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Posté : dim. 17 mai 2015, 23:39
par Claris de Corvimande
« Disons que je fais en sorte que que la future génération de la maison d'Archelieu soit en mesure de se garder elle-même. »
“Gail” se pencha légèrement vers son interlocuteur, d'un air conspirateur.
« Ce qui, vous en conviendrez, présente le mérite d'être aussi utile qu'intéressant… »
Son attitude, en réaction au mépris affiché, fut à la limite en celle d'une personne supérieure condescendant à venir s'intéresser aux activités du bas peuple.
« Mais je vous en prie, expliquez-moi ce qui distingue les gardes d'honneur. »
Posté : lun. 18 mai 2015, 10:58
par Taliesin
Antin marqua une hésitation puis retrouva son attitude naturelle et arbora même un air soucieux. Il semblait que le jeu soit sinon terminé, au moins mis en pause.
-Rassurez-moi, Claris... Vous n'entendez pas réellement jouer ainsi votre personnage ? Je conçois que cela soit amusant, mais cela risquerait de vous valoir de sérieus ennuis. Déjà, un roturier se comportant de la sorte avec un noble, fut-ce un nobliau, pourrait bien recevoir le fouet. Ensuite, une telle attitude chez un ancien bourgeois ruiné et tiré du ruisseau par un maître d'armes dont il n'était devenu que l'assistant, c'est-à-dire qu'il était loin de jouer le premier rôle dans la formation des jeunes seigneurs... C'est juste déplacé. Les Valombre et la majeure partie de leur domesticité risquent même de le juger insupportable.
Il s'atait fait très sérieux.
-Honnêtement... Même si Gail parvenait à se faire recruter malgré cette... suffisance éhontée, ce qui n'est pas gagné, il se ferait paser à tabac par l'un ou l'autre garde avant la fin de la première journée. Rebelotte le lendemain, sans compter la flagellation s'il a ne serait-ce qu'un tant soit peu manqué de respect à un aristocrate. Et le surlendemain, ce sera probablement le renvoi. Dans le meilleur des cas. Bref : si un jeune membre de la noblesse, aussi dépourvu de talent soit-il, peut se permettre de jouer les petits cons arrogants - et malheureusement, nous risquons d'en croiser beaucoup de ce genre là où nous allons -, un roturier amené à les fréquenter ne peut s'offrir ce luxe, sauf à vouloir connaître de très désagréables expériences.
Posté : lun. 18 mai 2015, 17:19
par Claris de Corvimande
Claris éclata de rire, avant de retrouver son attitude habituelle.
« Mes excuses, mais nous étions entre nous, et c'était trop tentant. »
Son ton redevint sérieux.
« Il va sans dire que Gail ne se comportera pas ainsi, ne serait-ce que parce que je ne pourrais pas me forcer aussi longtemps. Contrairement à ma mère, je ne suis pas barde : je doute de pouvoir rester crédible bien longtemps si le caractère de mon personnage n'est pas en accord avec le mien. »
S'il lui arrivait de présumer un peu trop de ses capacités martiales, de Corvimande n'avait que trop conscience de n'être pas au fait de toutes les subtilités sociales – sur ce point, c'était à son oncle, bien davantage qu'à son père, qu'allait la ressemblance –, et ce n'était pas sur ce terrain qu'il lui plairait de prendre de réels risques.
Posté : mar. 19 mai 2015, 14:39
par Taliesin
Le sieur de la Noirelande resta quelques instants à la fixer puis acquiesça.
-Très bien. Désolé de ne pas avoir compris qu'il s'agissait d'une plaisanterie. Pour ma défense, j'avancerai que je ne vous connais pas encore très bien. De surcroit, il serait très tentant de se comporter avec les Valombre comme vous venez de le faire, tant ils sont arrogants. Et cela sera plus tentant encore lorsque nous aurons été confrontés à eux depuis un certains temps... Mais il nous faudra prendre sur nous. Le jeu en vaut la chandelle, cependant !
Posté : mer. 20 mai 2015, 00:28
par Claris de Corvimande
« Pour vote défense, disons aussi que, si je n'avais pas été un minimum crédible, ça aurait été beaucoup moins drôle.
Pour le reste, ne vous en faites pas : des gens aussi arrogants, mais que leur position dans la hiérarchie ne permet pas de les remettre à leur place, les hautes sphères mélandiennes en sont remplies. Les Valombre ne peuvent pas être pires que les Foudresol, par exemple… »
Si ladite famille, haut placée parmi les vassaux de la Maison de Morneroc, avait quelques cercles communs avec les de Corvimande, il était en revanche peu probable qu'Antin, nouveau venu en ville, en ait une connaissance approfondie.
« Bon, je reconnais que devoir porter une robe à chaque fois qu'on les rencontre me les rend encore plus désagréable. »
Après un frisson de dégoût, Claris revint prestement au sujet de la conversation.
« Assurément, pour les Valombre, le jeu en vaut la chandelle. Imaginer ce qui restera de leur arrogance après notre passage sera un bon moyen de la supporter. »
Et la lueur mauvaise dans son regard à ces mots était loin d'être feinte.
Posté : mer. 20 mai 2015, 16:52
par Taliesin
-Je ne manquerai pas de l'imaginer. Comme je ne manquerai pas d'imaginer ni leur chute, ni ce qu'ils ressentiront au moment où elle se produira...
Il eut un sourire en coin et ajouta, d'un ton non dépourvue d'une certaine espièglerie :
-Cependant, après ce que vous venez de dire, je crois de ne pouvoir m'empêcher, non plus, de vous imaginer participant à l'une de ces mondanités en robe de soirée... J'en regrette presque que vous ne postuliez pas auprès des Valombre pour un poste de dame de compagnie...
Posté : mer. 20 mai 2015, 23:50
par Claris de Corvimande
Humpf. C'était sans doute de bonne guerre. Mais il n'empêchait.
« Évoquez encore une fois ce sujet et vous n'assisterez jamais à la chute des Valombre, ni à celle de quelque autre maison que ce soit. »
Le ton était ferme et sans appel. Il y avait des choses avec lesquelles nul n'était autorisé à plaisanter, encore moins au sein du manoir de Corvimande.
Posté : jeu. 21 mai 2015, 12:41
par Taliesin
Antin, sans broncher le moins du monde, la regarda droit dans les yeux.
-Petit conseil d'ami : avant de proférer une menace, assurez-vous d'avoir les moyens de la mettre à exécution, répondit-il tranquillement. En l'occurrence, vous n'avez pas droit de vie et de mort sur moi, et aucune prise sur la réalisation ou non de cette expédition. Les paroles que vous vvenez de prononcer sont donc totalement creuses. Elles dénotent juste que j'ai touché un point sensible. Pour cela, et pour cela seulement, je suis désolé.
Une chose était certaine : il n'était pas du genre à se laisser impressionner.
Posté : jeu. 21 mai 2015, 17:15
par Claris de Corvimande
« Vous me sous-estimez. »
Claris lui adressa un sourire mi-mystérieux, mi-moqueur.
« Je conviens volontiers que les efforts à déployer seraient quelque peu disproportionné ; néamoins, ne doutez pas que je parviendrais à mes fins si je décidais de mettre une telle menace à exécution. De la même manière que, je n'en doute pas, vous parviendriez à vos fins si la situation était inversée et que j'écornais un peu trop quelque chose. Au moins, en ce qui me concerne, vous savez ce dont il s'agit. »
Antin l'ignorait vraisemblablement, mais en soi, le fait de recevoir une telle menace était un signe de respect certain : effectivement, cela révélait un sujet sensible, aussi leurs destinataires n'étaient que des personnes se montrant susceptibles de le prendre en compte. Le premier à se voir ainsi menacé avait été un certain Antel-Cregon, à une époque où un éventuel duel entre eux aurait été encore plus disproportionné qu'il ne l'aurait été présentement – Claris était très loin d'arriver à la cheville du Chevalier Noir en terme d'habileté au combat, mais son niveau avait néanmoins beaucoup progressé depuis cette époque –, et celui-ci n'avait effectivement plus jamais abordé le sujet.
Posté : ven. 22 mai 2015, 16:29
par Taliesin
Antin la fixa un long moment. Il avait l'air... déçu.
-Oui, je le sais désormais, répondit-il, grave. Mais cela m'amène à me dire que votre vie a été décidément bien douce pour que vous considériez que quelqu'un osant dire qu'il se demande à quoi vous ressemblez en robe de soirée mérite la mort : est-ce que cela ne vous paraît pas un tantinet... disproportionné ? Car, croyez m'en, il existe en ce bas monde bien des choses plus graves...
Il secoua la tête.
-Et pour être totalement franc, votre réaction m'amène à m'interroger sur votre sens des priorité. En menaçant de mort, pour une broutille, quelqu'un avec qui vous êtes censée faire équipe pour éliminer une famille rivale de la vôtre... Vous semblez placer votre égo avant l'intérêt de votre maison. Et cela, je l'avoue, ne vous grandit pas.
Posté : ven. 22 mai 2015, 17:36
par Claris de Corvimande
« Il existe, pour ces choses, des sorts bien pires que la mort. »
Le ton de Claris s'était fait davantage pensif. Ils avaient fini par aborder, sans doute, un sujet d'une extrême importance : celui de leur compréhension mutuelle.
« Peut-être vous dois-je des excuses : puisque vous êtes arrivés ici en compagnie de mon oncle et de ses hommes les plus proches, je réagis comme si vous connaissiez ma famille aussi bien qu'eux. Or, sans connaître certains éléments, je conçois que nous vous semblions bien étranges, comme c'est sans doute le cas de toute famille.
Nous servons Jergal. La mort fait partie de ce que nous sommes, et ses mystères sont ce qui nous entoure. Combien de gens meurent, de main d'homme ou de causes plus naturelles, pour des raisons des plus absurdes ou insignifiantes ? Ici, une dispute à propos d'un sujet anodin dégénérera, et un simple coup de trop partira. Là, un mauvais pas conduira à une chute mortelle. Ce sont ceux qui meurent pour de grandes raisons qui sont l'exception.
Vous êtes vous déjà demandé ce qui pousse nos semblables à tuer ? Vous seriez surpris du nombre de ceux qui seraient, consciemment ou non, prêts à donner la mort pour des raisons que vous qualifieriez de broutilles, tout en refusant de le faire pour ce que vous envisagez comme de véritables raisons. C'est que la mort n'est pas le châtiment suprême que beaucoup imaginent : elle est simplement la fin de l'existence, le saut dans l'inconnu, qui frappe souvent par surprise et jamais vraiment de la façon dont on l'attend.
Mais tout mystère contient ses parcelles de connaissances. Savoir pour quoi quelqu'un tue, c'est connaître cette personne bien mieux que par n'importe quelle autre information. Je sais pour quelles raisons, pour quelles infimes broutilles mon père, ma mère, mon oncle ou ma demoiselle de compagnie me tueraient, et c'est ce qui me permet de leur faire confiance. J'en ai reçu l'avertissement sans ambiguïté, ni crainte. Si je devais transgresser l'une de ces lignes et néanmoins rester en vie, alors seulement je commencerais à en avoir peur.
Être prêt à confier sa vie à quelqu'un, c'est aussi être prêt à lui confier sa mort. Et il m'apparaît impossible de mieux servir ma famille qu'en m'assurant que ceux qui vont devoir jouer son jeu en connaissent les règles. »
Posté : sam. 23 mai 2015, 10:31
par Taliesin
-Merci de m'avoir exposé cette philosophie, répondit Antin. J'aurais néanmoins quelques questions à vous poser... J'espère qu'elles ne vous offenceront pas : ce n'est pas le but. Je souhaite simplement comprendre.
De fait, son ton était très sérieux et en rien moqueur.
-Vous avez dit que votre père, notamment, serait prêt à vous tuer pour d'infimes broutilles. Or, vous êtes son unique héritière, n'est-ce pas ? Vous êtes même l'unique héritière de la maison de Corvimande tout entière... Dois-je en déduire qu'il serait prêt, pour une raison futile, à ruiner les efforts qu'il déploie depuis des années pour assoir et accroître la place de votre famille, ainsi que les efforts qu'ont déployé, dans le même but, ses prédécesseurs ? Car une puissante lignée noble privée d'héritier est terriblement fragilisée... voire condamnée, car il n'est pas toujours simple de remédier à cette situation.... Alors certes, j'admets mal connaître votre père et mal connaître votre religion. Néanmoins, ce que vous me dites colle assez mal avec l'image que je me faisais de lui...
Posté : sam. 23 mai 2015, 16:51
par Claris de Corvimande
« Laissez-moi vous conter ce que nous considérons comme un exemple illustre de notre histoire familiale. Cela se passait il y a quelques siècles, lorsque le seigneur de Corvimande en titre était mon ancêtre Deonis. Celui-ci avait décidé d'élargir le domaine familial, et avait envoyé ses troupes prendre possession de plusieurs fermes alentours. Si certains paysans se mettaient en tête de résister, l'ordre était donné d'incendier entièrement leurs demeures, sur lesquelles on rebâtirait plus tard ; et de réduire ceux des rebelles qui ne périraient pas au combat à l'esclavage. Une famille résista plus que les autres, obligeant Deonis lui-même à mener l'assaut. Lorsque ce fut terminé, il ne restait de la famille détruite que le plus jeune de ses fils, âgé d'à peine douze ou treize ans, mais qui avait néanmoins combattu aux côtés de ses frères, qu'il avait vu tomber l'un après l'autre.
L'enfant se nommait Flouard. Après l'avoir fait prisonnier, Deonis lui demanda ce qu'il préférait entre devenir esclave et rejoindre les siens dans la mort. Il répondit que c'était au vainqueur de choisir, mais que s'il restait en vie, jurait-il sur les dieux, il finirait par tuer de ses mains le responsable. Mon ancêtre répondit qu'il n'en attendait pas moins, et opta pour l'esclavage, comme il l'avait d'abord annoncé.
L'incident passa pour à demi oublié, et Flouard fut un esclave comme un autre au sein de notre maison durant plusieurs années. Un jour, cependant, Deonis le convoqua devant lui, et lui demanda si, puisqu'il n'avait encore rien tenté, il avait renié son serment. L'autre lui répondit qu'il le tuerait bien, mais qu'il le ferait au moment que lui seul aurait décidé. Mon ancêtre s'amusa alors à le provoquer en lui donnant de multiples occasions de passer à l'acte : rapidement, Flouard devint son esclave le plus attitré, celui qui lui préparait ses médecines lorsqu'il était malade, qui l'accompagnait dans ses déplacements. Quand une guerre éclata, ils partirent au combat ensemble : Flouard sauva plusieurs fois la vie de Deonis.
Vingt ans s'écoulèrent ainsi sans qu'il ne passe à l'acte. Et puis, un matin, on trouva Deonis étranglé dans son lit. Flouard était demeuré aux côtés du cadavre, parfaitement serein, déclarant aux gardes qui l'arrêtèrent qu'il était désormais prêt à rejoindre les siens dans la mort. Nul ne sut jamais pourquoi il avait choisi cette nuit-là parmi toutes les autres : on l'interrogea plusieurs fois, mais il se borna à répondre qu'il avait attendu que le moment soit venu.
La fille aînée de Deonis, qui succéda à son père, refusa de se venger sur le meurtrier de celui-ci. Elle l'affranchit au contraire, et lui proposa de demeurer à son service. Il y demeura encore plusieurs années, jusqu'à ce qu'il finisse par mourir de cause naturelle ; et on l'enterra là où s'était trouvé la demeure de sa famille, avec les honneurs dûs à celui qui a servi les desseins de notre dieu. »
Claris se tut un instant, avant de revenir au présent.
« Mon père sait se montrer aussi froid et patient que ne l'était Flouard. Les morts qu'il promet sont rarement des morts imminentes. S'il devait me tuer, il le ferait assurément ; mais sans doute attendrait-il pour cela que mon oncle ou moi-même ayons donné à la maison de Corvimande une descendance. »
Posté : lun. 25 mai 2015, 18:06
par Taliesin
-En premier lieu, l'histoire est intéressante, répondit Antin. J'avoue que certains des faits dépeints me laissent perplexe mais j'imagine que son but est avant tout symbolique.
Il se frotta le menton, pensif.
-Si l'on se place du point de vue de l'esclave, sa vengeance était des plus légitimes : le motif en était sérieux, pour le moins. Mais par conséquent, j'ai un peu de mal à concilier ce récit avec nos échanges précédents, qui touchaient à des vengeance tout aussi radicales et cependant liées à des faits insignifiants.
Il haussa les épaules.
-Peu importe, au fond : je n'ai pas la prétention de comprendre, en une conversation, une philosophie qui m'est totalement étrangère. En revanche... Est-ce que vous vous rendez compte que, connaissant les grandes lignes de celle-ci, il est très ardu de vous faire confiance ? Vous m'avez quand même dit que vous et les vôtres étaient dans l'absolu prêts à vous entretuer pour des broutilles et puisque vous m'avez également menacé, j'en déduis que vous êtes prêts à faire de même pour toutes les personnes qui vous côtoient, y compris vos alliés...
Posté : mar. 26 mai 2015, 15:46
par Claris de Corvimande
« Je crains que mes propos n'aient été mal compris. »
Claris pris le temps de réfléchir à ses formulations avant de continuer. Expliquer ce qui lui semblait aussi naturel était quelque peu délicat.
« Le fait est que toute personne est susceptible de tuer, pour des raisons qui apparaîtront toujours comme des broutilles aux yeux d'autres gens qu'eux. C'est dans la nature humaine. Seulement, la plupart des gens l'ignorent, ou, parce qu'ils ont peur de la mort, s'efforcent de le dissimuler – jusqu'à ce que la chose finisse par survenir.
En tant que serviteurs de la mort, nous considérons comme notre devoir de connaître les raisons pour lesquelles nous tuerions, y compris celles qui sont insignifiantes et ne relèvent en rien de nos intérêts rationnels. Et parce que nous connaissons ces raisons, nous en faisons part aux personnes que nous préférerions ne pas avoir à tuer, afin qu'elles puissent savoir ce qu'il en est. »
Une métaphore expliquerait-elle davantage les choses ?
« Imaginez, par exemple, qu'un mur de votre demeure soit tel que, si vous en touchez une brique précise, elle s'effondrera sur vous. Toutes les autres sont inoffensives, mais vous êtes évidemment amené à toucher certaines parties du mur au quotidien. Auriez-vous davantage confiance en ignorant quelle brique causerait l'effondrement ? »
Posté : jeu. 28 mai 2015, 15:32
par Taliesin
-Bien sûr que non.
Ce fut au tour d'Antin de chercher ses mots.
-Je pense cependant que votre philosophie... vous amène à voir la réalit d'une certaine façon. Et que pour être à même de vraiment coopérer avec ceux qui ne partagent pas ladite philosophie, vous devez... faire un compromis, essayer d'adopter au moins partiellement, et dans le cadre de ces coopérations, leur propre façon d'envisager les choses. Et je suis convaincu que c'est ce que fait votre père. Je doute en effet qu'il aille trouver chacun de ses alliés pour les prévenir des actes insignifiants qu'ils ne doivent pas commettre sous peine de mort. Je doute aussi qu'il les élimine, fut-ce des décennies plus tard, s'ils ont le malheur de les commettre par mégarde. Parce que s'il le faisait... La majeure partie des gens ne connaissant pas votre philosophie, ils ne comprendraient pas cette attitude, ces actes. Dès lors, la maison de Corvimande ne tarderait pas à perdre tous ses alliés. Donc par disparaître, car dans un empire tel que le nôtre, une maison sans appuie est vouée à la ruine, aussi puissante soit-elle.
Il soupira.
-Je pourrais également vous dire que non, tout le monde n'est pas prêt à se venger ou à tuer pour des faits insignifiants, même s'ils ne sont pas insignifiants pour eux. Et je pourrais argumenter en mobilisant bien des exemples, car... j'ai connu beaucoup de gens différents, de par mon parcours. Néanmoins, vu mon âge, je me vois mal jouer les donneurs de leçons et surtout, il s'agit là de ma façon de penser dont je n'ai pas la prétention de croire qu'elle est universelle. Revenons-en donc simplement... à ce qui nous concerne directement. Vous avez une certaine philosophie, et je la respecte. Mais elle m'est totalement étrangère.. Dès lors, en agissant en toute fidélité à celle-ci, sans vous demander, de prime abord, si je comprendrais ou non votre attitude... Vous avez été à deux doigts de me faire refuser de travailler avec vous. Car pour qui n'est pas familier des concepts de votre dieu, je vous assure qu'être menacé de la sorte... par un allié... suite à une simple plaisanterie touchant à une robe... Cela a de quoi amener à se demander si son interlocuteur n'est pas quelque peu... immature ou déconnecté des réalités de ce bas-monde. Je sais que ce n'est pas le cas, à présent, mais croyez-m'en, sur le moment... Je me suis posé la question.
Posté : ven. 05 juin 2015, 00:26
par Claris de Corvimande
À l'annonce d'Antin concernant les exemples, Claris haussa les épaules.
« Je ne pense pas que vous puissiez montrer des gens qui ne tueraient pas. Tout au plus des gens dont vous ne connaissez pas les raisons de tuer. »
Pour dire ce qu'il était, une telle assertion ne démontrait pas grand chose ; pire, elle prouvait que sa position, énoncé excluant toute forme de remise en cause, ne pouvait pas servir de base à une réflexion construite. Mais sans doute la notion de réfutabilité des hypothèses n'était-elle pas un concept que cette sorte de gens maniait avec facilité.
À la suite des propos, cependant, son attitude se fit plus sérieuse.
« Comme je vous l'ai dit, vous voir arriver ici aux côtés de mon oncle m'a fait indûment supposer que, comme les membres de sa garde personnelle, vous étiez plus au fait de nos valeurs et de nos convictions. Les hommes que vous avez côtoyé pour venir sont des serviteurs de longue date, qui connaissent notre famille aussi bien que nous la connaissons nous-mêmes ; je vous ai malencontreusement considéré comme je les considérais eux. En ce sens, je vous dois des excuses ; et évidemment, je n'aurais pas réagi de cette manière si cette erreur n'en avait pas été à l'origine. »
Posté : sam. 13 juin 2015, 15:29
par Taliesin
HRP : Antin a pris soin de dire "vu mon âge, je me vois mal jouer les donneurs de leçons et surtout, il s'agit là de ma façon de penser dont je n'ai pas la prétention de croire qu'elle est universelle". Par conséquent, à moins que Claris ne choisisse sciemment d'ignorer cette phrase, elle ne peut logiquement pas penser qu'il ne se remet pas en cause, puisqu'il ne présente pas ses arguments comme des véritées absolues mais comme des points de vue.
-Permettez-mi de préciser ce que je voulais dire. Je pense que oui, dans l'absolu et pour peu que les circonstances soient réunies, tout le monde est prêt à tuer. En revanche, non, je ne crois pas que tout le monde soit prêt à tuer pour des broutilles, surtout pas ses enfants, ses parents ou ses amis. Il doit s'agir là d'un trait caractéristique et spécifique de la philosophie du dieu que vous servez, et je me garderai bien de porter tout jugement à ce sujet. Néanmoins, vous devez admettre que tout le monde n'est pas prêt à la même chose. D'ailleurs, vous en avez conscience : lorsque nous discutions de votre couverture, et lorsque j'ai dit qu'en général, on se débarrasse des bâtards s'ils sont gênant, vous avez répondu qu'on ne sacrifie pas si facilement son propre sang.
Il haussa les épaules.
-Mais bref, inutile de pousser plus avant : vous aimez avoir le dernier mot, moi aussi, cette discussion risquerait donc d'être sans fin. Pour en revenir à l'essentiel, je comprends les raisons qui vous ont amenée à réagir de la sorte et il n'y a nulle offense.
Posté : dim. 14 juin 2015, 02:32
par Claris de Corvimande
HRP : la remarque ne visait pas à accuser Antin de quoi que ce soit, simplement à souligner que, dans l'esprit de Claris, cet énoncé est autovalidant et ne peut pas être pris en défaut, quoi qu'on y oppose (façon « l'altruisme est égoïste »). Toutes mes excuses si c'était maladroitement amené.
« Alors changeons de sujet, en effet. Nous pourrons en discuter plus avant ultérieurement si vous le désirez, mais dans l'immédiat, nous avons une tâche plus importante. Souhaitez-vous que nous reprenions – plus sérieusement, cette fois – les rôles que nous incarnerons ? Ou y a-t-il d'autres points sur lesquels nous pouvons avancer ? »
Leur mission était d'importance, de Corvimande ne l'oubliait pas, et une préparation aussi minutieuse que possible était requise.
« Il faudra informer mon père de nos identités, afin qu'il nous fasse préparer les documents nécessaires. »
Posté : mer. 17 juin 2015, 18:52
par Taliesin
HRP : Aucun souci ! Je craignais juste qu'Antin ait été mal compris.
-Cette démarche me semble être de loin la plus urgente : plus tôt nous aurons ces documents, plus tôt nous pourrons entrer dans le vif du sujet.
Il baissa les yeux sur ses livres.
-En ce qui me concerne, j'ai tous les éléments qu'il me faut. Sablons est un patronyme relativement courant, je cherchais juste une lignée particulièrement osbcure et ne disposant d'aucun fief dépassant les quelques arpents de terre. Et j'ai trouvé.
Posté : ven. 19 juin 2015, 01:20
par Claris de Corvimande
« Effectivement, cela semble tout à fait adapté. »
En ce qui concernait la biographie de Gail, il leur fallait attendre les informations qu'ils avaient demandé à Reuel.
« Mon père attendait les noms ; je pense donc que nous pouvons aller les lui communiquer dès maintenant. Mieux vaut en effet ne pas perdre de temps. »
Qu'Antin décide ou non de l'accompagner, Claris irait donc prévenir le maître des lieux aussitôt. Ensuite… eh bien, on aviserait.
Posté : mer. 24 juin 2015, 17:29
par Taliesin
HRP : Désolé, les derniers temps ont été un peu chaotiques... Je devrais pouvoir être plus régulier d'ici peu.
Qu'il est été sincère en affirmant qu'il considérait l'incident clos ou qu'il prenne sur lui afin de ne pas nuire à la réussite de la future opération - laquelle nécessiterait leur parfaite collaboration -, Antin semblait désormais parfaitement détendu et il l'accompagna volontiers jusqu'aux appartements de son père où ils furent reçus sans tarder et purent transmettre au maître des lieux leurs noms d'emprunt. Cela fut l'affaire d'une poignée de minutes.
-Je vais retourner à la bibliothèque : je dois terminer les livres que vous m'avez conseillés, annonça le sieur de la Noirelande lorsqu'ils furent ressortis du bureau.
Posté : jeu. 25 juin 2015, 00:26
par Claris de Corvimande
HRP : pas de soucis ! Ça a été pareil de mon côté.
« Bien. Pour ma part, je vais aller mettre un peu d'ordre à quelques affaires courantes. »
Leur mission allait durer un certain temps : cela signifiait que, durant ce temps, Claris ne suivrait plus ses cours habituels, ne fréquenteraient plus quelques camarades… il était donc nécessaire de prendre quelques précautions pour que les choses se passent correctement. Au besoin, sa demoiselle de compagnie lui ressemblait assez pour pouvoir jouer les rôles de doublures – ce ne serait pas la première fois –, mais cela également nécessitait quelque préparation. Même s'ils ne partaient pas immédiatement, il valait mieux s'y prendre à l'avance.
« N'hésitez pas à me faire appeler au besoin. »
Posté : ven. 26 juin 2015, 22:16
par Taliesin
-Merci. N'hésitez pas, vous non plus.
Il sourit.
-Je sortirai peut-être dans l'après-midi : je dois me procurer un équipement convenant à la condition du sieur des Sablons. Mais ce ne devrait pas être très long...
Il la salua puis commença à s'éloigner.
Posté : mar. 30 juin 2015, 01:36
par Claris de Corvimande
L'avantage de son personnage était que ses possession ne nécessiteraient sans doute pas un immense investissement : Gail avait passé les derniers jours dans la rue, après n'avoir sans doute pas reçu particulièrement grand chose de ses anciens employeurs. Une épée de bonne qualité, sans doute, formerait sa seule véritable richesse – et le stock familial en contenait plusieurs qui conviendraient très bien.
Antin parti, Claris s'en tint donc à son programme, commençant par aller trouver sa demoiselle de compagnie, avant de s'intéresser aux diverses tâches liées à ses précepteurs. Assurément, ce qu'ils prévoyaient aurait au moins le mérite de changer de la routine quotidienne.
Posté : mer. 01 juil. 2015, 17:16
par Taliesin
La journée s'écoula sans que rien ne perturbe son programme. Antin, quant à lui, ne vint pas la trouver. d'après les domestiques, il avait passé beaucoup de temps à lire et à prendre des notes avant de quitter le domaine. Il s'était présenté trois bonnes heures plus tard, à la porte de derrière, traînant derrière lui une vieille monture équipée d'un harnachement tout aussi fatigué et chargée d'un lourd ballot. Enfin, après en avoir demandé l'autorisation au maître des lieux, il avait chargé des servantes versées en l'art de la broderie de coudre des armoiries sur ses vêtements récemment acquis. Celles de la maison des Sablons à laquelle il prétendrait appartenir, sans nul doute...
Posté : ven. 03 juil. 2015, 00:55
par Claris de Corvimande
De Corvimande avait poussé la curiosité jusqu'à venir voir lesdites servantes à l'œuvre : Sablons était effectivement un patronyme plutôt courant et, plusieurs armoiries s'y rattachait : le jeune homme avait-il choisi de celles que Claris connaissait, ou bien était-il allé chercher son inspiration plus loin ? Quels en seraient les couleurs ? Sable, gueules, azur, sinople ?
Le savoir n'apporterait sans doute pas grand chose ; mais ce serait une information pour patienter jusqu'à ce que son père ait obtenu les papiers et les informations requises. Ensuite, l'on pourrait passer à la suite. Sans doute, messire des Sablons se présenterait-il le premier, rejoint par Narslan quelques temps plus tard. Une mission intéressante, et pour laquelle, pour une fois, l'aval de son père avait été donné à l'avance. Assurément, cela en vaudrait le coup.
Posté : ven. 03 juil. 2015, 17:31
par Taliesin
De gueules, à l'alcyon d'or, les armoiries choisies par Antin étaient inconnues de Claris : soit il les avait inventées, soit il avait justement jet éon dévolu sur elles pour leur caractère obscur. Si elles étaient bel et bien réelles, elles devaient appartenir à une famille vivant fort loin de la capitale ; le meuble, quant à lui, semblait suggérer un fief situé sur la côte ou à proximité d'un marécage.
Après le repas, qui fut pareil aux précédents, Reuel convoqua les deux jeunes gens dans son bureau pour leur transmettre les informations qu'il était déjà parvenu à recueillir. Il apparaissait d'abord que les Archelieu n'avaient pas mobilisé le personnel de leur manoir citadin pour la guerre : il ne serait donc nullement nécessaire de prétendre avoir participé à celle-ci. Ensuite, le maître d'armes attaché à cette résidence citadine, Rodrick d'Âpremont, avait officé auprès de différentes familles - y compris bourgeoises - avant d'entrer à leur service. Il semblait même qu'il ait poursuivi ce type d'activité ensuite, pour tromper son ennui - après tout, ses employeurs séjournaient très rarement à Melandis...
Posté : mer. 08 juil. 2015, 00:04
par Claris de Corvimande
Cette dernière information pouvait s'avérer quelque peu problématique vis-à-vis de leur projet : plus le maître d'arme avait eu d'employeurs récents, plus grands était les risques de rencontrer quelqu'un le connaissant suffisamment pour s'étonner de l'existence de ce jeune assistant sorti de nulle part. Toutefois, il était vraisemblable – et les informateurs de Reuel avaient sans doute pris soin de se renseigner sur ce point, sur lequel Claris ne manqua pas de demander des précisions – que la liste de ces employeurs occasionnels comporte principalement des familles bourgeoises, ou plus bas placées que la maison d'Archelieu, faute de quoi celle-ci ne serait sans doute pas demeurée son attache principale. Et plus bas placés étaient lesdits employeurs, plus les risques d'interaction avec des gens aussi imbus d'eux-mêmes que les Valombre étaient faibles.
Toutes les informations qui avaient pu être réunies sur ce Rodrick d'Âpremont étaient également utiles, car elles permettraient de parfaire l'identité de Gail Narslan, une certaine adéquation entre les caractères du maître et de son assistant étant vraisemblablement requise.
Posté : jeu. 09 juil. 2015, 19:34
par Taliesin
Effectivement, et plus qu'à coup sûr pour éviter de froisser les Valombre, Rodrick d'Âpremont n'avait plus officié qu'auprès de familles de la bourgeoisie une fois entré à leur service. Pour le reste, c'était un nobliau d'âge mur qui, un quart de siècle plus tôt, s'était bravement battu au cours de la guerre qui avait vu les Melandiens tenter d'envahir Helonna. On le disait bon vivant, aimant à bien boire et à bien manger, aimant aussi à jouer et à courir les jupons. Mais dans le cadre de ses fonctions, il était réputé pour son efficacité, son implication et une certaine sévérité.