[MP] Histoire : Echo

[Smidge]

"Je... Je..., bégaya la jeune fille, le souffle court. Je devais... j'avais une course urgente à..."

Mais Gabrielle n'eut qu'à garder le silence en posant sur elle un regard appuyé pour couper court à sa phrase.

"Vous allez me demander où j'étais hier soir au lieu de préparer les chambres, non ?", demanda-t-elle d'une petite voix.

[Echo]

Bien évidemment, comment pouvait-elle en douter ?

- Exact. Et vous, vous allez me dire la vérité, répondit-elle avec un sourire.

[Smidge]

Marjorie poussa un soupir inquiet. Elle déglutit plusieurs fois, et ouvrit enfin la bouche.

"En fait..., commença-t-elle d'une voix tremblante. En fait, je ne voulais pas obéir à ma mère. Nous nous sommes disputées à cause d'une histoire de chambre... Et je voulais voir... les acteurs, la pièce de théâtre... Du coup, au lieu de les suivre pour faire les chambres, je suis discrètement montée par les escaliers..."

Elle marqua une légère pause, et reprit.

"Et à un moment, le maître..."

Elle s'interrompit de nouveau.

"Le maître est venu me trouver, et m'a demandé d'aller chercher... son coupe-papier."

Marjorie releva la tête et croisa son regard, interrogative.

"Je me suis exécutée... et c'est peu après que j'ai entendu des cris, et que j'ai trouvé madame Sofia, à côté du corps..."

[Echo]

La première partie de son récit ne l'étonna guère. Les occasions de se divertir dans ce château sinistre devaient se faire rare après tout. Non, c'était plus la requête du comte qui l'étonna : depuis quand avait-on besoin d'un coupe-papier pour regarder une pièce de théâtre ?

- Pourquoi en avait-il besoin ? Il vous a dit où vous pourriez le trouver pour le lui remettre ? Et est-ce que tous les invités assistaient à la pièce au moment où il est venu vous trouver ?

[Smidge]

Marjorie la dévisagea, une inquiétude grandissante sur le visage.

"Il ne m'a rien dit de plus..."

La jeune fille réfléchit un instant, tentant de calmer son malaise.

"Il faisait très sombre, vous savez... Et il y a deux escaliers pour monter à l'étage... Comme je regardais la pièce, je n'ai pas vraiment fait attention..."

Elle haussa les épaules.

"Comme je vous l'ai dit tantôt, il m'a semblé apercevoir une silhouette à l'autre bout de la salle à manger, juste avant que tout le monde ne descende. Je ne sais rien de plus..."

[Echo]

- Bien bien, répondit-elle distraitement, un peu déçue de ne rien obtenir de plus. Puis elle sourit. Dîtes-moi, acceptez-vous d'être mes yeux et mes oreilles le temps de cette enquête ? Tout ce que je veux, c'est que vous m'informiez de tout ce que vous pourrez voir ou entendre susceptible de m'aider. Si je réussis à coincer le meurtrier grâce à vous, je suis sûre que ça nous profitera à toutes les deux.

[Smidge]

"Oh !, s'exclama Marjorie. Je... Oui, avec plaisir ! Je viendrais vous dire tout ce que j'apprends !"

Elle s'approcha plus près et baissa la voix.

"Vous croyez que... cela compterait comme si j'avais... comment dire... "résolu l'enquête ?""

Elle sursauta tout à coup malgré elle.

"Excusez-moi, je peux retourner travailler ? Il faut que j'aide à la vaisselle..."

[Echo]

- On pourrait voir les choses comme ça oui, répondit Gabrielle en souriant. Je vous laisse retourner à votre travail. Le mien m'attend également.

Sitôt Marjorie partie, la lieutenante se dirigea à l'étage, plus précisément dans la chambre du comte, afin d'essayer d'ouvrir l'armoire verrouillée avec l'une des nombreuses clés qu'elle avait trouvé sur lui.

[HRP : Et non, elle ne s'arrête pas en chemin, même si le château est à feu et à sang, personne ne l'empêchera d'aller voir ce qu'il y a dans cette armoire cette fois ! Plus sérieusement, je dis ça pour que l'action soit suffisamment longue vu que je risque d'être pas mal occupée prochainement et je n'ai pas envie de bloquer tout le monde.]

[Smidge]

Marjorie fit demi tour en direction des cuisines. Ses pas finirent de résonner dans l'immense couloir, tandis que Gabrielle le quittait par la bibliothèque.

"Oh, bonjour", lui lança timidement mademoiselle Stoän, qui entrait à son tour dans la pièce par le petit bureau en face.

Gabrielle lui rendit sa salutation, et poursuivit sa course. Elle traversa le grand salon, le hall central, se remémorant ce trajet qui lui avait donné du fil à retordre le matin encore...

L'aile Nord était particulièrement calme. Les invités, la plupart occupés par une partie de cartes providentielle, ne passeraient pas leur temps à fouiner dans tout le château...

Gabrielle monta les marches qui menaient à la chambre de la victime, se dirigea en direction de l'armoire verrouillée, et tira le trousseau de clés du Comte. Après deux essais infructueux, la troisième clé tourna dans la serrure en émettant en "clac" sonore.

L'armoire abritait elle aussi des enveloppes, quatre plus précisément, dont trois marquées de signes incompréhensifs à l'encre noire sur la bordure.

La première contenait divers documents. Des devis et des factures à première vue. Rien de très intéressant...

... à moins que ?

Elle allait ouvrir la seconde enveloppe qu'un nom attira subitement son attention.

Oui, elle avait bien lu. "Chambernaud, Gaston".

Gabrielle parcourut le document plus attentivement. Il s'agissait de travaux de réfection réalisés par la municipalité dans le centre de Villeneuve. Réfections qui portaient... sur la propriété privée de la famille Chambernaud.

Elle ouvrit ensuite la seconde enveloppe. Il s'agissait cette fois-ci de photos. De photos de deux hommes, se tenant la main, marchant côte à côte. Elle parcourut les clichés rapidement, jusqu'à tomber sur une montrant ces mêmes hommes... en train de s'embrasser.
Qui étaient-ils ? L'un d'eux lui disait quelque chose...

Elle réalisa tout à coup. Il s'agissait du docteur Dupré.

La troisième enveloppe renfermait elle aussi des photos. Si elle ne se trompait pas, il s'agissait là du même paysage urbain que la série de photos qu'elle avait trouvée dans l'armoire adjacente. Le même homme à l'allure mondaine et au chapeau haut-de-forme s'y trouvait, mais sur celles-ci, il n'était pas seul. Une jeune femme, beaucoup plus jeune que lui, lui tenait la main, la taille, ou posait amoureusement sa tête sur son épaule. Son amante, à n'en pas douter. Qui pouvait-elle être, en revanche ? Aucune légende sur les photos ne venait en identifier les protagonistes... Seules quelques dates, "hiver 1912", pouvaient apporter un éventuel éclairage... Ou peut-être en les observant plus en détail ?

Gabrielle ouvrit enfin la dernière enveloppe, qui ne contenait cette fois-ci ni documents ni photos. Mais de l'argent. Plusieurs liasses de billets de 20 francs, dont la froissure indiquait clairement qu'ils étaient passés entre plusieurs mains avant de finir ici...

[Smidge]

Gabrielle cherchait, et cherchait encore... Elle était sûre de connaître le visage de la jeune femme sur les premières photos...

Et soudain, la révélation se fit. Dix années avaient passablement marqué son visage, mais pas encore suffisamment. Il s'agissait là de mademoiselle Stoän... aux bras de cet homme, qui ne pouvait être que le Comte De Rochebois en personne. Ainsi, ils étaient amants ? Cela changeait quelque peu son angle d'attaque.

Finalement, elle se releva, ses articulations craquant après une trop longue inactivité. Gabrielle referma l'armoire à clé, après avoir longuement classé et trié ses différentes prises dans sa pochette.

Il était temps d'aller retrouver les bridgeurs dans l'autre aile... Et peut-être bien interroger mademoiselle Stoän à l'occasion.

Elle n'était pas sortie de la chambre qu'un bruit, sourd et bref, sembla monter du rez-de-chaussée. Un son qu'elle reconnut immédiatement.

Quelqu'un venait de tirer un coup de feu.

[Echo]

Sa réaction avait été immédiate : elle avait elle-même dégainé son arme et s'était mise à courir dans la direction où elle avait cru entendre le coup de feu. A croire qu'on ne pouvait pas passer plus de quelques heures sans qu'il y ait un nouveau meurtre dans ce château. Et qui allait être le prochain cette fois ? Peut-être que monsieur Chambernaud avait fini par épuiser la patience de quelqu'un...

[Smidge]

Gabrielle descendit les marches quatre à quatre, aux aguets. Un silence oppressant pesait sur ses épaules. D'où pouvait venir le coup de feu ? Les escaliers donnaient sur une intersection de deux couloirs sombres et anonymes.

Faisant appel à son expérience, elle effectua un test de sécurité en pivotant sur elle-même. Ces couloirs se ressemblaient tellement...

Quelque chose attira cependant son attention.

Dans le couloir en face d'elle, en direction du hall central, l'une des portes était restée ouverte.

Ainsi que celle qui donnait sur le hall, qui claqua très légèrement à l'instant où elle se refermait.

[Echo]

Toujours aux aguets, l'arme pointée droit devant elle, elle avançait maintenant en direction du hall. Arrivée devant la porte, elle libéra une de ses mains pour l'entrouvrir légèrement avant de la pousser du pied.

[Smidge]

Personne...

Son fugitif ne pouvait cependant être bien loin.

Un coup de vent fit tout à coup vibrer la large porte d'entrée, qui donnait sur la cours par laquelle elle était arrivée, avant de se propager à toute la pièce. Le courant d'air glacé la fit frissonner un instant, mais Gabrielle demeura imperturbable.

La porte d'en face donnait dans l'aile Sud; celle sur sa droite, dans la cours; et l'autre à gauche, plus ancienne et délabrée, dans une autre partie du château qu'elle n'avait pas encore explorée.

Si elle voulait rattraper sa cible, elle n'avait pas le droit à l'erreur.

[Echo]

Gabrielle avait beau tendre l'oreille, elle n'entendait rien de plus que le vent qui soufflait au dehors. Étrange. On n'aurait pu s'attendre à ce que le bruit d'un coup de feu déclenche bien plus d'émoi que cela.

Elle avait maintenant le choix entre trois direction et, bien sûr, elle n'avait pas vu par où son fugitif était parti. Elle s'approcha de la fenêtre, cherchant à l'apercevoir au dehors, si toutefois il était bel et bien parti dans cette direction.

[Smidge]

Un nouvel orage montait, et le ciel violacé faisait tomber sur le château un crépuscule prématuré. Gabrielle s'apprêtait à poursuivre sa course, lorsqu'elle aperçut une silhouette dans la cours. Il y avait effectivement quelqu'un, au dehors ! Non loin de la cabane en bois.

Elle ouvrit la lourde porte, et héla la personne, qui se retourna à son injonction.

Mademoiselle Stoän...

Gabrielle avait son arme pointée sur elle.

"Mais... que se passe-t-il ?, bredouilla la jeune femme, une panique certaine dans la voix. Vous... vous... que se passe-t-il, enfin ?!"

[Echo]

Gabrielle baissa immédiatement son arme lorsqu'elle remarqua que la jeune femme qui lui faisait face n'était pas armée et qu'elle n'était vraisemblablement pas à l'origine du coup de feu qu'elle avait entendu. Elle avança prudemment à sa hauteur en observant les alentours , toujours à la recherche de son fugitif. Rien. Il était probablement toujours dans le château.

- J'ai entendu un coup de feu à l'intérieur et... je ferai bien d'y retourner, dit-elle en rebroussant chemin à la hâte.

Une fois dans le hall, elle bifurqua sur sa droite et traversa les pièces une à une au pas de course. Même si elle ne retrouvait pas celui ou celle qu'elle cherchait, il lui était toujours possible de trouver sur quoi ou qui il avait tiré.

[Smidge]

Gabrielle s'engouffra de nouveau dans le hall, et courut vers l'aile Sud. A l'instant où elle ouvrait les portes du grand salon, celles, en face, de la salle à manger, s'ouvrirent à leur tour.

"Madame... ?"

C'était la cuisinière. Accompagnée par l'autre femme de chambre, Marie-Madeleine.

"Que se passe-t-il ?"

Il n'y avait que trois issues dans cette pièce : la porte vers la salle à manger, en face, l'autre porte plus petite, sur la droite, en direction du bureau et de la bibliothèque. Et enfin, le couloir sombre aux colonnades sur la gauche...

[Echo]

- Vous n'avez rien entendu ? leur demanda t-elle en jetant des regards frénétiques de tous les côtés. Un coup de feu ?

Elle n'avait tout de même pas imaginé ça...

[Smidge]

Les deux femmes se regardèrent, une panique naissante sur leur visage.

"Un... coup de feu ?", répéta Marie-Madeleine.
"Nous étions dans la salle à manger, vous savez, expliqua la cuisinière. Le château est grand, on n'entend pas toujours... En tous cas, nous n'avons vu personne passer par la salle à manger."

L'autre fronça les sourcils, pensive.

"Je crois... J'ai peut-être vu... quelqu'un... Enfin, il m'a semblé entendre des pas dans les escaliers qui montent à l'étage."
"Quelqu'un qui serait passé par le petit couloir... ?", interrogea Yvette.
"J'ai cru... que l'un de ces messieurs dames était descendu aux toilettes...", expliqua Marie-Madeleine, le visage empourpré.

Au même instant, la porte du bureau s'ouvrit, laissant apparaître le jeune homme de la troupe de théâtre, Armand.

[Echo]

Son regard se porta donc sur sa droite, vers le couloir aux colonnades, et elle s'y engouffra si vite qu'elle eut à peine le temps d'apercevoir Armand qui sortait tout juste du bureau.

Arrivée devant l'escalier qui menait à l'étage, elle gravit les marches quatre à quatre, espérant trouver les invités dont la partie de bridge avait très certainement du être écourtée.

Du moins c'est ce qu'elle croyait.

[Smidge]

Bien évidemment, il n'y avait plus personne dans ce maudit couloir... Gabrielle suivit toutefois ce qu'elle supposait être le trajet de son fugitif, coupant dans la salle à manger par l'entrée latérale. Elle gravit les marches quatre à quatre, surgissant d'un coup dans ce qui ne pouvait être que la salle de théâtre.

De nombreuses voix s'élevaient dans l'une des pièces adjacentes, dont elle se rapprocha aussitôt.

Les bridgeurs semblaient tous là...

Monsieur et madame Marquand, monsieur et madame Chambernaud, Nils et Roland de la troupe de théâtre, Emile, et le docteur... Tous attablés autour de leurs cartes.

"Que se passe-t-il donc ?, interrogea Nils après quelques instants de confusion générale. Vous... vous avez trouvé le coupable ?"
"Mon dieu..., souffla madame Chambernaud d'une voix blanche. Est-il... parmi nous ?"

Peu après, la cuisinière - qui l'avait vraisemblablement suivie dans sa course - apparut à la porte, passablement essoufflée.

"Quelqu'un a été tué ?, lança-t-elle sans autre forme d'introduction. Quelqu'un... d'autre ?"

[Echo]

Bon, eh bien apparemment tout allait bien ici, personne ne baignait dans son sang et personne ne menaçait les invités d'une arme à la main. Avait-elle tout bonnement rêvé ? Non, c'était impossible.

Restée sur le pas de la porte, elle dévisagea tour à tour les invités, sans trop savoir quoi leur dire.

- Non, apparemment pas, répondit-elle à Yvette qui venait de faire irruption à son tour. Bon sang, je suis la seule à avoir entendu ce coup de feu ?

[Smidge]

Mademoiselle Stoän, s'approcha à son tour derrière Yvette, suivie de près par Marjorie. Gabrielle se retourna brièvement, et aperçut Marie-Madeleine et Armand derrière elle.

Apparemment, tous l'avaient suivie.

"Êtes-vous seulement sûre qu'il s'agisse d'un coup de feu Yvette ?, lança le majordome. La maison est vieille, vous le savez comme moi, et avec les évènements récents, on a vite fait de s'imaginer des choses..."
"Moi ?, s'exclama Yvette, mais je n'ai rien entendu ! Je posais simplement la question..."

Le notaire prit à son tour la parole d'une voix timide.

"Vous savez, nous étions tous ici en haut... et le château est grand... Où avez-vous entendu tirer ?"
"Oui, je confirme, renchérit Nils. Nous étions tous ici occupés à disputer quelques parties depuis plus d'une heure. Que s'est-il donc passé ?"

Il était difficile de lire une quelconque expression sur leurs visages. Tous semblaient inquiets et mal à l'aise. Et il y avait effectivement de quoi.

Mais Emile semblait plus mal à l'aise encore que les autres...

[Echo]

- Je crois que je suis capable de faire la distinction entre un coup de feu et le bruit que fait une vieille maison, répondit-elle, un peu vexée qu'on mette ainsi sa parole en doute. Le comte gardait-il des armes ici ?

[Smidge]

Louis Marquand hésita un instant, lançant plusieurs regards inquiets en direction du majordome.

"Il me semble... il me semble en avoir aperçu un dans le coffre-fort, lorsque nous sommes allés chercher le testament hier soir, avec Emile..."

Tout à coup, le jeune garçon de la troupe de théâtre entra dans la salle de jeu, une inquiétude ostensible sur le visage.

"Vous avez vu Mylène ?"

[Echo]

- Et s'il me prenait l'envie d'aller vérifier si cette arme se trouve toujours là-bas, je verrai que c'est le cas, pas vrai ? demanda t-elle en posant un regard appuyé sur le majordome.

Elle se tourna ensuite vers Armand.

- Pas depuis le déjeuner, non.

Elle balaya la salle du regard : presque tout le monde était là, seuls Mylène et le jardinier manquaient à l'appel. Et vu la façon dont c'était passé son interrogatoire avec la jeune comédienne, la lieutenante avait elle aussi des raisons de s'inquiéter.

- Bon, séparons-nous et essayons de la trouver. Vous, dit-elle en désignant le majordome, vous venez avec moi.

[Smidge]

Emile la suivit sans protester, tandis que les invités s'exécutèrent rapidement, s'éparpillant par petits groupes dans tout le château. Le majordome semblait toutefois préoccupé, comme s'il cherchait quelqu'un du regard dans la foule qui commençait à disparaître par les marches.

"Mon dieu, Armand, que s'est-il passé ?, s'écria Nils en rejoignant le jeune homme. Mylène a disparu ?"
"Je ne sais pas, répondit-il d'une voix quelque peu affolée. Elle était... dans sa chambre je crois... ?"
"Il n'y a pas une minute à perdre !", s'écria Roland, qui les avait rejoint.

Le docteur Dupré intervint à son tour tandis qu'ils entreprenaient leur course.

"Je viens avec vous", lança-t-il.

[Smidge]

Gabrielle suivit les trois acteurs et le docteur jusque dans l'aile Nord. Le visage de Nils se figea tandis qu'il ouvrait la première porte sur sa droite dans le couloir.

"Mylène !, s'écria-t-il. Docteur, venez vite !"

Le docteur Dupré s'engouffra dans la pièce, suivi de Roland et d'Armand. Gabrielle fit quelques pas en avant, découvrant le corps sans vie de la jeune fille, une tâche rouge colorant son chemisier blanc.

"Suivez-moi, lança-t-elle au majordome. Vous autres, restez ici, je reviens tout de suite."

Il était temps de mettre la main sur l'arme du crime. Gabrielle avança dans le couloir, en direction des escaliers vers le bureau du Comte.

"Où étiez-vous juste avant que j'arrive dans la salle tout à l'heure ?, lui demanda-t-elle une fois qu'ils furent seuls. Qui d'autre que vous a accès au coffre-fort ?"
"Tout à l'heure ?, répéta Emile en brusquant le ton. Euh tout à l'heure... Bon dieu ! Mais qu'est ce que vous voulez que j'en s..."

Il s'interrompit soudainement, et émit un léger toussotement.

"Je suis... navré. Je ne voulais pas... J'étais donc en cuisine, j'ai déjeuné pendant que Marjorie et Yvette faisaient le service, après quoi je me suis occupé du service. Je suis ensuite monté avec les invités pour disputer une partie de bridge."

[Smidge]

"Et pendant la partie ?, insista Gabrielle. Vous n'avez pas... quitté la pièce... ?"

Elle le fixa dans les yeux, tandis qu'ils montaient dans la chambre du Comte.

"Ecoutez... Je vais faire simple. Que vous ayez tué cette jeune femme ou pas, c'est une chose. Mais si pour une raison quelconque, j'apprends que vous ne pouviez qu'avoir noté un évènement particulier, et que vous me l'avez caché... Je vous coffre pour entrave à la justice dans une affaire de meurtre. C'est bien compris ?"
"Que j'ai tu... Mais comment pouvez vous osez m'accusez ainsi !?, s'offusqua-t-il. Et sur ce ton qui plus est ! Le fait que vous soyez une femme n'excuse rien, nous sommes dans une maison réputée ici, et je vous prierai de surveiller votre langage ! Vous n'êtes pas dans une auberge ici, nous sommes des gens bien élevés !"

Il se redressa de toute sa hauteur, la toisant du regard.

L'inspectrice serra les poings et souffla lentement en se massant le visage. Les leçons de morale du majordome commençaient passablement à l'agacer.

"Je crois que vous ne comprenez pas bien..., soupira-t-elle, en veillant cependant à bien détacher chaque mot. Je vois clair dans votre jeu, vous savez. Je n'ai pas de preuve vous incriminant dans aucun des deux meurtres, mais je sais que vous cachez des informations. Pour quelles raisons ? Qui couvez-vous ? Je l'ignore, mais vous en cachez. Je crois que vous ne saisissez pas bien mes propos. En cachant ce que vous pourriez savoir, vous entrez au mieux dans l'obstruction d'enquête, si ce n'est dans la complicité. Et vous ne voulez pas être complice d'un meurtre, n'est-ce pas, monsieur Martineau... ?"

Ils arrivèrent enfin tous deux dans le bureau du Comte.

"Avant que vous m'ouvriez ce coffre-fort, je vais vous reposer ma question : avez-vous, oui ou non, noté quelque chose de particulier pendant votre partie de bridge ? Comme une absence impromptue par exemple ?"

Elle baissa d'un ton, enchainant sur une menace à peine voilée.

"Je l'apprendrai d'une façon ou d'une autre, vous savez. Tout comme je sais que l'assassin a rejoint la salle peu avant mon arrivée... Mais si je l'apprends de quelqu'un d'autre, et que vous ne pouviez pas ne pas le savoir..."

Gabrielle laissa sa phrase en suspens. Mais son ton ne laissait place à aucune ambiguïté.

"Dans... la mesure où on y met les formes, je n'ai jamais vu aucun inconvénients à répondre à vos questions, se reprit Emile d'un sourire pincé. Et pour vous répondre, donc, docteur Dupré s'est absenté en début de partie afin de prendre un peu d'air frais, et un certain temps après, Monsieur Gaston Chambernaud en a fait de même. Mais à vrai dire, c'est surtout le comportement de mademoiselle Stoän qui m'a interloqué... Elle semblait faire des recherches pour le moins... ésotériques."

Une goutte de sueur perla le long de la tempe dégarnie du majordome.

"Vous insinueriez donc que l'assassin était parmi mes partenaires de bridge ? L'un d'entre nous pourrait-il être assez stupide - ou assez fou - pour abattre de sang froid une jeune personne au su et aux yeux de tous ? Le départ inopiné de mes partenaires est un secret de polichinelle, vous savez, car toutes les personnes présentes vous diront la même chose que moi..."

Emile ouvrit enfin le coffre-fort. Et aux côtés des documents, de l'argent, et du vieux trousseau de clés... l'arme était toujours à sa place.