La Couronne de Cuivre

S'il partait comme cela à l'improviste cela risquait de mal se terminer. Le plus sage serait surement de demander à se faire accompagner par un policier. Si elle tenait tant que ça à se mettre des épines dans le pied en parlant avec un manque de respect évident à tous les habitants du lieu pourquoi ne pas lui faciliter la tache ? Il prit le nécessaire dans le coffre referma à double tour avant de redescendre vers les cuisines pour où ils en étaient.

La police était toujours là, et le corps du maître enveloppé dans un grand sac gris et opaque. Ne restaient que les traces de sang sur le sol.

"Bonjour, excusez-moi, lança obséquieusement Émile aux agents. La cuisinière m'a chargé d'aller faire quelque courses au marché... J'aurais voulu savoir si je pouvais quitter le château une petite heure, le temps d'aller jusqu'à Villeneuve... accompagné par l'un d'entre vous bien entendu."

Le médecin ne lui accorda pas un regard, absorbé à rédiger son rapport sur son calepin.

"Je ne sais pas trop, répondit l'un des policiers, quelque peu gêné. Vous devriez d'abord demander à Mme Lemaçon avant. Je ne peux pas prendre cette initiative sans son accord."

Emile répliqua du tac au tac au policier :

"Et Madame lemaçon se trouve toujours dans les parages ? Partie ailleurs peut être ? Pas que je souhaite l'ennuyer mais j'ai bien peur que les vivres commencent à manquer si cela continue. Ce qui n'est pas très souhaitable en une telle maison..."

Le policier eut un hoquet de surprise à sa réplique.

"Je... Je comprends bien. Je crois qu'elle est partie par là", finit-il par répondre en désignant la porte en direction de la salle à manger.

La salle à manger ? Bien, bien... Il était curieux de voir quel accueil chaleureux elle allait encore lui faire. Il franchit le seuil de la salle à manger les poing serrés sans vraiment avoir trop conscience de la note d'agacement qui se lisait sur son visage.

La salle à manger était vide. En revanche, la petite porte sur le bureau était ouverte, et de là où il était, il aperçut Marjorie, dans la bibliothèque. Et d'autres sons de voix qu'il ne reconnut pas aussitôt.

Émile s'approcha discrètement plus près, traversa le bureau, et identifia Mme Lemaçon, ainsi que le jeune Armand de la troupe de théâtre.

Emile, un peu à l'écart, fit mine d'attendre la fin de leur conversation en espérant saisir quelques bribes de conversation intéressante. Elle risquait d'en apprendre sur son compte par effet de ricochet en parlant au jeune homme. Foutu saltimbanque...

Le majordome s'avança le plus discrètement possible en longeant le mur, aux aguets.

"...ne vous dérange pas... quelques questions ?"

C'était bien elle.

"...arlez-moi un peu de cette soirée, poursuivit-elle. Avez-vous remarqué quoi que ce soit qui mériterait mon attention ? Un comportement étrange chez les invités ou les domestiques par exemple ?"

Un silence de plusieurs longues secondes s'en suivit, tant et si bien qu’Émile dût lutter pour retenir un craquement d'articulation.

"Chez les domestiques ?, répéta le jeune garçon. Je... je ne sais pas trop. Non, je ne crois pas... Ni chez les invités, d'ailleurs. Je me suis couché très tard la nuit dernière, je n'arrivais pas très bien à dormir... J'étais en train de faire un billard, en haut. J'ai dû aller me coucher... un peu avant 1h du matin ? Mais, non, je n'ai rien entendu de spécial..."

Nouveau silence, puis ce fut Marjorie qui prit la parole.

"Vous... avez dit, "étrange", c'est bien ça ? J'ai vu quelque chose de bizarre, oui. Mais ce n'était pas un domestique."

Marjorie savait-elle quelque chose ?

"Poursuivez", l'invita la policière.
"C'était quand je suis allée faire les chambres dans l'aile Nord. J'ai vu... je ne sais pas comment elle s'appelle... la jeune fille de la troupe."
"Mylène ?", compléta Armand, surpris.
"Oui, voilà, Mylène. Elle était en train de pleurer, devant sa chambre. Et j'ai vu plein de billets dans ses mains. Je ne sais pas trop combien, mais il y en avait beaucoup."

Marjorie marqua une pause.

"Après, elle est rentrée dans sa chambre, et j'ai continué à faire les lits. Vous croyez que c'est important ?"

L'étrange laissai place au bizarre, plus il tentait de comprendre ce qu'il se passait et plus il se trouvait prit dans un imbroglio qui ne cessait de s’entortiller encore et encore. Ne souhaitant pas prendre davantage de risque il s'avança et toqua à la porte :

"Madame Lemaçon ? Madame Lemaçon vous êtes là ?"

Apparemment, elle ne l'avait pas entendu espionner leur conversation, ce qui était déjà ça de gagné.

Émile pénétra dans la bibliothèque.

"Qu'y a-t-il ?", lui répondit-elle d'un ton froid.

Avec cette bonne femme la mécanique était rodé, il savait déja ce qu'il avait dire.

"Je vous "sollicite" car je me dois de vous annoncer que notre stock de nourriture n'ayant pas été prévu pour accueillir autant de monde sur des périodes aussi longue, il devient nécessaire d'envisager une solution au plus vite. Avec votre permission, nous pourrions peut être envisager qu'un agent de police m'accompagne le temps que j'aille à villeneuve faire le nécessaire. Cela ne devrait prendre qu'une heure ou deux guère plus."

Mme Lemaçon réfléchit un long moment avant de répondre.

"Bien, conclut-elle enfin. Peut-être que Fabrice pourra vous y conduire. Je vais aller lui parler."

Cela ne semblait pas lui plaire, mais ses arguments avaient fait mouche.

L'inspectrice quitta la bibliothèque et traversa le bureau, l'invitant à la suivre, et se dirigea en direction de la salle à manger. Les autres policiers extirpaient le corps, emballé dans un grand sac de toile. Elle s'approcha de l'un d'eux, et lui adressa quelques mots discrets.

"Vous irez avec Fabrice", lui annonça-t-elle, en désignant son collègue.

Emile le salua et lui serra chaudement la main.

"Les voitures ne sont pas très loin de l'entrée. Nous allons essayer de ne pas être trop long, plus vite j'aurais fait ce que j'ai à faire plus vite nous pourrons retourner à nos occupations."

Il affichait un sourire poli. Peut être que ce policier serait à même de lui apprendre plus sur cette harpie qui était toujours à guetter partout.

Fabrice émit un toussotement gêné.

"Nous... Nous allons plutôt prendre notre voiture, si cela ne vous dérange pas..."

Il lança un bref regard en direction de sa supérieure, qui disparaissait dans le même temps par les portes du grand salon.

"J'ai eu des consignes... très précises. Suivez-moi, je vous en prie."

Le jeune homme traversa le hall, et rejoignit ses collègues à l'extérieur. Le corps était chargé dans une sorte de corbillard aux couleurs de la police, où le médecin et l'autre policier étaient installés. Émile remarqua un autre homme en uniforme au volant du second véhicule, plus habituel, qui n'avait pas dû quitter son poste pendant leur intervention.

Fabrice ouvrit la porte arrière de la voiture, invitant le majordome à monter, et s'installa lui-même à l'avant, du côté passager.

Et sans autre forme de procès, le véhicule démarra, ses pneus crépitant sur l'épais gravier de la cours encore humide de l'orage de la veille.

[HRP : libre à toi d'engager la conversation si tu le souhaites. Sinon, un simple post indiquant que tu ne fais rien de particulier suffira.]

Un long silence s'ensuivit son entrée dans le véhicule. Au bout d'un moment, il tenta timidement :

"Nous nous rendons où exactement ? Pour être honnête je ne suis pas bien sur d'avoir compris la démarche... Il y a un itinéraire de prévu ou bien ?"

Il était requestionné pour s'occuper du corps pour le coup ? Il n'aimait pas les manœuvres de l'inspectrice. A quoi jouait-elle bon sang ?

Le conducteur du véhicule ne lui décrocha pas un mot, et à peine un regard dans le rétroviseur. Ce fut l'autre agent, Fabrice, qui lui répondit.

"Je vous accompagne au marché, après avoir déposé mon collègue au commissariat. Et dès que vous aurez terminé vos courses, je vous ramène chez vous."

Le jeune homme toussota, hésitant à ajouter quelque chose, puis se ravisa.

La radio crépita quelques interférences dans le talkie-walkie sur le tableau de bord, et s'éteint à son tour.

La voiture entama sa descente sinueuse de la colline où ils étaient perchés, dévoilant par la même occasion l'étendue des dégâts occasionnés par l'orage de la nuit précédente.

Au loin, Émile aperçut de nouveaux nuages noirs qui pointaient à l'horizon, leur prévoyant sans doute de nouvelles averses pour la fin d'après-midi...

"Ah très bien, je vous remercie. Avec le véhicule qui nous accompagne j'avais peur que l'on ne s 'éternise."

Puis il se tu. Il se disait que prendre un peu l'air à l'extérieur ne lui ferait vraiment pas de mal, histoire de pouvoir réfléchir à tête reposé aux événements passés.

Le véhicule de police descendit la colline jusqu'à la petite ville, et s'arrêta devant le commissariat. Le chauffeur, qui n'avait pas prononcé un mot du trajet, descendit de son siège, laissant sa place au dénommé Fabrice.

"Je vais vous conduire au marché. Je vais vous laisser une bonne demi-heure pour faire vos courses, et je devrais ensuite vous ramener."

La voiture redémarra.

"Normalement, je devrais vous accompagner... Pour le moment, vous n'êtes qu'un témoin dans cette enquête, et je comprendrais que vous préfériez ne pas être vu suivi par un agent dans toute la ville... Si vous restez à vue, je peux vous laisser faire vos courses sans moi. C'est comme vous voulez."

Il y avait assez d'étals sur les abords de la place du marché pour honorer la liste de courses d'Yvette. Quitte à faire quelques entorses aux fournisseurs habituels.

Quelques minutes plus tard, la voiture s’immobilisait non loin des premières devantures.

"Hum très bien, je vais voir ce que je peux faire... Attendez moi là j’essaierais d'être bref."

Emile afficha son plus beau sourire et descendit du véhicule. Les habitants de villeneuve avaient-ils été mis au courant ?

Émile sortit de la voiture avec son panier, et partit à la rencontre des commerçants. L'heure n'était pas la mieux choisie, et des queues importantes se formaient au moindre étal. Les conversations se réduisirent au strict minimum, sans guère de temps pour discourir sur d'éventuels ragots.

La demi-heure s'allongea en presque trois quart d'heures, mais la relative proximité d’Émile avec le véhicule lui accorda la clémence du policier.

Une fois ses emplettes terminées et son sac chargé de victuailles, Émile rejoignit la voiture, allégé de trois francs et vingt centimes.

"Très bien, déclara le policier. En route, je vous ramène."

[HRP : comme à l'aller, libre à toi d'engager la conversation si tu le souhaites. Sinon, un simple post indiquant que tu ne fais rien de particulier suffira.]

"Eh bien, c'étais noir de monde aujourd'hui !"

Il avait peu d'espoir d'entendre une réponse mais que voulez vous la politesse, c'est comme une mauvaise habitude...

Le policier n'émit pas de commentaire, s'en tenant tacitement à sa mission.

Le trajet du retour s'effectua sans encombre jusqu'au château, où il stationna le véhicule et invita Émile à descendre. Les bras chargés de deux sacs remplis de victuailles, le majordome ouvrit la portière, et quitta la voiture dont le moteur ronronnait calmement.

"Tout va bien ?",s'enquit le policier qui avait abaissé sa vitre.

Emile répondit par l'affirmative. Ce n'étaient pas quelques paquets qui allaient l'intimider.

"Bonne journée à vous", conclut l'agent.

Les pneus crissèrent légèrement sur le gravier tandis que le véhicule faisait demi-tour, avant enfin de disparaître par la petite route de la colline.

Émile était seul, devant la porte du hall sud, ses courses à la main.

Emile entreprit de rentrer les courses dans la réserve, il se demandait de quelle humeur yvette était.

Yvette achevait d'installer les couverts sur la table de la salle à manger, tout en surveillant la fin de cuisson dans la cuisine.

"Ah, vous revoilà Émile ?, lança-t-elle à son arrivée. Vous pouvez aller ranger tout ça dans l'arrière-cuisine, Marjorie devrait en avoir fini avec le nettoyage."

La jeune domestique le salua quand il franchit les portes, tandis qu'elle-même rangeait son matériel. Elle disparut ensuite par le couloir.

"Émile ?, entendit-il de la pièce adjacente. Pourriez-vous aller prévenir tout le monde que le repas sera prêt d'ici une vingtaine de minutes ?"

Emile acquiesça d'un signe de tête le mieux était surement de commence par la salle à manger.

Il n'y avait personne dans la salle à manger, mais on entendait sans peine le brouhaha en provenance du grand salon à côté.

Émile ouvrit, et lança à la cantonade.

"Mesdames, mesdemoiselles, messieurs..."

Il attendit quelques instants, le temps d'avoir suffisamment capté l'attention. Presque tout le monde était là. Les Chambernaud, les Marquand, le docteur Dupré, Nils et Roland de la troupe de théâtre. Il aperçut même l'inspectrice, accompagnée de la jeune Mylène, qui s'éclipsèrent en direction du petit bureau. Au même moment, Marjorie, suivie de peu par mademoiselle Stoän, rejoignaient la foule par le grand hall.

"Nous allons sous peu passer à table, ajouta-t-il. Si vous voulez bien vous donner la peine..."

Le cortège se déplaça lentement, tandis qu’Émile tenait ouvertes les hautes portes à double battants de la salle à manger. Mademoiselle Stoän accourut dans sa direction.

"Dites-moi, Emile... Monsieur le Comte avait-il un guide sur le jardinage ?"

Elle hésita un instant.

""Et savez-vous s'il possède une sculpture surnommée "La Tête du Lion" ?"

Elle poussa un soupir.

"J'aimerai tellement... me changer un peu les idées. Je suis toujours aussi... bouleversée."

Emile ne connaissait pas de sculpture de ce nom, mais les mots "Tête de Lion" lui firent aussitôt penser au linteau de la cheminée du petit salon [à côté du hall sud]. Quant à un livre sur le jardinage... Fernand en saurait sans doute davantage que lui sur le sujet.

Ou qu'il soit, le maître devait se régaler à cet instant précis à voir tous ces gens gesticuler à la recherche des miettes qu'on pouvait leur jeter. Mademoiselle stoän n'était donc pas différente des autres, si ça se trouve même c'était elle qui...

"Monsieur le Comte ? Cela m'étonnerais beaucoup, je ne vois ce qu'il aurait à faire avec... Si vous croisez fernand il pourrait surement vous aidez mais je vous préviens il n'a pas un caractère facile !"

Puis il fronça les sourcils l'air songeur.

"Une tête de lion ? Oui c'est possible, voir même probable. Monsieur le Comte collectionnait toute sorte de choses parmi les plus improbable vous savez. Mais si vous souhaitez vous changer les idées nous avons une bibliothèque très fourni à disposition..."

La jeune femme acquiesça lentement d'un hochement de tête.

"Pourriez-vous me rappeler où se trouve la bibliothèque de monsieur le comte ?"

Émile, occupé à accueillir tout le monde, lui répondit d'un mouvement de bras en direction de la petite porte qui donnait sur le bureau annexe.

Au même moment, le jeune Armand franchissait les portes de l'aile Nord et rejoignait les autres invités, ses cheveux encore humides d'une récente douche.

Tout le monde ou presque était installé. D'usage, les employés déjeunaient à part dans la cuisine, une fois le service terminé.

Emile se rendit dans la cuisine afin de vérifier si tout était en ordre. Il déjeunerait plus tard avec le reste du personnel, inutile de se faire remarquer.

Yvette et Marjorie s'occupaient déjà du service, tandis que Marie-Madeleine déjeunait sur la petite table.

"Ah, Émile, vous tombez bien, lui lança la cuisinière. Mettez-vous donc à table, et vous prendrez la fin du service, pendant que nous mangerons avec Marjorie."

Émile se servit et s'installa à son tour. Marie-Madeleine semblait vouloir lui parler.

"Bonjour, Émile..., commença-t-elle d'une voix hésitante. Excusez-moi, je voulais vous demander... Comment dire, c'est au sujet de... Enfin, c'est à propos de mon salaire... Auriez-vous... ?"

La Couronne de Cuivre

[MP] Histoire : Armand