[Quête] Un vieux temple et beaucoup de sable

[Galathée]

Effectivement, cela ne servit à rien, et cela la détendit à peine. L'eau grondait toujours autant, noire et inquiétante, déferlant avec violence devant leurs yeux.
" Peut-être que c'est comme pour les squelettes, dit alors Gérold. Peut-être qu'il faut perdre le combat pour avancer."
Il avança vers l'eau, lentement, mais s'arrêta avant d'être trop près.
" Si on jetait le serpent dans l'eau ? Peut-être que ça marcherait ?"

[Claris de Corvimande]

« Je n'ai pas eu l'impression qu'on avait perdu le combat parce que tu avais juste reçu une éraflure. Et au cas où ça ne marcherait pas, je n'ai pas envie de voir la réaction du tas de serpents, là haut, en apprenant qu'on a bêtement sacrifié l'un des leurs. Mais si tu as envie de sauter à sa place, libre à toi. »

Claris se souvint en prononçant les dernières paroles de la situation quelque peu problématique de son compagnon, et ajouta précipitamment :

« Je plaisantais, hein ; ne prends pas de risques inutiles. »

Bon, bien sûr, les serpents, pas plus que le reptilien, n'avaient réagi à la mort du premier cobra – au contraire, à y réfléchir, il était même possible que ce soit sa mort qui ait provoqué la suite, bien que cela aurait aussi bien pu provenir de l'allumage de la lumière par Gérold, sans que la bête n'y ait eu une quelconque utilité.
Quoiqu'il en soit, Gérold semblait vouloir profiter de l'occasion pour se débarrasser d'une créature qu'il n'appréciait guère ; mais Claris avait au contraire pas mal d'affection pour le serpent, et n'avait pas particulièrement envie de risquer de s'en débarrasser.

Bon, il y avait peut-être une sorte de protection ; après tout, rien n'avait, jusque là, semblé présenter un danger véritablement mortel depuis qu'ils descendu l'escalier – à part, bien sûr, le vide autour d'eux –, mais risquer de perdre un membre de son groupe lui était particulièrement désagréable. On sacrifie des innocents, pas des compagnons utiles.

« Je suppose que tu ne connais pas de sorts d'invocations de créatures ? »

À tout hasard, Claris jeta un œil au contenu du sac ; l'espoir était bien mince, mais l'un des lambeaux de parchemins permettrait peut-être cela…

[Galathée]

" Si, je peux, en fait..." fit le jeune mage avec un demi-sourire.
Il s'apprêta à incanter, murmurant quelques mots à mi-voix, puis s'interrompit et dévisagea Claris.
" Mais que veux-tu ? Un oiseau pour franchir le torrent, un rat pour l'y noyer ou une pieuvre pour y nager ?"

[Claris de Corvimande]

« Et tu ne peux pas faire les trois bien sûr ? »

Claris sourit, l'air amusé. Évidemment, Gérold n'était pas son père ; il allait falloir faire avec des moyens magiques beaucoup plus limités que ceux que Reuel Iram de Corvimande aurait pu mobiliser. Mais cela ne faisait que rendre les choses plus intéressantes, en y ajoutant d'autant plus de défi. Soit ; puisqu'il fallait choisir…

« L'oiseau ne servirait à rien : il irait de l'autre côté, et alors ? Ça ne nous ferait pas traverser, nous. Il y a sûrement quelque chose qui va réagir et nous ouvrir le passage, et je doute que ceux qui ont conçu ceci se soient attendus à ce que l'on vole. C'est de l'eau, que parlait l'inscription, pas de l'air.
La pieuvre… pourrait-elle seulement nager dans ce courant ? Mais elle survivrait sous l'eau, sans doute. Non, ton idée d'origine pouvait être la bonne : noyer une créature là-dedans doit être ce qui a le plus de chance de faire réagir les lieux. Va pour le rat. »

[Galathée]

Gérold acquiesça puis se mit à incanter dans une langue gutturale, incompréhensible, relativement désagréable à l'oreille. Une fumée rouge et noire naquit subitement entre ses doigts et il la concentra dans ses paumes avant de la manipuler peu à peu, l'étirant et la façonnant. Il finit par souffler sur cette forme qui prit vie et devint un rat noir de bonne taille. L'animal resta perché entre les mains de Gérold et se mit à siffler avec agressivité en apercevant le serpent. Sissi le lui rendit bien en ondulant sur l'épaule de Claris, dressé.
" Bon, mais ces bestioles nagent bien, maintenant que j'y pense... dit le nécromant avec une grimace, caressant le rat sans y réfléchir. Il va falloir le lester avec quelque chose... ou l'assommer ?"
Il tendit la bête à Claris, désireux de ne pas se "mouiller" davantage.

[Claris de Corvimande]

« Tu as vu le courant ? Tu crois vraiment qu'il y a besoin de quelque chose pour l'empêcher d'arriver au bout ? »

Mais qu'il essaye. Ce serait amusant de le voir se débattre ; et si vraiment il y arrivait, eh bien… cela prouverait peut-être que la chose était faisable. Mais il y avait gros à parier qu'il finirait par se noyer, sans doute au terme d'une longue lutte… ce qui reproduirait sans doute fidèlement ce qui se serait produit pour l'un d'eux. Si la magie – ou quoi que ce soit d'autre – qui ouvrait ces portes attendait que l'on plonge la tête la première, c'est sans doute le rat indemne qui irait le mieux.

« Lance-le comme ça. »

[Galathée]

Gérold parut presque désolé de devoir sacrifier la bête qui avait servilement répondu à son appel. Mais il ne pouvait pas résister aux ordres de Claris, aussi caressa-t-il une dernière fois le rongeur hirsute avant de le lancer dans le courant. Le rat heurta la surface de l'onde avec un "plop" anodin, puis fut immédiatement emporté. Il n'y eut aucun spectacle, rien à observer. Quelques secondes plus tard, cependant, la rivière se calma brutalement et le niveau baissa. On en voyait désormais le fond au travers d'une eau limpide. Elle était relativement profonde, il faudrait se mouiller, voire nager, mais atteindre l'autre rive semblait désormais tout à fait possible.

[Claris de Corvimande]

« Eh bien… heureusement qu'aucun d'entre nous ne s'y est jeté… »

Le coup porté par le squelette, après tout, aurait aussi bien pu faire couler le sang en tuant, plutôt qu'en égratignant. Si la seconde série de portes exigeait déjà un mort… que serait la troisième ? Mais il était trop tard pour reculer.

« En tout cas, tu vois, il n'y avait pas besoin de l'assommer. »

Et, sans plus se préoccuper du rat, Claris revint auprès de l'eau. Bon, continuer la route après une trempette ne serait guère agréable, mais… il faudrait faire avec. L'enfant de Reuel se glissa précautionneusement dans l'eau, croisant intérieurement les doigts pour que ses habits mouillés ne révèlent pas certaines choses à Gérold ; puis se dirigea vers la suite du couloir. Il fallait bien avancer.

« Tu ferais bien de me suivre avant que le courant ne revienne… »

[Galathée]

L'eau leur monta rapidement jusqu'aux hanches mais Claris put se dessiner une trajectoire, de pierre en pierre, qui lui évita d'être mouillée jusqu'aux épaules. La rivière était glacée et elle se sentit transie, immédiatement. Gérold la suivit, incertain, et un peu moins adroit qu'elle, se retrouva rapidement trempé jusqu'au cou. Il ne se plaignit cependant pas à voix haute. Ils remontèrent de l'autre côté, sans encombres, et la Mélandienne entendit le jeune mage claquer des dents tant il faisait froid. Un petit vent puant leur souffla au visage, ne les séchant en rien.
La jeune femme avança alors jusqu'à l'escalier et entreprit de le gravir, pour constater que c'était un leurre : il n'y avait nulle issue, les marches s'interrompaient après quelques circonvolutions, débouchant dans le rien.

[Claris de Corvimande]

« Tout ça pour ça… »

Claris tremblait quelque peu ; ce n'était cependant rien, sans doute, à côté de ce que devait ressentir Gérold, qui, lui, s'était mouillé entièrement. La chaleur du désert lui manquait, d'un coup… mais il paraissait difficile de la retrouver avant d'avoir accompli ces épreuves. S'activer tiendrait chaud, au moins.

« Bon. On peut quand même supposer qu'on a passé l'eau, non ? Ce qui ferait de ce cul-de-sac la seconde épreuve de la lumière. Mais évidemment, ils ne nous ont pas laissé de bougies à allumer, cette fois. »

Telles que les choses évoluaient, que faudrait-il ? Un incendie ? Faute d'une meilleure idée pour l'instant – force était de reconnaître que, jusque là, son compagnon s'était montré beaucoup plus efficace pour comprendre ce qu'il fallait faire –, Claris entreprit d'examiner les lieux. Il faudrait bien qu'il y ait un indice quelque part…

« Éclaire-moi, ce sera toujours ça de lumineux. »

[Galathée]

Le jeune mage approcha la flamme de Claris, l'aidant à examiner minutieusement tous les recoins de la grotte où ils se trouvaient désormais. Mais il n'y avait rien à voir et rien ne se produisit. Les marches demeuraient poussiéreuses, inertes, ne menant nulle part, et la pierre était brute, sans la moindre inscription ou signe qui eut pu les guider. Alors qu'ils continuaient leur recherche minutieuse, ils entendirent soudain un petit bruit derrière eux. Ils se retournèrent pour apercevoir, grimpant sur le roc en bordure de l'eau, le rat ventru qu'avait invoqué Gérold quelques instants plus tôt. Il s'ébroua, générant un petit nuage de gouttelettes froides, puis les examina un instant, moustaches frémissantes.

[Claris de Corvimande]

« Tiens, il est toujours là, celui-là ? »

La survie du rat était assez… surprenante. Peut-être ces épreuves n'étaient-elle pas si terrible, après tout. Enfin… il faudrait voir la troisième. Pour l'heure, ça ne résolvait pas vraiment leur problème.

« Bon. Si on est à l'épreuve de la lumière, et vu comme c'est parti, on peut toujours essayer de voir comment éclaire un rat mouillé qui brûle. Mais après tout, on n'a fait que traverser l'eau, en restant au même endroit ; c'est moins que d'habitude. Ça peut tout aussi bien vouloir dire qu'on n'a pas vraiment fini cette épreuve. Qu'en dis-tu ? Déjà lumière, ou toujours eau ? »

Claris retourna auprès de l'eau… maintenant qu'elle était devenue claire et transparente, il était possible de chercher, du regard, s'il n'y avait pas quelque chose au fond qui n'aurait pas encore été remarqué. Peut-être aurait-il été plus malin de se poser la question avant de se mouiller, mais aurait-il été possible de savoir à ce moment que la porte n'était pas encore ouverte ?

[Galathée]

" Tu m'en demandes beaucoup... dit Gérold en s'approchant à son tour. Je dirais que vu qu'on n'a pas réellement atteint de nouveau lieu, c'est peut-être toujours l'épreuve de l'eau..."
Le rat, reconnaissant en son maître l'homme qui l'avait si douloureusement jeté dans l'eau froide, sauta à nouveau dans la rivière pour lui échapper. Il resta là, à les regarder un moment, puis s'en alla en nageant, suivant le fil de l'onde puis plongeant pour quitter la salle.
" Aaah pitié, elle aurait pu être tiède, au moins..."

[Claris de Corvimande]

« Hùm… tu n'étais pas censé le contrôler, ou quelque chose comme ça ? »

Bon, il s'était sauvé, une fois de plus ; cela ferait un repas de moins pour Sissi, sans doute. À moins que…

N'était-ce pas déjà par là que ce rat était parti la fois précédente ? Peut-être s'agissait-il d'une sorte de circuit fermé ? S'il semblait une fois encore revenir de là où il était tombé, cela vaudrait peut-être le coup d'aller voir par ce trou.

En attendant, Claris hésita un instant, puis commença à se mouiller de nouveau. Au point où on en était…

« Attends-moi là : si le courant revient, inutile que l'on se noie tous les deux… »

L'eau froide était en effet très désagréable, surtout quand on était, comme eux, habitués à la chaleur du désert ; mais rester sans bouger sur la berge avec les habits trempés ne l'était pas moins.
S'il y avait encore quelque chose à faire, c'est dans l'eau que cela se passerait ; et ce ne serait sans doute qu'ainsi que Claris le trouverait…

[Galathée]

" J'étais sensé le contrôler mais depuis que je l'ai jeté à la flotte, j'ai l'impression qu'il ne m'aime plus trop." grommela Gérold.
Il resta sagement sur la berge tandis qu'elle faisait à nouveau trempette, frissonnant par empathie. Sissi, perchée sur l'épaule de la jeune femme, semblait peu motivé à l'idée de s'essayer à la natation. Claris demeura immobile dans l'eau pendant quelques minutes, mais le froid qui la saisit était tellement intense qu'elle comprit qu'elle ne pourrait demeurer là bien longtemps. Il y eut alors quelques bulles à la surface de l'eau, et le rat réémergea, revenant en marche arrière, à contrecourant. Apercevant la Mélandienne et son compagnon reptilien, il redisparut aussitôt.
" A mon avis... Il faut plonger, dit alors Gérold avec un soupir. Cette rivière souterraine doit mener quelque part... Pour autant qu'on parvienne à retenir notre respiration suffisamment longtemps. Tu sais nager ?"

[Claris de Corvimande]

HRP : censé

C'était heureusement le cas – même si le faire dans une eau aussi froide serait assurément une première. La suggestion était bonne – elle corroborait d'ailleurs ses pensées précédentes – mais l'eau était vraiment froide ; Claris dû revenir sur la rive et se secouer pour se réchauffer avant de songer à la mettre en œuvre. Un instant, la tentation lui vint de profiter de la situation pour envoyer Gérold à sa place… mais le collier d'esclave qu'il portait rendait la chose périlleuse : que ferait-il, seul au fond, s'il avait besoin d'un ordre explicite ? Tant pis pour son confort : mieux valait encore avoir froid que de perdre un auxiliaire des plus utiles.

Une fois le peu de chaleur possible récupéré, Claris vint caresser doucement le serpent.

« Sissi ? Je vais mettre la tête sous l'eau. Si tu ne veux pas te mouiller, tu ferais mieux de m'attendre là. »

Attendant que le serpent descende, Claris observa ses deux compagnons avec l'air d'un adulte s'adressant à deux enfants – chose assez ironique, compte tenu de son jeune âge.

« Je vous préviens : si vous vous battez, je vous tue tous les deux en ressortant. »

Il fallait maintenant se préparer psychologiquement à l'épreuve qui l'attendait. Plonger, nager… et aviser.

[Galathée]

Le serpent était remonté sur la berge, au moment où Claris mit la tête sous l'eau. La température de l'onde manqua lui couper le souffle et elle se mit en mouvement pour contrer son effet meurtrier. Ses vêtements gorgés d'eau lui collaient au corps et elle devina assez rapidement qu'il allait être très malaisé de dissimuler certains aspects de son anatomie à son compagnon. Mais ce n'était pas ce qui l'occupait en premier lieu : elle se laissa porter par le courant. La rivière entrait dans un tunnel sombre, et il était possible, effectivement, qu'il mène quelque part. La question était de savoir si ce quelque part n'était pas trop loin pour la capacité de ses poumons. Mais elle tenta la chose, espérant pouvoir estimer le moment où il serait nécessaire de faire demi-tour pour sauver sa vie. Elle s'engagea donc dans le conduit en retenant sa respiration, s'aidant de ses mains pour se guider sur la pierre.
A peine avait-elle parcouru quelques mètres, cependant, que le courant s'accéléra brusquement et la poussa dans le dos. Elle ne put se retenir et fut entraînée. Sa poitrine l'élança fortement. Elle vit des éclairs rouges. Elle eut envie d'ouvrir la bouche pour reprendre de l'air et avaler, immanquablement, de l'eau. Et puis le courant la repoussa vers le haut, son visage fendit la surface, et elle put reprendre une goulée d'oxygène salvateur. La rivière était à nouveau calme, comme s'il ne se fut rien passé. Il faisait très noir mais un fin rai de lumière, provenant du haut, lui permit peu à peu de deviner les contours d'une vaste grotte au coeur de laquelle trônait un petit lac silencieux, celui où elle flottait à présent.

[Claris de Corvimande]

Le premier réflexe de Claris fut de gorger ses poumons de cet air bienfaiteur qui avait commencé à lui manquer. Pendant quelques instants, rien d'autre ne fut possible que de reprendre simplement son souffle. Puis le froid reprit le dessus, l'incitant à reprendre la nage.

Où diable était-elle passée ? Oui, elle : cela n'aurait désormais plus laissé le moindre doute à quelqu'un qui la regarderait. Les inconvénients de la baignade… Avant de se préoccuper de la réaction qu'aurait Gérold à ce sujet, il fallait d'abord trouver comment le rejoindre. Et cela même n'était pas prioritaire : il fallait en tout premier lieu sortir de cette eau, se réchauffer, et se reposer un instant après l'épreuve qu'elle venait de subir.

Exténuée, Claris se dirigea dans la direction dans laquelle le peu de lumière lui laissait deviner la paroi la plus proche, espérant qu'il s'y trouverait un rebord sur lequel remonter. Sinon, il faudrait longer cette paroi jusqu'à en trouver un…

[Galathée]

En avançant vers la source de lumière, elle réalisa rapidement qu'elle avait pied, puis qu'elle approchait d'un semblant de rive. Elle s'extirpa de l'eau et l'air était encore plus glacé que la rivière. Elle éternua presque aussitôt et fut ébranlée par un frisson. Elle aperçut alors, sous la lumière ténue, grise, qui venait d'un endroit incertain très loi, très haut, qu'il y avait une grosse pile de bois, formant un semblant de bûcher. En s'approchant, elle sentit qu'il était imbibé d'huile ou d'une autre substance du même genre, dégageant une odeur forte.

[Claris de Corvimande]

C'était bien le moment de prendre froid… saleté de temple.

Avoir repris pied sur la terre ferme avait quelque chose d'inespéré ; même si, évidemment, les vêtements mouillés n'arrangeaient rien à la température glaciale. Un bon feu serait vivement bienvenu…

Et voilà que, comme en écho à ses pensées, se dressait maintenant tout le nécessaire pour en faire un. Ne restait qu'à l'allumer… peut-être était-ce bien la seconde épreuve de la lumière, finalement. Encore fallait-il espérer qu'il y ait un autre moyen de remonter vers le palier où se trouvait Gérold que d'y aller à la nage…

Mais le froid était trop intense pour penser à ce genre de choses ; Claris avait besoin de ces flammes, et vite. Évidemment, le jeune mage avait gardé la torche, qui n'aurait de toute façon pas survécu à la nage. L'épée et le sac pris aux squelettes, également, avaient été laissés en arrière, pour éviter qu'ils ne gênent ses mouvements.

Mais Claris avait, précaution élémentaire, conservé ses dagues. Le métal, correctement frotté contre la roche, pourrait produire l'étincelle requise pour allumer le brasier. L'enfant de Reuel entreprit de le faire aussitôt – mais les tremblements causés par le froid ne lui faciliteraient sans doute pas la tâche.

[Galathée]

Il faisait terriblement froid. Les vêtements trempés de la jeune femme l'emprisonnaient dans une gangue de glace et elle avait la sensation que ses doigts s'engourdissaient de seconde en seconde. Mais la technique qu'elle s'était choisie était prometteuse : une première étincelle surgit, sans effet malheureusement, une seconde, une troisième, et elle parvint à obtenir une petite flamme. Le bûcher s'embrasa alors en une seule fois, dans une sorte de cri assourdissant, déluge de lumière et de chaleur, qui la força à faire un pas en arrière en se protégeant les yeux. Les flammes continuèrent leur course, grignotant d'autres tas de bois que l'obscurité avait dissimulés au regard : bientôt toute la grotte fut en flammes, dans un entrelacs de brasiers disséminés un peu partout, comme un grand labyrinthe de feu. Claris n'avait plus froid. Mais elle risquait d'être rapidement cuite.

[Claris de Corvimande]

Ah, voilà qui était mieux. La puissance du brasier avait quelque peu dépassé ses espérances, obligeant à une retraite préventive, mais dans quelques instants, au moins, ses habits auraient eu le loisir de sécher quelque peu, et… quoi ?

En moins de temps qu'il n'en avait fallu pour formuler ces quelques pensées rassurantes, l'honnête source de chaleur était devenue un danger mortel. Cela avait été trop beau, sans doute, et Claris aurait peut-être dû sentir venir un piège… mais le froid avait engourdi son esprit et endormi sa méfiance.

La fatigue et la panique n'aidèrent pas l'enfant de Reuel à recouvrer ses moyens. En fait, l'action suivante ne fut pas réfléchie le moins du monde : son esprit était encore en train de tenter de se remettre de sa stupeur, que son corps avait réagit par réflexe : replonger, aussi désagréable que cela soit, et s'enfuir aussi vite que possible en direction de la seule sortie connue…

[Galathée]

Claris put remonter la rivière sans difficultés. Le courant demeura tranquille, jouant doucement contre son effort, sans réellement le perturber. Mais sans l'aide de l'eau, justement, le conduit était beaucoup plus long, et la jeune femme fut à nouveau à deux doigts de perdre connaissance dans l'étau glacé du torrent. Elle émergea juste après le tunnel, dans un semblant de cri. Gérold et Sissi se tenaient sur le bord de l'eau, à bonne distance l'un de l'autre, en guettant la surface, et le jeune mage poussa un soupir de soulagement en voyant le visage de la jeune fille émerger.
" Bon sang, j'ai cru que tu étais mort !" lâcha-t-il spontanément.
La Mélandienne vit qu'il essayait de faire un mouvement, peut-être vers elle, mais il porta la main à sa gorge et demeura bloqué sur la berge, luttant un instant puis renonçant. Un soupir misérable s'échappa de ses lèvres.

[Claris de Corvimande]

De nouveau, Claris dut passer un long moment à reprendre son souffle, avant que le froid ne contraigne ses muscles à reprendre leur activité. L'enfant de Reuel se hissa tant bien que mal sur la rive, dans un état d'épuisement particulièrement avancé.

Son premier réflexe fut de s'allonger un instant, sans même avoir la présence d'esprit de chercher à dissimuler à Gérold des formes que ses habits, trempés, ne couvraient plus. En fait, ce point-là lui était, pour l'instant, totalement sorti de l'esprit.

« Ouais, moi aussi… ça a marché, au moins ? »

Dans quelques instants, Claris se relèverait et irait voir en personne s'il était possible de poursuivre. Mais c'était, dans l'immédiat, impossible.

[Galathée]

Gérold ne dit d'abord rien, ne bougea pas d'un pouce, puis elle l'entendit pousser un léger cri. Il se déplaça ensuite rapidement et revint quelques secondes plus tard.
" C'est... c'est toujours la même chose... Les marches ne donnent sur rien..."
Sa voix était légèrement assourdie. Il faisait terriblement froid, toujours, une sensation douloureuse et mordante, qui lui broyait les muscles et les tempes, la peau partout.
" Est-ce que tu as... vu quelque chose ou été quelque part ? Il n'y avait pas une sortie de ce côté-là ?"
En fait, il y avait une pointe de surprise, dans son ton. Plus que de la surprise, peut-être.

[Claris de Corvimande]

Plus le temps s'écoulait, plus le froid rendait l'immobilité désagréable ; il était impératif d'apporter à ses muscles la chaleur que l'eau leur avait prise. Le brasier, de l'autre côté, aurait très bien fait l'affaire, s'il n'avait pas été si dangereux…

Au prix d'un grand effort de volonté, Claris parvint à se remettre debout, et à secouer quelque peu ses vêtement trempés.

« Ça n'a pas bougé ? »

Il avait fallu à Claris un instant pour réaliser ; mais au moins, à présent, la colère lui redonnait quelque peu d'énergie. Tout ça, pour rien ? Ce temple et ses épreuves incompréhensibles commençaient sérieusement à lui taper sur les nerfs.

« Il y avait… un brasier à allumer. Comme les bougies, mais en plus gros. Tellement gros que ça flambait dans tous les sens, j'ai fais demi-tour avant de finir en cendres. »

Claris se dirigea vers le passage pour vérifier de ses propres yeux. Ce n'était pas possible…
Ce ne fut qu'en marchant que son esprit se désengourdit assez pour remarquer, rétrospectivement, le cri, puis le ton curieux adopté par Gérold.

« Il y a un soucis ? »

[Galathée]

Gérold s'empourpra comme le regard furieux de Claris se plantait dans le sien. Il porta la main à sa gorge puis baissa précipitamment les yeux.
" Je... heu... non... C'est juste, hum... Je n'avais pas réalisé que tu... étais une fille, fit-il. Pas que... heu... ça change quoi que ce soit, bien sûr, mais... c'est... c'est juste une surprise... Et j'imagine que tu n'as pas de soeur, non plus..."
Il plongea le visage dans sa main.
" Je suis désolé si je t'ai manqué de respect, en quoi que ce soit, depuis que nous nous sommes rencontrés. Je n'avais pas l'intention d'être inconvenant."

[Claris de Corvimande]

Claris réalisa alors l'état de sa tenue, et ce qui allait avec. Et le rouge lui monta aux joues… ce qui n'atténua cependant pas sa colère envers ce fichu temple, au contraire : la gêne occasionnée par la situation présente n'était qu'un autre des aléas de ces épreuves grotesques autant qu'épuisantes.

Ce pauvre Gérold n'y était pas pour grand chose. L'enfant de Reuel se retourna vers son objectif initial – ce qui, en outre, éviterait des croisements de regards plus gênants encore. Ce qui ne l'empêcha cependant pas de bougonner :

« Ça va… mais garde ça pour toi, okay ? »

Si seulement cette fichue passerelle avait pu choisir cet instant pour se manifester…

[Galathée]

" Bien sûr." souffla Gérold, embarrassé.
Il se rapprocha d'elle, en conservant à nouveau une distance de sécurité. Sissi avait repris sa place, en dépit de l'épaule gelée de la jeune femme.
" Ne penses-tu pas... que... que le chemin pourrait être ce conduit que tu as emprunté et que... J'imagine... que désormais, ce brasier doit s'être calmé... Il ne peut se consumer à jamais... Enfin, sauf s'il est magique, bien sûr... Mais que c'est quand même dans cette grotte que doit se trouver la sortie ? Si tu le désires, je veux bien essayer de m'y rendre... et j'aviserai et... est-ce que tu veux ma chemise, tu as l'air de mourir de froid... ?"

[Claris de Corvimande]

La chemise était tentante, mais soit il aurait fallu se dévêtir, ce qu'il était hors de question de faire devant Gérold, soit ses propres habits l'auraient de nouveau trempée en rien de temps, et cela n'aurait servi à rien. Et même dans la première hypothèse, sa peau non plus n'était pas sèche. Et puis, Claris avait sa fierté.

« Pas de galanterie mal placée, tu veux ? Je tiendrai le coup. Il suffit de bouger… et de ne surtout pas retourner là-dedans. »

Claris adressa à l'étendue d'eau un regard noir. Après l'épreuve subie à l'instant, éviter toute forme de bain pendant plusieurs jours serait certainement une bonne idée. Si c'était seulement possible.

« Je n'ai rien vu qui ressemblait à une sortie là-bas, de toute façon. Et puis, celle-ci n'est quand même pas là pour rien… »

Certes, Claris n'avait pas prit le temps d'examiner les lieux ; mais retourner une troisième fois dans ce passage, c'était trop. D'autant que Gérold et Sissi auraient eux aussi des difficultés à passer, et que…
Entre colère et désespoir, Claris porta de nouveau le regard vers le vide, implorant les dieux d'y faire apparaître quelque chose…