’entre nous… Mais en même temps je sais qu’en dépit de tout, cela ne m’altérera pas vraiment. »
Il haussa les épaules.
« J’aimerais avoir votre capacité à m’assagir. »

Taliesin grimaça.
-Je n'ai certainement pas la prétention de m'être assagi, Belenn. Si être sage signifie voir tout en noir, envisager constamment le pire et être d'un cynisme ravageur, peut-être avez -vous raison. Mais si les sages étaient tous ainsi, le monde n'avancerait pas et ne cesserait de décliner, de se déchirer. Il y a grand besoin d'espoir, d'optimisme. De gens capables de lutter envers et contre tout. D'idéalistes, peut-être. C'est en partie grâce à eux, grâce à leur audace que les grandes choses se font.
Il sourit à nouveau.
-Quant à l'odeur de défaite... Je pense que c'est un leurre. Ou qu'on veut nous faire accroire que ne pas retrouver Albérich serait une défaite absolue. Ce serait un échec, oui. Mais si ce quê le Conseiller a essayé de mettre en place perdure, si ce en quoi il croyait est maintenu, si d'autres reprennent son flambeau, son dévouement, si sa disparition entraîne une mobilisation et non pas une déliquescence... Alors c'est Shar qui aura perdu.
Il tapa sur l'épaule du clerc.
-Et nous n'avons pas encore renoncé à retrouver votre supérieur.
Tellement plus facile d'essayer de réconforter les autres que de s'apaiser soi-même... pensa-t-il, amer.

Le clerc sourit.
« Ne vous inquiétez pas. Je sais que nous le retrouverons. Et je resterai l’idéaliste que je suis. Mais toutes les victoires n’ont pas la même saveur. On peut perdre et gagner en même temps. C’est juste un instant, une seconde, de découragement. »
Il secoua la tête.
« Je suis désolé, je ne suis pas très clair. » dit-il finalement. « Peut-être devriez-vous songer à prendre un peu de repos ? Je sais que votre race n’a pas besoin de sommeil à proprement parler, mais il me semble que vous devez méditer, ou je ne sais quoi ? Il y a des cellules vacantes dans l’aile des novices, vous devriez en trouver une à votre goût. »

Le barde hésita une seconde, puis finit par opiner du chef.
-Sage proposition... Pour tout dire, je tiens à peine debout. J'ai peut-être les oreilles pointues, mais en matière de sommeil, comme pour ce qui est de la pipe et de tant d'autres choses, je crains d'être beaucoup plus humain qu'elfique... Et pensez à vous reposer aussi, Belenn, si ce n'est pas déjà fait. Je doute que les heures qui s'annoncent soient d'un calme plat...
Il salua le clerc puis s'en fut en quête d'une couche ou allonger son corps perclus.

Après que Taliesin soit parti se coucher, Belenn resta encore de longues minutes à contempler le jardin. Plusieurs clercs passèrent près de lui, mais il n’adressa la parole à aucun, plongé dans ses pensées. Le temple s’était éveillé, comme chaque jour, pour saluer le lever du jour. La disparition d’Albérich, peu à peu, rentrait dans l’ordre des choses. Les prêtres savaient que quelqu’un avait été chargé de le retrouver, qu’on avait capturé des suspects la nuit-même, ils étaient anxieux, curieux, un peu déstabilisés, mais ils avaient confiance. C’était inespéré. Bien sûr, tout le monde ressentait comme une trahison le fait que le conseil ait remplacé Albérich par Maelwedd, mais ce n’était que temporaire. Marcus qui peinait déjà à suppléer au conseiller du sein du sanctuaire était probablement plutôt soulagé de ne pas devoir y adjoindre des responsabilités à l’échelle de la ville. Et malgré son désarroi bien naturel, Belenn trouvait que l’intendant s’en tirait plutôt bien. Chaque jour, il était plus assuré. Il assumait. Albérich aurait été fier de lui. L’esprit de Lathandre survivait en dépit des écueils et c’était rassurant.

Il bâilla et se frotta le visage des deux mains. Il fallait qu’il parle avec l’esprit d’Euryale, mais ce n’était pas vraiment urgent. Et si Arya et Kasumi ne refaisaient pas surface, il faudrait aussi s’enquérir d’eux… Mais Belenn était foncièrement optimiste. Il ne pensait pas que quelque chose leur soit arrivé.

Fatigués, affamés, détrempés et transis, Arya et Kasumi franchir avec plaisir la porte du temple. Leur petite virée nocturne aux portes de Lumenis avait été quasi infructueuse, mais ils avaient déjà la certitude que les Sharites avaient quitté la cité et peut-être qu'ils se trouvaient à une courte distance. Arya défit sa cape et dit d'un ton enjoué au rôdeur.

J'espère que le petit déjeuner est servi.

Les clercs étaient levés depuis un certain temps déjà, et on les invita à s’installer dans le réfectoire commun. Il y avait une salle d’eau s’ils désiraient se rafraîchir et plusieurs cellules du quartier des novices étaient inoccupées s’ils voulaient dormir ou méditer. On leur apprit d’ailleurs que Taliesin, rentré plus tôt, s’en était adjugée une et y ronflait probablement. Le novice qui les avait guidés jusque là leur demanda également des instructions quant à l’heure à laquelle ils désiraient être réveillés, s’ils avaient l’intention de se reposer.

La Couronne de Cuivre

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[Quête : un désir de crépuscule]

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