La Couronne de Cuivre

Le sergent esquissa un sourire avant de répondre d’un ton conciliant :

- Je me doutais de votre réponse et je suis content de compter une fine lame comme la vôtre. Et une combattante pleine d’aplomb. Nous allons avoir besoin de l’une et de l’autre. Quant à Surya, je lui poserai la même question. Allons la rejoindre : nous ne trouverons rien de plus ici et nous devons encore examiner le sommet de la colline bien que je craigne ce que nous allons y trouver.

Galariel hocha la tête pour acquiescer, les paroles du sergent risquaient d'être prophétiques, les corps des villageois n'avaient pas encore été retrouvés.

- Vous avez raison sergent, il est temps de terminer nos recherches. Quoique nous risquions de trouver.

Elle aussi se mettait à prophétiser de mauvaises augures, mais après tout cette journée ressemblait tellement à un conte horrifique que l'on racontait autour du feu de camp pour faire peur.

- Je suis désolée pour votre frère, murmura Surya. Et pour tous ceux de votre village, aussi...
Elle huma le breuvage, le jugea parfaitement infusé et leur en servit chacune une tasse.
- Tenez, buvez ça, ça va vous faire du bien. Ensuite, nous rejoindrons les soldats. Ils ont dû finir de fouiller la maison... et peut-être même le reste du village. ils auront peut-être des informations à nous apprendre... enfin, sauf si vous préférez attendre ici que j'aille aux nouvelles ?

La jeune fille s’empara de la tasse avec reconnaissance et commença par répondre qu’elle ne souhaitait pas être laissée seule.

- Vous êtes gentille, vous.

Mais les soldats - ainsi que Galariel - redescendirent dans la salle d’audience juste à ce moment. Surya pouvait donc sans peine venir aux nouvelles sans s’éloigner outre mesure de sa protégée. Du reste, le sergent lui fit un signe discret pour lui transmettre informations ou instructions probablement.

Surya répondit d'un signe de tête à l'injonction, et se tourna vers la jeune fille pour l'avertir de ses intentions.
- Je suis juste à côté, le sergent m'appelle. Je reviens vite. Mais prenez le temps de boire votre thé tranquillement...
Elle traversa rapidement les quelques mètres qui la séparaient du groupe, notant au passage l'allure grave mais déterminée de Galariel.
- Vous avez trouvé quelque chose d'important ? s'enquit-elle. Quelque chose qui expliquerait qui ils sont et où ils se dirigent, par exemple ? Ou alors... des... mauvaises nouvelles peut-être ?

Galariel sourit intérieurement, le babillage de Surya pouvait alléger la pire des situations et surtout en ces instants douloureux. Elle laissa le sergent répondre à toutes ses questions, après tout en tant que responsable de la mission c'est à lui que revenait cette charge.

Le sergent entraîna la jeune barde à l’écart pendant que Tristan surveillait discrètement la rescapée pendant son absence :

- Ce que nous avons trouvé n’était pas joli du tout mais nous avons tout de même réuni quelques informations utiles. Rien de bien nouveau mais des confirmations : il y aurait entre trente et cinquante cavaliers. Des mercenaires apparemment. La plupart serait des guerriers mais ils compteraient au moins deux prêtres et un mage dans leurs rangs. Ils ont apparemment tenté de négocier une reddition du village mais ce n’était qu’un leurre. Nous ne savons pas encore quelles étaient leurs intentions réelles ni s’il y a des survivants. Pour cela, il faut explorer la colline puis nous devrons suivre leur piste. Je vais envoyer deux personnes faire un rapport à Graëlon et raccompagner la jeune-fille. Vous pouvez en être si vous le souhaitez : elle a confiance en vous.

Surya hésita. Bien sûr, la jeune fille aimerait certainement qu'elle l'accompagne. Elle était terrifiée, elle l'avait identifiée comme figure amicale et bienveillante et avait besoin de sa compagnie. En même temps... elle était sensée se renseigner au maximum sur cette guerre. Où en apprendrait-elle le plus ? En suivant la piste des monstres responsable de ces horreurs ou en retournant à Graëlon ? Hummm... les deux options se défendaient. Au coeur de l'action, elle pourrait sûrement en tirer une chanson, et serait aux premières loges pour apprendre ce qui se tramait. Mais à Graëlon... était-ce là-bas que se trouvait le commandement ? Dans ce cas c'était un bon endroit pour apprendre tout ce qu'il y avait à savoir sur la guerre. Et puis, elle n'oubliait pas la lettre qu'elle avait reçue : rester près du drow, le surveiller. Il se trouvait probablement à Graëlon. Oui, mais si on la confinait tout bonnement dans un coin sans plus rien lui demander ou lui confier d'utile ? Bah, c'était à elle de s'arranger pour s'informer après tout...
- J'irai où vous pensez que je suis le plus utile, répondit-elle finalement, presque humblement. Je pense qu'en effet la jeune fille souhaiterait ma présence, et je ne crois pas être indispensable pour traquer ces criminels... Mais si vous pensez que je suis plus utile en vous suivant là-bas, alors je vous suis.

Le sergent lui adressa un regard scrutateur qui semblait apte à percevoir les doutes et les interrogations de la jeune barde. En proie à l'indécision, il ne répondit pas immédiatement, échangeant un regard avec Tristan avant de revenir à Surya :

- J'avoue répugner à vous proposer de nous accompagner. Non pas que vos talents nous seraient très certainement des plus utiles, mais ce dont ces hommes sont capables est effroyable. Et vous n'êtes pas sous commandement. Alors c'est à vous de décider : aider cette jeune fille en l'accompagnant ou nous aider en retrouvant peut-être d'autres captifs qui en auront eux aussi besoin.

Galariel sentit le combat intérieur qui agitait Surya, entre femmes on se comprenait plus ou moins. Elle devait être déchiré entre son devoir d'accompagner la patrouille ou d'épauler moralement la jeune survivante, et cela ne devait pas être facile. Elle ne savait pas comment intervenir pour l'aider.

Surya n'avais pas forcément envie de voir des horreurs comme celles qu'elle venait de voir. Savoir qu'elles existaient lui suffisait pour son rapport. Avoir participé à ce début de mission était largement suffisant pour en avoir ressenti l'ambiance, de quoi alimenter une chanson dramatique et épique si un jour elle trouvait le courage de l'écrire. mais pas maintenant. et quoiqu'en dise l'officier, elle ne serait guère utile s'il fallait traquer et combattre une armée de mercenaires fous. Tout ce qu'elle savait faire, c'était chanter pour donner du courage aux combattants, et quelques sorts plus ou moins utiles. Rien d'autre. Non, elle était objectivement plus utile en raccompagnant la jeune fille. Et puis, surtout, Graëlon... c'était là-bas que se trouvait le commandement de l'armée, là-bas qu'elle glanerait toutes les informations qu'elle souhaitait. Là-bas qu'elle devait donc aller.
- Si vous n'y voyez pas d'objection, alors j'accompagnerai la jeune fille à Graëlon. Je crois qu'elle est encore trop sous le choc pour supporter de ne se trouver entourée que d'hommes.
Ce n'était pas la raison principale... en tout cas, pas la seule.
Elle se tourna avec un sourire désolé vers Galariel dont elle devait se séparer pour un temps.
- Nous nous reverrons sûrement très bientôt, de toute façon...

Le sergent ne manifesta aucune émotion, se contentant d'accuser réception de ce choix qui le soulageait peut-être un peu. Galariel était plus ou moins dans la position de Surya mais elle avait déjà prouvé qu'elle savait se défendre avec une épée. Elle ne constituerait pas une victime potentielle à surveiller et à protéger. La petite barde peut-être pas non plus mais elle semblait immanquablement plus fragile, une potentielle victime des bourreaux déments qu'ils allaient traquer.

Ils sortirent de la demeure seigneuriale et le sous-officier donna ses ordres :

- Inutile que nous allions tous sur la colline. Surya, vous pouvez rejoindre le campement dès à présent si vous le souhaitez mais attendez notre retour pour vous mettre en route : je veux de toute façon que nous soyons tous loin d'ici dans une heure.

Galariel s'inclina pour saluer Surya, elle était bien sur triste de voir une compagne d'aventure partir sur une autre voie mais en même temps, elle serait en sécurité.

- J'espère mon amie que nous nous retrouverons une fois que ces tristes événements seront terminés, j'ai hâte d'écouter une de tes chansons au coin du feu

Après avoir pris congé de Surya, elle accompagna le sergent et les hommes qui allaient inspecter la colline.

Surya, pour sa part, rejoignit la jeune fille dans la cuisine. Inutile de la laisser seule plus longtemps que nécessaire.
- Lucinda ? Le sergent m'a dit que deux soldats vous escorteraient à Graëlon. Et je vais vous accompagner également. Je ne suis pas réellement utile ici...
Les soldats seraient sans doute soulagés de n'avoir pas avec eux une jeune barde trop sensible, guère habituée aux horreurs de la guerre. Mais tout de même, en guise d'horreur, il lui semblait que celles-ci dépassaient largement les actes habituels qu'on rencontre en temps de guerre. Etait-ce son inexpérience qui lui faisait dire ça ? Peu importait. Elle se sentait de toute façon plus à sa place en train de faire le compte-rendu de ce qu'ils avaient découvert aux autorités, qu'à explorer un village sinistré en allant de découverte macabre en découverte macabre.

La jeune fille parut visiblement soulagée et leva des yeux brillants vers Surya :

- Vous allez rester avec moi alors ? Je veux sortir d'ici... Mais j'ai aussi peur d'aller dehors. Et si les mercenaires nous tendaient une embuscade ? Nous devrions repartir tous ensemble, non ?

***

Pendant ce temps, Galariel, Tristan et le sergent les avaient précédé dehors et remontaient déjà la colline. Et ce que les mercenaires leur avaient concocté en matière d'ultime provocation. Si les luméniens se posaient encore légitimement des questions sur ce qu'il était advenu des corps des villageois, le chêne - autrefois magnifique et vénérable - leur fournissait une cruelle réponse en un nouveau spectacle odieux.

- Nous ne devrions pas les laisser ici. Sans sépulture.
- Nous n'aurons pas le temps pour des tombes ou des cairns. Il faudra les brûler. La nuit sera bientôt sur nous.

Seul point positif, des traces, nombreuses dans la boue autour de l'arbre, leur fournissait enfin une piste à suivre. Certaines étaient celles de piétons, signe qu'il y avait peut-être des prisonniers à libérer.

Les traces représentaient enfin quelque chose de concret à quoi se raccrocher pour retrouver les auteurs de ces atrocités, elle laissait aux deux chefs de la patrouille le soin de décider quoi faire des corps. Elle-même les aurait laissé là, ils étaient morts et leurs âmes étaient auprès de leur dieu, on pouvait l'espérer du moins, chaque minute perdue à leur donner une sépulture ou les brûler était autant de minutes que les mélandiens prenaient d'avance sur eux.

- Faut-il comprendre que nous n'allons pas partir à leur poursuite avant demain matin? Qui sait le sort funeste qui peut attendre les éventuels survivants pendant que nous resterons ici. Elle s'arrêta avant de faire remarquer L'incendie du bûcher risque de signaler notre présence à nos ennemis

Ce fut Tristan qui prit cette fois la parole. Galariel put lire combien ce délai lui pesait également mais il n’hésita pas à défendre sa position pour autant :

- Je comprends votre hâte à vous occuper des éventuels survivants mais nous n’irons pas bien loin avant la nuit de toute façon. Nous ne pouvons pas décemment laisser ces corps dans cet état sous peine de voir d’autres abominations que les âmes en peine pulluler dans les environs d’ici à quelques heures. Si j’avais de l’eau bénite, je pourrais éventuellement prévenir une transformation de ces corps mais nous allons devoir faire avec les moyens à notre disposition.

Le sergent était resté silencieux jusque-là mais ajouta finalement :

- Tristan, je vais vous laisser deux hommes pendant que nous dressons le campement à l’écart du village et sur la piste de ces bouchers. Rejoignez-nous avant la nuit. Quant aux autres, il est temps de les laisser partir afin qu’ils trouvent un lieu de bivouac avant le crépuscule.

l'argumentation du prêtre tenait la route, se retrouver avec des morts-vivants en plus qui déambulaient la campagne était une chose qu'on ne pouvait se permettre. Même si en l'occasion Galariel préférait penser aux vivants qu'aux morts, à moins qu'elle s'inquiétait plus de perdre une occasion de batailler que de sauver d'éventuels paysans en détresse, elle était une guerrière avant tout.
Néanmoins elle se rendit aux arguments des deux hommes.

- Soit, montons notre campement.

Surya prit la main de la jeune fille, cherchant à soulager ses angoisses.
- Nous vous inquiétez pas, je ne pense pas qu'ils nous tendront une embuscade. Ils sont partis il y a un moment, et ils ne savent pas que nous sommes ici. Et puis, s'ils se trouvaient entre Graëlon et là, nous les aurions vus à l'aller, nous aurions au moins vu des traces... Et ils nous auraient attaqués pour ne pas nous laisser arriver ici. Donc non, je pense qu'on ne risque rien en revenant vers Graëlon. Et puis, nous ne serons pas seul, je crois qu'il a parlé de nous adjoindre deux soldats, pendant que les autres s'occuperont de rechercher ces criminels.
Elle eût un sourire apaisant.
- Nous devrions descendre dans le hall. Enfin, si vous avez fini votre thé... Donnez-moi votre tasse, je vais faire un brin de vaisselle tout de même avant d'y aller. Mais j'y pense, il va vous falloir des vêtements de rechange, quelques bagages... Vous avez un sac, quelque chose pour les transporter ?
Se concentrer sur ce genre de besoin concret était un bon moyen de la détourner de ses idées sombres.

Pour Surya

La jeune fille fit tout d’abord part de son peu d’entrain sinon de sa crainte à retourner à l’étage se chercher des affaires mais elle accepta tout de même de s’y rendre en compagnie de Surya, évitant soigneusement la chambre de son frère et les horreurs qui s’y étaient commises. Une demi-heure plus tard, elle avait réuni dans un sac un certain nombre d’objets de première nécessité, des vêtements de rechange et les quelques richesses entreposées dans la maison. Elle était fin prête au départ, à condition de lui trouver un cheval ou de la prendre en croupe sur le robuste poney de la jeune barde.

Pour Galariel

Le sergent secoua la tête et se tourna vers Galariel :

- Nous allons nous mettre en route et suivre ces traces pendant une heure avant de dresser le campement. Je ne veux pas que nous soyons trop proches du village à la nuit tombée. Quitte à affronter un ennemi, autant que ce soit ces brigands mélandiens que des créatures d’outre-tombe. Les autorités manostiennes devront régler eux même ce problème. Et peut-être nos prêtres se porteront volontaires, après la guerre.

Restait à Galariel à dire au revoir à sa compagne si elle le désirait. Celle-ci venait en effet de ressortir de la maison en compagnie de sa jeune protégée.

Galariel remarqua Surya, elle se tourna vers le sous-officier:

- Excusez moi un instant sergent, je vais prendre congé de notre compagne de route

la jeune femme rejoignit la barde toujours occupée à soutenir la survivante retrouvée peu de temps auparavant, Surya se rendit compte de sa présence quand la guerrière s'arrêta à deux pas d'elle.

- Eh bien voilà mon amie, nos chemins se séparent pour le moment

Surya acquiesça.
- Ce ne sera pas pour très longtemps, j'espère. Vous devrez sûrement revenir bientôt à Graelon, rendre compte de votre mission... Ou peut-être qu'on vous enverra des renforts, et que je les accompagnerai, qui sait. Mais le plus probable est que vous reveniez bientôt : ils n'ont pas emmené du ravitaillement pour si longtemps que ça...
Elle sourit à la guerrière.
- En tout cas, je vous souhaite une bonne route... Et bonne chance pour les heures et jours à venir, qui risquent d'être particulièrement difficiles. Je n'ai peut-être pas le coeur suffisamment bien accroché pour ça...

Les "adieux" ne s'éternisèrent pas, chacun ayant conscience de la route qui restait à parcourir et de nuit qui viendrait toujours trop tôt. Une nuit où il faudrait suspendre les recherches pour les uns, bivouaquer pour reprendre des forces avant une autre journée de marche vers Graëlon pour les autres. Comme prévu, Tristan et deux soldats furent les seuls à s'attarder au village pour accorder les derniers soins aux corps des malheureux suppliciés. Aucun de ceux qui prirent aussitôt la route ne leur envia cette sinistre tâche.

Pour Surya :
Devant le village, la barde et sa protégée retrouvèrent le fou manostien toujours affalé dans sa flaque de boue et poussant de temps à autres des cris déments puis s'effondrant en sanglots. Il était évident que ce à quoi il avait été contraint d'assister avait irrémédiablement eu raison de sa santé mentale. Lucinda échappa un instant à la proximité protectrice de Surya pour s'approcher de lui et s'exprimer d'une voix étonnée, incompréhensive :

- Je connais cet homme. Il est arrivé juste avant l'attaque. Nous ne devrions pas le laisser ici.

Pour Galariel :
Le sergent et la guerrière furent bientôt rejoint par quatre hommes et ne tardèrent plus à se mettre en route. Il n'était nul besoin de talents de pisteurs pour suivre les traces laissées par les mercenaires et, détail qui incitait tout le monde à se presser, une dizaine au moins d'empreintes de piétons accompagnaient celles, bien plus nombreuses, des chevaux. Les prisonniers les retarderaient, quels que soient les sinistres projets qu'ils leur réservaient. Mais ils avaient de l'avance, beaucoup d'avance : la poursuite ne faisait que débuter. Et elle s'arrêta bien trop tôt car moins de deux heures après leur départ, le sergent ordonnait que l'on monte le camp à l'abri d'une petite grotte. Leurs préparatifs et la plupart des hommes avaient déjà fini de manger quand ils furent rejoint par trois cavaliers fatigués, nerveusement surtout. Tristan et les deux gardes restants mangèrent à leur tour sans un mot.

Surya hocha la tête.
- Nous devrions le raccompagner à Graëlon... Mais encore faut-il qu'il accepte de nous suivre. Dans son état, ce n'est pas évident. Et pourtant, si on le laisse ici, avec les morts-vivants qui vont immanquablement rôder dans le village sous peu, il ne passera pas la nuit.
Elle soupira.
- Peut-être que la mort est préférable à la folie. Ce qu'il a vu l'a trop affecté, je doute que quiconque puisse quelque chose pour lui. Après, peut-être, je ne sais pas, que les prêtres ont des sortes de dispensaires où ils peuvent permettre à ce genre de personne de finir tranquillement leurs jours...
Elle haussa finalement les épaules.
- Quoiqu'il en soit, même si la mort est préférable... On ne devrait pas le laisser à la merci des morts-vivants. Je vais voir s'il accepte de nous suivre...
La barde s'approcha avec circonspection de l'homme.
- Soldat ? interpella-t-elle, réalisant qu'elle ignorait son nom.

L'animation du souper avait été inexistante, alors que ce bref moment de détente représentait souvent pour les hommes la seule occasion de se "lâcher" de la journée. Galariel, contrairement à son habitude, n'avait pas avalé grand chose, mais on ne pouvait lui blâmer de ne pas avoir grand appétit au vu de ce qu'elle avait vu durant cette morne journée. De même le sommeil ne semblait pas pressé de la visiter pour cette nuit, elle n'était pas sujette aux cauchemars mais ne voulait pas tenter le diable, et demanda à assurer le premier tour de garde.

Pour Surya
Le messager releva un regard injecté de sang et passablement humide vers la petite barde. Sans se relever de sa flaque de boue, il esquissa une sorte de parodie de salut militaire avant de déclamer d'une voix forte :

- Caporal Fortdubras au rapport mon lieuten. Euh, mon capit... Euh non, mon général ! Oui c'est ça !

Pour Galariel
Aucune objection ne fut opposée à la proposition de Galariel de prendre un tour de garde mais un second soldat fut tout de même désigné pour l'assister : le sergent ne voulait prendre aucun risque et avait ordonné de doubler tous les tours de la nuit. Cela forcerait tout le monde à y participer mais personne ne sembla mettre en cause le bienfondé de cette mesure de prudence.

Tous se couchèrent donc mais Galariel perçut que nombre d'entre eux ne parvenaient pas à trouver le sommeil. Le dernier soldat s'approcha d'elle avant de s'installer de manière à observer la vallée qu'ils auraient à affronter le lendemain.

Galariel observait l'horizon avec attention, espérant voir une lueur même fugitive qui permettrait de situer l'ennemi mais les seules lueurs présentes étaient celles distillées par les étoiles parsemant la voûte céleste et Séluné qui inondait les ténèbres de sa clarté argentée.
Plusieurs froissements parmi les corps allongés non loin indiquaient que plusieurs des hommes n'allait pas passer une bonne nuit.

Surya eut un instant d'hésitation quant à la meilleure tactique. Puis elle finit par lancer, d'un ton calme et assuré.
- Caporal Fortdubras, nous allons maintenant rejoindre le contingent. Votre compagnie vous attend pour entendre votre rapport. Mais nous devons partir très vite et quitter ce secteur trop dangereux. Nous devons en particulier protéger la jeune fille que voici, ajouta-t-elle à voix basse, donc il nous faut impérativement nous éloigner de cette zone non sécurisée.
A vois plus haute, elle ajouta.
- Etes-vous prêt à nous suivre ?

Pour Surya :
Surya était une bonne comédienne et son public bien disposé à son égard. Le caporal bondit donc sur ses pieds et se mit au garde à vous ou ce qui pouvait le plus y ressembler pour un homme à l’uniforme déchiré, se tenant dans la boue et les yeux hagards.

Après qu’on lui ait prêté une veste, il suivit la jeune barde docilement comme s’il s’était agi de son officier légitime. Comme on n’avait pas de cheval à lui prêter et qu’il n’aurait de toute façon pas été avisé de le faire, un des cavaliers de l’escorte le prit en croupe. Lucinda n’eut pas à insister longtemps avant de faire de même sur le poney de Surya et la troupe se mit enfin en route, à bonne allure.

Au bout d’une heure cependant, le cavalier parti légèrement en éclaireur revint à bride abattue :

- Un groupe de cavaliers approche. Il m’a semblé reconnaître des uniformes manostiens. Il est trop tard pour se cacher mais nous pouvons les distancer au besoin : les chevaux d’éclaireurs de la Trouée sont les plus rapides du continent !

Lucinda se crispa dans le dos de Surya… Visiblement la rencontre réveillait des angoisses. Et si ce n’étaient que des imposteurs ? Des mélandiens, encore.

Pour Galariel :
Les étoiles semblaient immuables, indifférentes aux massacres et aux atrocités que les humains pratiquaient ici-bas. Quoiqu’elle aurait certainement aimé en découdre, Galariel ne repéra rien d’alarmant pendant son tour de garde. Elle échangea peu de mots avec son partenaire qui ne semblait pas vraiment désireux de se lancer dans une longue conversation. Et vint le moment d’être relevée par le groupe suivant et de rejoindre la communauté des dormeurs. Ou de ceux qui tentaient vainement de se reposer en tous cas.

HRP : tu peux nous mener jusqu’au matin si tu veux.

La jeune femme aurait bien pu passer toute la nuit à monter la garde car elle ne parvint pas à s'endormir tout à fait. Plusieurs fois ses yeux se fermèrent mais le moindre bruissement de la végétation environnante, le moindre son émis par un représentant de la faune nocturne local aussi ténu soit-il la sortait de la torpeur dans laquelle elle essayait de plonger. A ce rythme la nuit lui sembla longue, très longue, et quand enfin quand les premières lueurs de l'aube commencèrent à éclaircir l'horizon, Galariel était encore plus fatiguée que la veille.

La Couronne de Cuivre

Quête : Guerre des Plaines Brûlantes – Galariel et Surya